Le Classement de 1855 des Grands Crus Classés du Médoc, revisité en 2017 : Quels Changements ?
1. L’Histoire du Classement des Crus Classés du Médoc, en 1855
1.1. La vie en 1855
1.2. La genèse du classement
1.3. Le classement officiel de 1855
2. La construction d’une hiérarchie nouvelle : méthodologie d’enquête
2.1. Domaines explorés
2.2. Les millésimes retenus
2.3. Les notations retenues
2.4. Les prix relevés
2.5. Les tests statistiques
3. Les résultats
3.1. Les Millésimes
3.2. Les Appellations
3.3. Des modifications apportées au classement de 1855
3.4. Une nouvelle hiérarchie : Promotions et rétrogradations
3.5. Un rapprochement vers le nord et la Gironde
4. Conclusion
Figure 1: Tableau de Carl Laubin représentant les différents châteaux classés du Médoc en 1855, bordés par la Gironde, disposés en fonction de leur rang hiérarchique, du plus important en haut au moins important en bas. On remarquera l’escalier permettant à Mouton Rothschild de gravir le dernier palier. Le logo symbole des Cru Classés du Médoc surmonte ce dessin.
1. L’Histoire du Classement des Crus Classés du Médoc, en 1855
1.1. La vie en 1855
1855. Un nombre. Il n’est ni d’or, ni magique, ni mystique. Il est cependant historique, en particulier pour les amateurs de vins. A fortiori ceux des grands vins de Bordeaux. A cette époque, la France sortait d’une grande épidémie de Choléra, dont un des facteurs favorisants était l’insalubrité (la poubelle n’était pas encore inventée), en particulier de l’eau. Sous l’impulsion du préfet Haussmann, l’idée de créer un réseau d’égouts et d’eau courante est lancée à Paris. La fée électricité ou le téléphone n’équipaient pas encore les chaumières, la Tour Eiffel
[1] ne dominait pas encore Paris, le chemin de fer avait tout juste 30 ans (1ère ligne de chemin de fer entre Saint Etienne et Andrézieux, en 1827 )
[2], les grandes gares Parisiennes n’avaient pas encore atteint l’âge de l’adolescence et, bien entendu, le métro n’était pas créé. D’un point de vue culturel, Victor Hugo avait écrit
Notre Dame de Paris en 1831, Dumas
Les Trois Mousquetaires en 1844, et Jules Verne n’avait toujours rien publié
[1], Pablo Picasso n’était pas né, Vincent Van Gogh avait 2 ans, Edgar Degas, Edouard Manet, Claude Monet ou Pierre-Auguste Renoir avaient tous entre 15 et 22 ans
[3].
Mais alors, comment cette année-là, 1855, put elle engendrer ce qui fut une révolution et reste encore de nos jours un symbole du classicisme et de la grandeur de la France, une marque, un fleuron de la gastronomie, du bon goût et du grand vin ? A ce moment-là, Napoléon III est au pouvoir, et vient de créer le second empire quelques années plus tôt. La France sort d’une période trouble et agitée sur son territoire, et est engagée militairement en Crimée. Cependant, malgré ces tourments, il fait organiser la seconde exposition universelle, par l’intermédiaire d’un décret impérial paru en 1853. Celle-ci est la seconde du genre, après celle de Londres ayant eu lieu en 1851, et dont le but est moins de développer la collaboration économique internationale que de rassembler les produits faisant la fierté de la France, tant en termes agro-alimentaires et industriels qu’artistiques. C’est donc ainsi que se déroule cette exposition au Palais de l’Industrie, créé pour l’occasion (et en partie détruit en 1896 pour la seconde exposition universelle, afin de créer l’avenue Winston Churchill dans le prolongement du pont Alexandre III, ce qui aboutira à la naissance du Petit et du Grand Palais), du 15 mai (inauguration) au 09 novembre
[1].
1.2. La genèse du classement
Pour ce faire, et afin d’étaler à la face du monde la grandeur des vins français, en particulier ceux du bordelais déjà largement connus à l’export, Napoléon III demanda aux courtiers de la place bordelaise (par l’intermédiaire de Lodi-Martin Duffour-Dubergier, président de la chambre de commerce et ex-maire de Bordeaux) de lui faire parvenir un classement recensant les meilleurs crus girondins, tant en rouge qu’en blanc
[4]. Ainsi, une lettre datant du 06 avril 1855 est émise en ce sens par la chambre du commerce. Les courtiers établirent alors un classement sur la base des prix et de la réputation des domaines sur plus d’un siècle, en partant du postulat qu’une corrélation entre tarif et qualité existait comme en témoigne cet extrait de la lettre des Syndics des courtiers de commerce destiné aux membres de la chambre de commerce de Bordeaux, datée du 18 avril 1855 :
« […]nous pensons qu'en supposant que les 1ers crus valassent 3 000 francs, les Deuxièmes devraient être cotés : 2 500 à 2 700 ; Troisièmes 2 100 à 2 400 ; Quatrièmes 1 800 à 2 100 ; Cinquièmes 1 400 à 1 600.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos bien dévoués serviteurs» [5]. .Ces tarifs s’entendaient pour une pièce de 900 Litres, et non pour une barrique bordelaise de 225 Litres. C’est donc sur ces bases que furent créés les classements de 1855, publiés le 18 avril :
• Un concernant les vins blancs uniquement liquoreux, issus du sauternais et de Barsac, sur une hiérarchie à 3 niveaux. Ils ne font pas l’objet de ce travail.
