Les LONGEROIES à Marsannay : Futur promu ?
Partie 1
Introduction
1. Le vignoble bourguignon
1.1. La Bourgogne viticole
1.2. La Côte de Nuits
1.3. Marsannay la Côte
2. Hiérarchisation du Vignoble
2.1. La Stratification bourguignonne
2.2. Les « Climats » : une particularité
3. AOC Marsannay
3.1. Histoire
3.2. Superficie et aire de production
3.3. Caractéristiques climatiques et géologiques
3.4. Les Longeroies
3.5. Cadre législatif
3.6. Demande en 1er Cru
4. La dégustation
4.1. Le contexte et les conditions
4.2. Les chiffres
4.3. Les comptes rendus
5. Analyse
5.1. Les biais
5.2. Une vision globale un peu décevante
5.3. Simple « Village » ou faible 1er Cru ?
5.4. Une certaine accessibilité
5.5. Une fraîcheur caractérisée, conjonction du lieu, du millésime et du cépage
Conclusion
Introduction
En tant qu’amateur, une dégustation de vins de Bourgogne est toujours un moment que l’on attend avec impatience. En effet, outre la boisson que l’on espère figurer au panthéon des vins, une composante historique ou culturelle y est souvent rattachée. Cependant, le morcellement des parcelles, les différents niveaux de crus ou les différences entre domaines familiaux et négoces bourguignons rendent cette approche délicate, pour ne pas dire difficile pour les néophytes.
L’objet de ce travail, outre un aspect ludique et didactique, est de pouvoir s’intéresser de près à ce vignoble, de pouvoir apprécier les vins produits sur un terroir spécifique qu’est le climat Les Longeroies à Marsannay, et de pouvoir approcher des vins de la Côte de Nuits encore accessible financièrement. Par ailleurs, une tentative d’évolution du statut de certaines parcelles, parmi lesquelles figurent celles du climat Les Longeroies, est à l’étude. Ce travail permettra ainsi d’avoir, en quelque sorte, l’avis du consommateur, régulièrement oublié ou mis de côté dans ces cas-là.
Tout d’abord, une présentation du vignoble bourguignon sera faite, tant d’un point de vue géographique que dans son organisation hiérarchique. Une attention particulière sera bien évidemment portée sur l’appellation Marsannay, avec la mesure des différentes spécificités la caractérisant.
Ensuite, une lecture attentive des multiples comptes rendus fournis par les nombreux dégustateurs du forum LPV nous permettra de confronter leurs ressentis vis-à-vis des bases théoriques apportées en première partie de ce document. Enfin, ceci mettra en lumière quelques points spécifiques concernant l’échantillonnage testé de vins de Marsannay Les Longeroies et, à la suite de cela, occasionnera certainement quelques discussions.
1. Le vignoble bourguignon
La région Bourgogne abrite un des vignobles les plus réputés du monde, ces vignes permettant de produire parmi les bouteilles les plus rares et les plus recherchées par l’amateur éclairé. Composé de plusieurs sous régions, avec de nombreuses appellations, il parait important de bien savoir se situer, afin de bien prendre en compte les particularités locales, historiques, inhérentes à chaque aire de production.
1.1. La Bourgogne viticole
Bandeau haut : plan topographique de la Côte d’Or, édité en 1855 par Jules Lavalle, avec le classement parcellaire qu’il avait pu expérimenter. En bas à gauche, le logo du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne. A droite, position géographique des vignobles constituant la Bourgogne, hors Beaujolais.
D’un point de vue géographique, la bourgogne viticole s’étend sur 3 départements
[1], de la récente région Bourgogne Franche-Comté, auxquels s’ajoute le département du Rhône, dans lequel sont produits les vins du Beaujolais et rattachés administrativement à la Bourgogne. Il s’agit d’un vignoble extrêmement morcelé (près de 90 appellations, 562 1er Crus et 34 Grands Crus…)
[2], s’étendant sur 250 km du nord au sud avec une superficie plantée d’environ 30000ha (moins de 3% de la superficie du vignoble planté en France), et totalisant un peu moins de 3800 exploitations, pour une surface moyenne d’environ 8ha, en 2010
[3]. Cette région comprend schématiquement 5 grandes entités distinctes : le chablisien (Yonne), la Côte de Nuits et la Côte de Beaune (Côte d’Or), la Côte Chalonnaise et le Mâconnais (Saône et Loire).
Il s’agit d’un vignoble complexe, marqué par une histoire extrêmement riche, débutant dès l’invasion romaine. Ceux-ci fondent ainsi la ville d’Autun et importent de la vigne
[4]. C’est toutefois à partir du moyen âge, dans le sillage du christianisme, que le vignoble bourguignon se développe, avec au passage quelques légendes (L’empereur Charlemagne remarqua que la face ouest de la colline de Corton était plus fraiche, fit planter du chardonnay plutôt que du pinot noir, pour boire des vins issus d’un terroir qu’il aimait sans avoir à salir sa barbe…). Ainsi, le Clos de Bèze fut créé entre 630 et 640, « tardivement » rejoint par les Clos de Vougeot (1115) et Clos de Tart (1141). Entre, les abbayes de Cluny (909) ou Citeaux (1098) apparaissent. Un véritable essor interviendra avec les Ducs de Bourgogne, au début du XVème Siècle, qui feront en sorte d’édicter des règles d’amélioration de la qualité, et d’éviction du gamay (banni par Philippe le Hardi dès 1395 :
« un très mauvais et très déloyal plant nommé gaamez » [5]), au profit du pinot noir, par exemple. Les vins gagneront effectivement en qualité et complexité, leur permettant même de rejoindre les tables du Roi de France et du Pape, en Avignon. Au XVIIIème siècle apparaissent les maisons de négoce, permettant une dynamisation et une ouverture vers l’international des vins de Bourgogne, permettant un accroissement de son rayonnement, y compris jusqu’au président des Etats Unis d’Amérique, Thomas Jefferson ! La Révolution Française et la chute de l’ancien empire qui en découla, provoqua la confiscation et la scission de nombreux domaines, qui seront morcelés et revendus à la bourgeoisie : ce découpage et cette rareté provoquée, conjugué à la qualité des vins, contribue à la notoriété du vignoble. En effet, Napoléon Bonaparte ne faisait servir que du Chambertin. De même, Jules Verne, dans un de ces romans
[6], fit déboucher une bouteille de Nuits par un de ces héros lorsqu’ils arrivèrent sur la Lune…et dont une étiquette de Nuits Saint Georges fût réellement posée sur le sol lunaire par Neil Armstrong lors de la mission Apollo 11, en 1969…Ou quand la réalité rejoint la fiction… Toutefois, ceci aurait pu être réduit à néant par le phylloxéra, qui faillit annihiler les efforts et progrès effectués au cours des siècles passés, son apparition dans les années 1875 ayant des effets ravageurs sur le vignoble. Le salut passa par un arrachage de la quasi-totalité des vieilles vignes françaises, et par le greffage de clones américains (de façon officielle à partir de 1887).
