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Cépages rouges du Sud Ouest

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Cépages rouges du Sud Ouest a été créé par Jérôme Pérez

Les cépages rouges du Sud Ouest :

La vigne dans le Sud Ouest a plus de deux mille ans d'histoire et notamment à  Gaillac où des reproductions de motifs de vignes et de raisins ont été retrouvés sur des céramiques sigillées de Montans.

Si le cépage Duras semble être l'un des plus anciens, si ce n'est le plus ancien de la région, il faut avoir à  l'esprit, si l'on veut comprendre la grande diversité des cépages autochtones, le rôle conjoint de vitis vinifera apporté par les romains et des variétés de lambrusques qui poussaient à  l'état sauvage dans les forêts Pyrénéennes, Cévenoles ou Quercynoises.
Les hybridations volontaires ou naturelles sont des éléments essentiels qui ont conduit à  l'existence de plus de 200 cépages que le phylloxéra de la fin du XIXème Siècle a en grande partie décimés.

Les principaux cépages en culture aujourd'hui dans les sud ouest et servant à  l'élaboration des vins rouges d'appellations d'origine contrôlée appartiennent à  deux grandes familles distinctes : les carmenets et les cotoà¯des.

Les carmenets sont originaire des Pyrénées occidentales et regroupent les cépages que l'on a l'habitude de retrouver en Bordelais : carménère (aujourd'hui presque disparu, petit verdot, cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, mais aussi le fer servadou).

Les cotoà¯des, quant à  eux, représentent l'ensemble auquel appartiennent cots, prunelard, négrette sont originaires vraisemblablement du Quercy.
Le tannat, quant à  lui, s'il possède des caractéristiques des cépages du Quercy, comporte des particularités proches des cépages pyrénéens.

Si on pousse l'analyse un peu plus loin, force est de constater que le Bordelais s'étant approprié la première catégorie avec le succès que l'on sait, succès dû, il est vrai à  un terroir et un climat très particuliers, mais aussi à  un histoire et des pratiques bien précises, le devenir des autres appellations du Sud Ouest passait par un recentrage sur la familles des cotoà¯des, pour d'une part se différencier, et d'autre part, affirmer une identité.
A ce titre, Gaillac et Marcillac avec le fer ne sont pas des contre-exemples puisque c'est, de la famille des carmenets, celui dont Bordeaux n'a pas voulu.

Mais si aujourd'hui, nombre de Cahors sont produits avec 100% de cot, on peut penser qu'il ne restera guère de diversité dans la région alors que l'on recensait de 15 à  20 cépages dans l'aire vers 1950.
Si l'on peut se réjouir de l'affirmation des particularismes, on ne peut que regretter cet appauvrissement de la biodiversité.
En poursuivant, même si l'idée d'un hypothétique ressourcement, comme je l'avais d'ailleurs longtemps cru, est séduisante, c'est sans doute un phénomène plus complexe qui s'amorce, qui correspond plus à  la résurrection de cépages que l'on avait eu tendance à  oublier, cédant à  une certaine uniformité du cabernet merlot, pour arriver à  l'exacerbation d'un cépage unique que l'on veut associer à  l'image d'une appellation, tel un étendard, les cas les plus connus étant Cahors et Madiran avec respectivement, le cot et le tannat.

C'est sans doute parce que l'identité passe nécessairement par l'identification et donc la reconnaissance qu'il est plus aisé d'isoler des caractéristiques remarquables, et il est vrai qu'à  ce titre, les cépages précités remplissent remarquablement cette fonction.
Il faut rendre également grâce à  cette poignée de vignerons qui conscients de la richesse de ce patrimoine mais aussi de la nécessité de faire « avancer » les choses ont su adapter leur travail pour que de rustique, ces vins accèdent au statut de vin original, vin de terroir et vin de qualité.

Cependant, il deviendra nécessaire dans un proche avenir que la législation ne devienne pas un frein à  cette avancée, car si l'on veut jouer la carte du particularisme ancestrale, il faudra alors reconnaître que les décrets d'appellation ont omis quelques variétés, d'ailleurs bien souvent parce qu'elles avaient disparu ou qu'elles étaient bien peu utilisées.
Si l'on considère par exemple que le Gaillac noir était composé d'un assemblage de prunelard et de négrette, ce Gaillac là  est aujourd'hui banni de son appellation.