• Un autre concernant les vins rouges uniquement, en 5 strates, et dont les domaines étaient quasiment tous situés sur la péninsule médocaine, le Château Haut Brion dans la région des Graves (en appellation Pessac Léognan depuis 1987) faisant figure d’exception.
Ils perdurent tous deux toujours à l’heure actuelle et font encore référence. Toutefois, les courtiers avaient pris soin de noter que son établissement
« avait été chose délicate » et qu’il pourrait
« éveiller des susceptibilités ». Ainsi, ils pressentaient que des évolutions à posteriori pourraient être compliquées. Effectivement, depuis leur parution, seulement 2 modifications ont eu lieu :
• La première concerne le Château Cantemerle. Initialement absent de ce classement, les courtiers n’avaient pas tenus compte de ces prix de vente car le domaine vendait essentiellement en direct et à l’export (Pays Bas notamment), en shuntant la place de Bordeaux. La propriétaire de l’époque, Caroline de Villeneuve-Durfort en fit la demande, et celle-ci fut acceptée par le syndicat des Courtiers. Son ajout à la liste antérieure se fit donc le 16 septembre 1855, en léger décalé donc, au rang de 5ème Cru Classé.
• La seconde, beaucoup plus célèbre et avec un impact plus fort concerne le Château Mouton Rothschild. Après plusieurs tentatives de demandes de promotion de second à premier cru classé par le propriétaire du Château, Philippe de Rothschild (et freinées par les propriétaires d’autres crus classés prestigieux), cette requête aboutit finalement le 21 juin 1973, par décision du ministre de l’agriculture Jacques Chirac
[1]. Le Château en profita pour changer sa maxime, passant de
« Premier ne puis, second ne daigne, Mouton suis » à
« Premier je suis, second je fus, Mouton ne change » [6].
1.3. Le classement officiel de 1855
Au total, à ce jour, le Classement de 1855 des Crus Classés du Médoc comprend 61 Châteaux, répartis territorialement sur 6 appellations :
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Saint Estèphe : Cinq.
•
Pauillac : Dix- Huit.
•
Saint Julien : Onze.
•
Margaux : Vingt et un, il s'agit de l’appellation la plus représentée.
•
Haut Médoc : Cinq.
•
Pessac Léognan : Un.
Il est à souligner que les appellations n’existaient pas en tant que telle à l’époque, les premières étant créées plus de 80 ans plus tard.
Concernant le classement en lui-même, toujours en vigueur à l’heure actuelle, il est établi de la façon suivante :
Premiers Crus Classés, 5 châteaux:
•
Pessac Léognan : Château Haut Brion (HB)
•
Margaux : Château Margaux (Mx)
•
Pauillac : Château Latour (La), Château Lafite Rothschild (LR), Château Mouton Rothschild (MR), promu en juin 1973
Seconds Crus Classés, 14 châteaux:
•
Margaux : Château Brane Cantenac (BC), Château Durfort Vivens (DV), Château Lascombes (Lc), Château Rauzan Gassies (RG), Château Rauzan Ségla (RS)
•
Saint Julien : Château Ducru Beaucaillou (DB),Château Gruaud Larose (GrL), Château Léoville Barton (LB), Château Léoville Las Cases (LLC), Château LéovillePoyferré (LP)
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Pauillac : Château Pichon Longueville Baron (PLB), Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (PLC)
•
Saint Estèphe : Château Cos d’Estournel (CE), Château Montrose (Mo)
Troisièmes Crus Classés, 14 châteaux :
•
Haut Médoc : Château La Lagune (LLg)
•
Margaux : Château Boyd Cantenac (ByC), Château Cantenac Brown (CB), Château Desmirail (De), Château d’Issan (Is), Château Ferrière (Fe), Château Giscours (Gi), Château Kirwan (Ki), Château Malescot Saint Exupéry (MSE), Château Marquis d’Alesme (MA), Château Palmer (Pa)
•
Saint Julien : Château Lagrange (Lg), Château Langoa Barton (LgB)
•
Saint Estèphe : Château Calon Ségur (CS)
Quatrièmes Crus Classés, 10 châteaux :
•
Haut Médoc : Château La Tour Carnet (LTC)
•
Margaux : Château Marquis de Terme (MT), Château Pouget (Po), Château Prieuré Lichine (PrL)
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Saint Julien : Château Beychevelle (By), Château BranaireDucru (BD), Château Saint Pierre (SP), Château Talbot (Ta)
•
Pauillac : Château Duhart Milon (DM)
•
Saint Estèphe : Château Lafon Rochet (LfR)
Cinquièmes Crus Classés, 18 châteaux :
•
Haut Médoc : Château Belgrave (Be), Château Camensac (Cm), Château Cantemerle (Ct), promu en septembre 1855
•
Margaux : Château Dauzac (Da), Château du Tertre (Te)
•
Pauillac : Château d’Armailhac (Ar), Château Batailley (Ba), Château Clerc Milon (CM), Château CroizetBages (CzB), Château Grand Puy Ducasse (GPD), Château Grand Puy Lacoste (GPL), Château Haut Bages Libéral (HBL), Château Haut Batailley (HBy), Château Lynch Bages (LyB), Château Lynch Moussas (LM), Château Pédesclaux (Pe), Château Pontet Canet (PC)
•
Saint Estèphe : Château Cos Labory (CL)
Figure 2: Représentation du classement des Crus Classés du médoc, en fonction du rang hiérarchique.
