QUELQUES GRANDES CUVEES DE VIGNERONS ET DE NEGOCIANTS CHAMPENOIS
(+ 6 pirates inattendus…)
LA DEGUSTATION
1) VIN SURPRISE (1) = CREMANT D'ALSACE "Brut" JEAN-CLAUDE BUECHER Wettolsheim : Une robe claire à reflets verts, dotée de fines bulles et d'une mousse abondante. Le nez est puissant, sur les fruits secs, le pamplemousse puis le minéral. Très crémeux dès l'entame gustative et globalement réalisé de manière correcte mais sur un corps de qualité moyenne, avec un manque de finesse, une fraîcheur peu complexe, puis une finale amère (sur les fruits rouges) peu valorisante. Honnête, mais sans émotion particulière ; l'ensemble des dégustateurs penchant nettement vers un Crémant d'Alsace, qu'ils pensaient être le seul vin surprise de la soirée… Correct.
2) CHAMPAGNE LARMANDIER-BERNIER "Cramant, Vieilles Vignes, Extra brut" 2002 (RM) : La teinte or se pare de bulles discrètes, puis d'une petite réduction olfactive. En bouche, cela se diversifie nettement par rapport au précédent, avec des notes de grillé-toasté, mais aussi de fruits cuits et feuilles mortes qui soulignent un problème d'oxydation, en rendant la bouche terne. Cependant la finale minérale et l'acidité typique de la Côte des Blancs, trahissent son origine, un des dégustateurs, n'hésitant pas à souligner qu'on avait sûrement affaire à un vin de chez Larmandier-Bernier (Terre de Vertus ou Cramant). Un bon Champagne, mais un Cramant de qualité moyenne ; Pierre Larmandier nous ayant précédemment habitués à bien mieux (: Cramant 1995 = Excellent, Cramant 1996 = Très bien, Cramant 1998 = Très bien + ) ; problème de bouteille ? Assez bien.
3) VIN SURPRISE (2) = CREMANT D'ALSACE "Brut" (EN BOUTEILLE KRUG !) JEAN-CLAUDE BUECHER Wettolsheim : Une robe identique au 1er échantillon (et pour cause !), mais avec un bouquet différent, sur les fruits à noyaux et les zestes de citron. Palais à la bulle envahissante, d'esprit très linéaire et technique, avec un manque de relief, sur les fruits rouges. Tout cela se termine de manière assez concluante, malgré un dosage appuyé ; la forme de la bouteille ayant fait son petit effet… certains membres penchant pour un Vranken "les Demoiselles" eu égard à la qualité moyenne du breuvage… Correct.
4) VIN SURPRISE (3) = CREMANT D'ALSACE "Chardonnay" 2006 (issu du Rothenberg) JEAN-CLAUDE BUECHER Wettolsheim : Une couleur très pâle, d'où se dégage une mousse abondante agrémentée d'élégantes notes de fleurs blanches et de bergamote, dans un esprit fin et précis. Bouche envahie par une mousse onctueuse, puis un corps plein et une belle fraîcheur. Un vin très réussi qui a plu à l'ensemble des dégustateurs ; même si certains ont reproché un petit excès de dosage et un léger manque de relief. Le cépage Chardonnay est clairement identifié, mais sa pseudo origine (((champenoise !))) est passée comme une lettre à la poste… Bien +
5) CHAMPAGNE DE SOUZA "Cuvée des Caudalies" Avize (RM) : La teinte or cède vite sa place à un bouquet puissant brioché et tourbé, agrémenté de belles touches de coing et d'amandes. Très complet gustativement, mais plus proche d'un "vin" que d'un Champagne, avec un style "très en largeur", rehaussé par quelques notes de pêche de vigne, de poire et de cannelle. La belle fraîcheur sous-jacente répond présent, avec un excellent dosage et une bonne longueur. Bien +
