Place aux jaunes !! :)o
Cela a été expérimenté et raconté des dizaines de fois sur LPV, mais pour ma part, goûter quatre Jaunes dont deux Château-Chalon, succédant à un Savagnin non ouillé, soit quasiment 5 Jaunes d' affilée, précédés par 6 vins et les mets qui vont avec, ne m' a pas semblé évident. Fatigue, confusion de repères d' un vin à l' autre ou manque d' expérience d' autant de Jaunes goûtés quasiment en parallèle dans quatre verres différents ? Je ne sais pas trop et suis assez curieux de voir comment ces vins vont se regoûter à tête reposée et ventre vide [size=x-small]ou nettement moins plein[/size]...Pour moi, le soir de la dégust, sans aucune prise de notes, Savagnin de Tissot mis à part, le Macle et le Berthet-Bondet sortaient du lot, comme par hasard, deux Château-Chalon....
8) Château d' Arlay 1996.
poulet de Bresse au Vin Jaune et aux morilles.
Le nez dégage une impression de finesse et d' élégance ; un léger fumé enveloppe les arômes habituels de noix, de curry, d' abricot sec dessinant vraiment un joli grain fruité, épicé, superbement équilibré. Et c' est un vrai bonheur de "parcourir" ce nez comme on aborde un tableau dont les couleurs deviendraient arômes, sentir comment noix, amande séchée, pomme, abricot, curry complété d' autres notes épicées, subtilement miellées, s' équilibrent, s' ordonnent, se complètent dans une empreinte à jamais évolutive, qui les intègre tous, sous les traits d' un poème aromatique vivant. Qui alors pourrait percevoir quoi que que ce soit, si ce n' est une image de poète, surgissant du poème ?
La bouche dégage la même impression de finesse, comme si son fil acide brodait au point de croix, son ampleur réelle, tout en amers contenus. Comme une voile brassant dans un mouvement ample et tendu, tout un monde de saveurs dédiées à la beauté, à la profondeur du sec, dont une persistance subtilement cacaotée vraiment touchante.
9) Château Chalon Berthet Bondet 1988.
idem
Quand Jérémie m' annonce en arrivant que son Berthet est "zingué", il s' en est fallu de peu pour que le vétéran de la soirée ne termine pas sa vie dans l' évier ! Un peu débordé par mes carafages et températures
ad hoc, et surtout par le fait que je ne savais vraiment plus où j' avais rangé le Camille Loye de Cyril,
je prend l' initiative de le carafer sans le goûter, me disant que cela ne pourrait pas lui faire de mal. Décision inspirée, car trois heures plus tard, le vin s' est révélé grandiose !
Le nez est moelleux, sur un registre évidemment sec, totalement fondu mais toujours tendu. Une tension particulière, lente oserais-je dire, tant le paysage aromatique semble animé d' un rythme tranquille, délicat, donnant un surcroit de subtilité à la finesse d' arômes, de douceur inspirant une forme de calme, d' harmonie que l' on prend plaisir à prendre le temps de humer à petits coups d' inspir, comme un nectar.
En bouche, la vivacité reprend ses droits, imprime un autre rythme. Son grain tendu, presque serré, d' une folle jeunesse à laquelle la maturité donne toutefois quelques joues à la texture éclatante de santé, révèle une complexité de saveurs incroyables qui semble trouver leur équilibre singulier, dans un mouvement perpétuel, follement sensuel où l' acidité tend sans fin ce que l' amer relâche, arrondit, allonge longtemps, longtemps, ouvrant en son sein, d' inépuisables profondeurs.
Est-ce lié au terroir de l' appellation, à la patte du vigneron, aux 24 ans d' âge, le Berthet-Bondet m' apparait en le regoûtant, plus sensuel, plus féminin, avec une persistance d' une ampleur et d' une longueur incroyables, en comparaison des Jaunes précédents ? Je n' avais jamais goûté un "Jaune" aussi vieux. Une révélation qui se confirme définitivement quand le moelleux des arômes et des saveurs, ouvre les bras à la crème, aux morilles et la chair goûteuse du Poulet de Bresse !
10) Château Chalon Macle 2000.
Morbier jeune, Gouda 48 mois et Comté 24 mois de Marie Quatre Homme.
Le nez merveilleux de fraicheur, d' équilibre, fait monter l' émotion encore d' un cran. Son grain tout en dentelle, fait passer sur un autre plan, la finesse et la subtilité des vins précédents ; une texture aromatique émouvante, sculptée par un orfèvre, dégageant une impression d' harmonie et de pureté presque aériennes ; une transparence d' arômes édifiés en architecture les faisant décoller de leur statut d' arômes. Comme si le singulier si bien incarné dans ce grain diamantin, l' était tant, qu' il s' ouvre à l'universel. Selon cette résonnance dont la perception est le point de mire, séparer l' archétype de la transcendance, n' a pas grand sens. Quand un arôme, une saveur, un équilibre, une tension, une fraicheur prennent figure d' archétype, n' est-ce pas la transcendance qui prend chair dans leur singularité, l' érige en genre, autrement dit, en absolu, ou plus poétiquement, la fait monter au ciel ? Si on suit le même fil, en émettant l' hypothèse qu' il existe bien une objectivité ultime, archétypale, que la chair d' un grand vin pourrait révéler, qu' est-ce qui peut bien la rendre ultime, transcendante, si ce n' est la révélation qu' elle est une expression de l' essentiel dissipant alors l' illusion de son objectivité séparée, œuvrant le miracle d' une altérité qui n' est plus autre ? Mais comment des mots aussi affreusement intellectuels pourraient rendre compte de la transparence d' un filet d' eau vive, d' une main qui voudrait saisir le vent ?