2. La construction d’une hiérarchie nouvelle : méthodologie d’enquête
Cette photographie et hiérarchie du vignoble médocain date d’il y a plus de 150 ans maintenant. Or, depuis, la vie a clairement évoluée, le monde du vin ne faisant pas exception à cette règle. Alors, comment un classement érigé il y a un siècle et demi, sans élément tangible de notation, hormis les tarifs en vigueur à l’époque et assujetti à un certain nombre de biais, pourrait-il encore refléter la réalité ? On l’a vu, sa remise en question a été marginale et très difficile à obtenir, et reste toujours un exercice soumis à interprétation
[7]. On sait également par expérience que refaire un classement sans contestation est extrêmement délicat. D’ailleurs, celui des Saint Emilion Grand Cru, revu tous les 10 ans a parfois été source de polémiques (2006
[8], 2012
[9]), nécessitant l’intervention de la justice. Ainsi, l’objet de ce travail sera donc de revoir ce classement de la façon la plus rigoureuse et objective possible, puis d’établir une nouvelle hiérarchie qui reflétera la qualité des vins à l’heure actuelle. Pour y parvenir, nous aurons été amené à effectuer différents choix, parfois de façon arbitraire évidemment, mais en essayant systématiquement d’être le plus cohérent possible vis-à-vis de l’esprit de ce travail.
Nous n'avons aucun conflit d'intérêt à signaler, que se soit envers n'importe quel château, critique ou revue spécialisée.
2.1. Domaines explorés
Pour ce faire, nous allons explorer les notations de tous les châteaux initialement classés, sauf le Château Haut Brion (HB). En effet, le choix a été porté de classifier uniquement des vins du Médoc, par conséquent, il n’y avait pas d’unité de lieu avec cette brillante propriété. Ainsi, ces qualités intrinsèques ne sont absolument pas remises en question puisque, sans vouloir dévoiler trop vite le reste de ce travail, ce château aurait figuré à la même position qu’actuellement, recevant en prime les meilleures notes de cet exercice.
En second lieu, pour comparer et éventuellement compléter et étoffer le classement initial, nous avons choisi d’explorer également 12 autres domaines dont la réputation et les notations actuelles permettent de supposer une qualité de production suffisamment régulière et satisfaisante. Les voici :
•
Haut Médoc : Château Sociando Mallet (SM)
•
Margaux : Château Siran (Si)
•
Moulis en Médoc/Listrac Médoc : Château Chasse Spleen (CSp), Château Poujeaux (Pj) / Château Clarke (Ck), Château Fourcas Dupré (FD), Château Fourcas Hosten (FH)
•
Saint Julien : Château Gloria (Gl)
•
Saint Estèphe : Château Haut Marbuzet (HM), Château Meyney (My), Château Les Ormes de Pez (OPz), Château Phélan Ségur (PS)
On notera que seule l’appellation Pauillac n’aura pas vu de nouveau challenger. Par ailleurs, une double appellation est étudiée (Moulis/Listrac). Pour avoir une cohorte suffisamment grande, ces deux appellations seront regroupées en une seule entité. En effet, la surface cultivée cumulée de celles-ci (1265 ha) est à peu près égale à celle de l’appellation Pauillac (1215 ha) ou Saint Estèphe (1230 ha), et reste inférieure à celle de Margaux (1490 ha). Enfin, un treizième château était initialement prévu : le Château Bel Air Marquis d’Aligre, à Margaux. Toutefois, le faible nombre de notes récupérés (seulement 2,3%) aura eu raison de sa participation à cette étude.
Figure 3: Appellations et Châteaux retenus pour cette étude, en aspect « Carte de Métro ».
2.2. Les millésimes retenus
Chaque domaine aura été étudié sur les 20 derniers millésimes, soit de 1997 à 2016. Cette période permettra de couvrir un espace-temps suffisamment conséquent, représentant une génération environ. Elle permet également d’englober des millésimes de faible renommée (1997, 2002…), des millésimes qualifiés d’excellents (2005, 2009, 2010, 2015..) et des millésimes plus classiques (2004, 2008,2012…).
