Rencontre avec Françoise et Stéphane DIEF, Clos Manou, Médoc, 23 mars 2013 (le texte avec photo est sur mon blog)
Le Samedi 23 mars 2013, notre itinéraire prévu à l’occasion du printemps des châteaux du Médoc nous fait passer, à deux reprises, devant les chais du Clos Manou. Possédant quelques flacons de ce cru sans jamais l’avoir gouté, et après avoir entendu plusieurs éloges à son propos, la tentation est forte de s’y arrêter. Saint-Christoly du Médoc est très au nord de la pointe du Médoc et je n’y passe guère. En remarquant quelques personnes sortant de l’accueil, au cœur du village, impossible de ne pas stopper la voiture pour ensuite nous y diriger (nous étions trois).
La petite salle de dégustation, dans laquelle nous pénétrons, annonce déjà l’esthétisme sobre des lieux ; ce présage sera confirmé par le constat d’un entretien remarquable des espaces dédiées à la vinification. Le bon goût reflète une méticulosité vite appréciée se confirmant tout au long d’une visite où la passion de Stéphane Dief a relayé celle de son épouse qui nous a accueilli. Nous sommes chanceux car ces deux créateurs du cru local ont un agenda les rendant peu accessibles, mais c’est à l’évidence la cause d’une importante charge de travail car si vous les rencontrez au bon moment, leur disponibilité est à la mesure d’une passion qu’ils nous laissent approcher pour notre plus grand plaisir.
Stéphase Dief, depuis tôt le matin, est dans les vignes et plante des piquets ; alors que nous sommes en fin d'après-midi, il reste enthousiaste à l’idée de nous faire profiter d’une visite du site. Il faut dire que, d’emblée, l’empathie de ces vignerons et leur transpirante passion font « mouche ». Je ne dis pas qu’il leur serait possible d’être continument ainsi disponibles car on imagine aisément, au fur et à mesure de l’appréhension des lieux, une sacerdotale charge de travail, mais une irréductible générosité semble les animer.
Clos Manou est un vin d’appellation Médoc. Le premier millésime, 1998, a été vinifié dans un garage et on pourrait être tenté d’établir un parallèle avec un vigneron de la rive droite dont le cru vient d’être consacré en septembre 2012…
Le couple démarre avec l’achat de 12 ares de vignes offrant un complément de revenus mais surtout la possibilité de répondre à une forte envie de faire du vin. Les premiers achats pour étendre la propriété n’offrant pas un revenu suffisant pour la famille, Françoise et Stéphane s’occupent de la gestion du vignoble Layauga-Duboscq pour le compte de Monsieur Dubocq (cf. Haut-Marbuzet). Les très bonnes relations avec celui-ci font que Monsieur et Madame Dief tiennent toujours cette charge.
Le développement des surfaces se fait par quelques achats, un hectare par-ci, un hectare par-là, un petit cru artisan, un petit cru bourgeois, etc. Les 18 hectares aujourd’hui possédés vont, pour un tiers, dans le premier vin Clos Manou et, pour les deux autres tiers, dans le second vin Petit Manou. Si les vignes sont dispersées, elles se situent, au plus loin, à 2km. Elles sont composées d’un tiers de graves qualitatives sur le bord de l’estuaire, d’un tiers de graves sableuses et d’un tiers d’argilo-calcaire.
Stéphane Dief nous rappelle le processus mis en œuvre chaque année au chai, de l’arrivée du raisin à la mise en bouteille, avec les explications, par exemple du travail de pigeage pour Clos Manou, de remontage pour Petit Manou.
Les deux vins passent en barriques, lesquelles sont 100% neuves pour Clos Manou avec un élevage sur lies modérant le marquage du bois. Ces barriques proviennent de petites tonnelleries soucieuses d’apporter une qualité toujours meilleure même aux vignerons dont les volumes ne sont pas gros.