6) CHAMPAGNE KRUG "Brut sans année" Reims (NM) (EN BOUTEILLE DE CHAMPAGNE ORDINAIRE !) : Une robe or et un nez complexe de fruits concentrés, d'églantine, d'abricots secs, d'écorce d'orange et de macis d'une grande distinction. Attaque fine, suite vineuse avec nuances torréfiées (noisette, café), puis quetsche dans un esprit à la fois plein et sans lourdeur, avec une petite touche boisée. Fin de bouche très agréable sur la croûte de pain qui sort du four. Le contenant "anonyme" n'a pas empêché l'ensemble des dégustateurs d'apprécier ce grand Champagne qui justifie sa réputation. Très bien +
7) CHAMPAGNE JACQUES SELOSSE "Extra Brut VO" Avize (RM) : Jaune paille avec un premier nez peu net qui évolue vers un côté brioché, plus quelques touches de jasmin et de miel. Attaque et suite très "crayeuse", rehaussée d'arômes d'ananas et de goyave en rétro-olfaction. La structure en impose, peut être en excès. Un vin très travaillé (trop ?), avec peut-être un petit problème de déviation liégeuse qui explique sa sévère notation. Assez bien
8) VIN SURPRISE (4) = CREMANT D'ALSACE "Rosé 2004" JEAN-CLAUDE BUECHER Wettolsheim : Une couleur grenadine dotée d'un important dégagement gazeux, d'où s'échappe olfactivement quelques notes de fruits rouges (fraises/framboises), d'écorce d'orange et de bonbon anglais. Bouche assez caricaturale et "brute de décoffrage", avec une mousse surabondante. Le nom Crémant est clairement évoqué. Correct
9) CHAMPAGNE ALAIN THIENOT "Grande Cuvée" 1999 Reims (NM) : Or pâle avec de fines bulles, puis un bouquet élégant sur la poire, l'aubépine et le miel. Beaucoup d'agressivité dès l'entame gustative, ce qui gêne l'appréciation globale d'un échantillon dont la matière paraissait empreinte de finesse. Dommage. Assez bien
10) CHAMPAGNE PIERRE GIMONNET "Spécial Club" 1999 Cramant/Cuis (RM) : Une teinte or à reflets verts, agrémentée olfactivement par quelques arômes d'ail des ours, puis de grillé. Beaucoup de gaz en attaque, puis magnifique finesse gustative avec une belle fraîcheur non déséquilibrante (citron vert) qui souligne l'ensemble avec brio. Un Chardonnay élégant, comme souvent dans les cuvées spéciales de chez Gimonnet. Très bien
11) CHAMPAGNE BILLECART-SALMON "Cuvée Nicolas-François Billecart" 1998 Reims (NM) : Or paille, avec un nez puissant, basé essentiellement sur les agrumes, le miel et la cire. Attaque douce, qui se poursuit en bouche de manière vineuse, large et structurée, mais sans lourdeur grâce une effervescence qui allège l'ensemble, avec un dosage précis comme conclusion finale. Beau vin. Bien +
12) CHAMPAGNE ROBERT FLEURY "Cuvée Robert Fleury" 1998 Courteron (RM) : Bouchonné. (déjà dégusté au club en décembre 2004, note = Très bien)
13) CHAMPAGNE JACQUESSON 1997 Dizy (NM) : Une teinte or avec des bulles moins fines que les précédents échantillons. En revanche, le bouquet présente beaucoup d'élégance sur les fruits rouges, la gentiane et la pâte d'amandes. Démarrage gustatif empreint de caractère avec minéralité et précision, suite tendue empreinte d'homogénéité et d'élégance qui se termine de manière nerveuse. Un beau vin juvénile à attendre encore un peu. Très bien
14) VIN SURPRISE (5) = CREMANT D'ALSACE "Paradoxe, Extra Brut" 2005 JEAN-CLAUDE BUECHER Wettolsheim : Une robe pâle dotée d'un nez au fruité varié (ananas, pamplemousse, merise). Bouche de qualité, avec quelques arômes exacerbés (fruits à noyaux au sirop), mais sans la finesse du précédent. L'acidité et l'amertume marquent encore ce vin trop jeune qu'il faudra attendre afin qu'il révèle sa complexité. Beau potentiel tout de même. Bien +
