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est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

  • Jérôme Pérez
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est-ce vraiment une affaire de goût ? 2 a été créé par Jérôme Pérez

la partie 1 s'intéressait au seul aspect du grand vin : universel ou pas. Cette réflexion est bien plus générale.

Sommes-nous libres de nous goûts ? Où sont-ils influencer par nos lectures, notre niveau d'aspiration ? Ce que j'ai appelé longtemps la dictature de l'acidité, n'en suis pas finalement sous le joug ? Où sont-ce réellement mes goûts ? De la même façon, aujourd'hui, les vins de Bourgogne rouges que je n'ai longtemps pas compris, m'attirent de plus en plus ; on dit souvent que jeune amateur on aime les Bordeaux et qu'à sa retraite, on est amateur de Bourgogne …
Cette évolution du goût vers plus de finesse et de tension est-elle normale ou finalement suivons-nous un itinéraire qu'on a tracé pour nous ? C’est une question à mon avis fondamentale ; celle qui consiste à savoir si les goûts sont si personnels ou si « quelque chose » les façonne. Cette expression « c’est une affaire de goût personnel » est à mon sens brandie trop souvent, comme un paravent, l’argument ultime à toute discussion, le point final, quand justement on est à court d’arguments. Est-il si certain que nos goûts soient si personnels ? Nous les forgeons, à force de goûter, nous faisons peut-être aller dans une direction plutôt que dans une autre.
Il est évident que l’environnement culturel de dégustation va jouer : tel amateur vivant au cœur de la Bourgogne et y faisant son terrain de découverte privilégié aura bien des difficultés à apprécier la chaleur d’un vin méditerranéen. A l’inverse, l’amateur éperdu de Languedoc qui fait des vins de cette région son domaine de prédilection aura toutes les chances de trouver grinçant même le plus solaire des vins de la Côte de Nuits. Mais qu’est-ce qui fait que nos terrains d’observation finalement soient mouvants ?
Nos capacités à accéder à tels ou tels vins y est pour beaucoup : que ce soit par la géographie, le niveau social et culturel, le pouvoir d’achat.
De là à estimer que c’est la raison pour laquelle nous apprécions davantage les Bourgogne après un âge avancé, conforte en effet le fait que les bons Bourgogne sont chers et que rares sont les jeunes amateurs qui peuvent se les payer.
Ceci étant exprimé, croire que ce facteur économique serait le seul vecteur de sa propension à apprécier tel ou tel type de vin serait un raccourci trop saisissant. Il y a bien une imprégnation par la mode qui s’opère, ou par l’air du temps si le terme de mode semble trop fort. Il y a trente ans, le chardonnay était considéré comme le roi des cépages, celui qui avait la faculté de traduire au mieux les nuances du terroir et les vins plébiscités étaient alors les premiers et les grands crus de la côte de Beaune. Personne aujourd’hui n’oserait remettre en cause la place du riesling comme au moins son rival si ce n’est le champion incontesté du plus qualitatif des cépages. Dont je suis… Il paraît quand même judicieux de préciser qu’il est plus aisé de trouver et d’acheter un grand riesling alsacien ou allemand qu’un grand cru Bourguignon, ce qui revient à conforter une fois de plus l’argument économique. Mais il est patent également que le tout boisé est devenu insupportable à bien des dégustateurs et que le naturel du fruit éclatant du riesling qui ne s’accommode guère de la barrique y est pour beaucoup : les bourguignon ayant eu à l’inverse, la main un peu lourde sur le chêne neuf, donnant un style presque caricatural que les amateurs, non seulement ne recherchent plus, mais fuient.
A l’instar du riesling, d’autres cépages ont le vent en poupe auprès des amateurs : le chenin et finalement les cépages qui ont donnent une acidité bien marquée dans les vins. A l’opposé, des vins, voire des cépages sont tombés presque en disgrâce, parce que leur côté trop charmeur en faisait des vins trop variétaux ! Il serait intéressant d’analyser ce refus du fruit facile, ce refus de la largesse vers plus de rudesse, plus de minéralité, bien que personne ne sache réellement donner une définition à ce terme qui se confond hélas parfois avec une insuffisance de maturité. Mais le champ est le même : rien de lourd, nous réclamons du cristallin, du pur. Comme si une belle expression du sauvignon ne saurait être pure, de même que le gewurztraminer est forcément entêtant, et quand il ne l’est pas, nous nous efforçons de le préciser, comme si par nature il l’était !
Et que dire de cette nouvelle façon d’apprécier le vin que s’il est sans soufre ? Certains disent que ce sont des vins vivants sans que je ne puisse comprendre ce que cela revêt de réalité. Dans cette mouvance, on arrive même à se persuader que certaines déviances sont bonnes et source de plaisir : je ne veux pas juger ici cette mode (car c’en est bien une), mais elle prouve que finalement les goûts, c’est-à-dire le faisceau de saveurs que l’on apprécie plus que d’autres, est tout à fait changeant et qu’il ne relève pas seulement de cet aspect sensitif, mais il est bien plus intellectuel qu’il n’y paraît. Il n’appartient pas à l’individu de façon innée, mais plutôt « au groupe » dont d’ailleurs il n’est pas facile de s’émanciper.