Quelques éléments clés caractérisant le vignoble de Bourgogne. En haut de gauche à droite : une cabotte en pierre sèche, les roches de Solutré (premier plan, altitude 493 mètres) et Vergisson (second plan, altitude 485 mètres) symboles du mâconnais, logo stipulant que les climats de Bourgogne sont désormais inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Au centre de gauche à droite : la colline de Corton symbolisant la Côte de Beaune, logo de la mythique route des Grands Crus, Château du Clos de Vougeot symbolisant le vignoble de la Côte de Nuits. En bas, borne en pierre délimitant un Grand Cru de Chablis (Vaudésir), différents formats de bouteille de type « Bourgogne », et la croix de la Romanée Conti par temps de neige.
Le témoignage de cette riche histoire est encore bien visible dans la région, avec la présence de nombreux vestiges architecturaux ou religieux que les amoureux de la Bourgogne cherchent à visiter ou photographier (
de façon plus ou moins intelligentes d’ailleurs [7]…): les différentes abbayes, le Château du Clos de Vougeot (qui accueille la confrérie des chevaliers du Tastevin
[8], créée en 1934
[5] et dont l’objectif est d’être un défenseur et promoteur des grands vins de Bourgogne
[9]), les Hospices de Beaune…
Iconographie rendant hommage à la Confrérie des Chevaliers du tastevin, basée au Château du Clos de Vougeot, et ayant vocation à promouvoir les grands vins de Bourgogne. On aperçoit le blason de la confrérie, une étiquette d’un vin tasteviné, un tastevin, ainsi que quelques membres lors d’une réunion.
Concernant l’ampélographie, celle-ci est régulièrement restreinte au chardonnay pour les vins blancs (60% de la production globale), et le pinot noir pour les vins rouges (32% de la production). Le solde est représenté par les effervescents (crémants) et rosés. On trouvera toutefois d’autres cépages : l’aligoté, (dont la présence exclusive signe la production de l’appellation Bouzeron
[10]), le pinot blanc ou le gamay, par exemple…
D’un point de vue très schématique, la géologie du vignoble bourguignon (hors chablisien, qui est une entité à part) est situé sur une faille, qui se caractérise par l’effondrement du plateau bressan, à partir du nord du massif central, et formant une ligne quasi droite jusqu’à Dijon. La composition en sédiments, granite, argiles et calcaires variant au gré de la remontée au nord, tout comme une diminution progressive de l’altitude, explique les différences que l’on rencontre du Sud au Nord (granite dans le Beaujolais, sols plus ou moins argilo-calcaires en Côte d’Or…), avec toutefois de façon assez constante des plateaux calcaires à l’ouest, fracturé de façon perpendiculaire par de nombreuses combes, et une plaine sédimentaire.
La climatologie, quant à elle, se caractérise par un ensemble semi-continental (été chaud et sec, hiver froid). S’agissant d’un vignoble plutôt septentrional, il est particulièrement vulnérable aux aléas climatiques, et notamment aux épisodes de gel tardif
[11], comme l’an passé, qui a anéanti la récolte à Chablis et diminué grandement les volumes en Côte d’Or, ou des épisodes de grêle, particulièrement violents et fréquents ces dernières années sur Volnay et Pommard, par exemple, imposant aux vignerons une certaine adaptation
[12]. La pluviométrie est répartie de façon assez équitable, avec un pic en automne, l’ensoleillement se situe aux alentours de 2000 heures par an. Les vignes les plus qualitatives sont généralement plantées en coteaux, ce qui permet un ruissellement du haut, marqué par le calcaire, vers les sols de plaine plus argileux. L’exposition privilégie une orientation Sud-Sud Est, ainsi protégés du vent et permettant un ensoleillement optimal tout au long de la journée.
Enfin, la Bourgogne est une terre de haute gastronomie, avec quelques produits et plats « phares »
[13] : le jambon persillé, les fameux escargots, l’andouillette AAAAA, l’œuf meurette (magnifié par feu Bernard Loiseau
[14]), et le mythique Bœuf bourguignon mais aussi de quoi faire un joli plateau de fromage
(et ce n’est pas Oliv qui me contredira !!!)
l’époisse, l’ami du chambertin, le chaource, le citeaux …La présence également de quelques tables parmi les plus réputées de France
[15]: Lameloise (3 étoiles à Chagny), le relais Bernard Loiseau, ou l’Hostellerie du Chapeau Rouge (2 étoiles)… , participe de cette réputation, tout comme les traditionnels événements annuels que sont la Saint Vincent Tournante
[8], ou « les trois glorieuses »
[16] (le banquet annuel des chevaliers du Tastevin au Clos de Vougeot, la vente des hospices de Beaune
[17] et la paulée de Meursault
[18]). Pour finir, en tant que terre de vin, la Bourgogne est également le siège de 2 concours : celui de Mâcon
[19], général, et celui des Burgondia
[20], réservé aux vins issus de cette région.
