Si tu veux pas skier, va chez Dupasquier.
Ce titre lamentable dit presque tout.
Après avoir découvert les vins de Fabien Trosset à Arbin le matin, nous filons à Aimavigne, près de Jongieux, à l'ouest du lac du Bourget, pour visiter le domaine Dupasquier dont je connais la gamme, mais où je ne me suis jamais rendu.
Je passe pour la première fois dans cette partie des Alpes et je ne peux m'empêcher d'admirer le splendide paysage qui s'offre à nous. Le soleil est radieux, le ciel d'un bleu intense, et la route, sur laquelle conduire en décontraction est un réel plaisir, serpente entre les collines et les coteaux. Le relief est doux. On peine à imaginer qu'à peu de distance à vol d'oiseau, les pics et les crêtes transpercent le ciel. Les arbres ont perdu leur feuillage mais l'herbe reste verte. On croise peu de monde. Tout est quiétude, à l'opposé de l'agitation des stations de sports d'hiver. C'est une autre Savoie. Celle de la terre.
En approchant du village, les vignes apparaissent. Elles sont nues, endormies, mais dans chacune ou presque on voit un homme au travail. C'est le moment de tailler. La veste est souvent tombée. Ils doivent avoir chaud en plein soleil. Ils semblent profiter du calme, du grand bleu. On les sent dans leur élément, malgré le labeur. Les regarder à distance, percevoir les petits bruits de leur travail au milieu du grand silence est un plaisir. On entend l'air qui circule paisiblement, de rares oiseaux et quelques cliquetis de sécateurs. On voudrait prolonger l'instant mais il faut y aller.
Nous entrons dans la jolie courette de la maison/chai/caveau/espace de vente du domaine, au pied du coteau escarpé qui donne la fameuse cuvée " Marestel " ( prononcer Mar
étel ). Madame Dupasquier nous accueille. Son mari et son fils sont eux aussi partis dans les vignes.
" Quand ils ont vu ce temps, ils n'ont pas traîné. Je ne les ai pas beaucoup vus ce midi. Ce sont des hommes de la terre. Dehors dès qu'ils peuvent. Surtout qu'il fait nuit tôt, alors ils se dépêchent de sortir pour aller travailler."
Nous bavardons au sujet du millésime 2019. Au domaine on est plutôt content. Rien de grave cette année, ni intempéries ni maladie. Il a fait chaud certes, mais sans dégât. Les rendements sont un peu plus faibles, mais les raisins ont quand même donné du jus. L'état sanitaire était excellent, la qualité devrait être au rendez-vous. On sait que d'autres, ailleurs, n'ont pas été gâtés et on mesure sa chance.
Pardon pour cet interminable préambule. Mais les vins ce sont aussi des lieux et des gens. Vraiment, si vous ne connaissez pas ce coin, allez-y. Plaisir garanti. ( Je crois qu'il y a un double macaron dans le secteur...)
Les blancs :
Jacquère 2016. IGP Vin des Allobroges.
Ça c'est de l'entrée de gamme ! 5,10€ de vivacité gourmande. Du fruit, de la minéralité, du bonheur immédiat. Il faut dire que ce vin a déjà 3 ans et qu'il n'y a donc pas besoin d'attendre. A essayer d'urgence avec des fruits de mer, selon moi.
Chardonnay 2015. Vin de Savoie.
Vin plutôt rond. De l'ampleur. La bouche est pleine. Un peu de gras. Manque un poil de vivacité sans pour autant être plat. Pas de doute, le raisin était mûr. Belle longueur. Assez bien.
Je dis à Madame Dupasquier que je regrette un léger manque de vivacité. Elle me dit que c'est 2015. Et va chercher un 2016.
Chardonnay 2016. Vin de Savoie.
La matière est en effet plus vive. Nettement. Elle est moins opulente aussi. Du coup on sent l'élevage beurré vanillé.