Jérôme Pérez
26 Oct 2014 09:17 #1

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Réponse de blackmania sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Le goût est, aussi, formaté par le groupe...sans doute. Groupe auquel on appartient ou auquel on aimerait appartenir.
Les hommes sont des animaux sociaux qui ont besoin constamment de reconnaissance. C'est leur point faible.

Le Riesling peut être aussi très varietal.
26 Oct 2014 09:40 #2

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Réponse de Jean-Bernard sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Moi ce qui me questionne c'est de dire: on aime tel type de vins à un moment, tel type à un autre...
C'est sans doute très vrai... On lit ici par exemple l'expérience de Thierry sur une trentaine d'années, tout bordeaux à une époque, puis carrément rhône et maintenant bourgogne-addict...
Moi ça me fascine car je n'ai jamais bloqué sur une région en particulier... Est- ce parce que je suis moins passionné?

JB
26 Oct 2014 09:52 #3

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Réponse de BoiPaKeDeLo sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

"on dit souvent que jeune amateur on aime les Bordeaux "

Je n'ai pas encore tout lu, mais ici je dirais plutôt que jeune amateur, on achète bordeaux, ce qui est très différent. On l'achète par mimétisme, pour sa réputation. En l'achetant, peut-être qu'on apprend à l'aimer. Mais au départ ce n'est pas une histoire de gout. Ensuite on s'apercoit qu'on s'est (peut-être) fait avoir, et on va voir ailleurs.
On se cultive, on goute beaucoup de chose, et alors le gout personnel prendra de plus en plus d'importance dans les choix.

La question peut se résumer aux 3 premiers mots de l'exposé : "Sommes-nous libres ?" Non, mais on peut le devenir.

Olivier

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Olivier
« Consommée avec modération, l’eau ne peut pas faire grand mal » (Marc Twain)
26 Oct 2014 10:08 #4

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Réponse de Benoit Hardy sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Ensuite on s'apercoit qu'on s'est (peut-être) fait avoir, et on va voir ailleurs.

cf le nombre de Bordeaux en vente dans la rubrique idoine! ;)
26 Oct 2014 10:17 #5

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Réponse de Clément Charignon sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Moi ça me fascine car je n'ai jamais bloqué sur une région en particulier... Est- ce parce que je suis moins passionné?

Jean-Bernard, je ne pense pas que tu sois moins passionné. On pourrait dire que tu es en quelques sortes un passionné "généraliste".
Je trouve ça très noble également.

Pour ma part, actuellement, je pense être aussi un passionné "généraliste".
C'est vrai que je ne bloque pas sur une région en particulier, sauf peut être l'Alsace, par méconnaissance et par éloignement géographique de cette région.
Je pense que nos fréquentations influent beaucoup sur nos goûts.
En effet, depuis je fréquente LPV, je suis devenu fan des vins de Reynaud.
Le fait d'avoir fréquenté des personnes originaires du Val de Loire et des personnes sensible à la biodynamie,lors de ma formation BTS Viti-Oeno, a également fait évolué mes goûts.