On aperçoit la pièce des Présidents (ici un Corton Bressandes), une des pièces vendues lors de la vente des Hospices de Beaune fin novembre, au centre une étiquette d’un vin ayant été vendu puis élevé par les Hospices de Beaune, à droite, la confrérie des Chevaliers du Tastevin portant Saint Vincent. En bas aux extrémités : les médailles attribuées lors des concours Burgundia et de Mâcon, et au centre l’affiche de la célèbre fête de la Saint Vincent tournante, qui a eu lieu à Mercurey, fin janvier 2017.
1.2. La Côte de Nuits
Souvent qualifiée de « Champs Elysées » ou de « place Vendôme » des vins, la Côte de Nuits à l’image de vins parmi les plus réputés, les plus qualitatifs, les plus rares et, malheureusement, les plus chers
[21]…mais également parmi les plus recherchés par les amateurs. Ainsi, tel un chapelet, s’égrène les noms tous plus prestigieux les uns que les autres : Gevrey Chambertin, Chambolle Musigny, Nuits Saint Georges, Vosne Romanée…et leur floppée de Grands Crus, au nombre de 24
[22] : Musigny, Bonnes Mares, les différents Clos (Saint Denis, Tart, des Labrays, Vougeot…), la multitude de Grands Crus Gibriaçois et Vosniens, avec entres autres mythes, le Chambertin et la Romanée Conti.
La Côte de Nuits se décompose en une fine bande de vignes, d’un peu plus de 20 kilomètres de long, sur quelques centaines de mètres de largeur, du Nord de Beaune aux portes Sud de Dijon
[1], plus précisément de Corgoloin à Chenôve. La RN74 et la voie ferrée marquent la limite du vignoble avec la plaine, et sépare les appellations communales des régionales
[22]. Il s’agit du premier massif à l’ouest au sortir de la plaine de la Saône. Son aire est de 3806ha, plutôt linéaire, marquée par de nombreuses combes, lui donnant un aspect d’entailles d’Ouest en Est, et facilitant la circulation d’air dans le vignoble, lui permettant d’assainir le vignoble.
L’érosion quaternaire est à l’origine de cet ensemble, dont l’affaissement du plateau bressan a permis l’apparition de ce piémont de forme plutôt concave, et plutôt abrupt à sa cime
[23]. Ainsi, la composition du sous-sol, provenant du jurassique, est stratifiée de façon anticlinale (plissé vers le haut avec une occupation centrale par les couches sédimentaires les plus anciennes du Jurassique) et variée : calcaires plutôt durs en position sommitale (formant entre autre la pierre de comblanchien), éboulis calcaires se dégradant en argiles au fur et à mesure de la décroissance altimétrique, et limons sur les coteaux et les plaines. Les sols bruns, du jurassique moyen, sont donc des composés essentiellement argilo-calcaires, très pierreux et permettant une expression optimale du pinot noir, cépage fragile, mais dont l’expression est magnifiée par ce type de sol, d’autant qu’il se trouve là en limite de maturité.
En haut, schéma représentant les combes et plis géologiques de la Côte d’Or. Au centre, de gauche à droite : calcaire blanc de Comblanchien, calcaire à Gryphées, calcaires à Chailles. En bas de gauche à droite : calcaire à Entroques, calcaires et marnes.
Par ailleurs, ce relief est émaillé de nombreuses combes, créant d’importants cônes de déjection dans la plaine. L’exposition globale est plutôt portée à l’est. Les versants sud issus des combes portent le nom de « Larreys chaud », dans lesquels se trouvent certains premiers crus (Les Cras à Chambolle Musigny, Le Lavaut Saint Jacques à Gevrey Chambertin…), quand ceux regardant vers le nord sont appelés « Larreys froids », et permettent localement des expositions Est-Sud-Est ou Est-Nord-Est. L’altitude varie entre 200 et 380 mètres, et la différence entre plaine et sommet est la plus importante dans le centre de la côte, au niveau de l’ensemble Vosne Romanée / Chambolle-Musigny / Morey Saint Denis et Gevrey Chambertin.
1.3. Marsannay la Côte
Marsannay la Côte est une commune du département de la Côte d’Or et d’une superficie de 12,85 km2, de forme rectangulaire avec un appendice en queue de casserole à l’est. Les marcenaciens étaient au nombre de 5208 selon le dernier recensement
[1]. Elle est située au Sud de Dijon (6km), entre Chenôve et Couchey, dont elles partagent la même appellation. Elle est située à l’extrémité nord de la route des Grands Crus, et comprend en son sein un peu plus de 180ha de vignes.
D’un point de vue historique, la présence gallo-romaine est attestée, tout comme la culture de la vigne dès cette époque. Longtemps appellée Marcenay en Montagne, elle prend son nom actuel en 1783. L’évolution du suffixe « -IACU » en « -AY » serait une conséquence de cette époque romaine
[24]. Par ailleurs, le tournoi du « Pas d’Armes », qui s’est déroulé en 1443, a donné les armoiries de la ville (blason représentant l’affrontement en duel de cavaliers munis d’armures et de lances).
Marsannay la Côte, avec le rocher de Pévenel en haut à gauche. Dessous, une ancienne carte postale représentant la place de la mairie et l’église. A droite, le colombier Saint Urbain. Au centre, le blason de la commune.
On retiendra en bâtiment notable, la présence du colombier Saint Urbain
[25](XIIème Siècle), sis rue du château, dont l’histoire remonte à la fin du IXème Siècle, avec la création d’un monastère chargé d’accueillir les reliques de ce Saint. Ce colombier est représenté sur les étiquettes du domaine Jean Fournier et a donné la cuvée Saint Urbain de ce domaine. La commune aurait la particularité de posséder sur son territoire le troisième plus vieux café de France.
