Lors de notre précédente session LPVienne sur le RIESLING, j'avais lâché en fin de soirée, à l'évocation du futur thème: "et si on goûtait les 96? ".
L'idée de faire le tour de ce millésime à ses 20 ans a de suite rallié l'ensemble de l'assemblée et trouver une date avant la fin de l'année s'imposa vite, histoire de rester dans le timing du jubilé...
Pour ce beau projet, c'est kéké (Philippe K) qui s'y colle et nous reçoit ce jeudi soir.
On est dix pleins d'espoir et d'entrain autour de la table.
Il faut dire qu' à sa sortie, il promettait dans l'ensemble du vignoble français ce millésime et que l'idée de faire un tour des régions, sans autre critère que l' année de naissance était emballant.
Ce lendemain matin, avec le recul et quelques courtes heures de sommeil, l'image est un peu ternie. Si quelques unes des 26 bouteilles "du thème" étaient de très bon niveau, les déceptions étaient quand même majoritaires.
Comme, en comptant les mises en bouche et les afters, on est dans la trentaine de bouteilles ouvertes, j' essaierai d'être bref (et clair autant que possible...)
Mises en bouche:
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Veuve Fourny et Fils, Champagne Rosé Premier Cru Brut (6gr/l - PN 70 et CH 30)
La robe est pelure d'oignon, avec des notes cuivrées.
Le nez "pique" un peu au départ puis se calme vite, sur la grenadine, le menthol.
La bouche est vive, tendue; c'est sec, sur les fruits rouges, la groseille, la grenadine et les herbes aromatiques. Belle mise en bouche.
-
Georges Descombes, Morgon, "Vermont" 2011 (un "one shot" sur des vieilles vignes arrachées depuis)
La robe est grenat, assez intense.
Nez animal, sur le cuir, d'un beau fruité aussi.
La bouche est droite, avec de la mâche, une belle trame, un beau fruité qui prend le pas sur un boisé qui se fond peu à peu. Ce très beau vin, vite placé à Morgon, est en train de se mettre en place mais aucune urgence en ce qui le concerne, tant il paraît encore jeune. Belle bouteille dans encore 5 ans.
Allez! On plonge avec courage et enthousiasme dans les 1996!
Tout est évidemment servi à l'aveugle (sauf bien sûr nos apports personnels) , deux par deux, et Philippe a du boulot! On a décidé d'un ordre rouges (Bordeaux puis Bourgogne et pris de façon aléatoire) puis blancs (secs puis moëlleux pour terminer). C'est clair?
Le rythme soutenu ne favorisera pas les envolées lyriques; cela tombe bien...
Les proportions des cépages sont à titre informatif et peuvent évidemment se révéler approximatives.
1-
Château Léoville Poyferré , Saint Julien (CS 70, M 25 PV 5)
La robe, rubis, est encore assez intense, disque un peu évolué.
Le nez est très séduisant, gourmand, sensuel presque; sur le vieux cuir, le cigare et les fruits noirs.
La bouche, ronde, ne montre cependant pas une grande matière, avec un petit creux en son milieu; le vin servi assez frais fait sans doute que cela paraît un peu corseté, et l'acidité marquée rend la finale fraîche, toutefois sur des tanins un peu stricts.
D'un beau fumé, sur le cassis et la mûre, le nez me charme plus que la bouche.
Vin intéressant toutefois, sans doute avec encore un devenir.
2-
Pavillon Rouge de Château Margaux, Margaux (CS 75, M 20, PV 3 CF 2)
Pas grand chose à dire si ce n'est un problème de bouchon qui s'accentue bien (si je puis dire) au réchauffement et à l'ouverture.
3-
Château Sociando-Mallet, Haut-Médoc (CS 55, M 40, CF 5)
Nez sur les fruits noirs, le chocolat, du poivron et quelques épices.
En bouche, les tanins semblent plutôt verts, un poil astringents, l'acidité est assez marquée.
Un vin terreux, ferme, vigoureux, avec une bonne longueur.
Plus intéressant quand on y revient après son comparse de PL.
4-
Château Carbonnieux, Pessac-Leognan (CS 60, M 30, CF 7, PV et C 3)
Nez de grillé, de vanille, caramel. Un peu de sous-bois.
En bouche c'est plus ample, plus large, plus mûr que le Sociando, sur le bois de cèdre.