Amicalement,

Clément
26 Oct 2014 11:26 #6

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Réponse de Martinez sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Il y a un effet qui existe bel et bien dans un groupe où l'on intellectualise quand même les dégustations : la propension à se montrer réceptif à ce que l'on nomme le raffinement, la finesse, l'élégance car c'est flatteur, il y a toujours l'idée que quand on est capable de saisir du raffinement on est alors au-dessus du troupeau. Or dans nos lectures, quelles qu'elles soient, ce raffinement est relié à de l'acidité, de l'élégance, de la digestibilité, de la légèreté de l'implicite, de la finesse.... et parfois à de la rareté.
Ceci peut nous pousser à faire évoluer nos goûts primaires au-delà de ce que nous ferions si nous étions toujours isolés.
Je pense qu'il y a dans ce processus une part de légitimité car finalement il est bien de rechercher le raffinement, ça élève mais en même temps, je suis parfois interloqué de voir que certains vins deviennent rejetés car ils ne répondent plus, collectivement, à ce phénomène alors que pour moi ils sont aussi raffinement dans leur style - je pense à la cuvée sylla par exemple - et il y a en d'autres.
Pour moi l'écueil il se situe dans le fait qu'on est en permanence et à cause de l'effet groupe dans un processus d'émulation sur le derniers styles à la mode et de substitution plutôt que dans un processus d'addition et d'adaptation à différents contextes. Et, on arrive à éliminer des styles alors qu'à intérieur de ces derniers il y a toujours des vins raffinés, digestes répondant à des accords précis ou à des contextes toujours existants....

Jmm
26 Oct 2014 13:57 #7

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Réponse de BoiPaKeDeLo sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

"Il (le gout) n’appartient pas à l’individu de façon innée"

Concernant le gout je crois qu'il existe bien une tendance innée. Le bébé, l'enfant, sont d'abord attirés par le sucré. Le jeune amateur de vin ira plutôt vers des vins faciles; il est connu que pour initié un jeune au vin, il vaut mieux commencer par les doux/moelleux. Avec l'age nous devenons moins dépendant de cette attirance au sucre, pour aller plus vers le salé. Cette tendance se retrouve dans notre évolution d'amateur de vin.

Olivier

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Olivier
« Consommée avec modération, l’eau ne peut pas faire grand mal » (Marc Twain)
26 Oct 2014 17:52 #8

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Réponse de kalmah sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

	Sommes-nous libres de nous goûts ?
J'estime être totalement libre de mes gouts car je déguste souvent en semi-aveugle. Souvent je me plante de région d'étiquette et il m'arrive souvent de mettre un "très plaisant" à un ptit vin italien des Abruzzes. On devrait faire systématiquement cette méthode. Les à-prioris sont bien trop fréquent dans le vin et ça m'énerve. Ca me fait penser au RH qui classe les dossiers qui commencent par Mamadou ou Ahmed.
Peut-être c'est une déformation professionnelle de mon métier de "testeur de produit en usinage". Très peu de monde est prêt à faire tomber ces certitudes. Souvent je propose et c'est un refus catégorique…et je lui dis pourquoi car je ne suis pas d'accord avec ces théories. Rien de vaut l'aveugle et on en reste là.

Les étiquettes, je m'en fiche. Par exemple, j'ai pas aimé Beaucastel 1998, bien trop court. Les collègues de l'arc Lémanique, qui pensent que pour avoir une bonne bouteille, il faut payer. Ils ne pensaient pas comme moi. Pour moi, le duel Beaucastel 1998/JP Gaussen 1997, c'était le Bandol qui était largement meilleur... et moins cher.

Pour le peu d'expérience voici ce que j'en pense des régions. Il m'est difficile de mettre une préférence.

