La Mondeuse selon Louis Trosset Domaine Charles Trosset à Arbin (73)
Lundi 3 Avril 2006
Merci Mr Louis Trosset ! Comment commencer ce compte rendu autrement après les quelques heures partagés dans le domaine qui reste le fer de lance dans la production du fameux cépages savoyard. Quelques amateurs chanceux et des professionnels étaient invités à cet état des lieux du millésime 2005 sur cuves, suivi d'une belle dégustation verticale.
Etaient donc présents : Louis Trosset, Pascal Paget, Dominique Perazzi, Jean-Luc Milleret, Robert Arnoux, Rénald Duvernay et moi-même.
Quelques éléments pour commencer. La Terre d'Arbin est délicatement lovée dans la Combe de Savoie, contre le massif des Bauges. Les parcelles ressemblent à celles de Chignin avec de biens beaux coteaux et en fait seule l'exposition change : Sud, Sud-Ouest à Chignin et Est, Sud-Est à Arbin.
Au niveau du sol, plusieurs secteurs cohabitent : des cailloux et pierres plus ou moins concassées sur des sols filtrants, des terres globalement pauvres et les fameuses terres rouges à la fois originales et très qualitatives.
Au point de vu vinification, deux traits particuliers qu'il faut souligner : D'une part la vendange entière qui reste très exigeante puisque le raisin ne peut dans ce cas qu'être vendangé à parfaite maturité physiologique (peau, baie et pépin bien sûr mais rafle aussi). D'autre part, tous les jus sont vinifiés en cuves et cette absence de bois qui privilégie ainsi l'expression du sol et du fruit m'a véritablement fait comprendre ou plutôt touché du doigt " l'essence de la Mondeuse ". A vrai dire, je suis à présent convaincu que cet élevage est le plus approprié dans le secteur et que le cépage en sort grandit.
Premier temps : Intégralité des cuves 2005
N. B. : L'ensemble des échantillons a été grossièrement pré-filtré.
Mondeuse, M1, 2005 : Robe violine avec les bords légèrement plus clairs. Premier nez avec une pointe de réduction, puis de la violette. Attaque vive, soulignée par des traces de CO2, confiture de myrtille et de mûre mêlés d'une tonalité pâtissière. Léger trait de vert et beaucoup de fraîcheur dans cette cuve.
Bien
Mondeuse, M3, 2005 : Robe équivalente. Nez très floral, encore avec une dominante de violette, fruit mûr en bouche avec des notes de ronce sauvage, matière un peu plus souple malgré une douce astringence et des notes de zan. Manque un rien de Longueur.
Assez Bien +
Mondeuse, M4, 2005 : Robe légèrement plus claire, beau nez engagent sur les fruits rouges mais la bouche est en retrait, elle est plutôt neutre et manque d'élan. L'échantillon souffre en plus d'une légère oxydation. Astringence plus marquée mais associé à une petite matière, probablement un léger manque de maturité.
Très Moyen
Mondeuse, M5, 2005 : On retrouve ici une belle robe bien foncée. Notes de mûre, de pâtisserie, de café torréfié qui évolue à l'aération sur le caramel (température un peu haute pendant les fermentations ?). Superbe attaque franche pour un jus sapide avec une très belle acidité. Un vin qui se goûte austère mais qui est prometteur pour les assemblages.
Bien
Mondeuse, M6, 2005 : Belle robe encore. Echantillon réduit et même qui " fox " un peu sur la fourrure animale. La bouche se définit par un grand fruit très pur et une note de poivre qui se fait de plus en plus présente. Grande longueur sur cette cuve qui reste fraîche.
Très Bien
Mondeuse, M7, 2005 : Nez atypique avec de l'anéthol (ou plutôt fenouil) puis de la violette. L'un des seuls vins dans lequel le fruit est absent. La bouche manque de netteté et de précision avec une sensation lactée qui me déplaît. La finale sèche un peu.
Assez Bien -
Mondeuse, M8, 2005 : Robe sombre et nez beaucoup plus expressif et typé par le fruit originel. Bouche compacte et dense avec une superbe sève. Un équilibre supérieur à toutes les autres cuves avec la matière la plus imposante qui finit sur le fumé (cendre) et la réglisse. Probablement une composante de la future cuvée " Confidentiel ".