Qu’elle se soit appelée « en Montagne » ou désormais « la Côte », on se rend compte de l’importance pour la commune du relief présent (de 238 à 477 mètres), et qui colle parfaitement aux altitudes énoncées ci-avant concernant la Côte de Nuits.
2. Hiérarchisation du vignoble
L’histoire du vignoble bourguignon est pluriséculaire. Au fil du temps, les religieux qui s’occupaient des vignes, remarquèrent que la qualité des vins variait selon leur implantation, tant en terme d’altitude que d’orientation, mais également selon le sol sur lequel plantait la vigne. De ces observations naquit une hiérarchie et un classement des lieux dits et autres parcelles cadastrées.
2.1. La stratification bourguignonne
La Bourgogne est sans doute un des précurseurs de l’approche parcellaire dans le monde du vin. Ainsi, la présence encore actuelle de nombreuses parcelles ceintes de murs et appellées « Clos » en est un témoignage bien vivant. Ainsi, le Clos de Vougeot, pour ne citer que l’un des plus célèbres, est exploité depuis 1111 et délimité depuis le début du XIVème siècle
[1]. A partir du début du XIXème siècle, plusieurs essais de classement des vignes et des lieux dits virent le jour, notamment ceux de Cavoleau en 1827, pour l’ensemble des vignobles français, puis par Denis Morelot qui concernait la Côte d’Or vitivinicole
[26]. Le Dr Jules Lavalle, en 1855, en complétait ce traité par une analyse commune par commune et proposait à l’intérieur de chacune une évaluation de chaque terroir ou cru, puis en classement en 5 catégories : Hors ligne, Tête de cuvée, 1ère, 2ème et 3ème cuvées. Quelques-uns des Grands Crus actuels avaient déjà été identifiés comme « Hors ligne », parmi lesquels le Clos de Vougeot, la Romanée Conti ou le Chambertin en rouge ou le Montrachet en blanc. Pour l’anecdote, Corton n’était pas totalement classé en tête de cuvée, rang dans lequel figuraient les Saint Georges (1er Cru à Nuits Saint Georges) pourtant au même niveau que la Tâche, les Richebourgs ou une partie des Bonnes Mares et du Clos de Tart, les Perrières à Meursault cotoyant le Bâtard Montrachet, pour ce qui concerne les blancs.
Coupes de la Côte de Nuits, avec représentation d’une combe et d’un cône de déjection en haut. En dessous, coupe transversale schématisant les différentes strates géologiques. En bas à droite, une représentation conceptualisant l’emplacement approximatif des différents niveaux de crus sur le coteau. Au dessus, la répartition pyramidale des différents niveaux de crus en Bourgogne.
Une petite centaine d’année passa et vint la naissance des Appellations d’Origine Contrôlées, en 1935
[27], avec les premières créations en 1936, dont faisait partie celle de Morey Saint Denis
[1]. Les décrets d’applications finiront au total par créer une stratification en quatre couches, dont le lien avec le sol et la géologie est évident, classifiant ainsi de façon pyramidale les presque cent appellations de Bourgogne
[1] :
-
Les 23 appellations régionales [16], réputées comme devant être les plus faibles qualitativement, volontiers plantées en plaines sur les alluvions, et représentant la majorité à l’heure actuelle de la production. On retrouve l’appellation Bourgogne générique, Bourgogne aligoté ou les vins des Hautes Côtes, que ce soit de Beaune ou de Nuits
[22].
-
Les appellations communales, ou « Village », dont les vignes sont généralement plantées en bas de coteau ou en fin de plaine, à proximité de l’épicentre du village en question. Elles sont au nombre de 44 et produisent environ 35% du volume. Les vins de Chablis, Chassagne Montrachet, Chambolle Musigny en sont des exemples. Il est à noter que certaines vignes d’appellation communales sont plantées sur des communes limitrophes : on retiendra les cas de Gevrey Chambertin ou de Marsannay, notamment. En côte de Nuits, il y a 8 appellations communales.
-
Les appellations 1er Cru, suivent le nom d’un village. Ils sont au nombre de 562 et correspondent à environ 10% de la production. Généralement, la qualité est censée progresser, les vignes sont mieux exposées, les sols sont de meilleure qualité. On les retrouve en coteaux. Un grand nombre de villages possèdent des vignes classées en 1er Cru : Volnay, Pommard, Ladoix, Morey Saint Denis… Si les vins sont produits sur un seul climat, et non assemblé avec d’autres, il est possible de le revendiquer : Nuits Saint Georges 1er Cru Les Saint Georges, Vosne Romanée 1er Cru Les Suchots ou Meursault 1er Cru Charmes par exemple…Sur les 8 appellations communales de la Côte de Nuits, seule Marsannay ne possède pas, à ce jour, de 1er Cru…
-
Les appellations Grand Cru, au nombre de 34, situés exclusivement sur la Côte d’Or et à Chablis. Ils correspondent au stade ultime de cette classification et représentent moins de 2 % de la production. Leur renommée est telle que le nom de la commune où est située le Grand Cru n’est pas expressément nommée (sauf à Chablis) : La Tâche, Les Bonnes Mares, le Clos de la Roche, les Criots Bâtard Montrachet…
2.2. Les « Climats » : une particularité
Ce découpage parcellaire et cette importance de la notion de cru et de terroir a donné naissance depuis plusieurs siècles à un concept : le « Climat ». Ce terme, qui n’a pas de rapport direct avec le « climat météorologique » en tant que tel, est utilisé pour qualifier et délimiter une surface plantée, généralement de faible superficie (quelques ha au plus, parfois bien moins), et qui possède une certaine homogénéité de sol, de pente et de microclimat, conférant ainsi aux vins produits, normalement une certaine typicité
[9]. Un lien topographique ou historique doit donc être avéré.