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, je vous conseille la lecture de l'ouvrage référence de Guy Lavignac, Cépages du Sud Ouest, INRA Editions.
Ce livre est une somme, tant historique que linguistique et ampélographique. Il ne manque que le dernier maillon, celui de la liaison avec le vin, mais nous sommes là  pour palier cet aspect !

Jérôme Pérez
01 Mai 2003 09:15 #1

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Réponse de Jérôme Pérez sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Une dégustation pour bien comprendre la diversité de ces cépages.

Duras : domaine de Brousse 2001 Gaillac
Robe sombre
Nez épicé et fruit rouge. Bouche aimable et souple avec le poivre caractéristique. Court. C'est un vin simple mais typé.

Négrette : Clos Mignon 2001 Fronton
Très coloré. Le nez est animal avec des notes de caoutchouc brûlé assez typé négrette.
Bouche assez velouté mais finale amère.

Négrette : Ce vin 2000 Fronton Bellevue La Forêt.
La robe est noire. Le nez possède bien ces notes de caoutchouc, mais elles sont mêlées à  du fruit. Agréable. Bouche souple et veloutée. C'est bien

Merlot : La Forge Estate 2001 Vin de pays d'Oc
Le nez est assez pur et reconnaissable avec des notes de fruit rouge et de foin coupé.
C'est rond avec des tannins encore marqués en finale. Très bien fait sans boisé ostentatoire.

Fer servadou : Piérafi, Marcillac 1999 Marcillac J.L. Matha
Ce vin est un modèle de ce cépage et de ce qu'il peut donner de mieux. C'est pur Très coloré, nez de cassis et groseille. Bouche bien ronde où le fruit revient. Finale très parfumée et très élégante.

Fer Servadou : La vigne Mythique 2001Gaillac Domaine d'Escsausses.
Robe sombre avec un nez plus complexe que le précédent, mais l'élevage y fait peut-être.
Très belle attaque dans le volume. Un peu d'amertume en finale. Attendre.

Prunelard : Issaly 2001 Gaillac mais n'a pas le droit à  l'AOC
La robe est noire.
Le nez est très distingué, un peu austère, racé, proche de celui d'un Cahors.
La bouche est belle, plein et très équilibrée. La finale est très fine et distinguée, très polie. Bien.

Cot : Clos Lacoutale 2000 Cahors
Robe d'encre.
Très beau nez fruit rouge, terre et menthol: un cas d'école. Le boisé est parfaitement intégré.
Bouche suave, le vin se fait frais et tannique en finale. Joli Cahors.

Cabernets : Lo Molin 2000 Vin de pays d'Oc
Le nez est curieux avec des notes un peu lactées. Le fruit pointe son nez.
La bouche est superbe de structure et de plénitude avec un fruit qui n'apparaissait pas au nez. Beaucoup de fraîcheur pour ce vin à  la structure énorme et aux tannins encore fermes.

Tannat : Aydie 2000 Madiran
Le Grand vin de la soirée. Robe saturée, rare.
Le nez est marqué par un boisé qui s'allie à  la myrtille et à  la mûre.
Bouche dans le volume qui tient les papilles jusque dans la finale très longue, une mâche incroyable. C'est un futur monument à  la gloire de Madiran et du tannat.

Jérôme Pérez
14 Mai 2003 21:55 #2

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Réponse de Guest sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Jérôme,

bravo pour tes posts très instructifs !

Je pensais que le plus gros problème du vignoble cadurcien était la vaste production de vins souples issus de la plaine, à  forte proportion de merlot...

Quand tu écris :
"Mais si aujourd'hui, nombre de Cahors sont produits avec 100% de cot, on peut penser qu'il ne restera guère de diversité dans la région alors que l'on recensait de 15 à  20 cépages dans l'aire vers 1950. Si l'on peut se réjouir de l'affirmation des particularismes, on ne peut que regretter cet appauvrissement de la biodiversité."
je repense au fait que nombres des cuvées les plus médiatisées de Cahors me semblent être des 100% côt, 100% tannat pour madiran, que j'avais tendance à  rapprocher avec la prédominance du pinot noir en Bourgogne (pour les rouges s'entend), de la syrah pour les Côtes Rôties et Hermitages, voire le merlot pour Pomerol, le ch'nin à  Vouvray, Savennières.
Tu crains l'uniformisation de l'appelation Cahors à  travers cette prédominance de l'auxerrois, même au niveau des vins issus de coteaux ?