15) VIN SURPRISE (6) = CREMANT D'ALSACE "Fleur de Lys" (Pinot blanc du Pfersigberg) JEAN-CLAUDE BUECHER : Une couleur très pâle, d'où se dégagent olfactivement quelques effluves de fleurs et d'herbes des prés. Bouche originale sur le litchi et la verveine, dans un registre salin plutôt atypique, mais diablement séducteur. Une réussite. Très bien
16) CHAMPAGNE GRATIEN "Cuvée Paradis" Epernay (NM) : Très peu de mots pour décrire ce vin génial et proche de la perfection, aux arômes fruités (fruits rouges) d'une infinie pureté. Un échantillon élégant, touché par la grâce qui balaye tout ce qui a pu être dégusté auparavant, et qui fut pris pour un Krug. Une surprise pour certains, mais une confirmation chez d'autres, cette cuvée contribuant, année après année, à offrir à ses initiés un remarquable rapport qualité-prix. Exceptionnel
17) CHAMPAGNE PIERRE MONCUIT "Millésimé" 1995 Le Mesnil-sur-Oger (RM) : Une robe or et un bouquet porté sur les fruits secs dans l'esprit d'un "Tintilla de Rota", avec toutefois une belle minéralité. Belle sensation crémeuse au palais, avec oxydation ménagée et finale sapide qui fait saliver. L'origine, et la grande qualité de ce vin de caractère, ne font aucun doute (Côte des Blancs), mais nous ne parvenons pas à oublier la classe du précédent. Très bien
18) CHAMPAGNE CHARLES HEIDSIECK "Cuvée des Millénaires, Blanc de Blancs" 1995 Reims (NM): Un chardonnay d'anthologie, au bouquet superbement élégant et avec une oxydation ménagée, qui se révéla magnifiquement cristallin au palais. Un vin d'exception, très légèrement inférieur au n° 16, mais ne boudons pas notre plaisir ! (Comme dans le Gratien, la perfection est proche, et il est probablement très difficile de faire mieux en mono-cépage, mais pour en revenir à cette dégustation, il semble que la cuvée Paradis va un peu plus loin dans la complexité, le côté "subliminal" passant peut-être par l'apport d'un soupçon de Pinot Noir…). Excellent +
19) CHAMPAGNE KRUG "Millésimé" 1988 Reims (NM) : Pour conclure en beauté cette magnifique fin de soirée, rien de tel qu'un vin à la robe or, doté d'un nez sur la truffe, l'humus, les sous-bois puis les fruits secs ; et à la bouche pleine, possédant un corps structuré, très complexe qui se conclut superbement sur le duo orange/cannelle. Un échantillon magnifique, à boire aujourd'hui et conforme à sa réputation, mais qui, au moment des comptes, n'arriva finalement qu'en troisième position (la confrontation fût rude ce soir !). Un GRAND merci au généreux donateur de cette bouteille. Excellent
CONCLUSION :
Beaucoup de plaisir, tant dans la conception, que pendant le déroulement de cette dégustation, exceptionnelle à plus d'un titre en raison :
- D'un nombre élevé d'échantillons (19 !)
- De la très grande qualité de certains vins.
- D'une quantité (anormalement…) élevée de bouteilles "pirates" (6 !!)
Tout à commencé par la recherche "du" vin surprise de la soirée. L'idée d'insérer un Crémant élaboré par un des membres du club fut vite oubliée en raison de la sévérité habituelle du comité… Mais l'option locale fût développée, en rendant visite à un (réputé) spécialiste des pétillants alsaciens (il ne fait que du Crémant), en la personne de Jean-Claude Buecher, adepte de vins issus de grands terroirs (Rothenberg, Pfersigberg, etc…).