Par ailleurs, un climat est généralement partagé entre plusieurs producteurs, exception faite des monopoles (La Romanée Conti ou le Clos de Tart, par exemple), et peuvent concerner n’importe quelle surface, quelle que soit le niveau hiérarchique. Ces climats ont parfois des noms assez explicites ou ont un lien direct avec le lieu : les Caillerets, Côte Rôtie…Il est à noter qu’un climat ne correspond pas forcément en totalité au lieu-dit cadastral
[23].
Encore plus densifié, les Clos sont un « concentré supplémentaire de climat ». En effet, au sein d’un climat, il s’agit d’une surface originellement ceinte de murs en pierre sèche pour protéger les vignes des animaux entre autre, et incarnent on ne peut mieux le caractère exclusif et singulier des vins de Bourgogne
[4]. Ils sont très nombreux, et volontiers revendiqués par leurs propriétaires : Clos des Caillerets, Clos des 60 Ouvrées, Clos des Perrières Monopole, Clos des Lambrays, Clos de Bèze et tant d’autres.
Différents logos concernant le classement des climats du vignoble de Bourgogne à l’Unesco. En haut, une photo d’un vignoble bourguignon aux couleurs automnales symbolisant les différents climats. En dessous, plaque commémorative posé sur les Hospices de Beaune rappelant l’inscription des climats au patrimoine mondial de l’Unesco.
Carte présentant les différentes communes concernées par le classement des climats du vignoble de Bourgogne à L’Unesco, ainsi que les aires de protection.
L’usage du terme « climat » a été officialisé à partir de 1935 par l’Institut National des Appellations d'Origine, et la reconnaissance suprême a été obtenue le 04 juillet 2015 par l’inscription de cette mosaïque, regroupant 1247 climats, au patrimoine mondial de l’Unesco
[4]. Pour atteindre cet objectif, une candidature avait été formulée dès 2006, et le travail associatif piloté par Aubert de Villaine, conjugué à des actes de communication, un comité de soutien (présidé par Bernard Pivot), un travail scientifique de haut niveau et des actes de mécénat ont permis de relever ce formidable défi. Ainsi, tout au long du vignoble de la Côte d’Or, de Maranges à l’extrême sud à Dijon au nord en passant par Beaune, se sont plus de 140 communes qui sont concernées par cette réussite, et par conséquent l’intégralité de ce prestigieux vignoble, avec un périmètre élargi permettant une conservation sereine et pérenne de ce patrimoine à la valeur universelle exceptionnelle. Désormais, les climats du vignoble de Bourgogne sont classés au même rang que la Cathédrale de Reims, l’œuvre de Le Corbusier ou le Mont Saint Michel par exemple, pour ne rester qu’en France
[28].
3. AOC Marsannay
3.1. Histoire
A quelques encablures de Dijon, Marsannay marque l’entrée (ou la fin, selon le sens) de la Côte de Nuits. Il s’agit d’une jeune appellation bourguignonne puisque le décret d’application concernant sa création date du 19 mai 1987
[29]. Historiquement, les vignes de Marsannay jouissaient d’une très bonne réputation puisque plusieurs communautés possédaient des terres sur ce finage : de l’évéché d’Autun à l’abbaye de Bèze en passant par les Ducs de Bourgogne. D’ailleurs, les vins en étant issus étaient servis sur la table de Louis XIV et Louis XVI.
Toutefois, une production intensive de vin ordinaire au XIXème siècle à base de gamay (supprimé depuis) avait plongé Marsannay dans un inintérêt relatif
[30], se contentant de produire pour les dijonnais un vin facile d’accès et au rendement élevé. Le phylloxéra puis la pression immobilière du début du XXème siècle faillirent mettre fin au vignoble. C’est ainsi que Joseph Clair Daü (dont les vignes ont finalement été partagées entre les domaines Bruno Clair et Bart), dans les années 20, initia la culture du rosé, ce qui permis de maintenir une activité viticole
[31]. Puis, à force de travail, la production de vins rouges de qualité s’améliora au fil du temps et l’idée de créer une appellation communale fût lancée durant les années 60 pour finalement aboutir plus de vingt ans plus tard.
3.2. Superficie et aire de production
Cette appellation est la plus septentrionale des appellations communales de la Côte d’Or, elle est pour ainsi dire la « Porte d’Or » de la Côte de Nuits. Elle est également la seule de la Côte de Nuits dépourvue de 1er et de Grands Crus. L’aire de production des vins de Marsannay (blancs et rouges) est de 302ha 31a 48ca
[32], et comprend 78 climats répartis sur 3 communes :
-
Chenôve (24ha 34a 66ca), la commune la plus au Nord et portant le fameux climat le Clos du Roy
-
Marsannay la Côte (161ha 88a 97ca), dont les Longeroies sont le climat le plus au Nord, et précèdent le Clos du Roy
-
Couchey (116ha 07a 85ca), au sud.
Cartographie complète et délimitation des climats de l’appellation Marsannay. En dessous, les relevés mensuels moyens de précipitations, de températures et d’ensoleillements de la station météorologique de Dijon.
A cette superficie, il faut adjoindre à ces 3 communes 188ha 30a 18ca en bas du piedmont, sur les argiles limoneuses, dont la production concerne un excellent rosé, spécificité locale et ayant une appellation à part : Marsannay rosé. Ainsi, ceci lui confère le droit d’être la seule appellation village pouvant revendiquer les 3 couleurs
[4]. Toutefois, l’intégralité de ces surfaces n’est pas cultivée. Environ 230 ha le sont actuellement, pour une production moyenne d’environ 17000 hl, dont 85% de vins rouges, le solde se partageant entre blancs et rosés
[29].
