Jury Monoprix Gourmet. mercredi 27 avril 2016.
A peine franchi le seuil de
Grains Nobles
où nos sessions s’effectuent, je suis surpris par le nombre de nouvelles têtes issues du dernier recrutement ; Luc, compagnon des premières heures du Jury (7 ans déjà...) est bien entouré : sur les 9 impétrants, 7 “nouveaux” dont six jeunes femmes dont la capacité et l’enthousiasme de rendre compte de leur ressenti - et de le défendre ! - seront assez réjouissants(
). Il est temps de descendre dans la salle de dégustation, rejoindre Thierry Desseauve et Aurélie Laquille, acheteuse vins de Monop’. Déposés devant nos trois Spiegelau, les petits carnets nous attendent, vierges, sauf mention de la région et du prix des 13 vins à labelliser ou non (+ 4 renouvèlements goutés sur deux millésimes), de 6,90€ à 22,50€, provenant du Languedoc (1), Provence (2), Corse (1), Rhône (2), Loire (2), Bourgogne (2), Sud-Ouest (1), Italie (1), Etats-Unis (1). Pascal, notre hôte - assisté de Quitterie (B&D) pour les renouvèlements - a déjà servi le premier rosé (il y’en aura 5 en tout, été oblige !).
- Vin n°1 Languedoc (8,50€)
Ouh là, çà commence fort, les avis sont partagés ! Ceux qui l’apprécient le trouvent “fruité, parfumé, délicat” ou “épicé, avec une attaque franche”; les autres sont gênés par son “amertume prononcée” et son coté “chaud” ; moi je le rangerais dans la catégorie rosé pamplemousse, avec une expressivité réelle, mais pas très naturelle, me semble t’il. Le label requérant l’unanimité, c’est
non. Thierry, après coup, le reconnaissant “un peu lourd en alcool”, bien que “propre, équilibré, avec des qualités de bonne facture”, précisera assez pédagogiquement la différence de vinification entre les rosés à tendance amylique (vernis à ongle, fraise Tagada) et ceux boostés par les
thiols
, comme ce dernier, donnant ce gout de pomélo, qui renforce parfois l’amertume dérangeante pour certains.
Cabardès rosé Terroirs d'Altitude 2015. Château de Pennautier. Domaines Lorgeril.
- Vin n°2 Provence (8,90€).
A relire mes notes, il n’y’avait pas vraiment d’avis négatif sur ce rosé “au nez attrayant, épanoui, épicé”, à la bouche “expressive, équilibrée” avec “une vinosité saline”, impression partagée par Thierry qui appréciait son coté “sapide, frais, dédié à la gastronomie”; le seul problème pour être labélisé, étant qu’au gout des personnes présentes, il manquait d’un peu de charme, c’est
non.
Coteaux d'Aix rosé 2015. Domaine Tour Campanets.
- Vin n°3 Corse (9,50€),
Le vin a été desservi par son coté très perlant - dont j’ai tenté de suggérer à mes voisines, que ce n’était pas forcément un défaut - mais son “fruit discret”, son “manque de tension”, voire “son coté flottard, sur la fraise Tagada”, et le constat collectif que derrière sa pétillance sauvage “ce vin manquait un peu de vin”, nous a fait passer rapidement au vin suivant, c’est
non.
AOC Corse. Signora rosé 2015. Clos Lussiardi.
- Vin n°4 Provence (9,50€)
“ Un rosé avec de la présence”, ai-je noté. Enthousiasme partagé par tous, ou presque, par son nez au fruit mur, fin et complexe, sa bouche expressive, structurée, avec une allonge et une persistance minérale qui en font “un vin complet”, comme Thierry le soulignera, après que nous ayons réussi à convaincre ma voisine de ne pas confondre “une présence ample, généreuse et fine à la fois, vouée à la gastronomie” avec...de la lourdeur !
Ce fut donc
oui ; avec un réel plaisir de savoir à la fin - quand Aurélie dévoile l’identité des vins dégustés - que ce rosé est celui d’un ami, Yannick Burles, ancien acheteur vins de Monoprix, qui en 2011, a eu le courage de suivre des cours d’œnologie et de viticulture, pour devenir vigneron (et dégustateur du guide B&D pour le Roussillon) dans un domaine dont il est le régisseur aujourd’hui. Chapeau, Yannick, on a hâte de découvrir le reste de ta gamme !
Côtes de Provence. rosé L'Argentière 2015. Château des Bormettes.
- Vin n°5 Vallée du Rhône (10,50€)
Premier renouvèlement où on regoute le millésime primé suivi du nouveau pour apprécier le suivi.