La bouche révèle encore plus ce caractère d' architecture, de composition idéale, avec une chair d' un équilibre souverain où chaque élément est à sa place, favorisant une fraicheur et une buvabilité exemplaires qui transgressent, transcendent son coté oxydatif bien présent, mais empreint d' une finesse, d' une harmonie superlatives dont le bel ancrage la fait pour de bon décoller.
11) Vin Jaune 2005. Fruitière vinicole de Voiteur.
id
Je n' avais pas prévu ce vin au départ, acheté au dernier moment chez Métro pour accompagner la recette de
pommes de terre au Mont d' Or, [size=x-small]ces demoiselles m' ayant fait la[/size] [size=x-small]demande expresse, de ne pas faire couler sur elles, d' Auguste Pirou[/size].
L' expérience que j' avais d' autres millésimes de cette excellente coopérative, me laissait supposer que ce Jaune pourrait s' intégrer à part entière à la dégustation.Je trouve franchement le jugement d' Hubert un peu sévère, car ce vin, bien jeune encore, de surcroit non carafé à l' avance ce soir là, est très loin de faire pâle figure en comparaison des "géants" précédents, à mon goût.
Le nez parfumé, assez fin, équilibré, appètent, compose une jolie partition des arômes traditionnels (noix, curry) avec une touche empyreumatiqure, entre chocolat et café qui lui donne une vraie personnalité, très loin des clones des vins jaunes à la noix [size=x-small]pas pu m' en empêcher[/size]
quelconques.
La bouche tendue comme il faut, exprime un fruit superbe, dont je comprend après coup, pourquoi il s' est si bien accordé avec le fruité généreux, si goûteux des fromages dont il a été le meilleur compagnon, ce soir là. Il y' a vraiment quelque chose de gai et d' harmonieux dans l' équilibre de ce vin, notamment beaucoup de fraicheur, malgré ses 16° d' alcool (13,5 pour le château d' Arlay et le Berthet, 14 pour Macle) qui ne procurent aucune chaleur ou cette impression de brûlure alcooleuse acide des mauvais Jaunes. Vraiment un beau vin qui m' incite à garder quelques années de plus, le 2002 qui me reste en cave.
12) Macvin Macle.
glace aux noix de Berthillon,glace à la vanille de Madagascar de François Théron, figues sèches, pruneaux et pâte de coing de Marie Quatre-Homme.
Ah, le Macvin signé Macle...il en a fait causer celui-là, en en prenant plein son grade jusqu' à maintenant ! En tentant d' oublier tout ce qui s' est dit ou tout ce que j' ai pu ressentir quand en fin de repas, j' avais l' impression d' être Frère Jean, [size=x-small]compagnon de Robin des Bois[/size], de retour de festin....je me retrouvre en tête à tête avec le gaillard.
Au nez, je retrouve cette impression spécifique du Macvin, si particulière, presque géométrique, où le coté résolument sec du marc et l' impression d' alcool qui l' accompagne (17,5°) tranche comme un
shoot avec le fruité intense et complexe où l' orange, le coing, l' acacia, le caramel, le coté sablé, beurré des
petits beurres, se mêlent en une fragrance prégnante, intensément parfumée. Pour moi, rien de chimique dans ces arômes, comme cela a été dit. Je ressens plutôt le contraire, un fruit d' un naturel exemplaire auquel le
shoot de l' alcool du marc donne un caractère singulier qui fonde l' identité du Macvin que l' on peut évidemment ne pas aimer.
La bouche est dans la lignée, avec toujours cette double détente marc/alcool/fruit, tendue par une acidité exemplaire qui fait surfer l' alcool, mais qui ne peut le faire oublier tant ce dernier gorgé de fruit, structure l' identité du Macvin, depuis le premier toucher, jusqu' à la persistance fruitée en diable, mais comme imbibée de marc. Mais après tout, le Macvin n' est-il pas du jus de raisin
shooté à l' alcool de marc ?
En conclusion, en le regoûtant pour lui tout seul, c' est pour moi, une vraie gourmandise, un poil trop sucrée à mon goût. Mais après tous les vins goûtés, dont 5 Jaunes d' affilée, je comprend que nos gosiers étaient trop fatigués pour accueillir le fatal
shoot ! :
Allez, on se retrouve en Janvier, pour Chablis et Côtes de Nuits !!
Bonnes fêtes à tous.
-D
Daniel