Il est également important de préciser que la quasi-exclusivité des climats de Marsannay (hormis 4 climats sur Couchey) se situe du « bon » côté de la route des Grands Crus, c’est-à-dire à droite dans l’axe Dijon-Beaune. Ceci montre la qualité de l’emplacement de ces climats, qui sont placés dans le même prolongement que la plupart des 1ers et Grands Crus nuitons, puisque cette route borde le bas du coteau. Elle signe en quelque sorte la démarcation des sols et de leur déclivité. La zone située entre cette route et la RN74 est occupée par les vignes servant à produire le rosé de Marsannay, sur un sol argilo-limoneux et/ou correspondant aux cônes de déjection et au plateau Bressan
[32].
3.3. Caractéristiques climatiques et géologiques
D’un point de vue climatique, le vignoble est soumis à plusieurs influences en même temps : continental, océanique et méditerranéen
[23]. Plus qu’un climat particulier ici, même si la dominante est océanique et frais, il faut bien prendre en compte l’importance des combes et des expositions dans la conduite du vignoble, ainsi que de sa relative protection par le massif du Morvan et des différents plateaux bourguignons
[30]. On peut toutefois dire que les précipitations moyennes annuelles relevées à Dijon sont de l’ordre de 760mm/an, que l’ensoleillement est d’environ 1850 heures/an, avec des moyennes de températures assez fraîches
[33]. Ici peut être encore plus qu’ailleurs, la notion de millésime est primordiale.
Cartographie de la géologie des sols de l’appellation Marsannay, établie par Françoise Vannier-Petit, géologue.
Par ailleurs, les vignes sont plantées entre 250 et 390 mètres, sur des expositions allant de l’Est au Sud
[4]. Le sol et le sous-sol sont fracturés et se composent de différentes couches horizontales de calcaires, de marnes, d’argiles et de sédiments formant une véritable marqueterie en surface. Par ailleurs, la présence de nombreuses combes, (comme ces illustres voisins Gevrey-Chambertin ou Chambolle-Musigny…), de déclivités et d’expositions différentes permettent à ce finage de proposer différents types de personnalités et d’identifier 4 grandes zones
[23]:
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Le coteau Nord. Commençant à Chenôve, et son Clos du Roy, il descend jusqu’à la Combe de Grandvau. Les versants sont réguliers, avec une pente de plus en plus accentuée au fur et à mesure de la remontée vers le bois. Le sol est mince, dur, à base de calcaire brun. La dénivellation entre le bois et la plaine est relativement faible. Il est composé des climats Clos du Roy et de son prolongement, les Longeroies, En Montchenevoy et La Montagne. Les vins produits sont structurés, équilibrés avec un fruité délicat.
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La combe de Marsannay. La grande combe de Grandvau, complétée par celle du Pré, permet d’apporter un air plus frais, bienfaiteur et protecteur d’un point de vue sanitaire. Ces combes se prolongent par un cône de déjection se composant de marnes et de limons, rendant ce sol plus riche et profond. Les vins produits sur les climats Echézeaux, Finottes et Ouzeloy sont un peu plus souples, fins, fruités et acidulés que ceux du coteau Nord.
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Le coteau Sud de Marsannay. Formé par le début de la combe, il se prolonge au sud, avec une exposition au levant. Les sols sont peu profonds, peu argileux et assez riches en calcaires, et bien draînants. Ils sont volontiers fruités et floraux, plutôt souples et délicats. De nombreux climats sont présents sur cette partie, parmi lesquels les Vaudenelles, les Grasses Têtes ou les Saint Jacques.
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Couchey. Il s’agit du prolongement du coteau Sud de Marsannay, avec la même exposition, entrecoupé par la combe de Vaulon, qui assure la même aération que pour la combe de Grandvau. Toutefois, les failles géologiques sont beaucoup plus importantes que sur le restant de l’appellation. Le sol est cependant assez similaire (avec de nombreux cailloutis), quoique le vignoble atteigne ici sont altitude la plus haute, affleurant le bois des Francs à près de 350 mètres. Les vins sont fruités et empreints d’une finesse certaine. On retrouve les Champs Salomon au Nord et les Champs Perdrix à l’autre extrémité.
3.4. Les Longeroies
Le climat des Longeroies fait justement partie des climats classés par l’Unesco, il est l’un des plus prisés et les plus réputés de l’appellation Marsannay, tout en étant également le plus grand. Ethymologiquement, d’après l’ouvrage de Sylvain Pitiot (ex régisseur du Clos de Tart) et Marie Hélène Landrieu Lussigny
[32], Longeroies serait formé du préfixe « Longe », féminin de « long » en vieux français, et de « Roies », qui signifierait des longs sillons (raies, dérivé du latin riga) tracées à la charrue et qui, par extension, traduirait un long terrain ou champ cultivé.
Cartographie du climat des Longeroies (Bas et Dessus), et vues Google Maps.
Il est situé sur la commune de Marsannay la Côte, sur sa partie Nord, dominé par un grand bois, compris entre 268 et 312 mètres
[31]. Il s’agit d’une surface en forme de virgule allongée d’environ 35ha, avec la partie la plus septentrionale exposée plein Est puis, au fur et à mesure que l’on se rapproche du centre de la commune, tourne progressivement pour finir plein Sud
[34] dans sa partie la plus méridionale. Il est constitué de deux parties (Bas et Dessus des Longeroies) séparées de façon longitudinale par le chemin du bas du Clos du Roy. Le bas des Longeroies (21ha 41a 03ca) est en sortie de déjection sur un sol meuble composé de cailloutis roulés et de limons et de faible pente (3%). Sur cette partie sont produits des rosés ou des vins plutôt souples et fruités. Le Dessus des Longeroies (15ha 60a 25ca) est nettement plus incliné (pente jusqu’à 13%) et possède un sol plus caillouteux, sur du calcaire de Prémeaux très mince, dur et pierreux en haut de coteau alors que sur sa partie médiane, le sol devient marneux, un peu plus lourd
[30]. Jules Lavalle disait d’ailleurs de cette fraction qu’elle faisait sans doute partie des meilleures vignes de Marsannay
[31], celle-ci faisant naître des vins plus puissants, structurés, un peu chaleureux et sauvages, parfois sanguins, sur des notes de fruits noirs mûrs
[34].
