Grâce à notre performance en finale du championnat de France 2022, nous sommes à nouveau les représentants de la Belgique au championnat du monde de dégustation.
Après Avignon, c’est au sein de la Maison de Champagne Ayala que l’évènement a eu lieu. Quelques nouveautés cette année, le concours est retransmis en direct sur internet et plusieurs chaînes de télévisions sont présentes. Cela entraîne un changement majeur dans le déroulé du concours, qui maintenant ce fait vin par vin avec reprise des copies après chaque vin. Toutes les équipes disposent de réellement 10 minutes, des timers étant disposés sur chaque table.
A noter que je n’ai pas souvent retenu les noms des domaines que nous avons indiqué sur notre feuille.
Plongeons directement dans le concours :
Vin 1.
Nous commençons le concours avec un effervescent. Sa robe se pare d’une couleur jaune/vert. Le premier nez est assez alimentaire, un peu fumé. Assez jeune. Il gagnera à l’aération en proposant des notes plus citronnées et florales ainsi qu’une pointe crayeuse.
En bouche, la bulle est fine ; le vin confortable, basé sur une structure de laquelle rien ne dépasse. La finale est assez longue toujours sur ces saveurs citronnées et florales. A ce stade, la bouche se montre plus agréable que le nez. Joli vin.
Nous partons assez vite sur un chardonnay. Etant donné la complexité du vin et son côté crayeux, nous avons difficile à envisager une autre région que la Champagne.
Nous indiquons donc :
France, chardonnay, champagne, Ayala, 2015
Il s’agissait :
Cépage principal : Chardonnay
Pays : Angleterre
Appellation : West Sussex
Producteur : Nyetimber
Millésime : 2014
Un vin qui ne fait pas trop de dégâts. La grande majorité des équipes sont parties sur le chardonnay et la Champagne. Quelques-unes ont pris un point en plus pour le millésime.
Vin 2.
Le second vin servi propose une robe d’un beau jaune or. Le nez développe des notes d’allumettes, tourbées et fumées. On ressent des fruits blancs, principalement de la poire à l’alcool. A l’aération, un léger côté fruits exotiques apparaît. Principalement sur de la mangue.
En bouche, le vin se montre ample, puissant et un peu gras, tout en ayant une finale ne manquant pas de fraîcheur. En plus des arômes déjà présents au nez, je ressens une petite pointe oxydative dans ce vin.
Globalement un vin que j’ai bien aimé.
Nous commençons notre réflexion par situer ce vin en Europe. Nous hésitons entre l’Espagne ou la France (Languedoc-Roussillon). Nous évoquons un grenache blanc ou un macabeu. Nous penchons plus vers un grenache blanc du fait de son amplitude et son volume de bouche. Nous le plaçons donc en
Espagne, Priorat blanc (pour le côté schisteux du terroir), grenache blanc sur 2016.
Il s’agissait :
Cépage principal : Verdejo
Pays : Espagne
Appellation : Rueda
Producteur : Bodegas Menade
Millésime : 2016
En dehors de l’Espagne qui fait un carton plein, il n’y a que 5 pays, dont nous qui prenons des points.
A ce moment-là, l’Espagne prend une belle avance au classement provisoire avec 15 points de plus que nous, qui sommes second grâce au millésime.
Vin 3.
Le vin suivant possède aussi une robe assez soutenue, jaune or. Le nez se montre sur des arômes de pain, de levure, de fruits jaunes, de sous-bois et une pointe volatile. A l’aération, viendront quelques arômes de fruits exotiques et une touche de fumée.
En bouche, le vin se déploie ample et puissant avant de se voir rattraper par une acidité assez laser. Cela donne un vin assez équilibré, avec une aromatique assez complexe.
En équipe, difficile de savoir dans un premier temps s’il faut rester en Europe ou voyager au-delà. Nous évoquons un pinot gris, mais le boisé ne colle pas trop. J’évoque le Sud-ouest, mais ça ne parle pas trop à mes équipiers. Un équipier propose alors l’idée d’un chenin. Elle plaît à tout le monde et colle bien à l’analyse du vin. Du fait de sa structure, de son élevage et le côté pain accompagné d’une note fumée, nous le pensons Sud-africain et assez jeune.
De fait, nous indiquons :
Afrique du Sud, Western Cap, Chenin,2020.