Ce vin manque de classe et ne s'arrange pas au réchauffement, surtout quand on va et vient avec son comparse médocain.
5-
Château Calon-Ségur, Saint-Estèphe (CS 55, M 35, CF 10)
Le nez est nettement orienté poivron vert; terreux, avec du cèdre puis traces de cerise noire.
Beau vin à la bouche fraîche, d'une certaine classe (fumé, cuir), à la structure élégante, manquant peut-être d'un peu de richesse, de rondeur.
6-
Château Belair, Saint-Emilion 1er Grand Cru Classé (M 80, CF 20)
La robe est plus évoluée, avec des nuances orangées sur le disque.
Le nez est discret; bouche souple, aux tanins bien intégrés.
C'est cependant assez discret, fermé et plutôt fluet, pas très riche.
De plus ce manque de matière accentue l'acidité, ce qui rend le vin peu équilibré.
7-
Château Cos d'Estournel, Saint-Estèphe (CS 65, M 35)
On change de registre, ici, avec ce très beau vin.
Le nez est très classe, sur le tabac, la boîte à cigare, le cuir noble, les fruits noirs et les épices.
Belle bouche, équilibrée, aux tanins fins, souples; c'est bien mûr, avec de la matière, une structure veloutée, tendre. L'acidité, si elle est aussi présente, est au service de l'équilibre.
Très belle finale, longue qui fait de ce vin le top des Bordeaux de la dégustation.
8-
Château Latour à Pomerol, Pomerol ( M 90, CF 10)
Nez cuit, confituré, quelques épices.
En bouche, c'est fané, oxydé, madérisé; le vin semble en fin de vie (passé ou coup de chaleur?)
9-
Château Malescot-Saint-Exupéry, Margaux ( CS 50, M 35, CF 10, PV 5)
C'est bien mûr, gras, en dentelle et tout en souplesse.
Un Bordeaux en finesse, mûr et élégant et qui est prêt à boire, ou aurait dû l'être.
10-
Grange des Pères, Vin de Pays de l' Hérault ( Sy-Mv-CS)
Le nez est mûr, sur les fruits confits, fruits noirs, cassis; du cuir et un côté animal aussi.
Un peu de surmaturité et le côté "doucereux" nous envoie de suite plus au sud.
C'est structuré, droit, complexe et de belle longueur sur une acidité encore bien vaillante.
Beau vin, dans le top trois.
Premier bilan après ces vins "bordelais".
-Je mettrais jusqu'ici Cos, GDP er Calon.
- Si on peut tirer une petite conclusion sur un si petit échantillonnage, je dirais que le Cabernet Sauvignon s'en sort mieux que le Merlot (et donc rive gauche que rive droite).
- Ensemble quand même décevant, avec quatre vins carrément pas à niveau (bon, il y a un bouchon mais quand même...)
-Je lis dans mon vieux guide H 98: "Alors que le climat de l'année 1996 n'a rien eu d'exceptionnel en Bordelais, que ce soit pour les températures ou les précipitations, les vins ont d'emblée été décrits comme de grandes réussites"... "1996 donnera des vins pleins, tanniques et de longue garde."
Force est de constater que le marketing n'est pas récent dans la région... et que certains vins sont plus pleins que d'autres.
Voyons voir si la Bourgogne s'en tirera mieux...
11-
Chambertin, Clos de Bèze, Grand Cru, Domaine Bruno Clair
D'emblée, je ne comprends déjà pas bien ce vin...
Si le nez laisse échapper quelques fruits noirs, quelques arômes floraux et un peu de sous-bois, la bouche est étrangement douce pour un pinot de 96...
C'est assez fluet, léger; certains y trouveraient sans doute de la finesse.
Bizarrement, il ne fait pas le poids face au "village" (même si kéké insiste pour me persuader qu'il s'agit d'un lieu dit) en face...
12-
Gevrey-Chambertin "Aux Echezeaux" vieille vigne, Domaine Fourrier
Sur les fruits noirs et le sous-bois, ce vin a encore une fraîcheur magnifique, avec un bel équilibre porté par une matière intéressante et vraiment "de la pêche"!
Le tête à tête avec le Clos de Bèze, qui a tout son intérêt ici (même village et même millésime) ne lui fait en tout cas pas peur... Bravo.