2.3. Les notations retenues
Sur ces 20 millésimes, il aura été collecté les notes de 13 dégustateurs ou revues faisant référence dans le monde du vin. Toutes les notes auront été converties sur 100. Nous pouvions donc obtenir au maximum 13 notes sur 100 par millésime, soit 260 notes théoriques par château au maximum. Ces différentes notes auront été récupérées sur 3 sites internet différents:
•
Idealwine
•
Wine-searcher
•
Winedecider
Concernant les 13 critiques du vin
[1][11], il aura été retenu des dégustateurs et revues françaises, européennes, asiatiques, et américaines, de façon à gommer le plus possible les goûts parfois différents d’une culture à l’autre.
•
Revue du Vin de France : Il s’agit d’un magazine français, dont la périodicité est mensuelle, avec un tirage à environ 45000 exemplaires. Créée en 1927, elle est probablement la revue française la plus importante et celle à la plus grande notoriété dans le monde du vin français. Elle édite également un guide chaque année. Notation sur 20.
•
Bettane + Desseauve : Il s’agit de deux critiques français du vin, et anciens rédacteurs en chef de la Revue du Vin de France. Bettane est agrégé de lettres classiques, Desseauve a été ancien président de l’association des écrivains et des journalistes. Ils ont créé un site internet, un magazine (En Magnum), publient un guide chaque année et sont organisateurs du salon « Le Grand Tasting ». Notation sur 20.
•
Gault & Millau Vins : Fondé par Henri Gault et Christian Millau en 1972, ce guide français était originellement axé sur l’hôtellerie-restauration. Au fil du temps, des évaluations sur les vins ont été incluses. Notation sur 20.
•
Jean Marc Quarin : Critique français du vin ayant étudié l’oenologie, il est basé dans le médoc, et est spécialiste des vins de Bordeaux. Notation sur 100.
•
Jancis Robinson : Critique et journaliste britannique, elle fut la première Master of Wine non impliquée dans le commerce du vin. Elle est auteur ou coauteur d’ouvrages majeurs, tels l’Atlas Mondial du Vin (avec Hugh Johnson) et une des spécialistes de l’ampélographie. Elle est conseillère de la cave de la Reine Elizabeth II, après avoir conseillé la compagnie aérienne British Airways. Elle publie également dans le Financial Times en plus de son site internet. Elle est admise à l’Ordre de l’Empire Britannique. Une Grande Dame du vin. Notation sur 20.
•
Vinum Magazine : Magazine européen basé en Suisse, avec une équipe de rédacteurs indépendants de plusieurs nationalités. Il est publié à plus de 40000 exemplaires et tiré 10 fois par an. Notation sur 20.
•
Jeannie Cho Lee : Critique et écrivain sud-coréenne, elle est devenue la première Master of Wine asiatique. Elle a collaboré pour plusieurs revues viniques. Elle est actuellement Professeur à l’Université Polytechnique de Hong Kong. Notation sur 100.
•
James Suckling : Critique américain de vin et de cigares. Il a été un ancien rédacteur en chef du Wine Spectator. Il est un fin connaisseur des vins de Bordeaux, mais également des vins italiens. Notation sur 100.
•
Antonio Galloni, Vinous : Antonio Galloni est un dégustateur né à Caracas, au Vénézuela. Il a notamment collaboré au WineAdvocate, sous les ordres de Robert Parker, couvrant notamment le Piémont, la Californie, la Bourgogne et la Champagne. Il part du WineAdvocate en 2013, et créé Vinous, un site web, qui compte des abonnés dans 75 pays. Stephen Tanzer et son International WineCellar intègrent Vinous en 2014. Notation sur 100.
•
Stephen Tanzer, International Wine Cellar : Il s’agit d’un critique américain et auteur de plusieurs livres, il est spécialisé dans les vignobles bordelais et bourguignons, ainsi que ceux de Californie, du Piémont et d’Afrique du Sud. Son bimestriel a été publié pour la première fois en 1985. Il a fusionné avec Antonio Galloni (Vinous) en 2014. Sa critique respectable est plutôt qualifiée de prudente. Notation sur 100.
•
Robert Parker, Wine Advocate : Il s’agit d’une publication bi-mensuelle, créée par Robert Parker, avocat de formation, en 1978. Lui et son journal sont rapidement devenus une des références incontournables de la notation des vins, avec un impact colossal sur le vignoble bordelais. Parker s’est retiré désormais depuis quelques années, conservant seulement une activité mineure. D’autres dégustateurs tels Neal Martin ou Jeb Dunnuck ont pris le relai. Notation sur 100.
•
Wine Enthusiast : Il s’agit d’un magazine américain créé en 1988. Il est édité 14 fois par an. Il dispose d’un site internet d’accompagnement : winemag.com. Il s’agit d’une branche de Wineenthusiast compagnies qui s’occupe également d’alimentation, de spiritueux et de voyages. Notation sur 100.
