Oremus, Tokaj
Etrange nom que celui-ci, mais nom que l’on retient assurément. Oremus est le nom ancien donné au cépage Zéta, traditionnellement utilisé à Tokaj avec le Furmint, le Harselvelu, le muscat, le Kövérszõlõ, le Sárgamuskotály. Mais ce n’est pas la raison du choix de ce nom pour ce domaine acquis par le groupe espagnol Vega Sicilia en 1993. Oremus est le nom d’une parcelle située au nord de l’appellation et qui fait partie des 100 hectares de la propriété, dont les parcelles sont réparties sur 6 communes ; la plus grande partie de ces parcelles se trouvent sur Tolcsva (les 2/3) et le tiers restant, hormis cette fameuse parcelle, plus au sud. Ces parcelles sont réparties sur 13 sites majeurs désignés comme premiers crus dans la classification de 1803.
Oremus, aujourd’hui représente 15 ans d’investissements constants, très importants, dont l’aboutissement se trouve finalisé dans des bâtiments d’une grande élégance, fastueux, mais totalement au service de la qualité du vin, sans pour autant délaisser les caves traditionnelles de Tokaj, classées au patrimoine mondial de l’humanité, qui permettent l’alchimie de l’élevage, si important pour les vins de Tokaj.
Si le domaine Oremus est une exploitation moderne, il respecte infiniment et sans doute plus qu’ailleurs la tradition locale : les vins sont élevés dans des fûts traditionnels, appelés Gönci, d’une capacité de 136 litres que le domaine fait réaliser avec des chênes de la région. Ce sont ces fameux Gönci qui permettent d’étalonner le nombre de hottes (puttony) de grains aszu qui donnent la richesse du vin final.
[size=small]les fûts traditionnels de Tokaj, de 136 litres et les fameuses hottes[/size]
Les caves du domaine Oremus abritent en permanence 1700 fûts qui sont renouvelés sur 3 ou 4 ans. Mais au détour de ces caves, de ces longues galeries de plusieurs kilomètres, on peut croiser quelques trésors, des vins gardés, comme une mémoire vivante de Tokaj, remontant le temps jusqu’au 19ième siècle. Ces bouteilles antiques sont colonisées par des moisissures, ajoutant à la magie et au mystère des lieux.
L’outil de travail, garant de cette tradition est résolument moderne et Bacso Andras, le maître des lieux veille à ce que la technique soit au service de la qualité du vin : ici, c’est l’excellence qui est visée, sans compromis, dans un style qui se veut raffiné et élégant. Les chais sont d’une propreté sans pareil, tout est pensé pour travailler par gravité : plus aucune pompe n’est utilisée à la vinification. Du reste, les vins ne sont libérés sur le marché qu’après un élevage en bouteilles qui suit l’élevage en barriques. Cet élevage en bouteilles va de 6 mois pour les secs à un an pour les vins aszu. (vins aszu qui ont eux-mêmes ont été élevés en fûts pendant plus de deux ans). La gestion du stock est donc considérable.
La gamme des vins est assez dépouillée puisqu’elle contient principalement trois vins : un sec, un late harvest et un Tokaj Aszu.
Mandolas 2011 : 100 % furmint
Vin sec issu d’une parcelle de 12 hectares. Fermentation en fûts, élevage sur lies avec bâtonnage, en fûts neufs pour un tiers, de un an pour un autre tiers et de deux ans pour le tiers restant.
Ce vin présente un très beau nez floral qui s’exprime un peu à la façon d’un chenin. Le nez est délicat et raffiné. En bouche, la matière est suave, le vin présente un joli gras : les saveurs sont essentiellement minérales, portées par une bonne vivacité. Longueur importante. Un sec qui n’a que peu d’équivalent dans la région.
Late Harvest 2010 : Zéta, Harslevelu, Kövérszõlõ et furmint
Ce vin s’apparente à u n szamorodni, mais la durée d’élevage a été réduite à 6 mois. Ce vin est réalisé depuis 1995. Les deux tiers des raisins au moins doivent être atteints de pourriture noble mais doivent également présenter un fort taux de concentration (18/19 degrés potentiel pour une fin de fermentation qui laisse le vin autour de 110 grammes de résiduels)
Le vin est d’une grande pureté aromatique, sur la poire, les fleurs blanches. La buche est tendre. La finale est superbe de netteté, tendue offrant des sensations minérales.
La qualité de ce vin est indéniable, mais sans doute manque-t-il d’identité Tokaj.
Tokaj Aszu 2006
Ce vin correspond à un 5 puttonyos, équilibre que préfère Bacso Andras : il présente un sucre résiduel de 150 grammes pour une acidité de 9,5 grammes par litre.
La robe est dorée, très lumineuse. Le nez est immédiatement envoûtant et très typique de Tokaj, d’une grande complexité : épices, truffe blanche, orange amère, mandarine. C’est un ravissement d’une grande distinction. En bouche, le vin est superbe, avec une liqueur de premier ordre, un équilibre rayonnant, d’une vivacité qui tient les saveurs sur une longueur phénoménale. La finale est éblouissante : c’est un très grand vin, pétri d’élégance.