Géologie du climat des Longeroies, et exposition. On aperçoit la différence nette de nature des sols entre le Dessus et le Bas, qui sont assez homogènes pris indépendamment l’un de l’autre.
3.5. Cadre Législatif
Le cahier des charges en vigueur est celui homologué par le décret du 24 octobre 2011
[29] et reprenant les dispositions du décret du 19 mai 1987. Ainsi, l’aire géographique comprend les 3 communes de Chenôve, Marsannay la Cote et Couchey. Les aires parcellaires comprenant la production de vins blanc et rouges est bien distincte de celle produisant les vins rosés.
Concernant l’encépagement, les vins blancs ont pour cépages principaux le chardonnay et le pinot blanc, pour cépage accessoire, le pinot gris, avec une proportion inférieure ou égale à 10% de l’encépagement pour ce dernier. La proportion de pinot gris dans l’assemblage des vins doit être inférieur ou égal à 30%
Les vins rouges ont pour cépage principal le pinot noir, et cépages accessoires (moins de 15% de l’encépagement et de l’assemblage des vins), le chardonnay, le pinot blanc et le pinot gris.
Pour ce qui est des vins rosés, les cépages principaux sont le pinot noir et le pinot gris, et le chardonnay et le pinot blanc sont considérés comme cépage accessoire, en étant inférieur à 15% de l’encépagement et à l’assemblage des vins.
La densité de plantation est au moins égale à 9000 pieds/ha, avec un écartement entre les rangs inférieur ou égal à 1,25 mètre et un écartement entre les pieds dans un même rang supérieur à 0,50 mètre, avec un pourcentage de pied manquant maximal à 20%. La charge maximale à l’ha est fixée à 10500 kg pour les blancs et 9000 kg pour les rouges. Les rendements sont de 60 hl/ha (butoir 65) pour le rosé, 57 hl/ha (butoir 64) pour les blancs, et 50 hl/ha (butoir 58) pour les rouges.
Les tailles sont en taille courte, taille longue en guyot simple, ou en taille chablis pour les blancs uniquement. La hauteur de feuillage palissé est au moins égale à 0,6 fois l’écartement entre les rangs.
L’irrigation est interdite.
Les raisins sont récoltés à bonne maturité, avec une protection vis-à-vis de la pluie lors de la vendange et de sa réception.
La titration alcoolique des vins blancs est au minimum de 11% (avec un seuil minimal de 178g de sucre par litre de moût), alors que pour les rouges, la titration alcoolique est au moins égale à 10,5% (avec un seuil minimal à 180g/L).
Les jeunes vignes ne peuvent entrer en production qu’à partir de la seconde année si la plantation a eu lieu avant le 31 juillet, et au bout d’une année s’il s’agit d’un greffage sur place.
Les vins sont vinifiés conformément aux usages loyaux et constants. La teneur maximale en sucres fermentescibles doit être inférieure à 3g/L pour les blancs et rosés, et 2g/L pour les rouges.
Après enrichissement, la titration alcoolique ne doit pas dépasser 13,5% pour les blancs et les rouges et 13% pour les rosés.
L’élevage des blancs et des rouges doit être réalisé au moins jusqu’au 15 juin suivant la vendange, pour une mise sur le marché au plus tôt au 30 juin.
Le nom de l’appellation Marsannay peut être suivi par le nom d’un des presque 80 climats environ la composant, en caractères ne dépassant pas la moitié tant en hauteur qu’en largeur ceux utilisés pour l’AOC communale.
Des contrôles, tant documentaires que sur site, ainsi que des examens analytiques et organoleptiques sont effectués par les organismes compétents, pour garantir la qualité des produits et protéger les consommateurs.
3.6. Demande en 1er Cru
Marsannay est la seule appellation communale de la Côte de Nuits à ne pas posséder de 1er Cru. En effet, bien qu’ayant démontré au cours de l’histoire que la qualité des vins produits ici était réelle, le XIXème siècle fût un tournant à ce propos. En effet, la supplantation du pinot noir par le gamay (Jules Lavalle l’écrivait en ces termes :
« un territoire dont les climats de pinot ont diminué de jour en jour pour disparaître presque tout à fait »), bien qu’attractif d’un point de vue économique, empêcha la mise en avant de lieux-dits qualitatifs
[31]. Ainsi le classement de 1860 effectué par le Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune, à l’époque, n’en retint point. Par ailleurs, l’épisode postphylloxérique conjugué à une certaine forme d’abandon du vignoble fit rater le coche des appellations communales et supérieures, par l’INAO jusque tardivement (1987). Toutefois, et ceci est encourageant, le nouvel essor du vignoble et la qualité en constante progression des vins de Marsannay permet d’envisager une évolution, à tel point qu’un dossier est en cours pour promouvoir certains climats en 1er Cru. Pour ceux-ci, il s’appuie sur plusieurs points :
- Marsannay possède certaines caractéristiques pédo-géologiques similaires à l’ensemble des crus nuitons, de Fixin à Nuits-Saint-Georges. Ainsi, d’un point de vue géologique, le substratum (sol et sous-sol) est dans la continuité de ceux des autres communes de la Côte de Nuits. Par ailleurs, des travaux conséquents ont été effectués ces dernières années pour analyser et comprendre le sol et le sous-sol de l’appellation. Dans sa thèse de Doctorat, Emmanuel Chevigny a exploré et démontré la diversité des sols (par imagerie à haute résolution spatiale) et l’impact de l’Homme sur ceux-ci, sur la commune de Couchey
[35] notamment. Par ailleurs, une cartographie d’une précision hors norme a été réalisée par la géologue Françoise Vannier, permettant un zoom d’une précision remarquable sur cette appellation et montrant de façon très précise ce puzzle bourguignon.