•
Wine Spectator : Il s’agit d’un magazine de vin américain, créé en 1976, proposant 15 numéros par an. James Suckling a été directeur en chef du bureau européen de 1981 à 2010. Notation sur 100.
Figure 4: Références utilisées comme base de travail
2.4. Les prix relevés
Différents prix apparaitront dans ce travail, et sont exprimés en Euros. Par facilité, ils sont tous corrigés au taux de TVA de 20% et ce, quel que soit le millésime étudié.
Les prix d’achat primeur ont été relevés sur Idealwine et/ou Châteauprimeur.
La correction de l’inflation s’est effectuée grâce au calculateur France-inflation, en prenant en compte le tarif au 01 janvier de l’année étudié, corrigé au mois de Juillet 2017. Elle s’établit à 31,10% de 1997 à 2017.
Les cotes ont été consultées sur le site Idealwine.
2.5. Les tests statistiques
Pour réaliser ce travail, il nous aura fallu calculer différentes moyennes. A la suite de cela, nous aurons calculé les écart-types et les intervalles de confiance à 95% (IC95) inhérents à ces moyennes.
La normalité des lois pour les différentes séries aura été vérifiée par un test de Shapiro-Wilk.
Les tests de significativité auront été effectué avec le test T de Student, avec un seuil fixé à 5% (
p<0,05)
Au total, ce travail aura donc été fait avec une méthodologie inversée par rapport au classement originel. En effet, dans celui de 1855, le principal critère de classement était le prix de vente, qui était censé être un reflet de la qualité du vin. Ici, nous nous serons basés sur des notes émises par des dégustateurs, et pondérées afin d’obtenir un indice sur 100. Les prix sont une variable secondaire dans ce travail.
3. Les résultats
3.1. Les Millésimes
Figure 5: Notes moyennes et tarifs primeurs sur 20 ans, de 1997 à 2016
En premier lieu, on voit que les tarifs moyens suivent globalement la même courbe que les notes moyennes (traits rouges). Les écarts-types de notation ont tendance à être plus serrés depuis 2010.
Le profil tarifaire global sur ces 20 ans montre plusieurs phénomènes. Tout d'abord, une partie relativement stable entre 1999 et 2008, entrecoupée de deux pics: un assez modéré pour le millésime 2000, puis un second plus marqué sur le millésime 2005, suivi d'une baisse des prix continue jusqu'en 2008, pour revenir au niveau des millésimes antérieurs à 2005. La seconde partie concerne le couple 2009-2010, marqué par une qualité moyenne très élevée sur ces 2 millésimes, ce qui aura provoqué une explosion tarifaire, amplifiée par une demande internationale extrêmement forte. Enfin, on voit en troisième lieu, depuis 2010 à nos jours, un profil que l'on peut qualifier "en cuvette", marqué d'abord par une baisse tarifaire liéé aux qualités intrinsèques des millésimes. Ensuite, il se stabilise à un niveau plancher relativement haut, supérieur à celui de 2008, avant de réamorcer une hausse constante et régulière (mais moins brutale que pour le millésime 2009), accompagnant l'ascension qualitative des 3 derniers millésimes, pour atteindre désormais un niveau tarifaire se situant entre 2005 et 2009.
On s’aperçoit également que l’oscillation tarifaire devient de plus en plus importante à partir du millésime 2005. De même, on remarque l’importance du poids des prix des 1ers Grands Crus Classés sur la moyenne (delta de 48 à + de 110%), en particulier sur les grands millésimes (2005, 2009, 2010, 2015, 2016). Ce delta est de 50 à 70% sur des millésimes de moyenne renommée (2013, 2011, 2008, 2007,2006), ce qui montre que les premiers ont probablement été proposés à un tarif trop élevé par rapport à la qualité des millésimes en question.
On remarque également que 2016 semble être le meilleur millésime étudié sur cette période de 20 ans (91,32 de moyenne), avec un écart-type très serré (3,08 ; le deuxième plus faible sur 20 ans), ce qui met en évidence une certaine homogénéité des notations. Il est proposé à un prix à peu près équivalent à celui de 2009 (hors 1ers GCC).
Par ailleurs, des 3 autres millésimes dépassant 89 de moyenne (89,08 pour 2009 ; 89,30 pour 2010 et 89,45 pour 2015), on s’aperçoit que le plus récent est proposé 15 à 35% moins cher en moyenne que ces ainés.
On voit également que 2014 propose une qualité sensiblement égale à celle notée en 2005, avec cependant des tarifs inférieurs de 20% environ, différence identique en faveur de 2012 versus 2011 pour des notes moyennes similaires (86,17 pour 2011 ; 86,27 pour 2012).
Inversement, on voit également que 2013 a été proposé 30% plus cher que 2004, à notation équivalente, tout comme 2012 versus 2008, ou encore 2011 proposé 60% plus cher que 2008, en moyenne.
