Pour ceux qui se posent la question :
Montrose 90 ou Montrose 96, quel est le meilleur ?
Un début de réponse ou du moins l'avis de JM. Quarin. (
www.quarin.com)
Petit copier/coller :
"" Dans un article paru en décembre sur «Le Rôle d'un Critique de Vin», j'évoquais mon désarroi devant la cote surévaluée de certains vins. En voici un nouvel exemple.
Montrose (Cru Classé de Saint-Estèphe) 1990 et 1996
Depuis mes premiers commentaires sur le 96, j'ai toujours signalé la grande réussite de ce millésime à Château Montrose. Ce vin montre une grande qualité dans la précision de ses arômes et de sa structure. Sa réussite vient de la parfaite adéquation entre l'exceptionnel potentiel du millésime et le haut niveau technique de la propriété depuis 95. Souvenons-nous que le parc de barriques de Montrose avait été renouvelé en 94. Finies les odeurs de vieux bois, d'humidité et autres. Finie aussi la raideur tanique maladroite que l'on trouve toujours dans le 1993 comparée au bel équilibre et à la réussite du 1994.
Le nez du 1996 se montre remarquablement pur et frais. La fraîcheur vient de la maturité du millésime, si favorable à l'expression du cabernet sauvignon. Les conditions climatiques ont permis de vendanger mûr mais pas plus. La pureté provient tout à la fois de l'éclat du fruit que du beau travail effectué à partir de barriques pour la plupart neuves.
Le 90, millésime de forte chaleur et de gros volumes de production, ne possède pas la même distinction aromatique. Aujourd'hui, le nez, plus animal, plus viandé, plus solaire, n'est surtout ni frais, ni pur. Il y traîne des odeurs de vieux bois qui, sans être désagréables, manquent néanmoins d'éclat. Que serait ce vin élevé en fûts neufs et traité comme le 96 ? On ne le saura jamais, mais les techniciens et les connaisseurs ne s'y trompent pas : il serait meilleur et surtout plus grand. Donc le nez de 90 est plus ouvert mais moins raffiné. Le nez du 96 est plus réservé. Il ne le sera plus dans 6 ans. Sa fraîcheur étonne. Elle préservera ce vin pendant longtemps de toute sensation de «vieux».
La bouche du 90 plaît pour sa rondeur dès les premiers instants de la dégustation. Ce beau volume montre pourtant des tanins un peu rustiques, voire secs en fin de bouche. Ces sensations - rusticité, sécheresse, manque de précision- sont-elles admissibles pour un vin coté 100/100 chez Parker ? Il n'y a rien là d'un modèle, si ce n'est un cas de surestimation. Les conditions de la maturité du raisin dans ce millésime chaud, le gros volume de production, le traitement de la vendange et l'élevage en fûts pour partie usagés signent ces sensations sans noblesse.
A l'inverse, 96 rentre en bouche plus discrètement. Son charme et sa grandeur viennent de la présence de deux sensations presque contradictoires qui iront en s'harmonisant de plus en plus avec le vieillissement : une trame tanique serrée, une douceur presque sucrée. Sa texture précise, tramée par un grain tanique noble, progresse lentement en bouche. Vous noterez au passage que ce caractère tanique tout à la fois frais, fin, juteux et étoffé me semble être typique de l'expression des cabernets sauvignons médocains les plus réussis. Le développement savoureux, régulier et sans heurt s'accompagne de nombreuses saveurs. Elles persistent longuement en finale sans jamais sécher le palais. Ce jeu subtil entre la fraîcheur du fruit, son éclat, la fine âpreté du tanin et la viscosité soyeuse relève du millésime exceptionnel. Dans une dégustation à l'étranger, goûté à côté du Las Cases 96, le Montrose 96 n'a pas démérité. Il a surpris favorablement beaucoup de participants.
Je compare 90 et 96 de Montrose à peu près tous les deux ans. Cette dernière année, j'ai goûté le 96 quatre fois. Il progresse, tandis que 90 semble perdre la luxuriance qu'il affichait juste après la mise en bouteille.
Il existe des gens pour préférer 90 à 96. Dans la comparaison, ils mesurent mal combien six années de différence profitent au 90. En effet, il est plus prêt à boire. Peu de consommateurs savent comprendre la potentialité du 96 et voir les limites du 90. Voilà pourquoi ils cherchent des conseils et suivent des guides. L'absence d'éducation, le manque d'expérience, l'impossible mise en perspective des sensations gustatives éprouvées gênent le consommateur. Ces thèmes furent l'objet du stage qui vient de s'achever. Oui, l'éducation change tout à l'affaire. Et je m'étonne sans cesse de constater que, si les praticiens préfèrent le 96 au 90, le marché consacre toujours le 90. Il y a quelque chose qui cloche là -dedans, comme dirait Boris Vian.
Valeur du 90 : 300 euros. Valeur du 96 : 60 euros. Moyenne des notes sur mes 4 dernières dégustations : 96 : 17,88/20. 90 : 17,06.
Mon conseil : échanger une bouteille de 90 contre cinq bouteilles de 96 ou le revendre à des spéculateurs.
Dame de Montrose 2001 (noté 15-15,5). Le collage a bien affiné ce vin au nez comme en bouche. Frais et fruité au nez, il offre maintenant des tanins bien en place avec du goût et une longueur normale. Il s'agit d'un second vin bien homogène.
Montrose 2001 (noté 16,5-17). Tout comme pour le second vin, le grand vin est ici une réussite et compte même parmi les meilleurs vins du Médoc dans ce millésime. Je suis frappé par son nez crémeux et son toucher de bouche plutôt gras pour un Montrose. Il offre un caractère élancé, un grain tanique fin et une longue finale. Comparé de nombreuses fois au 2000, j'ai toujours préféré le 2000, mais j'attends la mise en bouteille pour me prononcer plus précisément. En effet, l'élégance tanique du 2001 pourrait se révéler encore plus succulente qu'elle n'est avec le temps.
Montrose 2000 (noté 17-17,5). Ce vin charmeur, large, au goût mûr s'est beaucoup refermé depuis la mise en bouteille. Son entrée en bouche est aujourd'hui supérieure au 2001, mais sa finale un peu moins subtile. Il est en train de se refermer. Il ne faut pas y toucher. Quoi qu'il en soit, l'écart goût-prix est en faveur du 2001. ""
Amitiés,
M@nuel.