Les régions de Bourgogne grand cru genre Corton Charlemagne, je fuis parce que trop cher. A coté, il y a des vins qui sont énormément plaisant, qui tiennent la route pour moins de 20 euros genre Auxey-Duresses, Monthélie, Saint-Aubin,…
La Loire c'est trop loin, mais c'est une région avec un rapport plaisir/prix extraordinaire pour le peu que j'ai gouté (Bernard Baudry)
Le Rhone, c'est ma région de prédilection. J'adore cette varieté de gout, de style
La Suisse, c'est de mieux en mieux surtout dans le Valais. Pour 20-30 Euros il y a largement de quoi se faire plaisir car c'est un gout unique avec de la finesse.
L'Italie, certaines régions sont incroyables en terme de rapport plaisir/Prix et c'est très bien distribué en Suisse
Le Languedoc, je ne connais pas assez, mais souvent je tombe très bien.
Concernant Bordeaux, je n'aime pas cette région. J'ai eu beaucoup de déconvenue alors mes bouteilles dorment dans la cave en espérant qu'elles deviennent plus aimable.

Mon médecin m'a prescrit ce médoc avec un petit verre d'eau. Parfait, les assemblages bordelais sont composé de petit verdot.
26 Oct 2014 18:07 #9

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Réponse de alcas sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Voilà un sujet passionnant ...qui si ma mémoire est bonne a fait le titre d'un livre "le goût du vin" .
J'ai souvent constaté au cours de dégustations (verticales ou horizontales) que les dégustateurs en principe "avertis" ou au moins curieux et passionnés avaient des avis parfois fort différents mais sur une vingtaine de vins dégustés par exemple les avis étaient souvent convergents sur 4 ou 5 de ces vins. En clair et selon mon expérience les vins élus étaient ceux qui offraient les meilleures qualités en matière d'équilibre, de finesse de longueur en bouche et ce quelle que soit la région de production.
J'ai aussi constaté que l'âge jouait un grand rôle, ainsi les jeunes amateurs préfèrent en général les vins puissants et tous ces vins jeunes fortement boisés "dits au goût américain" mais cela ne dure que jusqu'à ce qu'ils découvrent des vins différents au contact d'amateurs plus expérimentés où simplement de leur désir de découvertes.
Je pense qu' on apprend à connaître le vin et que le goût s'éduque en pratiquant la dégustation sans esprit de chapelle. Le goût s'apprend parce qu' il se comprend. Ceci peut bien sûr indiquer qu'il est soumis à telle ou telle influence. A titre d'anecdote au cours des années 90 il n'était pas rare de s'extasier sur le goût de poivron puis après sur le boisé du vin qu'on qualifiait de plus ou moins beau et fin!!!
Alors il faut pratiquer, et déguster et redéguster le même vin à plusieurs étapes de sa vie et ne jamais penser que "ça y est on connait le vin" car il faut dans ce domaine comme dans tous les autres rester fort humble. Le goût n'est pas une science exacte.
Pour ma part j'aime les vins à tous leur stade d'évolution mais avec une préférence pour des vins plus aboutis (j'ai de très bons souvenirs de CDP de 45, de Bandol de plus de trente ans de Bordeaux de 59, 61 et 82 de Bourgognes de Rousseau et Roumier etc J'aime aussi depuis toujours les liquoreux et les VDN. Ah les Sauternes des années 20..)
Donc a la question "est ce une affaire de goût" je réponds que c'est aussi une question d'éducation ou d'apprentissage et de découvertes.
Cordialement
26 Oct 2014 19:20 #10

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Réponse de kalmah sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