Très vite l'idée vicieuse d'insérer toute la gamme de ce producteur, parmi les 13 Champagnes déjà sélectionnés, fit son chemin avec, en point d'orgue, une petite note pimentée supplémentaire, digne d'un esprit résolument tordu, à savoir :
- Le démarrage (échantillon n°1) de la séance par un Crémant de base, afin d'ôter aux dégustateurs toute idée de vin surprise.
- Le transvasement d'un deuxième échantillon de ce même Crémant de base, dans un flacon de Krug ! (vin n° 3)
- La présentation de 2 pétillants alsaciens placés à la suite l'un de l'autre (Fleur de Lys + Paradoxe)
- Le transvasement du Krug "Brut" dans un flacon de vin pétillant ordinaire (oh sacrilège !)
- La déformation volontaire (avec feuilles d'aluminium) de la bouteille de Krug 1988 afin que personne ne reconnaisse le contenant.
Le but final n'était pas d'opposer les Champagnes aux Crémants, mais plutôt d'essayer de perturber les dégustateurs en prouvant que de beaux terroirs alsaciens pouvaient aussi enfanter quelques pétillants séducteurs.
Le résultat ?
1) Une belle leçon de professionnalisme de la part des membres qui, s'ils n'eurent franchement reconnu que 2 ou 3 Crémants (Brut, Rosé), ne se laissèrent pas piéger par les différents contenants en reconnaissant :
- la grande qualité des Krug.
- la niveau moyen de certains vins déguisés, fustigeant le Crémant brut -en flacon Krug- (comparé à un Vranken de piètre qualité).
- le potentiel souvent méconnu (même si leurs notes ne sont pas les toutes meilleures) des pétillants alsaciens sur de grands terroirs avec :
• Un superbe Chardonnay du Rothenberg, parfaitement réalisé.
• La grande originalité du "Fleur de Lys"
2) Quant à la qualité générale des grands vins de Champagne sélectionnés pour l'occasion (thème de la soirée !!), celle-ci prit une tournure inattendue en consacrant (pour la première fois au club), la grande supériorité des vins d'assemblages du négoce, sur la crème des vignerons avec, du côté des satisfactions :
- Une grande pureté de fruit dans la cuvée Paradis de Gratien.
- La démonstration du savoir-faire de Charles Heidsieck, avec un Chardonnay "hors concours" qui fit ce soir beaucoup d'ombre aux Montcuit, Selosse, Larmandier-Bernier et De Souza.
- Le sans faute des cuvées de chez Krug, qui, si dans l'absolu n'ont pas hérité des deux meilleures notes, s'inscrivent dans un style inimitable de grande tradition qualitative.
- La très grande régularité de la cuvée "Spécial club" de Gimonnet, un des rares producteurs ayant réussi, –ce soir -, à coller à la roue des négociants.
- Le Moncuit (1995), très beau, mais sans doute un peu gêné par l'excellence du Gratien.
- Enfin une mention particulière aux vins de chez :
• Jacquesson (1997) détenteur d'une fraîcheur inhabituelle pour le millésime.
• Billecart-Salmon (Nicolas-François 1998), très classique, mais insuffisant pour monter sur le podium.
• De Souza (Cuvée des Caudalies), à qui on pourrait faire la même remarque précédente.
En revanche, parmi les déceptions, il serait dommage de tirer une conclusion négative définitive pour l'Extra-Brut d'Anselme Selosse (trop travaillé + bouchon ???), et le Cramant de Larmandier-Bernier (oxydation marquée) qui nous ont procuré beaucoup d'émotions positives par le passé.
Un autre bémol pourrait concerner les tarifs extravagants (…) qui commencent à être atteints par certaines des cuvées champenoises dégustées, mais fort heureusement le vin est source de partage !
Christian
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