Toutefois il n'empêche pas l'expression aromatique et la bellé acidité équilibre le tout. Je le préfère au 15, mais il faut sans doute attendre un peu.
Mondeuse Blanche 2016. AOP Vin de Savoie.
Ce cépage avait été délaissé. " Trop tardif, jamais mûr " ( Mme Dupasquier ) Le malheur des uns ( le réchauffement ) fait le bonheur des autres. La Mondeuse Blanche fait son retour.
Nez fumé, très minéral, superbe acidité qui porte l'ensemble. La structure domine pour l'instant le fruit, pas absent mais en retrait. Devra s'assouplir un tantinet. En l'état, c'est pour qui aime la tension. C'est mon cas.
Roussette " Altesse " 2015. AOP Vin de Savoie.
Encore une réussite avec cette cuvée très régulière. Cette fois, malgré le millésime, on a de nouveau de l'acidité au service de l'équilibre du vin, du dynamisme qui donne le contrepoint de l' aromatique gourmande où j'ai perçu du coing. La finale est acidulée et porte assez longtemps sa gourmandise.
C'est très bon.
Marestel 2015. AOP Vin de Savoie.
Joli volume. Certainement un peu de sucre résiduel. Mme Dupasquier confirme mais ne sait plus en quelle quantité précise. On retrouve certains travers du millésime, le petit côté lourdaud par exemple. Je trouve le jus un peu plat, manquant pour l'heure de vivacité. L'aromatique n'a pas la complexité habituelle, même en jeunesse. Cela manque de netteté. On dirait un vin trop riche.
Marestel 2014. AOP Vin de Savoie.
Mme Dupasquier à qui il suffit apparemment d'observer les gens pour savoir ce qu'ils pensent, s'empare d'une bouteille de 2014 en me disant que je vais la préférer au 2015.
Bingo. Bien plus de souplesse, d'acidité, la complexité aromatique classique de la cuvée est là, déliée, c'est net, équilibré, plus long, bref meilleur. Il y a tout ce que j'aime dans cette cuvée, même si dans les années récentes je continue à préférer 2012.
Très bien.
Voilà pour les blancs. On fait une transition avec un rosé et on passe aux rouges.
Rosé 2017. IGP Vin des Allobroges.
Assemblage gamay/pinot pour ce rosé de saignée très fruité, vif, gourmand, (avec un peu de sucre résiduel ?) doté d'une belle longueur. Je n'y connais rien en rosé mais je parie qu'il est largement au-dessus du niveau moyen.
Gamay 2016. AOP Vin de Savoie.
Matière souple, assez vive, sur les fruits rouges, délivrant une pointe d'amertume pas trop gênante. C'est frais, pas mal, compagnon probablement agréable d'une bonne saucissonnade.
Pinot Noir 2016. AOP Vin de Savoie.
Vin souple, léger, vif, proposant un fruité acidulé. Pas mauvais mais on peut avoir envie de mieux. Et ça se trouve assez facilement.
Mondeuse 2016. AOP Vin de Savoie.
On retrouve le schéma des rouges du domaine avec de la vivacité, du fruit. Les tannins se font sentir. Je les trouve plutôt asséchants. Pas mauvais. Mais après les mondeuses de Fabien Trosset bues auparavant, l'effet séquence est difficile.
Une douceur pour terminer.
Fleur d'Altesse 2014.
Vendangé en surmaturité, proche d'un demi-sec. Le sucre est certes séduisant et fait du bien au palais. Toutefois, en l'état, je trouve que ça manque de peps. L'aromatique n'est pas déliée. Le vin, par manque (relatif) d'acidité, reste assez plat et simple. A revoir.
Nous quittons l'endroit ravis du moment passé. La rencontre avec Madame Dupasquier était excellente. Elle a une très bonne connaissance de l'histoire du vignoble et permet de mettre en perspective certaines évolutions.
Merci à elle pour la qualité de son accueil.