alcas écrivait:
> Voilà un sujet passionnant ...qui si ma mémoire
> est bonne a fait le titre d'un livre "le goût du
> vin" .
> J'ai souvent constaté au cours de dégustations
> (verticales ou horizontales) que les dégustateurs
> en principe "avertis" ou au moins curieux et
> passionnés avaient des avis parfois fort
> différents mais sur une vingtaine de vins dégustés
> par exemple les avis étaient souvent convergents
> sur 4 ou 5 de ces vins. En clair et selon mon
> expérience les vins élus étaient ceux qui
> offraient les meilleures qualités en matière
> d'équilibre, de finesse de longueur en bouche et
> ce quelle que soit la région de production.
> J'ai aussi constaté que l'âge jouait un grand
> rôle, ainsi les jeunes amateurs préfèrent en
> général les vins puissants et tous ces vins jeunes
> fortement boisés "dits au goût américain" mais
> cela ne dure que jusqu'à ce qu'ils découvrent des
> vins différents au contact d'amateurs plus
> expérimentés où simplement de leur désir de
> découvertes.
> Je pense qu' on apprend à connaître le vin et que
> le goût s'éduque en pratiquant la dégustation sans
> esprit de chapelle. Le goût s'apprend parce qu' il
> se comprend. Ceci peut bien sûr indiquer qu'il est
> soumis à telle ou telle influence. A titre
> d'anecdote au cours des années 90 il n'était pas
> rare de s'extasier sur le goût de poivron puis
> après sur le boisé du vin qu'on qualifiait de plus
> ou moins beau et fin!!!
> Alors il faut pratiquer, et déguster et redéguster
> le même vin à plusieurs étapes de sa vie et ne
> jamais penser que "ça y est on connait le vin" car
> il faut dans ce domaine comme dans tous les autres
> rester fort humble. Le goût n'est pas une science
> exacte.
> Pour ma part j'aime les vins à tous leur stade
> d'évolution mais avec une préférence pour des vins
> plus aboutis (j'ai de très bons souvenirs de CDP
> de 45, de Bandol de plus de trente ans de Bordeaux
> de 59, 61 et 82 de Bourgognes de Rousseau et
> Roumier etc J'aime aussi depuis toujours les
> liquoreux et les VDN. Ah les Sauternes des années
> 20..)
> Donc a la question "est ce une affaire de goût" je
> réponds que c'est aussi une question d'éducation
> ou d'apprentissage et de découvertes.
> Cordialement
Sans aucune ironie, c'est une réponse magnifique de bon sens.

Mon médecin m'a prescrit ce médoc avec un petit verre d'eau. Parfait, les assemblages bordelais sont composé de petit verdot.
26 Oct 2014 21:43 #11

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

je pense qu'on est totalement façonné par son parcours et les hasards des rencontres de situations, de lieux et d'êtres humains.
La constitution du référentiel de goûts que l'on possède est le fruit d'un parcours.

Je vais prendre le cas du whisky. La première fois, vers 15 ans, que l'on veut boire du whisky parce que des acteurs américains n'arrêtent pas d'en boire dans des films, on avale et on fait une énorme grimace. Affreux !
Puis, on est amené à en boire dans des surprise-parties (pensez que quand j'avais 18 ans, Charlemagne n'était pas encore vivant ;) ) et petit à petit on se met à l'aimer. Et plus tard, quand on s'y intéresse, on sélectionne ceux que l'on a envie de boire.

Donc le parcours que l'on suit va façonner le goût. Et il n'y a pas de goût inné mais un goût formé par le parcours.

Je trouve personnellement que le riesling est probablement le cépage le plus précis et le plus vif qui soit. Mais ça ne m'est pas apparu au début, car je ne buvais pas les bons, faute de connaissance.

Donc pour moi, le goût se forme en permanence par la somme des expériences que l'on fait, dans un environnement social et culturel qui varie d'un amateur à un autre.

Pour l'effet de l'âge, oui, il y en a un. Le plus évident des exemples est celui des alcools. On commence par les alcools bruns, parce que c'est viril. On touche ensuite aux alcools blancs, par curiosité. Et les liqueurs, ce n'est que lorsqu'on a pris de l'âge que l'on commence à les comprendre.

Sur le fait de commencer les rouges avec les bordeaux, dans mon cas, c'est uniquement dû au fait qu'il y avait une classification lisible. Lorsqu'on a peu de temps à consacrer au vin, on ne comprend rien aux appellations de Bourgogne. Alors qu'un bordeaux se situe sur une échelle de classification.
Après le goût et l'intérêt élargissent le champ d'exploration.

En ce qui me concerne, je ne veux exclure aucune région et entre bordeaux, bourgogne, Rhône et autres. Oui, je ne veux rien exclure.

Quant à mon amour pour les vins anciens, il est venu par hasard, par un déclic extraordinaire créé [size=x-large]à l'aveugle[/size] par un Climens 1923 et chaque jour qui passe me conforte dans l'idée que j'ai eu de la chance de prendre cette voie.