Rhône, avec une telle forme de bouteille et une robe aussi sombre pour un rosé, alors que nos deux verres se remplissent du vin déjà labélisé et dégagent déjà son aromatique si particulière : trop fastoche de reconnaitre le meilleur Tavel (si ce n’est le meilleur rosé). La continuité entre les deux est évidente : un équilibre légèrement plus acide pour le premier, mais on retrouve toujours ce coté plein, mur, charnu, vineux, animée d’ une tension merveilleuse de fraicheur et de gourmandise. On avait déjà relabélisé le premier millésime en Décembre (pour hausse de prix) avec Michel Bettane qui avait accompagné notre oui, d’un “c’est trop bon !” ; là, notre
oui aussi enthousiaste, a été suivi d’un commentaire de Thierry, dit sur un ton laconique, qui aurait pu presque passer pour un message codé sur la BBC : “l’alcool naturel du raisin efface l’amertume”. Je répète : “l’alcool naturel du raisin efface l’amertume”...
Il s’agit bien sûr du :
Tavel 2014 et 2015. Château d’Aqueria.
- Vin n ° 6 Vallée de la Loire (8,50€)
On passe aux blancs, mais il n’y’en aura qu’un ce soir...J’aime son nez tendu et rond, sur les agrumes et fruits à noyaux, dégageant de la fraicheur ; sa bouche aussi expressive, a un grain riche, assez complexe ; sa belle acidité souligne des amers gourmands qui allongent leur gout de zeste d’agrume ; la persistance témoigne longtemps d’une superbe finale assez marquée chenin : c’est
oui.
Vouvray 2015 Clos de Nouys.
- Vin n°7 Vallée de la Loire (6,90€)
Oh le beau nez de Gamay, avec un grain aromatique franc, frais (fruits rouges, petite note végétale) suivi d’une bouche expressive, à l’équilibre gourmand, porté par des tannins avenants. Un vin de soif qui se boit tout seul ; et à ce prix et à cette qualité là, on aurait tort de se priver de ce “vin de copain”, comme le soulignera Thierry, c’est
oui. Et c’est bien sympathique de voir cette cuvée de base de Marionnet, ressortir systématiquement à l’aveugle, d’une façon positive.(Monoprix, Prix Plaisir)
Touraine gamay 2015. Domaine de la Charmoise. Henry Marionnet.
- Vin n°8 Bourgogne (18,95€)
Dure loi de la démocratie et relativité bien humaine de la dégustation, qu’elle soit effectuée par des amateurs ou des pro... J’ai apprécié ce vin “au nez fin, complexe (fruits rouges, petite note de ronce, violette), sa bouche soyeuse au fruit un peu confituré, longue, persistante ; avec encore quelques petits tannins qui ressortent et un boisé qui demande à s’intégrer”, vraiment représentatif d’un bon Bourgogne à mon gout. Avis partagé par une bonne partie du groupe, quand l’autre partie focalisée par le boisé, jusqu’à l’associer à “un jus de planche”pour ma voisine, vouait presque ce vin aux gémonies ; jusqu’à Thierry influencé par les PDF (expression adaptée, vu le nombre de filles présentes(
), disant “çà séduit, mais c’est fatiguant, vraiment trop boisé, faudrait dire au vigneron de se calmer”. Franchement, pour moi qui ai tendance à fuir les étiquettes mentionnant “élevé en fût de chêne”, le boisé certes présent, ne me semblait pas si caricatural, mais je peux me tromper.
Vu les avis partagés, çà été
non.
Quand l’identité du vin a été révélée, je ne pus m’empêcher de rappeler que nous avions sélectionné en Décembre, avec Michel Bettane (5 Décembre, voir plus haut) le même vin, du millésime précédent, avec un enthousiasme unanime (pourquoi n’est-il pas passé en renouvèlement, alors qu’il était déjà labélisé et au même prix ?), que le domaine (4 étoiles sur le guide) avait été loué et mis en avant par B&D quand la région de Marsannay avait été promue appellation de l’année ; comprend pas, d’une année à l’autre, il n’y’a pas vraiment de raison que le vigneron se lâche sur le bois...Mais peut être suis-je influencé par les 2012 que j’ai en cave, avec lesquels je me régale...Pour être honnête, jetant ce matin, un coup d’œil à la rubrique consacrée au domaine, le guide RVF 2016 précise : “Si la qualité des raisins et les vinifications semblent de grande qualité, à l’inverse, les élevages sont plus inégaux avec des boisés dominateurs qui finissent par être lassant car les vins perdent de leur élégance et de leur charme. D’ou l’étoile en moins”; le guide B&D 2016 mentionne de son coté : “les vins sont vinifiés dans un style opulent et fin, très consensuel (...) ses derniers millésimes montrent une évolution de style vers plus de finesse ”. Cela ne fait que confirmer la relativité des avis non issus de robots dégustateurs, mais de personnes vivantes, sensibles, forcément subjectives.:)o
Marsannay VV 2014. Bernard Bouvier.