Très Bien +
Mondeuse, M9, 2005 : Robe plus claire. Nez de mûre, de tabac frais et de brioche. La bouche n'est pas très nette, lourde, le vin n'est pas du tout en place, l'alcool est légèrement dissocié et toutes les composantes sont bien là mais elles ne s'harmonisent pas.
Assez Bien - seulement en l'état mais à revoir.
Mondeuse, M10, 2005 : Grande pureté aromatique et profil beaucoup plus conventionnel. A la fois floral et fruité, le nez s'exprime sur la pivoine et la mûre sauvage. De très beaux arômes nets et précis, avec un côté éthéré, la matière à beaucoup de fond et ce beau jus mérite que son élevage se prolonge.
Très Bien
Mondeuse, M11, 2005 : Plus puissant aromatiquement, le cassis mûr domine au nez et lui donne des airs de syrah. Hélas en bouche, l'attaque est un peu plate, la matière semble en décalage avec le nez, un peu uniforme et monolithique. Ce jus là me semble moins bien constitué.
Assez Bien
Mondeuse, M12, 2005 : A nouveau un beau nez même s'il est marqué par la réduction. Cette fois ci l'attaque présente une belle vivacité et elle est engageante. Cet échantillon fort bien constitué se goûte austère, avec un trait de vert et des tanins qui demandent à s'assouplir. Pas très plaisant mais se révèlera probablement dans un assemblage avec un jus un peu plus flatteur.
Bien
Mondeuse, M13, 2005 : Nez sur la ronce sauvage et les fleurs fanées. L'attaque manque de franchise mais la matière est souple, arrondie. L'alcool est plutôt présent et un peu dissocié mais le vin finit sur une belle touche de réglisse. Les qualités et les défauts se disputent un peu dans ce vin là.
Assez Bien
Mondeuse, M14, 2005 : Le nez est marqué par le yaourt à la fraise et la cerise burlat. L'attaque manque de punch mais la matière est intéressante avec un côté très caressant, enveloppant.
Assez Bien -
Mondeuse, M15, 2005 : Nez retenu et puissant, sur la violette et le bonbon anglais. Le profil aromatique est bien défini. Des traces de CO2 marque la bouche fraîche mais ne masque en aucune manière la densité de la matière fort bien constitué où une légère amertume équilibre admirablement les tanins souples.
Bien +
Mondeuse, M16, 2005 : Nez épicé, très confiture de fraise, pas très délicat, avec de la réduction et des notes d'algues. Bel équilibre tenu par des tanins serrés, une bonne acidité constitutive et de la minéralité. Finale nette avec de la longueur.
Très Bien
Deuxième temps : Ebauches des futurs assemblages qui seront réalisés entre Pacques et Noël
Je n'ai à nouveau que pu constater toute la difficulté inhérente à l'exercice qui consiste à assembler des cuvées. S'il s'agissait d'une simple équation linéaire où l'on additionne les qualités intrinsèques des jus, cela serait bien trop facile et l'on se rend compte qu'associer en toute simplicité les cuvées de qualités équivalentes pour hiérarchiser une gamme conduit malheureusement à une impasse. En fait, il faut à la fois travailler sur le profil aromatique, raisonner sur l'équilibre des cuves, la structure acide, essayer, goûter, réessayer autrement et regoûter. Bref un exercice passionnant.
N.B. : Les assemblages ont été réalisés au prorata du volume dans chaque cuve et les différents vins ne sont donc pas mélangés à parts égales. Plusieurs essais ont été réalisés, je ne les commente pas tous.
Mondeuse, Assemblage (1-3-8-10-15), 2005 : Cet assemblage est une bombe aromatique. Cassis, épices (clous de girofle) et eucalyptus. Il est complexe et la bouche est à la fois grasse, charnue et souple. Ensemble très flatteur.
Très Bien
Mondeuse, Assemblage (1-6-8-15), 2005 : Nez friand de fruits, l'attaque est plus vive. Celui là est beaucoup moins flatteur mais retenu et avec davantage de fond.
