Domaine Yves Cuilleron, passage au domaine
Le début de l'été sonne l'heure de la récupération des primeurs des années N-2 (pour les rouges) chez Cuilleron. J'avais fait, à l'époque, quelques réservations sur le millésime 2013 (année de naissance de ma fille), dont quelques exemplaires ont déjà été bu depuis (
Cornas Les Vires
, et plus récemment, avec réussite, une très belle
Côte Rôtie Terres Sombres
et surtout un superbe
Saint Joseph Les Serines
), mais mon déplacement vaut pour la récupération du millésime 2016, autre année de naissance. Nous arrivons, mes parents et moi, en début d'après midi au caveau (qui est situé de façon indépendante de la cuverie), situé au 58 RD 1086 à Chavanay, dans la Loire. Il fait très chaud, heureusement le hall de dégustation est climatisé. Un stagiaire nous accueille, et après réception de la commande, nous propose de nous faire goûter quelques cuvées... enfin celles qui sont encore disponibles à la vente, et elles sont de moins en moins nombreuses, malgré les 430000 bouteilles produites / an, sur les environs 75 ha de production, comprenant 6 AOP (Côte Rôtie, Condrieu, Saint Joseph, Cornas, Saint Péray, Crozes Hermitage) assorti d'IGP.
Entrée du local de réception clientèle/dégustation
Nous aurons droit à 7 cuvées, 3 vins blancs et 4 vins rouges. Nous commençons par les blancs, en particulier, les arômatiques Condrieu.
Condrieu, La Petite Côte 2017:
Pas de fût neuf sur cette cuvée (9 mois d'élevage environ), dont les vignes prennent pied dans des granites à muscovites, sur un vignoble en terrasse à Chavanay exposé S/SE.
On a un nez floral et sur la poire. La matière paraît mûre, assez riche et charnue. On retrouve une aromatique florale, sur la violette et l'abricot. La bouche est très ample et se fini sur de fins amers grillés. J'aime bien, plutôt démonstratif et volumineux, assez typique du cépage, et semble destiné à l'apéritif et/ou aux amateurs de vins exhubérants. Je pense qu'il est à boire sur l'éclat et l'expressivité de la jeunesse
TB
Condrieu, Les Chaillets 2016:
20% de fût neuf (environ 9 mois également) pour ce vin issu de vignes plantées sur des granites à biotite. Les "Chaillets" correspond au nom local donné aux petits murets constituants les terrasses, si nombreuses dans ces terrains escarpés.
Le nez est beaucoup plus fin, presque timide, derrière ces fines notes fumées/grillées. En bouche, on a un vin beaucoup plus droit et précis, nettement plus cristallin et austère. L'aération retrouve de la poire, du gravier humide. Il fini salin, avec une rémanence assez importante. On est face à un ensemble beaucoup plus fuselé, élancé. De belle construction, il est clairement de gastronomie, mais est bien moins tape à l'oeil que son cadet goûté juste avant.
TB+, mais il faut aller un peu le chercher, d'ailleurs mes parents préfèrent le premier, ce qui ne m'étonne guère.
Saint Joseph, Lieu-Dit Digue, 2017:
Il s'agit d'un parcellaire, situé à Saint Pierre de Boeuf, sur un coteau très pentu orienté au midi, issu exclusivement de Roussanne sur granite.
On a un nez de fruits jaunes charnus. On retrouve de la pêche, mais également de la mandarine. La bouche est puissante, assez élancée, très mûre et charnue. Il finit un peu chaleureux, sur de belles notes épicées. Clairement un beau vin de gastronomie en devenir, mais à attendre un peu.
TB+
Saint Joseph, Les Pierres Sèches, 2016:
Issu de jeunes vignes, sur des sols relativement souples, sur Chavanay, avec un élevage de 16 mois.
On a, au nez, un fond d'encre, de fruits rouges, de baies noires, de fumé et d'olive. C'est très charmant. La bouche est juteuse, fruitée, et acidulée. On retrouve un fond épicé (poivre, menthe), des fruits rouges. Les tanins sont très fins. C'est un vin de demi-corps, très gouleyant, très (trop?) facile d'accès, mais je pense un bon sparring-partners lors d'une assemblée nombreuse et/ou peu connaisseuse.
B+
Saint Joseph, Les Serines, 2016:
Il s'agit d'un assemblage des meilleures parcelles, issues de vieilles vignes exposées S/SE en terrasses sur des sols granitiques, avec un élevage un peu plus consistant (18 mois, dont 50% de fût neuf).
Nez beaucoup plus puissant, avec un léger fond cacao. On est face à une bouche très équilibrée, malgré une acidité un peu haute, transposant de très élégantes notes d'agrumes. La matière est compacte, musclée et dense. Les tanins sont sont très nombreux, denses mais d'une grande finesse. On a un joli fruité, pur et précis. La finale est longue et enveloppante. Une sacrée cuvée, dans la droite lignée du 2013 bue quelques jours plus tard, et qui peut en remontrer à un paquet de Côte Rôtie
(en aparté, il me semble plus judicieux de prendre cette cuvée que des Côte Rôtie d'entrée de gamme).
E
Côte Rôtie, Madinière, 2016:
Il s'agit d'un assemblage de parcelles (4ha, exposées S/SE) situées au nord de l'appellation, sur un sol schisteux. L'élevage est de 18 mois, avec 40% de fût neuf. Madinière n'est pas un lieu-dit mais est le nom du ruisseau qui coule au bas du coteau.
On retrouve un fond fumé au nez, des baies noires, de la myrtille et un fin côté lacté. La bouche est ronde, assez veloutée, finement épicée, avec en particulier des notes de clou de girofle. Les tanins sont plus fins que les Serines, avec une épaisseur moins importante également. Peut être un peu simple en l'état,
TB mais selon moi, avantage net au Saint Joseph précédent.
Côte Rôtie, Lieu-dit Bonnivières, 2016:
Il s'agit d'un lieu-dit désormais individualisé, sur Ampuis, en haut de coteau, exposé Est, sur des micaschistes. L'élevage est de 18 mois. Remplace depuis 2 millésimes la cuvée Terres Sombres (qui était un assemblage de parcelles, mais dont l'essentiel provenait de ce parcellaire).
On a un fond fumé, et de la suie/âtre de cheminée au nez. La bouche est ample, ronde, gourmande, avec des tanins nombreux, mais gras. On a quelques marqueurs d'élevage, mais non ostentatoires, avec un fin lacté. On retrouve un côté épicé franc, sur la girofle et le poivre, complété par des baies rouges, de la groseille et des agrumes. L'ensemble est très enveloppant et long. Très beau niveau également.
E+
Au total, concernant les vins blancs: j'ai trouvé un millésime 2017, sur ces 2 échantillons, assez riche et expressif. Des vins charmeurs et gourmands, qui feront sens à l'apéritif, en particulier, voire sur quelques beaux poissons grillés pour le Saint Joseph. Assez démonstratifs, je les conseillerais à boire plutôt sur la jeunesse pour profiter de cet éclat et gourmandise.
Concernant le millésime 2016, en rouge, il est selon moi d'un grand intérêt. En effet, je le trouve plus fin mais également plus équilibré et moins massif que 2015, chose déjà entrevue lors du
marché aux vins d'Ampuis 2018
. La profondeur des vins est variable selon la cuvée, ce qui permet d'orienter clairement ces achats selon l'objectif souhaité: plaisir immédiat ou garde. Concernant la seconde option, ce qui est mon cas, les Serines et Bonnivières devraient pouvoir y répondre, sans l'ombre d'un doute.