Il s’agissait :
Cépage principal : Chenin
Pays : Afrique du Sud
Appellation : Stellenbosch Coastal Region
Producteur : Ken Forrester The FMC
Millésime : 2020
La moitié des équipes prennent des points sur ce vin. Plusieurs sont restées sur un chenin français et tout comme nous, les Espagnols prennent le millésime.
Vin 4.
Le vin suivant se pare également d’une robe jaune tendant vers l’or. Le nez développe des notes d’amande amère, de fumé/tourbé, de fruit blanc et un élevage luxueux.
La bouche se montre riche, puissante dominée par le couple alcool et amertume.
J’avance assez rapidement une marsanne du Rhône nord. Mes trois équipiers sont sur la même idée. Nous discutons quand même du Rhône sud, mais tout nous ramène à chaque fois vers le Rhône nord et qui plus est vers un jeune Hermitage, étant donné sa puissance et son élevage. Malgré son alcool, le vin ne lasse pas, il y a ce qu’il faut de fraîcheur pour équilibrer ce vin. De fait, nous visons un millésime plus frais dans les derniers sortis.
Nous indiquons donc :
France, Hermitage Marsanne, , Cave de Tain 2018
Il s’agissait :
Cépage principal : Marsanne 95% Roussanne 5%
Pays : France
Appellation : Hermitage
Producteur : Cave de Tain
Millésime : 2018
Nous faisons un strike sur ce vin. Une dizaine de pays parte en France, mais se trompent de cépage et région. 7 à 8 équipes trouvent la marsanne en Rhône nord. Nous sommes les seuls à avoir la réponse complète avec le millésime et le domaine. A ce moment-là, nous passons devant l’Espagne et occupons la première place provisoire.
Vin 5.
Le vin dévoile une robe jaune fluo. Le nez propose des arômes d’agrumes, de zeste d’orange, une pointe fumée et un élevage à la bourguignonne. La bouche se dévoile avec de l’amplitude de la puissance, mais sans laisser de côté une belle finesse et une finale assez longue sur des notes citronnées.
Bon la discussion n’est pas tant sur le cépage, le chardonnay étant assez évident, mais où le placer. Personnellement, je ne suis pas un fan de ce cépage, donc j’en bois moins, et je trouve le style très bourguignon. Un équipier partage mon avis, les 2 autres sont dans le doute, mais sans arguments pour proposer un autre pays. De fait nous jouons :
France, Chassagne-Montrachet chardonnay, 2018.
Il s’agissait :
Cépage principal : Chardonnay
Pays : Etats-Unis
Appellation : Russian River Valley
Producteur : Ramey
Millésime : 2014
Un vin qui a globalement été identifié comme étant un chardonnay. Il me semble qu’il n’y a que la Roumanie qui a fait un carton presque plein en allant placer ce vin aux USA. Même l’équipe américaine, pourtant en provenance de Californie n’a pas pu identifier correctement ce vin. Le chardonnay devient compliqué à l’aveugle quand des producteurs d’autres pays font tout pour reproduire le style bourguignon.
Vin 6.
Le premier rouge se pare d’une robe rouge pâle, brique. Le nez développe des parfums de fleurs, de sous-bois et de petits fruits rouges. La bouche se montre juteuse, légère mais avec une petite sensation sucrée, sans grand complexité avec un trait végétal sur la finale.
Nous sommes assez vite sur un pinot noir. Nous évoquons assez rapidement la Nouvelle-Zélande, pour le côté frais, léger et cette petite sucrosité.
De fait nous indiquons un
pinot noir de Nouvelle-Zélande, Marlborough de chez Dog point 2019.
Il s’agissait :
Cépage principal : Pinot noir
Pays : Allemagne
Appellation : Baden
Producteur : Bimmerle
Millésime : 2017
La plupart des équipes sont bien parties sur le Pinot noir. Certaines comme le Luxembourg ou la Chine le plaçant même dans le bon pays, ce qui a le don de resserrer les écarts au classement.
Vin 7.
Le second rouge propose une robe assez proche du vin précédent. Pâle, avec de légères suspensions dans le verre. Le nez se montre simple, sur les petits fruits rouges, une pointe végétale.
En bouche, le vin est plutôt mince, sans beaucoup de ressenti d’alcool, sur les fruits rouges, une pointe animale. Il termine, comme le vin précédent, sur une finale un brin végétale.
Assez circonspect dans un premier temps, personne ne parle dans l’équipe. Nous sommes deux à dire timidement « ne serait-ce pas un second pinot noir ? ». Un équipier ne veut pas trop y croire, mais plus le vin s’aère, plus il doit bien se résoudre à ce que soit, en effet, un second pinot noir. Psychologiquement, dans ce genre de concours, ce n’est pas évident de remettre une seconde fois le même cépage.