Amicalement.
14 Mai 2003 23:06 #3

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Réponse de Jérôme Pérez sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Phil,

Le Sud Ouest comptait 200 cépages avant la crise du Phylloxéra.
Et puis est venue l'air de la production de masse avec les errements que l'on sait.
Le recentrage sur un cépage unique est à  mon avis une réaction fondamentale, mais pas comme je l'ai souvent pensé, un retour aux sources, même si dans l'esprit, cela revient au même.
Le Cahors ancestral, ce n'est pas du Cot 100%, même si l'on doit briser des rêves romantiques.
Par contre, c'est bien un cépage quercynois, et en cela, il est représentatif.
L'affirmation du monocépage permet en outre de donner une identité forte, facilement reconnaissable, et cela à  quelque chose de rassurant pour ces appellations qui souffraient d'un déficit d'image; justement le fait d'avoir une image.
Cela va même plus loin. Ce désir d'affirmation et cette quête d'identité est si forte que l'on a tendance à  croire que certaines cuvées "étendards" d'une appellation sont issues de leur cépage unique: Don Quichotte et Thibault de Plaisance ne sont pas de pures négrettes mais bien des assemblages de syrah et de négrette. La syrah apparaît d'ailleurs comme le complément indispensable de la négrette, à  cause de la faiblesse en acidité de cette dernière, très difficile à  vinifier seule.

Je ne crains pas l'uniformisation de cahors, cette uniformisation est un fait. Elle a aussi un effet positif, celle de redonner une dynamique qualitative à  cette appellation. Et puis il serait vain de penser que les choses soient immuables. Parfois évolution rime avec progrès. Cependant, le merlot sait être un grand cépage, même s'il est de bon ton de le dénigrer. De grands vins en sont issus.

Mais une fois encore, cette évolution se heurte parfois à  la rigidité des administrations: si aujourd'hui, par exemple, on voulait refaire un Gaillac comme cela existait autrefois, à  base de prunelard et de négrette, il serait interdit d'appellation.

Jérôme Pérez
15 Mai 2003 07:06 #4

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Réponse de Olif sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Voilà  effectivement une dégustation très intéressante qui permet de progresser dans l'approche historique des vins du sud-ouest.
Ce serait très dommage que la mémoire du terroir s'efface au profit des cépages dits améliorateurs qui ont surtout tendance à  uniformiser le vin.
Pour ma part, j'aime bien l'originalité de ces vins au goût souvent inimitable.

De nombreux cépages ancestraux existaient également dans le Jura (une liste des cépages autorisés avait été dressée par le Tribunal de Besançon au XVIIIème ou XIXème siècle), certains ont complètement disparu depuis. Je crois que certains vignerons en replantent actuellement.
Travail passionnant de mémoire!

Dis-moi, Jérôme, l'Aydie 2000, c'est pas celui dont j'ai pris une bouteille à  Confidences du Terroir, par hasard? ;-)
Il faut donc que je l'attende, alors!

Olif
15 Mai 2003 09:01 #5

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Réponse de Jérôme Pérez sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Olif,

bien sûr que c'est celui là . C'est un vin de garde, mais je te promets que carafé deux heures à  l'avance, c'est une merveille. Je sais qu'il te plaira.

Jérôme Pérez
15 Mai 2003 09:54 #6

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Réponse de Guest sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

c'est génial jérôme
euh tu pourrais pas faire pareil avec le languedoc roussillon.
STP
il en va de l'avenir de la région et de la France.
sans rire il y en a pas un ici a part Henry qui s'est penché dessus.
15 Mai 2003 10:12 #7

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Réponse de Guest sur le sujet Re: Cépages rouges du Sud Ouest

Et en Alsace … tous les cépages aujourd'hui autoritairement interdits d'AOC (alors que le Knipperlé était le cépage majoritaire et que s'il est tombé en disgrâce ce n'est pas parce qu'il était de piètre qualité mais plutôt peu productif et relativement "difficile"…). Il a failli disparaitre totalment mais on m'a parlé d'une parcelle dans le H.R. et l'INRA en a retrouvé chez un petit vigneron et l'a multiplié au moins pour ne pas le voir disparaitre…
Mais à  quand un vin issu de ce cépage en Alsace, même en dénomination Vin de Table : certains vignerons aimeraient bien le vinifier en tout cas !
15 Mai 2003 15:46 #8

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