Cela ne m'est pas pénible...En trois mots, oui je maintiens ce que j'ai écrit : "La spéculation n'augmente pas le prix des vins car ils sont revendus : la spéculation pousse le prix à la hausse au moment de l'achat mais à la baisse lorsque le vin est revendu. Ce qui augmente le prix des vins est le fait que l'offre se restreint au fur et à mesure du temps car la plupart des vins sont bus et que la demande augmente également avec le temps car il y a de par le monde de plus en plus de gens qui ont à la fois des moyens financiers importants et un intérêt pour les grands vins, l'intérêt pouvant consister à vouloir épater ses convives". Autrement dit, les spéculateurs ne sont pas responsables de la hausse des prix, ils en profitent.
Mais je peux développer un peu le propos qui était rapide : un spéculateur est quelqu'un qui achète bas pour revendre plus haut. S'il y parvient, sa spéculation stabilise le prix : ses achats contribuent à faire monter le prix quand il est bas et ses ventes à faire baisser le prix quand il est élevé. Autrement dit, la spéculation est stabilisante si elle est gagnante. Lorsqu'il gagne, le spéculateur remplit donc une fonction utile et est rémunéré du risque qu'il prend, le risque étant bien sûr que le prix ne remonte pas mais continue à baisser alors qu'il a été le dernier à vouloir acheter. Mais cette spéculation est déstabilisante lorsqu'elle est perdante. Elle amplifie alors les fluctuations des prix. Sur le marché des grands vins, tous ceux qui ont acheté au printemps et durant l'été 2011 en voyant que les prix ne cessaient de monter en ont très généralement été pour leurs frais, le marché ayant très rapidement chuté peu après, baisse qui s'est poursuivie dans les 3 ans qui ont suivi. Depuis six mois, les prix sont de nouveau à la hausse. Ceux qui ont acheté au premier semestre 2011 (et même avant) ont contribué à la formation d'une bulle qui a ensuite éclaté. Leur spéculation a été perdante et ils ont déstabilisé le marché, contribuant à la hausse des prix, puis à leur chute s'ils ont été obligé de vendre alors que le marché dégringolait. A terme, les "mauvais" spéculateurs, ceux qui perdent, sont éliminés et ne subsiste que les "bons", jusqu'à ce qu'une nouvelle hausse des cours amènent des spéculateurs amateurs à acheter alors que les cours sont déjà bien hauts et que les spéculateurs professionnels vendent.C'est la même chose sur le marché des actions en France : les particuliers n'achètent pour la plupart qu'après une longue période de hausse, c'est à dire trop tard.
Mis à part cette bulle qui s'est formée et a éclaté en 2011, les fluctuations de prix sur le marché du vin ne sont pas très importantes historiquement mais il en ira sans doute différemment à l'avenir. La spéculation a joué un rôle certain lors de cet épisode mais le vin n'est pas (encore ?) un produit sur lequel beaucoup d'investisseurs se positionnent. Mais même si c'est de plus en plus le cas, ces personnes contribuent à faire monter les prix des vins quand ils les achètent mais contribuent aussi à les faire baisser lorsqu'ils les revendent. On constate actuellement que le prix de vins matures est relativement faible par rapport au prix des vins en primeur de qualité à peu près égale. Le marché va certainement s'ajuster : il est probable que le prix des vins sur le marché secondaire va continuer à augmenter tandis que les vins achetés en primeur auront du mal à soutenir sur le marché secondaire le prix affiché en primeur, du moins dans un premier temps car beaucoup de vins ont été proposés trop chers par rapport au prix des millésimes antérieurs de qualité égale. Beaucoup de vins 2015 ont été proposés en primeur au prix où sont leurs homologues de 2009 ou 2010, ce qui n'est que rarement justifiable.
Bref, la spéculation peut momentanément augmenter les prix, comme en 2011, mais sur le long terme les prix augmentent pour les raisons de fond que j'ai indiquées : l'offre de grands vins est quasi fixe et la demande structurellement croissante. Il n'y aurait pas de spéculation que cela n'y changerait rien. Le prix de sortie de Haut Brion a été multiplié par 6,5 en monnaie constante entre le millésime 1993 et le millésime 2013 et c'est la même chose pour les autres. Le prix de sortie des 1er GCC a augmenté de 9,8% par an en monnaie constate sur cette période, moins pour les autres vins ou le chiffre correspondant a été de 7,7% pour Ducru et 7,75% pour Las Cases (voir le détail posté hier sur le fil de la bouteille la plus chère du monde), mais la différence ne tient pas à une plus forte spéculation sur Haut Brion ou les autres 1er GCC, même si c'est le cas, mais plus probablement comme je l'ai indiqué sur ce dernier fil, à une possible entente entre les 1er GCC. Un nombre de grandes bouteilles nécessairement limité (à court et moyen terme) et une demande qui progresse continuellement : voilà la raison réelle de l'augmentation quasi continue des prix....