Préambule sur mes notations :
0 = raté 1 = médiocre 2 = correct 3 = bon 4 = très bon 5 = excellent
avec des demi points, des + et des – qui permettent d’affiner le jugement et de classer les vins entre eux.
Les vins oranges étant de plus en plus répandus, notre groupe de dégustation a décidé de partir à leur découverte, en me confiant la lourde tâche d'organiser la séance.
Un vin « orange » est tout simplement un vin blanc vinifié comme un vin rouge. Le jus des raisins blancs macère avec la peau et les pépins pendant un certain temps. Le vin y gagne donc des tanins et une couleur orangée (pouvant aller jusqu’à l’ambre) qui est à l’origine de son nom, qui aurait été « décerné » par un importateur anglais du nom de David Harvey en 2004.
Cette technique de vinification, déjà utilisée en Géorgie il y a 6000 ans, a été remise au gout du jour dans les années 90 en Italie, Slovénie, Croatie. Aujourd’hui, on élabore des vins blancs de macération quasiment partout (NZ, Australie, USA, Autriche, Allemagne, toutes régions françaises).
Pour notre dégustation sur le sujet, nous avons fait une exploration « historico-géographique », en commençant par la Géorgie, berceau de la technique, puis en essayant aussi des vins de 3 autres pays (Italie, Espagne et Allemagne), avant de continuer avec des vins français. L’autre axe de dégustation était de goûter un maximum de cépages.
Voici la photo de famille de cette belle équipe européenne :
Pour cette dégustation, après lecture ou discussion avec ceux qui se sont déjà frottés aux vins oranges (notamment Olivier M. et Eric B.), j’ai décidé d’accompagner les vins de choses à grignoter pour comparer le vin seul puis accompagné.
Les bouteilles ont été ouvertes 24h à l’avance et ont été servies à 15-16°C.
Okro’s Wines, Géorgie, Kisi 2016
Ce vin est issu du cépage Kisi, endémique de la région de Kakhétie en Géorgie, qui avait quasiment disparu au début des années 2000. Vin sans additif, sans soufre ajouté.
La robe est ambrée, on dirait un armagnac.
Le nez est ouvert, sur le caramel, le miel, l’abricot et des notes d’armagnac.
En bouche, l’attaque est ample. Il y a de la mâche et de la fraîcheur. Les arômes qu’on y trouve sont les herbes séchées, l’abricot, un peu de miel et de l’orange confite.
La finale est tannique avec une légère amertume, et c’est long en bouche.
Conclusion : c’est un vin ample, long, riche, expressif, avec quelques tanins mais qui ne « grattent » pas.
Note : 3,5-/5
Pas de grignotage pour accompagner ce premier vin, histoire de bien calibrer le palais.
Bianco Trebez 2013, IGT Vénitie, domaine Dario Princic
Ce vin est composé de 3 cépages : 40% sauvignon, 30% chardonnay et 30% pinot gris. La macération a duré 8 jours en cuve de bois ouverte, puis a été suivie d’un élevage de 2 ans en grosses barriques. Pas de filtration et pas de soufre ajouté.
La robe est ambrée.
Le nez est ouvert et complexe, sur le foin, l’herbe fumée, le tabac, l’orange amère (petit côté triple sec), le grillé et le curry.
En bouche, c’est ample et rond, il y a une certaine suavité. Les tanins sont enrobés. L’équilibre est bon, on est sur quelque chose de digeste. Côté rétro-olfaction, on est sur quelque chose de complexe, mélangeant la pomme fraiche, le pruneau, l’orange amère et un fond d’armagnac.
La finale est légèrement tannique et saline, associée à une très belle longueur.
Conclusion : c’est un très bon vin, aimable et complexe, enrobé.
Note : 3,5/5
Nous avons testé un accord sur des accras de morue, et c’était une mauvaise idée. A l’unanimité des dégustateurs, c’est un mauvais accord, cela fait ressortir le piment des accras.
Purulio Blanco 2017, domaine Torcuato Huertas
Ce vin d’Andalousie (nord de la sierra nevada) est composé de pas moins de 9 cépages : Sauvignon Blanc, Macabeo, Palomino, Chardonnay, Viognier, Albariño, Torrontés, Moscatel de Alejandría et Jerezana. La macération a duré 5 jours. L’élevage de cette cuvée se fait en partie en barriques et en partie en cuve inox. Vinification naturelle, pas d’intrant, y compris à la mise en bouteille.