En conclusion, on voit que le niveau moyen des notations a globalement eu tendance à monter plus fortement sur la deuxième décennie par rapport à la première. On voit également qu’il y a eu deux pics tarifaires majeurs correspondant aux millésimes 2005 et au couple 2009-2010. On perçoit également que la tendance actuelle est de proposer des prix de sortie pour les grands millésimes s’approchant de 2009 et s’écrêtant pour l’instant à ce niveau. Par contre, on voit que les millésimes moins renommés sont maintenant vendus nettement plus chers que les millésimes antérieurs à 2005, avec une décroissance trop faible entre les grands ou très bons millésimes, créant un effet d’épuisement chez l’acheteur. On en concluera que les millésimes 2006 et 2007, ainsi que les millésimes 2011-2012 et 2013 ont probablement été vendus trop chers, avec des inadéquations entre les tarifs de sortie proposé et les notations obtenues. Ainsi, les dernières « bonnes affaires » remontent aux millésimes 2008 et 2001. En effet, nous verrons un peu plus loin avec l'analyse des données château par château, que les cotes sont régulièrement plus élevées que les prix de sortie primeur, y compris corrigés de l'inflation, jusqu'en 2008, phénomène possible grâce aux tarifs de sortie relativement abordables d'une part. D'autre part, les millésimes de plus de 10 ans commencent à entrer pour certains d'entre eux dans une phase de maturité, ce qui explique un engouement plus important pour eux. Ainsi, depuis l'inflation subie à partir de 2009, toute cotation supérieure au prix de sortie n'est pratiquement plus possible, de par la jeunesse des vins qui les rendent pour l'instant moins intéressants à l'achat en seconde main, et par les prix de sortie parfois prohibitifs.
L’ensemble de ces données explique sans doute pour partie le « bordeaux bashing » et le détournement des amateurs des Crus Classés du Médoc, payant cher les grands millésimes, et n’ayant plus de période creuse pour acheter à bon prix.
Figure 6: Notation des millésimes
L’étude de ces 20 dernières années aura permis de les classifier en 5 catégories différentes. Ainsi, on retrouve :
• 4 millésimes que l’on qualifiera comme « Faible » (1997, 1999, 2002 et 2007), avec une moyenne de 83,3.
• 6 millésimes « Moyen » (1998, 2001, 2003, 2004, 2006, 2013), avec une moyenne de 85,1.
• 3 millésimes « Bons » (2008, 2011 et 2012), avec une moyenne de 86,2.
• 3 « Très Bons » millésimes (2000, 2005 et 2014), avec une moyenne de 87,7.
• 4 « Excellents » millésimes (2009, 2010, 2015 et 2016), avec une moyenne de 89,8.
Par ailleurs, on s’aperçoit que les écart-types sont relativement proches et la plupart compris entre 3 et 4 pour la deuxième décennie (avec un minimum à 2,82 pour le millésime 2013) et entre 4 et 4,7 pour la première décennie. Ainsi, chaque groupe est significativement différent des autres, ce qui montre une certaine cohérence d’ensemble. Bien entendu, il s’agit d’une approche statistique et dépassionnée, s’appuyant sur les moyennes de tous les châteaux, gommant ainsi les particularités individuelles. On pourrait effectivement penser que 2011 et 2000 ont peut-être été surclassé, à l’inverse de 2005, par exemple.
Figure 7: Répartition tarifaire selon la notation des millésimes
L’approche tarifaire par groupe de millésimes permet de mettre en lumière le fait que les « Très Bons » et « Excellents » millésimes sont vendus cher, avec respectivement un prix moyen supérieur à 50 et 70 euros, mais avec un écart suffisamment important entre eux permettant de faire le distingo (
p=0,0331). Dans ce premier groupe, on s’aperçoit que malgré le haut niveau de prix affiché, l’ensemble parait relativement homogène, avec un plafond atteint par le millésime 2010, jamais ré atteint depuis.
On remarque ensuite, dans le second groupe, que le millésime 2005 a été présenté à un niveau tarifaire supérieur au millésime 2014, ce qui pourrait lui permettre de se positionner dans le premier groupe.
La différence entre les « Très Bons » et les « Bons » millésimes est, par contre, assez peu marquée (51 euros versus 45,
p=0,4394). Ceci sous-entend que les vins ayant été produit lors des Bons millésimes ont été proposé trop cher, avec en particulier 2011, qui dépasse largement la moyenne de son groupe, et dont le prix moyen est même supérieur à ceux de 2000 et 2014, qui figurent pourtant dans le groupe immédiatement supérieur.
On voit également, ensuite, que les groupes « Bon », « Moyen » et « Faible » sont vendus à des tarifs relativement proches, les différences intergroupes n’étant pas significatives (
p> 0,05), ce qui montre aussi que les tarifs des vins issus des deux derniers sous-groupes ont été probablement surévalués à leur sortie. Ceci est particulièrement visible pour les millésimes 2011, 2006 et 2013, ainsi que 2007, qui dépassent allègrement les moyennes respectives de leurs groupes. A l’opposé, on voit clairement que les bonnes affaires résident dans les millésimes 1998, 2001, 2008 et dans une moindre mesure, puisque l’on n’est pas sur la même gamme tarifaire, 2014.