Bien
Mondeuse, Assemblage (1-5-6-8), 2005 : Le nez est marqué par des arômes de café au lait et de fruits rouges, les différentes cuves constitutives ne s'harmonisent pas du tout et la bouche part dans tous les sens sans trouvé de juste équilibre.
Assez Bien sans plus
Mondeuse, Assemblage (5-6-8), 2005 : Cette fois ci, le cassis et les épices douces dominent (poivre, piment d'Espelette). D'une grande typicité, cet assemblage est le parfait équilibre entre le côté flatteur du premier essai et la belle constitution du deuxième.
Très Bien +
Mondeuse, Assemblage (1-5-8-16), 2005 : Nez floral et complexe, violette, mûre et cassis. Mais ce beau profil aromatique est entaché par une surprenante rusticité dans l'association.
Bien tout de même
Mondeuse, Assemblage (1-6-8), 2005 : Nez de mûre et de violette très typique, l'attaque est bonne et le vin qui goûte un rien austère présente une finale minérale et salivante.
Très Bien
Pour conclure sur le millésime, en 2005, les couleurs sont très sombres. Le profil aromatique dépend des cuves mais globalement, la récolte est à la fois homogène et de grande qualité. Pas d'erreur, les vins seront ici richement constitués, pleins, avec de la sève. Moins flatteurs et gourmand que 2004 mais de plus longue garde. Des vins à mettre en cave et à oublier pour quelques années…
Troisième temps : La Mondeuse qui défie le temps…
Mondeuse, Harmonie, Mise février, 2004 : Beau nez frais et floral, un fruit croquant de mûre sauvage et de myrtille, une grande gourmandise dans cette cuvée qui finit épicée. Très classique.
Très Bien
Mondeuse, Prestige des Arpents, 2004 : Robe plus foncée et nez très réduit. Un vin qui se goûte très austère, à attendre ou aéré longtemps.
A revoir
Mondeuse, Confidentiel, 2004 : Une extraordinaire cuvée, très saline et salivante dans laquelle s'expriment les vieilles vignes sur des terres rouges. Les tanins sont polis et suaves, sans aucune aspérité. Pas une matière colossale mais l'équilibre des grands vins de montagne.
Excellent
Mondeuse, Harmonie, Mise mai, 2004 : Premier nez très animal et fourrure puis de petits fruits rouges avec une dominante de mûre. La bouche est soyeuse et souple mais les mêmes arômes (un peu d'écurie) reprennent le dessus. Un échantillon qui me dérange.
Moyen
Mondeuse, Confidentiel, 2003 : Superbe nez intense de fraise et de cassis avec un côté flamboyant et charmeur, puis évolution sur l'eucalyptus. Acidité basse mais bouche enveloppante et très saine. Très gourmand sans aucune lourdeur.
Bien +
Mondeuse, Prestige des Arpents, 2003 : Beau nez de fruits très mûrs, cassis et myrtille. Beaucoup de souplesse mais davantage de fraîcheur grâce à une acidité un peu plus haute. Il est très rare que je préfère la cuvée Prestige à la cuvée Confidentiel mais ici, c'est la cas.
Très Bien
Mondeuse, Confidentiel, 2002 : Robe un peu évoluée mais toujours violette. Nez légèrement poussiéreux mais complexe sur la mûre, la myrtille, la violette et la pivoine. La bouche est un peu moins éclatante que d'habitude mais la trame est serrée, fumée avec beaucoup de profondeur et de race. La finale se développe sur de beaux amers nobles de quinquina. Je pense que cette bouteille avait un léger problème d'évolution mais je reste confiant pour cette cuvée déjà dégustée six fois et qui ne m'a jamais déçu.
Très Bien tout de même.
Mondeuse, 1999, en magnum : La robe est plus évoluée, rubis clair sur le centre et les bords. Grande finesse et nez de vieilles fleurs : violette encore, rose puis poivre vert. Belle attaque pour un jus encore serré et concentré. Rétro chaleureuse sur le caramel salé.
