Le weekend dernier, j'étais en déplacement à l'étranger avec mon épouse pour un salon de vin. Profitant de l’événement pour prendre quelque jour de congé nous avons fait le tour de quelques belles adresses gastronomique. Parmi elles, un bar fort réputé pour sa sélection de vins "natures".
Nous voici donc à la porte dudit établissement, qui semble empli de mines réjouies. Nous demandons une table pour deux et une serveuse nous demande d'attendre quelques minutes qu'une table se libère. J'en profite pour jeter un œil aux bouteilles disposées dans de sympathiques niches en fer forgé. Beaucoup de nom connus, de moi du moins, qui m'évoquent les plaisirs à venir, des vins locaux qui excitent ma curiosité : miamiamiam qu'est ce qu'on va se régaler.
La serveuse vient nous chercher et nous installe sur une petite table ronde dans un coin proche du bar. Nous commandons un verre de méthode ancestrale et un verre de rouge tous les deux locaux. La serveuse revient avec les bouteilles, sers mon épouse puis me fait goûter le rouge commandé. Je déchante assez vite, ayant l'impression qu'une vache s'est récemment soulager dans mon verre. Je cherche alors mes mots pour demander un vin un peu plus... "propre" à la serveuse, qui semble dubitative mais m'apporte deux autres bouteilles, de vin Français cette fois. Elle me fait goûter le second, le nez n'est pas franchement enthousiasmant mais soit, je ne veux pas faire mon difficile, elle finit donc de servir le verre et s'en va.
Nous trinquons, portons le vin à nos lèvres, goûtons et... regards interloqués. Mon vin (tranquille) contient plus de bulle que celui de mon épouse (méthode ancestrale je le rappelle), il présente un terrible gout de lies sales dans lesquelles on se serait lavé les pieds, une acidité mordante, il est clairement en refermentation et ce ne sont pas des saccharomyces à l'œuvre, ça part plutôt joyeusement sur le lactique. Le pétillant de mon épouse quant à lui est plat et a le gout délicat d'un jus de cornichons pressés. Nous avons discrètement balancé les verres dans les toilettes avant de prendre congé.
Le lendemain, un salon organisé par le même bar regroupait une trentaine de producteurs de différents horizons. Ne voulant pas rester sur une mauvaise impression ni porter de jugement trop hâtif et compte tenu des bouteilles vue la veille qui nous paraissaient, elles, fort fréquentables, nous nous y rendons.
30 vins, milles défauts : oxydation, réduction, souvent les deux en même temps (un exploit), refermentation en bouteille, vin trouble, goûts de lie, des cas d'école de piqûre acétique (volatile) et de piqûre lactique, brettanomyces à tous les étages, etc. etc. etc. pas UN vin buvable et par là j'entends que même si on me payait je ne boirai pas les vins présentés ce soir-là.
Au-delà de l’orthodoxie œnologique (dont je n'ai cure tant qu’un vin m’apporte du plaisir, coucou E. Reynaud), je ne comprends pas ces vins, je n'y prend aucun plaisir et je ne comprends pas par quel mécanisme (autre que l’onanisme intellectuel du « nature ») d’autres arrivent à en prendre. J'ai toujours défendu et je défendrai toujours le noble effort qui consiste à limiter les intrants et opération œnologique afin de s'approcher le plus possible de la vérité du fruit et du terroir. Mais ces vins-là ne parlent pas de raisin ni de terroir, ce sont tous les mêmes, mêmes arômes douteux, même texture pâteuse (lie), même acidité...
Aujourd’hui je crains que les termes « nature » et « naturels », alors qu’on peut s’accorder sur un cahier des charges, ou tout du moins une direction, ne soient confisqués par ce style de vin, montrant par la même du doigt les valeureux vignerons qui suent en cave pour faire de grands vins « propres » avec le minimum d’intrant œnologiques.
Des vins « natures » oui, mais des vins « propres » s’il vous plait (et je n’ai pas dit « proprets »).
Merci à ceux qui ont eu le courage de lire jusqu’au bout. Je sais que ce débat a déjà fait rage mille fois sur LPV et ailleurs mais cette expérience m’a vraiment ouvert les yeux.
Gautier