Ainsi, on voit que l’exercice de fixation du prix de sortie est un élément déterminant et représente un enjeu majeur pour chaque propriété. A la lecture de ce graphique, on voit clairement que les groupes de millésimes les moins bons sont probablement proposés à des tarifs trop élevés. Ainsi, un meilleur ajustement tarifaire vis-à-vis des caractéristiques de chaque millésime permettrait probablement de réorienter l’amateur désireux d’encaver des Grands Crus Classés sur les châteaux médocains. C’est à l’heure actuelle un enjeu stratégique et économique pour les propriétés bordelaises, que de posséder le bon positionnement tarifaire dès la sortie des primeurs.
3.2. Les Appellations
Figure 8: Notation des appellations, sur 20 ans, de 1997 à 2016
Sur les 20 derniers millésimes, globalement, les appellations communales longeant la Gironde s’en tirent mieux que les appellations plus continentales (Haut Médoc, Moulis/Listrac). On voit d’ailleurs une certaine homogénéité entre Saint Julien, Pauillac et Saint Estèphe, avec une légère domination de la première citée (sans significativité toutefois). On note que Pauillac et Saint Estèphe sont au coude à coude, avec une moyenne quasiment identique (86,92 versus 86,77 ;
p=0,8444), la première étant en grande partie tirée vers le haut par l’hébergement de 3 Premiers Grands Crus Classés (écart-type à 5,20, le plus important de la série), contrairement à la seconde qui n’en contient aucun. Ensuite, Margaux est légèrement décrochée, vis-à-vis de Saint Julien (
p=0,0028), mais est restée au contact des deux autres, sans dominer non plus outrageusement les châteaux présents en appellation Haut Médoc (
p=0,0646). Bien qu’elle représente plus du tiers des châteaux classés en 1855, c’est ainsi une semi-déception de ne pas voir la prestigieuse Margaux se démarquer davantage, d’autant que plus de 75% des représentants issus de cette appellation sont classés dans les 3 premiers rangs.
Enfin, on voit que l’ensemble Moulis/Listrac peine à exister dans ce classement, nettement dominé par toutes les autres, sur ces 20 dernières années. Ainsi, à la lecture rapide de ces résultats, et au risque d’être un peu simpliste, il semblerait que l’adage selon lequel il faudrait que les vignes voit la Gironde pour donner un grand vin dans le médoc, soit en partie justifié.
3.3. Des modifications apportées au classement de 1855
Figure 9: Classement de 1855, revu en 2017, sur la période 1997-2016
Ce graphique, à l’allure croissante de façon exponentielle, représente la position moyenne de chacun des châteaux étudiés, avec leur note moyenne en abscisse et leur prix moyen en ordonnée, couvrant la période de 1997 à 2016, soit 20 millésimes.
Nous avons ainsi, grâce à cela, pu établir un nouveau classement à 5 strates (6 avec les recalés), assez homogène, en particulier concernant les notations. Ce classement s’est fait évidemment sans parti pris, étant simplement basé sur de l’analyse statistique.
On s’aperçoit que le premier groupe (en vert), composé de 5 châteaux (comme pour le classement de 1855), possède des moyennes nettement supérieures à 92. Par ailleurs, on voit que le positionnement tarifaire est assez proche, exception faite de LLC, qui intègre ce rang et qui fait figure de bonne affaire.
Le second groupe, en bleu, est assez resserré, autour de 90,5 de moyenne et comprend 9 châteaux (14 dans l’ancienne hiérarchie). L’éventail tarifaire est, par contre, le plus important de tous les groupes, avec un rapport de 1 à 3,7. LB fait également figure d’excellente affaire, à contrario de Pa dont le positionnement tarifaire cherche clairement à atteindre le premier groupe.
Le troisième groupe, en gris, est le plus mince : seulement 4 représentants (10 de moins que précédemment), groupés en 1 point (de 88,5 à 89,5) avec des tarifs sensiblement identiques sur 20 ans. On peut voir ce groupe comme une articulation entre les deux premiers et les deux suivants. Il est cependant probable que ces 4 châteaux eurent été intégrés au second groupe si nous avions décidé de ne pas suivre le plan du classement originel en 5 strates. On peut donc raisonnablement les considérer comme étant des seconds en puissance plutôt que des figurants d’un troisième groupe, leur niveau moyen étant élevé.
Le quatrième groupe, en jaune, a plus que doublé, passant de 10 représentants en 1855 à 22 désormais. Il est certainement le moins homogène, avec un écart maximal de 2,5 point entre les deux bornes de cette catégorie. Le positionnement tarifaire semble lui, par contre, relativement cohérent, compris peu ou prou, entre 30 et 50 euros.
