Il y a dans l'existence certains moments de grâce, lors desquels l'espace-temps semble suspendre son vol.. Être reçu en visite privée à Château Margaux fait indiscutablement partie des rares émotions qui resteront pour toujours gravés en lettres d'or dans ma boite à souvenirs.
Grâce à l'introduction inspirée d'un ami de la famille Mentzelopoulos, nous voici rendus par une belle fin d'après-midi d'été, à la porte des chais mythiques de Château Margaux. Quelle ne fut pas ma première surprise de voir venir à nous, l'élégant Directeur Général de Château Margaux, Paul Pontalier "himself"! Après quelques mots de bienvenue, cet homme sympathique et passionné nous fait partager son amour pour ce domaine d'exception dont il assume la direction avec talent depuis une vingtaine d'années. Après quelques pas le long des grandes cuves en bois patiné (non thermorégulées!), petit bain de fraîcheur au sein de la pénombre du chai, où dorment encore pour quelques jours le 2003 et le 2004. Nous sommes rapidement rejoints par Philippe Bascaules qui nous accompagne pour une dégustation de "mise en bouche" proprement.. époustouflante!
Pavillon Rouge 2004 et Margaux 2004 - 2003 - 2000 et 1995!
Alors que les derniers rayons de soleil illuminent le parc, nous entrons à pied par la grande grille menant à l'élégant Château de style Empire. En haut du fameux grand escalier du perron, accourt à notre rencontre Madame Corinne Mentzelopoulos, la dynamique propriétaire du saint des saints!
Accueil charmant et chaleureux. En traversant les pièces intérieures en sa compagnie, on ne peut qu'admirer l'élégance classique des salons aux merveilleux arrangements floraux chers à la Maîtresse de Maison. Sur la terrasse surplombant le parc arborisé, un personnel stylé aux gants blancs nous sert de délicieux amuse-bouche ainsi qu'un divin et rafraîchissant Krug 1988. Alors que la nuit tombe doucement sur Margaux, nous nous dirigeons tranquillement vers la grande salle de réception située dans un bâtiment légèrement à l'écart du Château. Un merveilleux repas nous y attend avec une sélection de vins du cru à faire pâlir l'amateur le plus blasé..
Pavillon Blanc 2004, Margaux 1989, Margaux 1961 (Magnum) et Climens 1983
Bilan de la soirée: 2 Pavillon, 6 millésimes de Château Margaux, tout en ayant le privilège de pouvoir converser à table de façon amicale et décontractée avec Corinne Mentzelopoulos et Paul Pontallier.. Bon sang, que n'avais-je une machine à arrêter le temps ce soir!
NOTES DE DEGUSTATION:
Krug 1988
Teinte dorée et bulles fines trahissant un grand Champagne. Arômes fins de pain toasté et de noisettes. Magnifique densité en bouche et grande concentration de fruit. Longue finale qui suggère des sensations de noix et de miel. Un délice!
Pavillon Rouge 2004
Couleur violette. Nez dominé par des baies rouges et des touches florales. Intéressante richesse de fruit en bouche qui garde une certaine souplesse. Bonne persistance terminant sur une légère sécheresse des tannins. Non fini mais déjà très accessible! 88
Pavillon Blanc 2004
Remarquable arômes de tilleul, limette et fleur d'oranger. Très belle ampleur avec beaucoup de gras. Finale expressive et très belle impression générale pour ce vin dont Paul Pontallier se dit très satisfait. 90.
Margaux 2004
Beau pourpre soutenu. Nez subtil de baies rouges, groseilles, vanille, réglisse. Elégante touche florale (violette). Dès l'entrée en bouche, on perçoit toute l'élégance du cru. Trame aérienne et dense avec des tannins de grande finesse. Finale gardant une magnifique fraîcheur de fruit. Très prometteur. 92
Margaux 2003
Couleur très profonde. Arômes complexes de boite à cigares, cèdre, cassis, anis. Boisé finement toasté. L'attaque est très franche sur un fruit opulent. Tannins serrés mais pas dominants. Grande richesse de fruit, très profond et luxuriant. La persistance en bouche est époustouflante. Un très grand Margaux! 97
Margaux 2000
Robe encore pourpre, très dense. Le nez est actuellement très ouvert avec des arômes fruités de cassis, réglisse, floral et vanille.. Après quelques minutes arrivent ensuite des notes de Havane et de truffe noire. Un régal! La bouche est moins expansive que pour le 2003, mais d'une extraordinaire élégance. Structure serrée, succulent, parfaitement équilibré et long. Beaucoup de gras et tannins parfaitement intégrés à la richesse du fruit. Un vin qui semble bien parti pour entrer au Panthéon du domaine. 98
Margaux 1995
Apparence grenat profond. Nez charmant et un peu confit de raisin de Corinthe et de bois de cèdre merveilleusement bien intégré. Structure puissante, dense, gardant un magnifique raffinement tout au long de la bouche. Tannins un peu marqués en finale. Très beau, mais il faut impérativement attendre une dizaine d'années pour profiter de tous ses charmes. 95
Margaux 1989
Robe pas du tout évoluée, rubis foncé. La classe de ce vin saute littéralement au nez. C'est complexe et élégant avec des notes d'ambre, de cuir, de framboises et de truffe noire. Sur le palais, le fruit paraît très solaire, avec des tannins délicats qui rehausent une trame dense. Grande précision. Magnifique finale, peut-être plus courte qu'attendue. Selon Paul Pontallier, le 2003 risque fort de lui ressembler. Avec ce 1989, il s'agit de la vendange la plus précoce du XXème siècle, qui commença d'ailleurs à la même date que pour 2003! 95
Margaux (Magnum) 1961
La robe est encore tellement jeune et profonde. Le nez est absolument inouï, encore sur le fruit rouge (cassis) et pruneau, ainsi que de merveilleuses expressions de vieux cuir, ambre et des notes tertiaires d'une très belle définition. La bouche est un véritable oeuvre d'art, parfaite, avec une matière totalement intégrée, imposante d'ampleur maîtrisée. C'est tellement beau et velouté que mon fond de verre de Margaux 1989 en devient (presque) ingrat..! Le genre de vin dont on rêve tous goûter une fois dans sa vie! Du pur bonheur! A noter qu'un second magnum de 1961 servi aux convives de la table d'à côté, bien que magnifique, paraissait plus évolué et n'offrait pas autant de complexité que le notre. 100 !!
Climens 1983
Magnifique parure dorée. Très complexe avec de délicats arômes de miel, tilleul, cire d'abeille, coings. On sent la noblesse du botrytis. Structure tendue, légèrement toastée, montrant un remarquable relief en bouche. Rondeur et finesse. Grande élégance qui rappelle de style de Margaux en liquoreux! 95
Alain (encore sous le choc..!)