La robe est dorée foncée, un peu trouble.
Le nez est ouvert, d’abord sur le cidre brut (mélange de pomme et de légère notes d’écurie), puis sur des notes d’hydromel.
En bouche, l’attaque est ample et ronde. La bouche évolue tout en souplesse et en rondeur. En retro, on est d’abord sur la pomme oxydée et le jus de viande, avant qu’arrivent de fortes notes de clou de girofle et de poivre. Il y a même un côté piquant qui accompagne la sensation poivrée. Les tanins s’affirment dans la finale très longue.
Conclusion : un beau vin complexe, rond et épicé, original (avec pourtant un nez peu engageant au départ).
Note : 3,5/5
Pour accompagner ce vin, nous avons testé un accord sur des biscuits apéritifs à l’oignon. C’est un mauvais accord car le vin s’en est trouvé écrasé.
Riesling O 2015, Clemens Busch, Allemagne (Moselle)
Ce riesling est produit par Clemens Busch, qui cultive 17 ha en biodynamie sur les impressionnantes rives abruptes de la Moselle, sur des sols schisteux.
Le vin est non filtré et clairement annoncé gazeux il y a un autocollant « shake it » sur la bouteille.
La robe est dorée.
Le nez est ouvert, très floral, avec une claire dominante jacinthe pour moi (mais ça ne paraissait pas évident pour les autres..). Ensuite on trouve de la pomme un peu oxydée.
L’attaque est perlante, mais pas plus. L’aération de 24h y est sans doute pour quelque chose. La bouche n’est pas très puissante, c’est fin, léger, frais, équilibré. La retro confirme le nez, avec ce diptyque pomme/jacinthe. Finale assez courte.
Conclusion : un vin assez discret et assez simple, digeste, qui reflète élégamment ses 11°.
Note : 3/5
L’accord pour ce vin était du filet de poulet curry/coco, et c’était un bon accord : le plat relevait le vin et lui donnait de la présence.
Après cette introduction européenne au thème du vin orange, pour laquelle tous les vins ont été au minimum « bons », il nous reste à attaquer l’exploration hexagonale des vins blancs de macération. Nous commençons par la Dordogne.
Bergerac, Truculence 2017, château Barouillet
Ce vin est issu de vignes de sauvignon blanc âgées de 60 ans. Après une macération pré-fermentaire de 6 jours, la fermentation et l’élevage de 10 mois ont été faits en demi-muids et en amphores de terre cuite.
La robe est jaune dorée.
Le nez est très ouvert, presque exubérant, sur la pomme au four, la tarte tatin, la rose et la fleur d’oranger.
L’attaque est ample et ronde. La rondeur est apportée par une légère sucrosité, tandis qu’ne belle fraîcheur trame l’ensemble. Les arômes d’abricot et de rose (ça évoque un viognier) répondent à un côté plus pâtissier de pomme cuite et vanille. La finale est longue et aromatique.
Conclusion : c’est rond, bon, très expressif.
Note : 3,5-/5
Le grignotage d’accompagnement pour ce vin était constitué des gougères au comté, ce qui a bien fonctionné.
I’ve got the blouge 2017, domaine de La Grange aux Belles
Ce domaine de 15 ha situé dans l’aire d’AOC Coteaux de l’Aubance a été créé en 2004 par Marc Houtin. Il est cultivé en biodynamie depuis 2008.
Ce vin est composé de 80% de chardonnay et 20% de chenin.
La robe de couleur vieil or est légèrement trouble.
Le nez est ouvert, sur l’anis, la pomme et même une touche d’aneth.
L’attaque est souple et ronde. La rondeur perdure, mais le vin prend de l’ampleur avec le temps, en même temps que des petits tanins se font ressentir. La retro confirme le nez, avec l’anis, la pomme, et l’aneth, mais aussi des notes de pêche. En finale, ca se complexifie avec des notes de prune et fleur d’oranger. L’ensemble est de belle longueur.
Conclusion : c’est bon, mais ça m’a moins parlé que les vins précédents.