Ce vin ne fait absolument pas bourguignon, nous pensons à l’Alsace, mais notre équipier qui les retrouve assez bien, n’y croit pas spécialement. De fait, nous pensons tenir finalement le pinot noir de Nouvelle-Zélande, et nous le rejouons donc.
De fait nous indiquons un
pinot noir de Nouvelle-Zélande, Marlborough de chez Dog point 2019.
Il s’agissait :
Cépage principal : Pinot noir
Pays : France
Appellation : Alsace
Producteur : Domaine Muré
Millésime : 2018
C’est un peu rageant d’avoir évoqué l’Alsace. Beaucoup d’équipes prennent plus de points que nous en ayant joué la France et la Bourgogne.
Vin 8.
Le rouge suivant propose une robe assez foncée, colorée et violacée. Le vin marque le verre. Le vin n’est pas hyper causant, sur un peu de fruits noirs (myrtille) et une pointe de végétal/menthol. La bouche est aussi peu causante que le nez. Elle se montre puissante, ample et avec une charge tannique importante.
Avec 10 minutes difficile d’attendre que le vin s’ouvre. En l’état, nous hésitons entre le malbec, le cabernet sauvignon ou la syrah. Pour le placer, nous hésitons vraiment entre l’Europe et l’Amérique du Sud. In fine, le côté violacé et les arômes faisant penser au menthol/eucalyptus nous font partir en Argentine. Nous indiquons alors :
Malbec, Mendoza, Argentine 2018.
Il s’agissait :
Cépage principal : Cabernet sauvignon 60% syrah 40%
Pays : France
Appellation : Coteaux d'Aix-en-Provence
Producteur : Château Vignelaure
Millésime : 2015
Ce vin est assez frustrant, pour le même prix ou presque, nous pouvions prendre quelques points, ce que ne manqueront pas de faire la plupart de nos concurrents du haut du tableau, même si personne n’a placé ce vin du côté de la Provence, au mieux les équipes sont parties à Bordeaux. A ce moment-là, nous retombons à la 3ème place. Les premiers (le Portugal) ayant 2 points de plus que nous.
Vin 9.
Rebelote sur la robe, nous voici face à un vin violacé, sombre et qui colore le verre. Il n’est pas plus causant que le vin précédent au nez, sur les fruits noirs, une pointe végétale et une note boisée.
En bouche, le vin se montre plus puissant et chaleureux que le précédent, avec même un léger appel au sucre. La bouche reste assez austère si ce n’est un côté un peu coco. La finale est rustique et peu en place en l’état, même si on ressent du potentiel dans ce vin.
De nouveau sur un temps aussi court, il est difficile de se positionner avec un vin aussi fermé. Nous partons quasiment sur la même hésitation que sur le vin précédent : Malbec ou cabernet sauvignon.
Psychologiquement, il est difficile de mettre cabernet sauvignon, et nos cœurs penchent d’un côté à l’autre sans que ce soit une évidence pour nous.
In fine, le temps tourne et il faut choisir. Nous repartons à nouveau sur un
malbec argentin du côté de Mendoza.
Il s’agissait :
Cépage principal : Cabernet sauvignon 40% petit verdot 30% syrah 30%
Pays : Italie
Appellation : Toscane
Producteur : Il quinto
Millésime : 2019
Un vin qui n’aura rapporté gros à personne, mais plusieurs de nos concurrents du haut du tableau prennent des points, car partis en Italie, souvent sur des sangiovese. De fait, nous nous retrouvons maintenant à 6 points des Luxembourgeois et 7 du Portugal.
Vin 10.
La robe du vin suivant est très évoluée. Moyennement sombre, orangée, brune. Le nez porte sur la réglisse, le foin, un côté jus de viande. Le nez confirme la robe, ce vin est évolué. Il semble même avoir dépassé son apogée depuis quelques temps déjà.
En bouche, la matière reste ample et puissante, les tanins sont fondus et l’alcool présent.
Nous réfléchissons en équipe aux cépages pouvant évoluer de la sorte. Rapidement, ne reste que la syrah ou le grenache. Néanmoins, nous sommes quatre amateurs de grenache et nous retrouvons dans ce vin l’identité de ce cépage quand il est très/trop évolué. Il nous semble français et son alcool nous envoie du côté de Châteauneuf.