13- 14- 15- 16 sont de
Dugat-Py
Bon; je ne sais comment présenter les quatre bouteilles de Bernard Dugat
(vv, Coeur de Roy, Lavaux et Petite Chapelle) qui viennent de ma cave et dont j' attendais plus, surtout des Premiers Crus. Pris par la surprise ou la déception, je n'ai plus pris de notes...
Pour avoir un peu d'expérience du domaine, j'ai l'habitude d'ouvrir les vins dès le matin pour les boire le soir; quand je suis chez moi, je goûte avant l'arrivée des invités et je décide si j'épaule, carafe, etc. Comme je devais amener les vins pour la dégustation, que l'on était dix et que, vu les dépôts, je voulais éviter que les huit derniers aient des "crasses" dans les verres, j'ai, dans l'après-midi, carafé lentement, jeté les énormes dépôts, rincé les flacons puis remis en bouteilles. Les vins se goûtaient pas mal le matin, surtout les deux 1ers crus, et principalement Petite Chapelle que je trouvais très bien.
A la dégustation (après 22h à ce moment-là) je n'ai pas reconnu les vins, surtout le coeur de Roy et PC qui avaient un côté mûr et animal bizarre que je n'avais pas le matin.
Si les Vieilles Vignes et Coeur de Roy (vignes encore plus vieilles...) étaient franchement décevants, je trouve quand même que les deux Premiers Crus étaient intéressants.
Le Lavaux-St-Jacques bien droit, frais, avec son habituel côté austère était très bien.
Petite Chapelle plus mûr, plus riche, assez complexe avec un côté animal et des arômes de torréfaction était devant le matin mais derrière, je trouve, en soirée.
Mais ces vins ne sont quand même pas au niveau que l'on est en droit d'en attendre.
On peut réfléchir ou discuter sur les techniques de l'époque, surtout l' utilisation et le brûlage des fûts, ou je ne sais quoi d'autre, on en restera pas moins déçu sur la qualité .
Essayons de reprendre le cours normal de notre dégustation...
17-
Charmes-Chambertin, Domaine Geantet-Pansiot
La robe est brillante et le nez sur les fruits noirs, le goudron, un côté terreux.
La bouche est souple, sur le velours, structurée et de bon équilibre avec un retour des fruits (rouges et noirs) et la réglisse.
Un vin au fruit bien mûr, des tanins souples, et avec une acidité qui devrait encore porter le tout pendant quelques années. Très beau.
18-
Clos de la Roche, Grand Cru, Georges Grandvigne (négociant à NSG)
Un GC encore décevant, avec des tanins sévères, dominé par l'élevage et une pointe de surmaturité. Pas beaucoup de chance en face du Geantet-Pansiot...
19-
Clos Vougeot, Grand Cru, Confuron-Jayer
Groseilles et cassis, du sous-bois, tertiaire.
C'est assez serré en bouche, élégant, avec une belle acidité, des amers mais aussi des tanins stricts un rien rêches en fin de bouche...
Deuxième petit bilan, sur ces neufs vins de Bourgogne cette fois:
- Un très beau Charmes et un "village" à un beau niveau...
- Si on se donne la peine de chercher quelques prix sur le net (cela vaut aussi pour les Bordeaux) , cela paraît un peu court, j'en conviens.
Mon ami Pierre (Peterka) qui déguste habituellement à mes côtés ( les vieux ont tendance à se regrouper par solidarité...) et qu'on ne peut suspecter de quelque obédience que ce soit, s'interroge depuis le début sur la possibilité d'un jour "racine" .Comme Thibault n'a amené ni son calendrier, ni son petit Thun illustré, on n'en saura jamais rien mais la question reste posée.
Et ce ne sera pas les blancs qui suivent qui apporteront la réponse:
Avant de poursuivre sur les 1996, un blanc pour préparer la bouche:
-
Muscadet de Sèvre et Maine, Luneau-Papin, le L d Or 2013
Tout de suite identifié, ce beau melon, minéral, iodé, tourbé, sur les agrumes, les fleurs blanches, le zeste de citron, nous remet les papilles en bon ordre. Beau vin équilibré malgré son acidité.