Cordialement,
François Audouze
26 Oct 2014 22:13 #12

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Réponse de Frisette sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

Je n'aurais pas dit mieux qu'Alcas, qui représente l'essentiel de ma pensée à ce sujet. Je mettrai une parenthèse me concernant sur le paragraphe concernant son expérience avec les vins âgés, expérience que je n'ai pas (encore), et pour laquelle je ne peux pas tirer d'enseignements.

Flo (Florian) LPV Forez
26 Oct 2014 22:18 #13

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Réponse de BoiPaKeDeLo sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

A lire : dossier-mecanismes-degustation-jan12.pdf

Page 6 : "Si nous aimons un aliment, c’est parce que son image sensorielle est associée dans notre
mémoire à une sensation de plaisir, les mécanismes de ce conditionnement restant totalement en-dehors
du champ de la conscience : à chaque consommation, les aliments sont identifiés par leur image sensorielle (aspect,
odeur, goût, texture) qui ne reflète que leurs propriétés physico chimiques et ils reçoivent un «label hédonique»
qui reflète l’état de plaisir ou de déplaisir du mangeur.
Dans ce modèle, la saveur sucrée et l’amertume font quelque peu figure d’exception. En effet,
le système gustatif humain est construit de telle sorte que ces messages sensoriels reçoivent
une interprétation affective automatique, largement indépendante de l’expérience : le sucré est
apprécié de façon innée par le petit d’Homme, alors que l’amertume est rejetée
.
"

Que le gout évolue avec l'âge et l'expérience, soit. Mais il ne part pas de zéro. Au moins au début, une partie du gout appartient à l'individu de façon innée; et il n'est pas facile non plus de s'en émanciper.

Olivier

Olivier

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Olivier
« Consommée avec modération, l’eau ne peut pas faire grand mal » (Marc Twain)
26 Oct 2014 22:59 #14

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Réponse de Jean-Marie Cade sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

[size=small]Sur le fait de commencer les rouges avec les bordeaux, dans mon cas, c'est uniquement dû au fait qu'il y avait une classification lisible. Lorsqu'on a peu de temps à consacrer au vin, on ne comprend rien aux appellations de Bourgogne. Alors qu'un bordeaux se situe sur une échelle de classification.[/size]

Dois-je comprendre: grand vin de Bordeaux, grand cru, cru Bourgeois, grand cru classé ?
27 Oct 2014 02:52 #15

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

C'est ça. Quand on ne connaît rien, un chambolle-musigny ou un pommard on ne sait pas quel niveau ça a, car il y a de tout dans ces appellations, alors que 4ème GCC on imagine que c'est moins bien que 2ème GCC.
Même si on ne sait pas bien à quoi ça correspond, on a des repères.
Et dès qu'on creuse un peu, quelqu'un vous dit : "en Bourgogne, tout dépend du vigneron". Alors là, ça fait peur, car on ne sait pas lesquels sont les bons.
On revient alors au bordeaux.
Je parle bien sûr des premières années d'intérêt pour le vin, à une époque où très peu de gens s’intéressaient réellement au vin.


Cordialement,
François Audouze
27 Oct 2014 09:09 #16

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Réponse de le Yautois sur le sujet Re: est-ce vraiment une affaire de goût ? 2

En matière de goût, comme le débat est ouvert, je propose d’intégrer un petit socle scientifique et notamment marketing puisque je côtoie régulièrement certains chercheurs qui œuvrent dans la branche « culinaire » du marketing (si si, ça existe). Une branche très proche de la psychologie qui fait appel au marketing sensoriel et neuro-marketing. L’objectif n’est pas de faire ici l’apologie du marketing, mais j’ai en tête certaines recherches de collègues dans le domaine du vin qui pourraient approfondir le débat.