- Vin n°9 Bourgogne (22,50€)
Sympa les dégust’ à l’aveugle, qui se suivent et ne se ressemblent pas, même avec le même casting : Monop’ a fait succéder à la bouteille précédente, exactement celle goutée déjà le 5 Décembre, mais dans un ordre inversé, toujours avec un an de plus. Un prix supérieur de 3,55€, différence minime vraiment justifiée par un supplément de finesse et d’harmonie que le bel équilibre du nez laisse pressentir. Le profil acide de la bouche, ses tannins fins, lui donnent un coté élancé, expriment un beau fruité, au caractère souple, épicé, vraiment gourmand, avec ce supplément de longueur et de persistance qui signe le beau vin. Là, à nouveau, même si d’un millésime à l’autre, le vin a augmenté de 1€, je ne comprend pas pourquoi il n’est pas passé en renouvèlement, en compagnie de celui que nous avions labèlisé en Décembre, dont Michel B avait souligné le coté dynamique : “comme un ’élan naturel”; avis confirmé par Thierry, sur le vin d’aujourd’hui, par “son joli fruit et son caractère persistant et racé”. Là le boisé, n’a dérangé personne...Sauf que certaines de mes voisines, l’ont trouvé “encore fermé, pas assez avenant en l’état” ; j’ai bien essayé de défendre qu’un Fixin aussi jeune, demande à être un peu gardé, ou longuement carafé ; que parmi les acheteurs du label, dont nombre de LPViens, il y’a de vrais amateurs conscients que dans cette gamme de prix, un Bourgogne implique peut être quelques égards, voire un peu de patience, même si on l’achète pour l’offrir à un ami, qui est le canevas du label. Mais c’est comme si je criais dans le désert, çà été
non. Bad karma, ce soir là, pour le domaine Bouvier qui perd le label mais reste dans les rayons.
Fixin VV 2014. Bernard Bouvier.
- Vin n°10 Italie (12,90€)
Les acheteurs de Monop’ ont vraiment le talent de nous dégoter des cuvées étrangères de petits domaines, vraiment représentatives de leurs cépages, de leur terroir, du plaisir de découvrir de nouveaux parfums, des saveurs nouvelles ; je suis peut être “vacciné” à Monop’, mais en tant que client et prescripteur, j’apprécie avant tout dans ce label, l’identité et la singularité des cuvées vraiment représentatives de leur région.
Identité et continuité que l’on retrouve sur ce rouge en renouvèlement : nez gourmand, rond et tendu, sur les fruits à noyaux (cerise rouge) ; la bouche structurée, aux saveurs fondues, a un coté légèrement asséchant, plus tannique sur le second vin, en finale - un Sangiovese un peu rustique, souligne Thierry - mais on reste vraiment sur le même profil d’équilibre, de finesse, de rondeur et de persistance, c’est
oui.
Chianti Classico 2012 et 2013. Domaine Cinciano.
- Vin n°11 Etats-Unis (10,90€)
Tiens, pour la première fois, un vin américain ! Le nez est:
:
:
...je ne sais pas s’il existe un adjectif pour témoigner d’une telle générosité : hyper flatteur, riche et exubérant pour certains, opulent et doucereux – qui a dit putassier ? - au gout de la majorité pas encore tombée du coté sucraillon de la force, ouf ! C’est sur, il y’a de l’ampleur en bouche, mais avec tellement d’informations au détriment de l’équilibre, de l’harmonie, de la finesse et de la précision, que ce rouge sucré apparait comme une caricature, du moins selon nos critères ; comment peut-on aimer çà ? “Un vin fait pour surprendre” lit-on sur le site du domaine concerné, rajoutant “fini les vins de froussard”. Bah
non xxx, moi çà me donnerait plutôt envie de relire
l’Eloge de la fuite de Laborit !!!!! Mais un vin passionnant, tant il symbolise un vrai choc de civilisation du gout, bien relatif, à nouveau.
USA Sonoma. Zinfandel 2013. Domaine Ravenswood
- Vin n°12 Vallée du Rhône (9,50€)
On passe aux liquoreux, avec un renouvèlement. Oh, çà sent le muscat, et du coté du Rhône, la balade en gondole ! A ce prix, çà ne peut pas être le Muscat de Beaume de Venise du Domaine des Bernardins que j’adore. Les deux vins servis ont en commun une intensité fruitée prenant figure de bombe aromatique. Mais j’avoue ne pas retrouver la gourmandise de la bouche du premier sur le nouveau millésime ; un léger déséquilibre entre le fruit, le sucre et l’alcool, une tension un peu défaillante génèrent un coté sirupeux et chaud, avec au final un manque de fraicheur, à mon gout. Avis largement partagé, c’est
non.
Muscat Beaumes de Venise 2014 et 2015. Domaine Font Sante.
- Vin n°13 Sud-Ouest (13,40€)
Allez, un dernier liquoreux, toujours en renouvèlement. Là, la tension ne manque pas, et il en faut pour brider cette générosité exotique, comme piquée de touches de vanille et de miel, où le sucre et l’alcool tenus au collet par une fine acidité sur fond d’amers gourmands, sont joliment intégrés au fruit savoureux. Presque des frères jumeaux, c’est donc
oui.
Jurançon “Douceur d’ange” 2011 et 2012. Cave de Jurançon.
20h30 ! Plus de deux heure trente, je n’ai jamais connu une session aussi longue, mais il fallait bien “éclairer” les recrues sur notre mode de fonctionnement ; et quand Thierry se transforme en pédagogue, on ne voit plus le temps passer.
-D
Daniel