20-
Champagne Jacquesson, Millésime, Extra Brut (dégorgé janvier 2006- Dosage 3.5 gr/l - PN 57% et CH 43%)
Avec ses arômes de pomme et de poire, de paille, sur l'oxydation, ce Champagne amène d'abord des commentaires variés; pas mal des copains sont d'abord déçus, invoquant un vieillissement prématuré mais on trouve vite un consensus pour lui trouver une foule de qualités. Sur le miel, c'est riche, complexe, la bulle est fine.
Le vin est évidemment bien sec, équilibré, de bonne longueur sur une finale acide sur les raisins secs (corinthe) et des touches toastées. Beau vin.
21-
Alsace Grand Cru, Jean Weingand, Hatschbourg, Riesling
C'est ici qu'il faut que je vous dise que le Serge a toujours l'art de dénicher la bouteille improbable, le viticulteur que personne ne connaît ou le cru qui n'est pas (encore?) parvenu à la notoriété. Cette fois il fait encore plus fort qu' à l'habitude avec ce Riesling.
Le nez sur les hydrocarbures indique de suite la voie.
La bouche est grasse, il y a du volume mais, étrangement, il y a un manque de tonus pour relancer le vin. Mais pas tout à fait mort ma foi...
22-
Alsace Grand Cru, Domaine Weinbach, Sclossberg Cuvée Sainte Catherine, Riesling
Robe orange, assez foncée...
C'est bizarre, gras, sur le miel et les épices, avec une acidité et des amers en fin de bouche assez prononcés... bof
23-
Alsace Grand Cru, Zind-Humbrecht, Rangen de Thann, Clos Saint Urbain, Pinot Gris
Robe orange, évoluée.
Le premier nez qui me vient est du céleri, puis nettement de la truffe blanche, des fruits confits et des hydrocarbures.
En bouche, il y a bien entendu un peu de sucres, mais un bel équilibre tout en légèreté et une superbe longueur.
Un vrai vin de gastronomie; très beau!
24-
Alsace ,Zind-Humbrecht, Clos Häuserer, Riesling
On reste chez Zind mais on revient au Riesling, avec toujours la même robe orangée.
Quelques agrumes mais une acidité assez terrible et des amers pas trop sympas.
Un vin déficient ou en phase terminale, mais pas terrible en l'état...
25-
Vouvray, Domaine du Clos Naudin (Philippe Foreau)
Au printemps, au domaine, Philippe Foreau, en dégustant les 2015, m'avait parlé de ses millésimes préférés depuis qu'il a pris le domaine en main; et ce 1996 en fait sans aucun doute partie et montre bien la capacité de vieillissement et d' évolution de ses vins.
C'est rond, sur le miel, la truffe, les notes minérales.
La bouche est mûre, sur des fruits exotiques, avec une superbe acidité.
Avec une belle finale sur des amers de grande classe, ce vin est encore en pleine forme!
26-
Vouvray, Domaine Huet, Clos du Bourg, Moëlleux, Première Trie
Et de deux! Superbe vin, sur les fruits surtout (fruits secs, coing, pomme mûre, poire, agrumes) la truffe et les notes minérales.
La bouche est magnifique, balançant entre la tension malgré les sucres, la précision aromatique, la finesse et l'élégance.
En route pour le troisième bilan.
- Les blancs n'évitent pas non plus le balancement entre vins magnifiques et les ratés.
- Quatre belles satisfactions cependant sur les sept, avec deux vedettes, deux Clos, Saint Urbain et Bourg.
- Les Vouvray (et la Loire en général) cela reste un coin à pépite où on a quand même peu de chances d'être déçu. Je suis bien conscient que c'est un peu court pour tirer des conclusions, mais, dans un souci de perfection, nous ferons dès la rentrée une balade sur les "Chenins de la Loire" (avant 2010) , histoire de confirmer une magnifique dégustation passée...
Un (très) petit mot sur les afters avec le bon cassoulet; Philippe complétera car j'ai des trous...
- Un
magnum de Costières de Nîmes 2010 (90% syrah 10% Mourvèdre) dont j'ai omis de noter les coordonnées: beau vin marqué syrah et bon accord.
- Un
Cornas Cuvée des Coteaux 2006 de Robert Michel
Plein de fraîcheur, d'acidité même, pour ce vin étonnamment jeune, plutôt fluide à mon goût .
Des fruits noirs, des épices; cela joue plutôt dans la finesse et la légèreté me semble-t-il...
Merci Philippe pour l organisation et tout le service!
Merci à tous pour les bouteilles et la bonne humeur!
jlj