Note : 3/5
En accompagnement nous avons essayé des copeaux de parmesan, et c’est un accord correct, sans plus.
Orange Voilée 2017, domaine Mas del Périé
Ce domaine de 20 ha situé dans l’aire d’AOC Cahors a été créé en 2006 par Fabien Jouves. Le domaine est cultivé en biodynamie depuis 2011. L’encépagement est de 18 ha de malbec et 2 ha de chenin.
Ce vin issu de vignes de chenin âgées de 10 ans. La macération a duré un an sous marc en amphore de 200 L. Cette étape a servi d’élevage par la même occasion. Pas de collage ni de filtrage avant la mise en bouteille.
La robe de couleur jaune orangée est trouble.
Le nez est ouvert, l’abricot sec, le pruneau, la cassonade (caramel qui aurait un peu cramé).
L’attaque est ample et ronde. La bouche présente une belle mâche et une belle fraîcheur. La retro nous amène des notes de tarte tatin, de fruits confits, de coing et de foin. La finale de belle longueur est ronde et aromatique
Conclusion : c’est très bon, complexe, ample et frais.
Note : 4-/5
En accompagnement nous avons essayé de l’ossau iraty (un peu de local, quand même !), et ça a bien fonctionné.
A fleur de peau 2017, domaine Le Clos du Gravillas
Ce domaine de 8,5 ha situé dans l’aire d’AOC Minervois a été créé en 1996 Nicole et John Bojanowski. 15 cépages différents sont cultivés en bio: Carignan, Syrah, Grenaches blanc, gris et noir, Muscat Petits Grains, Terret gris, Cabernet Sauvignon, Cinsault, Mourvèdre, Counoise, Maccabeu, Roussane, Viognier et Terret noir.
La macération du muscat blanc qui compose ce vin a duré 2 semaines.
La robe est jaune dorée assez léger.
Le nez est ouvert, avec des notes muscatées (c’est le premier vin où le cépage semble s’annoncer de façon claire) à dominante fleur d’oranger.
La bouche est souple et fraîche, avec une belle tension et de la mâche. La retro est dominé par la fleur d’oranger avec aussi un côté noix fraîche. Belle longueur.
Conclusion : c’est bon, civilisé et muscaté.
Note : 3+/5
En accompagnement nous avons essayé de la pizza chèvre/miel/noix, ce fut honnête.
Mémé Jeanne 2016, domaine Fons Sanatis
Ce domaine de 7 ha est situé dans l’Hérault.
Ce vin blanc de macération est issu de petit manseng, qui se retrouve donc loin de son terroir de prédilection qu’est le jurançonnais.
La robe est ambrée.
Le nez est très ouvert, sur des notes de résine et de poivre, avec aussi un léger pruneau.
L’attaque est ample et fraîche. La bouche est ample et bien équilibrée mais avec une très grosse charge tannique. La retro confirme le nez avec un net duo résine /poivre. Très long en bouche.
Conclusion : c’est un vin puissant, très tannique, qui doit être absolument accompagné pour être apprécié.
Note : 3/5
En accompagnement nous avons essayé un cake chèvre / tomate / courgette. C’est un accord correct mais ça n’assouplit pas les tanins et les notes poivrées continuent à dominer. Ayant gardé le fond de bouteille, je l’ai essayé tout au long de la semaine sur divers mets, et c’est finalement sur des crudités (carotte et choux-fleur) à l’aïoli que j’ai trouvé le répondant adéquat.
Cette séance de découverte s’est bien passée. Les ressentis des participants ont été variés, mais globalement aucun vin ne nous a ébloui ni, au contraire, rebuté.
J’ai demandé à chaque participant de citer ses 2 vins préférés de la soirée. Voici le classement:
1er (8 citations): Purulio blanco L2/2017
2e (5 citations): Orange voilée 2017
3e (4 citations): Bianco Trebez 2013
4e (2 citations): Kisi 2016
5e ex aequo (1 citation): Riesling O 2015 ; Truculence 2017; Mémé Jeanne lot 20.16
8e ex aequo (0 citation): I’ve got the blouge 2017 ; A fleur de peau 2017
Merci de m'avoir lu,
Bibi