DOMAINE ROBERT MICHEL
8, Impasse de l'Equerre
07130 Cornas
Tél. : +33 (0)4 75 40 38 70
Fax : +33 (0)4 75 40 58 57
Par ce titre peut-être excessif, je souhaite vous faire toucher du doigt à quel point nous avons eu la chance de passer 3 heures et demi avec ce grand vigneron qui a pris sa retraite depuis le 1er janvier 2007 alors qu’il a été parmi les premiers, si ce n’est premier de l’appellation, à faire des mises en bouteille et les commercialiser dans les années 50.
Robert Michel, c’est l’humilité même, c’est l’homme qui s’efface derrière ses terroirs, toujours enclin à apprécier le travail des autres, passionné par son appellation et curieux de ses évolutions.
Lorsque Robert Michel a débuté la vente en bouteille, l’appellation Cornas ne s’étendait plus que sur 40 hectares en 1956 (presque 110 ha aujourd’hui).
Pas une fois, il n’aura abordé ses vins sans nous parler du terroir de Cornas, nous en faisant découvrir tous les recoins en 2 heures et demi de visite dans les vignes. Autant vous dire que nous en avons pris plein les yeux.
Notre visite a commencé par le quartier « Sabarotte » situé à environ 200 mètres d’altitude (Cornas est à 110 mètres) qui domine l’église de Cornas.
Nous nous sommes retrouvé entre les vignes de Clape et Courbis, visualisant aisément le sol et sous-sol particulier de Cornas composé de granite en décomposition (gore) de couleur grise et orangée.
Dès que l’on monte quelque peu dans le cirque visualisé à partir du village et qui semble de premier abord correspondre à toute l’appellation, on retrouve les vignes sur cette pierre décomposée, friable dans une main, et qui affleure à de nombreux endroits à tel point que l’on se demande comment la vigne peut pousser dans de telles pentes avec si peu de terre. Il faut avouer que dans sa jeunesse, elle souffre d’ailleurs beaucoup et lors de millésimes comme cette année, les pertes de nouvelles plantations peuvent être importantes.
Au milieu de Sabarotte (qui fait face au rhône), on aperçoit parfaitement le Quartier « Reynard » sur la gauche (au nord de sabarotte), l’une des deux cuvées de Robert Michel se trouvant au cœur de ce quartier dans le lieu dit « la Geynale », désignée ainsi par Robert Michel lui-même lors de sa plantation partielle en 1960 puisque le cadastre mentionnait « Génale » et que le nom commercial était déjà emprunté par une société.
Reynard est le terroir le plus chaud de Cornas, exposé plein sud à 250 mètres d’altitude, il est totalement à l’abri du mistral. On s’en est rendu compte à 10h00 du matin où la chaleur était déjà difficilement supportable en ce 17 août.
Comme je vous le disais, Robert Michel aime autant le travail de ses confrères que le sien, voilà pourquoi il s’est empressé de nous emmener dans un endroit invisible depuis Cornas, le plateau du quartier « la Chapelle », le plus haut de Cornas situé à 350 mètres d’altitude (à côté de la chapelle Saint-Pierre chargée d’éviter la grêle qui autrefois s’abattait sur certaines zones de l’appellation) et moins pentu que le reste de l’appellation, là où son renouveau s’organise via les plantations de nouvelles parcelles effectuées par Vincent Paris, Alberic Mazoyer (domaine Voge) ou encore Jean-Luc Colombo.
On y domine toute la vallée du Rhône et de l’Isère, brassées par le mistral, ces parcelles représentent l’avenir et peut-être une alternative au réchauffement climatique sur l’appellation, toujours sur le même terroir de granitique en décomposition.
Après avoir laissé à notre gauche « les Eygas », la partie la plus au nord de l’appellation, nous arrivons sur le quartier « les Chaillots » qui compose la « cuvée des coteaux », seconde cuvée de Robert Michel, sur des parcelles plantées en terrasse de 1976 à 1981 dont il disposait en fermage et qui sont exposées également plein sud.
Robert Michel a revendu la Geynale à Vincent Paris, son neveu, en 2007 et les Chaillots à Guillaume Gilles qui a produit son premier millésime en 2007.
Densité : 9 000 à 10 000 pieds/ha
Rendements : de 35 à 40 hl/ha sur la cuvée coteaux et de 30 à 35 hl/ha pour la Geynale
Vinification : vendange non égrappée sauf sur les jeunes vignes. Macération de 3 semaines avec remontage, brassage à l’azote et délestage. Contrôle des températures à 16 degrés puis qui monte jusqu’à 30 degrés jusqu’à la fin de fermentation. Levures indigènes, non filtré, non collé.
