Bonjour à tous et en particulier à Laurent,
concernant Krug, les choses étant ce qu'elles sont, j'ai un petit peu de recul. La Grande Cuvée, que j'ai goûtée au moins 150 fois ne m'a jamais déçue. J'adore le Bollinger Brut Special Cuvée mais on n'est pas dans la même division. La Grande Cuvée qui est un assemblage de cépages, crus et vendanges soit au total une centaine de vins différents est l'archétype du style Krug et allie à merveille finesse, complexité, puissance, longueur, texture si spécifique dans un style légèrement oxydatif et toujours très racé. Un vin qui par ailleurs peut ne pas plaire à tout le monde contrairement à Dom Pérignon ou Cristal plus consensuels et dans des styles plus classiques. Le principe même de la Grande Cuvée est une constance dans le temps.
Les millésimés sont élaborés dans une optique différente, les caractéristiques spécifiques d'une vendange dans le style Krug d'où des différences parfois très importantes d'un millésime à l'autre. Pour les plus récents, 1989, 1988 et 1990 (dans leur ordre de commercialisation), c'est tout à fait manifeste.
Globalement, les millésimes Krug peuvent se "trier" en 3 catégories :
- millésimes très droits, purs, stricts, tirant sur la minéralité, avec beaucoup de fraîcheur, de pureté, par exemple 1988, 1981, 1980, 1975, 1966, 1961
- à l'opposé, des millésimes beaucoup plus opulents, charmeurs, sensuels, extravertis, chaleureux, par exemples 1989, 1982, 1976, 1964, 1947
- enfin, synthèse (et pas mélange) de ces deux styles, des millésimes très classiques qui jouent sur l'harmonie, le parfait équilibre entre opulence et fraîcheur, un immense classicisme, par exemple l'actuel 1990 mais aussi 1985, 1979, 1969 et parmi ces classiques certains s'expriment fortement, 1985 ou 1990 par exemple, d'autre plus sereinement, la force tranquille, 1979 ou 1969 par exemples.
Le millésime 1990 actuellement commercialisé et a succédé au 1988. Pour les avoir goûtés ainsi que 1989 au moins une dizaine de fois chacuns, ils s'expriment de manière très différente. 1990 est un monument, gigantesque, parfait, irrésistible. Une dégustation l'an dernier aux Etats-Unis lui a donné la note de... 101/100... Une matière très dense, une très belle fraîcheur, une rondeur déjà perceptible, un équilibre merveilleux, un moment de pur bonheur... 1988 reste lui le "sérieux de la bande" mais sait se dévoiler à qui aura l'envie, la patience et l'intelligence de dépasser cette apparence austère et un peu rude. Un vin d'une droiture, d'une pureté merveilleuses. 1989 totalement à l'opposé est aussi sensuel, opulent, charmeur, que 1988 est austère (dans un acception positive), sérieux, pur et droit. 1988 est le prodige, timide, qui préfère ne rien dire, observe, l'"expert". 1989 est plus turbulent, pas forcément moins doué mais on l'entend plus, trop parfois, il demande à être encadré, le "tribun". 1990 enfin fait l'unanimité, il est sans doute le plus doué, sait se faire discret quand il faut, se faire entendre quand cela devient nécessaire mais jamais de manière tapageuse mais toujours subtilement, avec finesse et tact, le "gentleman"...
Alors chacun dans ces styles, peut préférer tel ou tel et chacun aura raison dans son classement personnel de ce magnifique trio... Quant aux différences entre bouteilles, elles existent mais ne m'ont jamais paru suffisamment marquées pour perturber les grandes lignes de leur style respectif.
Amicalement à tous.