De fait, nous indiquons
France, Châteauneuf-du-pape, grenache noir 2000
Il s'agissait:
Cépage principal : Grenache
Pays : France
Appellation : Châteauneuf-du-pape
Producteur : Domaine du Grand Tinel
Millésime : 2001
Voilà un vin qui rapporte beaucoup de point. 8 équipes prennent 20 points. Dommage pour nous de rater le millésime d’une année. Dans le haut du tableau, les équipes classées devant nous ne prennent pas de points sauf le Luxembourg qui en prend 15. De fait, le Luxembourg prend la tête, nous les talonnons à 1 point. 10 points derrière nous, se trouvent maintenant les Roumains. Les Portugais et les Espagnols se retrouvent respectivement à 3 et 4 points de la Roumanie.
Vin 11.
Le dernier rouge de la série arrive. Sa robe est foncée, légèrement brunie sur les bords. Le nez se montre viandeux, un peu goudron. La bouche est à la fois ronde et juteuse avec un léger appel au sucre. Il y a toujours ce côté animal/viandeux avec une pointe de volatile en finale.
Un peu perplexe, il n’y a que la syrah qui me semble une bonne piste. Un équipier à la même idée. Les deux autres n’ont pas franchement d’idée et la syrah ne les convaincs pas totalement. Je peux les comprendre, surtout que par défaut, je propose de la placer en Australie, mais il y a clairement un déficit en alcool et en puissance pour y aller. Le chrono tourne, personne n’a mieux. Tant pis nous jouons cela. Nous indiquons donc :
Australie, Mclaren Vale , Syrah 2017.
Il s’agissait :
Cépage principal : Touriga nacional
Pays : Portugal
Appellation : Regional Lisboa
Producteur : Quinta do Montaldo
Millésime : 2019
Un vin qui comptera totalement pour du beurre, pas une seule équipe n’aura été placé ce vin au Portugal, encore moins sur un touriga nacional. Bref.
Vin 12.
Le dernier vin sera un liquoreux. Sa robe se pare d’une jolie couleur or orangée. Le nez safrane, sur l’abricot, l’orange confite. En bouche, il est assez puissant avec une belle liqueur mais sait rester équilibré sur la finale.
Clairement le vin fait très sémillon et Sauternes. A ce stade-ci, nous sommes seconds à un point. Il est clair que la majorité des équipes et certainement les leaders vont jouer Sauternes. Un équipier évoque que ça peut aussi ressembler un peu à un Tokaji. Seul problème, nous sommes 3 à n’avoir jamais ou presque jamais bu le renommé liquoreux hongrois et celui qui le propose n’a plus posé ses lèvres sur ce vin depuis facilement 2 à 3 ans. Autre argument, très stratégique, au championnat du monde, il n’y a jamais eu plus de 4 vins français. Celui-ci serait un 5ème. On discute, et finalement nous pensons que la seconde place, elle est sympa, mais nous l’avons eu l’an dernier, l’objectif cette année c’est le titre ou rien. De fait, nous faisons monter le gardien, le coach et tout le banc des remplaçants dans le triangle adverse et nous tentons :
Hongrie, Tokaji, Furmint 2010.
Philippe fait durer le plaisir, indique que seulement deux équipes peuvent encore prétendre à la coupe : le Luxembourg et la Belgique… et finalement le dernier vin est :
Cépage principal : Sémillon 80% sauvignon 20%
Pays : France
Appellation : Sauternes
Producteur : Château de Fargues
Millésime : 2007
Finalement, le coup de poker n’a pas été payant, c’est le moins que l’on puisse dire. Comme la plupart des équipes sont bien parties sur un Sémillon de Sauternes, nous perdons la deuxième place et nous terminons à égalité de points avec la Hongrie et l’Angleterre à la 4ème place. De plus, le Luxembourg prendra les trois points du millésime. Bref, il aurait fallu trouver non seulement le millésime mais également le domaine pour les dépasser.
Même si nous montrons que la Belgique mérite toujours son titre de nation la plus régulière au championnat du monde, nous sommes forcément déçus du résultat. Bref, il ne nous reste plus qu’à reprendre notre bâton de pèlerin et tenter d’à nouveau représenter la Belgique l’an prochain en Provence.
En attendant, place à fête, à la détente et aux échanges avec des dégustateurs des quatre coins du monde. Car si nous venons tous pour tenter de décrocher la coupe, rien ne vaut les relations sociales, les amitiés et les réseaux qui se forment lors de ce weekend hors du temps.