Elevage : 6 mois en cuve, puis 1 an en pièces et demi-muids de plusieurs vins.
Retour à la cave bien fraîche où les millésimes 2006, 2005, 2004 et 2002 nous attendent pour un énorme choc sur la qualité générale des vins dégustés. 2006 est son dernier millésime produit.
« Cuvée des Coteaux » 2006
Bouteille ouverte depuis 4 jours.
Le nez se porte sur les fruits noirs mûrs (cassis, mûre), le menthol, une grosse fraîcheur florale.
La bouche est dense, très droite, cela reste très élégant et pur avec une belle longueur finale.
Très Bien.
« La Geynale » 2006
Bouteille ouverte depuis 4 jours.
Un supplément de profondeur sur le nez, ample, il est épicé et floral avec des arômes de myrtille très salivants.
Très grande douceur en bouche sur les fruits noirs avec une énorme mâche conjuguée à une fraîcheur remarquable. Rien de fatiguant dans ce vin car tout n’est qu’équilibre et race. C’est en outre très long. Un bébé qui va affronter les décennies mais qui se goûte tout en douceur.
Très Bien +.
« Cuvée des Coteaux » 2005
Bouteille ouverte devant nous.
Ce fût le nez le plus fermé, le moins facile avec sa réduction initiale, un peu de gaz laissant tout de même poindre des arômes de fruits noirs.
La bouche est très puissante avec moins d’acidité pour soutenir la matière bien mûre. Il n’y a toutefois rien de lourd dans ce vin mais il apparaît plus chaleureux. Belle longueur et joli fond de verre. A attendre sereinement.
Bien ++.
« La Geynale » 2005
Bouteille ouverte devant nous.
Le nez est un concentré de fleurs et de fruits noirs. Beaucoup de densité.
La bouche possède une grosse mâche, c’est opulent parce que bien jeune mais en aucun cas trop extrait, juste le reflet du millésime à Cornas, bien moins aérien que le 06, le toucher reste très doux et l’équilibre est plus sudiste mais impeccable. Reste longtemps en bouche. Egalement à attendre sereinement.
Très Bien.
« Cuvée des Coteaux » 2004
Bouteille ouverte devant nous.
Le nez est très élégant et fin, floral, avec une pointe végétale rafraîchissante. Un peu moins de fond mais une grande pureté d’arômes digne des plus beaux pinots.
La bouche est d’attaque très douce une fois de plus, moins tannique, sur la confiture de fruits rouges (cerise) et une finale avec beaucoup de ressort acidulé. Un vin tout en longueur. Que c’est bon, difficile à cracher.
Très Bien +.
« La Geynale » 2004
Bouteille ouverte devant nous.
Nez explosif de violette et de fleurs très puissante, c’est acidulé, une pointe animale (musc) et une fraîcheur mentholée. Quel nez encore.
La bouche possède un équilibre magistral, de grande douceur tant les tannins sont de qualité avec plus de mâche que les coteaux. Grande longueur finale. Grande bouteille.
Excellent.
« La Geynale » 2002
Bouteille ouverte devant nous.
Comment imaginer que le bouquet final allait se dérouler avec un 2002.
Le nez est sur le poivre, les épices intenses, des notes empyreumatiques, de graphite, de caramel, une pointe vanillée et du menthol. Grande complexité.
La bouche est juteuse avec beaucoup de ressort et encore une fois d’une grande douceur florale. Ça ne manque en aucun cas de matière et la finale est de grande persistance. Clairement mon plus grand rhône nord bu en 2002, digne des grands bourgogne ou grand beaujolais. Un grand plaisir dès aujourd’hui. Incrachable.
Excellent.
Comment ne pas conseiller les vins de Robert Michel.
Il dispose encore d’au moins 3 millésimes (reste quelques 2002) qu’il va vendre dans les 3 à 4 prochaines années (il est à Ampuis tous les ans, son seul salon désormais).
Difficile aujourd’hui de goûter des Cornas à l’ancienne d’une telle qualité, des vins comme on risque de ne plus faire et qui sont l’expression même du fabuleux terroir de Cornas. Clairement ma plus belle claque vinique de l’année.
Robert Michel nous a confié avoir fait ses meilleurs vins dans ses dernières années, je le crois fermement au vu de ce que nous avons dégusté.