Très Bien
Mondeuse, Confidentiel, première bouteille, 1997 : Robe moins évoluée même si elle reste rubis clair. Nez cendré, fumé avec une touche qui rappelle la résine, donc des notes inhabituelles. Bouche souple mais néanmoins concentrée, avec des touches oxydatives. Malheureusement, déviation aromatique sur le champignon et le carton moisi.
Mondeuse, Confidentiel, seconde bouteille, 1997 : Un second échantillon ouvert il y a plus d'une semaine se présente sous un jour bien différent avec un profil plus pur. Toujours ce côté oxydatif mais qui évoque réellement un vieux porto sec. Grande finesse et notes très nobles de graphite, mine de crayon et écorces d'oranges amers.
Bien +
Mondeuse, 1994 : Dominante d'orange sanguine pour ce vin à la robe évoluée dans lequel je ne reconnaîtrais pas la Mondeuse à l'aveugle. Il est plutôt décharné, avec un peu de verdeur et d'amertume.
Moyen
Mondeuse, 1996 : Derrière un nez très légèrement déviant, on sent la groseille et le menthol. L'équilibre est tenu par l'acidité mais le vin me semble sur la pente descendante avec une matière qui sèche.
Non noté
Mondeuse, 1993 : Couleur évoluée mais pas la plus claire de la série. Nez un peu poussiéreux dans lequel le fruit est absent. Notes de fleurs de pivoine, de terre et de cendre. La matière est mince mais le vin est tenu par une douce amertume constitutive. Une évolution plus qu'honorable dans le contexte du millésime.
Assez Bien
Mondeuse, première bouteille, 1992 : Beau nez puissant et complexe. Encore un peu de fruit mais essentiellement floral et sur des épices douces. Les tanins sont encore perceptibles, pas totalement lissés et sèchent un peu. La finale se poursuit sur des notes de moka.
Bien
Mondeuse, seconde bouteille, 1992 : Un second échantillon dans une forme olympique ! Toujours floral avec des notes empyreumatiques, de l'eucalyptus. Le vin est dans ce millésime tenu par son alcool chaleureux. La matière n'est pas colossale mais harmonieuse sur le moka, le poivre, le cacao amer et les pruneaux à l'armagnac. Original et
Très bien +
Mondeuse, 1991 : Irrémédiablement bouchonné.
Mondeuse, 1990 : Superbe couleur pas très évoluée et d'ailleurs qui semble plus jeune que la plupart des vins précédents. Superbe attaque pour un vin gras et flamboyant qui déploie ses notes de moka, réglisse et viande salée. Très puissant et encore tout jeune du haut de ses presque 16 ans, son équilibre traduit une année de très belle maturité. Pas le plus complexe actuellement mais une bouteille tout simplement
Superbe
Mondeuse, 1983 : Cette dernière bouteille a déjà plus de vingt ans et la robe est évoluée sans virer à l'orange. Le nez est réticent et retenu sur la fève de cacao. Belle attaque vive et fraîche avec des notes de caramel et de tabac. Les tanins sont un rien trop durs mais c'est ici l'acidité qui donne le ton et équilibre l'ensemble. La bouteille a bien évoluée et se termine sur une belle rémanence.
Bien
Une très belle verticale avec quelques flacons qui vont (ou sont déjà) rentrés dans la prestigieuse histoire du domaine. Depuis 2002, Louis Trosset a vraiment réalisé une grande série de millésimes et même si les profils sont différents, j'adore la série 2002-2005 qui ne présente aucune " fausse note ". Au fil du temps, les différences sont significatives et chaque équilibre est différent. Après le temps des fruits, les dominantes aromatiques deviennent rapidement florales et épicées (poivre). J'adore les Mondeuses jeunes mais je devrais être plus patient car ces vins acquièrent réellement une complexité intéressante avec la garde. A découvrir.
Et comme si cette généreuse et exhaustive dégustation ne suffisait pas, Louis s'arrange pour que je reparte avec trois belles Mondeuses sous le bras (qui ne sont d'ailleurs plus en vente au domaine).
Chapeau Louis pour cet accueil inoubliable .