On se rend compte de la minutie du couple Dief à toutes les étapes du processus et sans avoir vu les vignes, raisonnablement cultivées, on imagine que la viticulture est menée aussi méticuleusement. Pour les détails, dont la somme est améliorée chaque année pour toujours tenter de faire mieux et répondre à une exigence qui ne sera sans doute jamais complètement satisfaite, je vous envoie vers le site concis mais complet (ici
www.clos-manou.com/fr/). Le site reprend certains propos que nous tient Stéphane Dief, par exemple s’agissant de la proportion des cépages : « 45% de Cabernet-Sauvignon ; 45% de Merlot, dont une parcelle historique plantée dans les années 1850, qui a donc résisté à la grande crise phylloxérique ; 6% de vieux Cabernet-Franc ; 4% de Petit-Verdot issu de sélections « massales » (non-clonées) ; L’âge global moyen de nos vignes est de 35 ans ».
Pour livrer un exemple qui pourrait paraître anecdotique et qui pourtant témoigne de la minutie du couple, même les rangements sont réalisés sur mesure et chaque outil est classé (cf. photo ci-dessous).
Stéphane Dief présente des qualités pédagogiques rendant accessibles toutes les informations qu’il fournit sans réserve sur sa pratique de vinification. En les combinant à l’histoire des deux crus, l’ensemble est un moment passionnant.
Au retour dans la petite salle de dégustation, où trône cette peinture d’un éléphant qui est devenue le cœur de l’étiquette du premier vin, nous dégustons Petit Manou 2010 et Clos Manou 2010.
Françoise Dief nous y rejoint et apporte un complément sur la conception, disons, du vin, pour simplifier. Le couple est en symbiose avec sa production. Quelle belle entreprise.
Les vins feront prochainement l’objet d’une fiche dégustation plus complète pour ici, comme habituellement lors de la visite d’un site, juste être évoqué sur le plan gustatif.
Petit Manou résulte d’un assemblage 50% Cabernet Sauvignon, 45% Merlot et 5% Cabernet Franc. La robe est sombre, le nez est doucement marqué d’épices ; la bouche est généreuse, ample, fruitée avec une petite acidité équilibrant l’ensemble et promettant sans doute une possible garde alors que ce cru est conçu pour un plaisir immédiat, et c’est réussi. C’est vraiment très bon et s’il convient de réserver mes commentaires pour une prochaine fiche dégustation qui ne saurait tarder sur ce blog, il serait étonnant que Petit Manou ne soit pas qualifié d’excellent rapport qualité/prix (10 euros à la propriété, je l’ai vu à 9 euros chez Dubecq).
Clos Manou 2010 est ainsi assemblé : 40% Cabernet Sauvignon, 40% Merlot, 10% Cabernet Franc et 10% Petit Verdot. L’examen visuel est à peu près identique. Le nez est riche, plus complexe et fin. Le toucher de bouche est délicat, suave, aussi gourmand que le Petit Manou mais plus classieux, un peu plus strict, long. Ce vin est taillé pour une garde. Il tient son rang de premier vin et offre une matière à la fois puissante dans son amplitude et fine dans son grain. Il faudrait sacrifier une bouteille pour faire une fiche mais le vin sera évidemment meilleur dans quelques années. Que cela va être compliqué d’attendre ce cru digne d’être dans la cours des vins classés. A l’aveugle il doit surprendre. Quand on a visité les lieux, un tel résultat ne surprendrait par contre pas. Je parie sur un excellent rapport qualité prix puisqu’il est à 20 euros à la propriété. Mais les stocks sont quasiment épuisés. Il reste un peu de 2009 chez Dubecq, également quelques 2010. Pressez-vous, la vente en place bordelaise et celle en primeur rendent ce superbe cru difficile à trouver, bien qu’il reste, pour le grand plaisir de l’amateur qu’on imagine aisément fidélisé, à un prix abordable.
Merci à Françoise et Stéphane Dief pour tout ce que ce post essaie de faire ressentir à ses lecteurs. Nous avons passé un excellent moment avec ces vignerons passionnés, confortant les raisons pour lesquelles le monde du vin (dont évidemment ceux qui le font) me passionne. Un couple d’entrepreneurs que nos jeunes devraient connaître pour leur montrer que les beaux projets sont aussi au coin de la rue, et pas forcément sur d’autres continents.