En marketing culinaire, on part généralement du principe que le goût résulte d’un jugement individuel basé lui-même sur l’analyse combinée de plusieurs éléments biologiques : (1) l’aspect visuel de l’aliment vu par les yeux, (2) l’odeur perçue directement par le nez, (3) la saveur captée directement par la langue, (4) les arômes libérés par la mastication et (5) les sensations tactiles et thermiques de la bouche. En sachant que ces éléments sont propres à chaque individu, on ne s’étonne pas que le goût soit une affaire complexe et personnelle. Sachant également que le dégustateur analyse ses propres sens, j’aurais tendance à répondre : « oui nous sommes libres de nos goûts » puisque nous sommes libres de formuler un jugement sur le goût de tel ou tel vin. Ça c’est la théorie en quelque sorte…

En discutant avec des collègues experts marketing dans le domaine le goût, j’ai noté un nombre importants d’éléments internes et externes (autres que les traditionnels facteurs de prix, étiquettes et notation des guides et personnages influents) qui peuvent influencer notre jugement sur le goût du vin :

Les croyances dans les expériences précédentes de dégustation peuvent influencer le goût, notamment parce qu’un effet d’apprentissage apparait qui développe la mémoire gustative du consommateur,
La privatisation de certains sens (la vue et/ou l’odorat) modifie naturellement le goût, ce qui explique les surprises des dégustations à l’aveugle,
Le rapport au temps peut influencer le goût car une dégustation effectuée dans un temps restreint où l’on « presse » le consommateur peut être moins qualitative qu’une dégustation où le consommateur prend le temps d’écouter ses sens. Le consommateur va se focaliser sur les arômes et sensations primaires/fortes, et passer à côté des éléments plus subtiles,
L’expérience de consommation peut considérablement influencer le goût, notamment parce que l’environnement de dégustation (lieu thématisé ou non), l’ambiance ou encore l’esthétique peuvent amener le consommateur à « contextualiser » son jugement,
La dimension collective d’une dégustation peut logiquement influencer le goût, notamment parce qu’elle est vecteur d’ambiance et d’émotions (positives ou négatives),
La prescription d’un vin par un ami, un proche ou une personne de confiance peu influencer le goût dans la mesure où la relation de confiance va introduire une dimension émotionnelle dans la formulation du jugement. Je ne parle pas ici de la prescription indirecte faite par les organismes de notation ou autres sommités du monde du vin car même si la relation d’influence sur le comportement d’achat peut être avérée, ce n’est pas prouvé pour le goût,
La dimension nostalgique du vin peut influencer le goût, car le consommateur fait appel à ses souvenirs, ce qui génère une attente particulière au niveau de la dégustation (ce qui peut mener à la déception si le goût du vin est en dessous de l’attente du consommateur),
La dimension historique du vin, qui amène le consommateur à donner une importance temporelle au produit, ce qui peut influencer le goût (exemple des vins anciens qui peuvent déclencher une émotion simplement par la prise de conscience de l’âge de la bouteille).

Face à tous ces éléments d’influence, la question « sommes-nous libres de nos goûts ? » frôle limite la question existentielle… Je pense qu’en société, dès lors que nous sommes en groupe, notre perception du goût du vin a de grande chance d’être façonnée par des éléments internes et externes, que ce soit positivement ou négativement. Ne serait-ce parce qu’un dégustateur va utiliser des termes, expressions et codes de dégustation qui sont justement utilisés pour formaliser la notion même de goût. Cela peut paraître paradoxal de formaliser le goût alors que le goût est, selon les dires, une affaire personnelle. Pour autant, ce n’est pas un mal puisque ces éléments de codification sont indispensables pour dialoguer autour du vin.

En marketing culinaire, ce qui ressort toutefois des recherches sur le vin, c’est la dominance de la dimension émotionnelle pour qualifier le goût de la manière la plus simple qui soit. Que ce soit une émotion purement personnelle ou générée et partagée par un collectif. Ainsi, je me sens moi-même façonné lorsque je suis dans un groupe de dégustation et que je me joins aux commentaires d’autres dégustateurs bien plus expérimentés que moi sur le goût de noisette de tel ou tel vin (que je ne perçois absolument pas…) – et je me sens libre lorsque j’arrive à dire simplement que j’aime un vin, sans pour autant pouvoir l’expliquer (ni pour moi, ni pour les autres), mais juste en ressentant une intense émotion où, l’espace d’un instant, c’est ce vin-là qui me semble le plus goûtu.

Amicalement,

Romain.
27 Oct 2014 17:11 #17

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