- D’un point de vue topographique, la pente des climats éventuellement promus (au moins supérieur à 3%, favorisant drainage et exposition), leur altitude moyenne comprise entre 280 et 330 mètres et leur exposition majoritairement à l’Est et au Sud sont semblables aux paramètres des crus classés de la Côte de Nuits. Le profil reprend l’ensemble typique avec un sommet de côte à forte déclivité puis une pente concave déclive s’atténuant de façon progressive jusqu’au bas de coteau, ou plaine.
- Les usages « loyaux et constants » font partie des mœurs des vignerons de l’appellation, permettant une conduite saine et régulière du vignoble. De même, certains paramètres sont clairement en faveur de ce classement et de cette promotion des crus : la revendication des climats, en complément de l’appellation communale est devenue ultra majoritaire, et les prix pratiqués ne sont pas inférieurs, pour certains, à d’autres Premiers Crus de la Côte.
- Enfin, d’un point de vue historique, si l’on omet la période sombre du XIXème et de la première moitié du XXème siècle, on s’aperçoit que la renommée des vins issus du finage de Marsannay était bien réelle il y a plusieurs centaines d’années, ce qui participe du fait que le potentiel qualitatif est bel et bien présent.
Vu l’ensemble de ces points, il en ressort que certains climats ont toutes les caractéristiques requises pour postuler au rang de 1er Cru. Ainsi, un projet de demande a été monté au sujet de 28 lieux-dits, qui devraient ou pourraient fusionner en 14 « néo »climats
[31], selon les préconisations de l’Organisme de Défense et de Gestion de Marsannay. Seraient exclus les lieux-dits situés en sortie de combe ou sur des cônes de déjection. Les postulants sont :
Sur le Coteau Nord :
- Le Clos du Roy
- Les Longeroies (Dessus, le Bas et le climat En Montchenevoy, enclavé entre les Dessus des Longeroies et le Clos du Roy)
- En la Montagne
Sur la Combe de Marsannay :
- Les Es Chézots, nouvelle dénomination des Echézeaux
Sur le Coteau Sud :
- La Charme aux Prêtres, qui correspond à l’actuel climat Les Roseys
- Les Boivin
- Les Grasses Têtes
- Clos du Jeu
- Les Favières
- Les Saint Jacques
Couchey :
- Au Champs Salomon, avec une éventuelle intégration du climat En Clémongeot
- Aux Genelières, qui pourrait correspondre à un conglomérat de 8 lieux-dits actuels
- Le Clos
- Champs Perdrix, qui pourrait englober 5 lieux-dits.
Cartographie et projection des hypothétiques futurs Premiers Crus de Marsannay, avec en violet, ceux du coteau Nord, en rouge ceux du coteau Sud, et en bleu ceux situés sur Couchey.
Notes et Références :
[1] :
www.wikipedia.fr
- vignoble de Bourgogne
- clos vougeot
- morey saint denis (AOC)
[2] : Les Meilleurs Vins de France 2016, O.Poels et al., SIC, 2015, 703p., p212-213
[3] :
www.agreste.agricult...
[4] : www.vins-bourgogne.fr
[5] : Robert Joseph, Vins de France, Edition Gründ, Paris, 2005, 287p, p116-117
[6] : Verne Jules, Autour de la Lune, Le livre de Poche, Paris, 1974 (edition originale 1870), 352 pages.
[7] :
www.bienpublic.com
[8] :
www.tastevin-bourgog...
[9] : Guide Hachette des Vins 2016, Collectif, Hachette, Paris, 2015, 1395p., p373
[10] :
www.cavb.fr
[11] :
www.avis-vin.lefigar...
[12] :
www.vitisphere.com
[13] :
www.routard.com
[14] :
www.blog.bernard-loi...
[15] :
www.restaurant.miche...
[16] :
www.dico-du-vin.com
[17] :
www.hospices-de-beau...
[18] :
www.lesechos.fr
[19] :
www.concours-salons-...
[20] :
www.burgondia.com
[21] :
www.wine-searcher.com
[22] :
www.vinsvignesvigner...
[23] : France Benoît, Grand Atlas des Vignobles de France, Editions Solar, 2008, 322p., p.184
[24] : Dumas Françoise, Les potentialités viticoles à la lumière des dénominations toponymiques par Françoise Dumas, in Cahiers d'histoire de la vigne et du vin(n°7, 2007), p9-27.
[25] :
www.ville-marsannay-...
[26] : Bazin Jean François, Histoire du Vin de Bourgogne, Editions Jean Paul Gisserot, Paris, 124 pages, p.47
[27] :
www.inao.gouv.fr
[28] :
www.unesco.org
[29] :
www.legifrance.gouv.fr
- Décret du 19 mai 1987 définissant les conditions de production de l’appellation d’origine contrôlée « Marsannay »
- Décret n° 2011-1348 du 24 octobre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Marsannay »
[30] :
www.larvf.com
[31] :
www.monocepage.com
[32] : Landrieu Lussigny Marie Hélène, Pitiot Sylvain, Climats et lieux-dits des grands vignobles de Bourgogne, Editions Monza, Paris, et du Meurger, Vignoles, 418 pages
[33] :
www.meteofrance.com
[34] :
www.youtube.com
- Rencontre avec Laurent Fournier : Marsannay
- Le Rouge et le Blanc rencontre Laurent Fournier
[35] : Chevigny Emmanuel, Cartographie de la diversité des sols viticoles de versant par imagerie à haute résolution : contribution à la connaissance des terroirs, Thèse de Doctorat en Sciences de la Terre, soutenue publiquement le 11 septembre 2014, 404 pages