Le cinquième groupe est assez homogène en termes de note, il reste à 18 représentants. Il présente probablement de bonnes affaires d’un point de vue tarifaire, avec des vins coutant entre vingt et trente euros maximum (hors LLg, Ba et Lc).
Enfin, les non-classés possèdent une note moyenne sur 20 ans inférieure à 84 avec une incohérence tarifaire entre eux, les faisant représenter sur ce graphique en aspect de tir de chevrotine.
Figure 10: Comparaison de l'homogénéité du classement de 1855 dans sa version originale (à gauche) et revisitée en 2017 (à droite)
On s’aperçoit sur le diagramme de gauche que les 3 premières strates paraissent cohérentes, avec une différence significative entre chaque niveau hiérarchique, et une vraie supériorité du groupe des Premiers Grands Crus Classés. Cependant, à partir du 3ème rang, on se rend bien compte, qu’il n’y a plus de différence suffisamment marquante entre chaque groupe (
p> 0,05), avec une impression de tassement (moyennes se tenant en 1,5 point pour les 3ème, 4ème et 5ème Crus Classés), ce qui fait perdre une grande partie de l’intérêt de ce classement comme il est proposé à l’heure actuelle. On voit par ailleurs que les écarts-types (hormis dans le groupe des 1ers Grands Crus Classés) sont importants (environ 2,5 point pour chaque groupe), ce qui confirme cette notion d’hétérogénéité et de porosité du classement. Or, l’objectif initial était de voir si la hiérarchie établie en 1855 reflétait toujours la situation actuelle. A la vue de ceci, on peut raisonnablement penser que ce n’est pas le cas, au moins en ce qui concerne la deuxième partie du classement.
Sur le graphe de droite, la donne a clairement changé, avec la présence cette fois d’un diagramme en marche d’escalier. Chaque groupe est très significativement différent des autres (aussi bien inférieur que supérieur), avec des différentiels de moyenne d’environ 2 point à chaque fois, et des écarts-types divisés par 4 environ (excepté pour le groupe des non-classé) par rapport au classement de 1855. Ainsi, la mission de proposer un nouveau classement, fiable et représentatif de ce que peut être la production de l’élite médocaine semble être parfaitement atteinte.
3.4. Une nouvelle hiérarchie : Promotions et rétrogradations
Figure 11: Représentation du classement des Crus Classés du médoc, en fonction du rang hiérarchique, revisité en 2017
A la lumière de cet exercice, une nouvelle hiérarchie apparait. Nous avons pu conserver une stratification en 5 rangs, et nous nous retrouvons avec 57 châteaux classés, contre 61 initialement, ce qui respecte globalement l’architecture du classement de 1855. L’hégémonie margalaise est moins marquée, puisque cette appellation perd 5 châteaux, Pauillac en perd 4, et le Haut Médoc 2. Saint Julien en fait rentrer 1 seul, alors que Saint Estèphe est la grande gagnante, puisqu’elle réussit l’exploit de faire rentrer les 4 domaines qui n’étaient jusqu’alors pas classés. D'ailleurs, ces deux dernières appellations voient l'intégralité de leurs propriétés étudiées intégréées dans ce classement. On voit enfin l’apparition de 2 châteaux du groupement Moulis/Listrac (qui se révèlent être 2 Moulis) au 5ème rang.
On remarque ensuite que trois appellations (Margaux, Saint Julien et Pauillac) inscrivent des châteaux dans chacun des rangs (contre seulement Margaux, en 1855), Saint Estèphe en plaçant dans 4, comme auparavant, mais n’arrivant toujours pas à en inscrire un au premier rang. Par ailleurs, le Haut Médoc est cette fois regroupé sur les 2 rangs inférieurs.
Au total, dans ce classement revisité, nous avons :
•
57 Châteaux, répartis en 5 rangs
•
16 en appellation
Margaux
•
14 en appellation
Pauillac
•
12 en appellation
Saint Julien
•
9 en appellation
Saint Estèphe
•
4 en appellation
Haut Médoc
•
2 en appellation
Moulis en Médoc
Cette recomposition aura provoqué :
• 11 sorties (auquelles il faut adjoindre HB)
• 8 entrées de nouveaux châteaux
• 17 mouvements à la baisse
• 6 mouvements à la hausse
• 25 châteaux n’ont pas changé de rang.
Il s’établirait désormais de la façon suivante :
Premiers Crus Classés, 5 châteaux :
•
Margaux : Château Margaux (Mx)
•
Pauillac : Château Latour(La), Château Lafite Rothschild (LR), Château Mouton Rothschild (MR)
•
Saint Julien : Château Léoville Las Cases (LLC, +1 rang)
Seconds Crus Classés, 8 châteaux (-6) :
•
Margaux : Château Palmer (Pa ; +1 rang)
•
Saint Julien : Château Ducru Beaucaillou (DB), Château Léoville Barton (LB)
•
Pauillac : Château Pichon Longueville Baron (PLB), Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (PLC), Château Pontet Canet (PC ; +3 rangs)
•
Saint Estèphe : Château Cos d’Estournel (CE), Château Montrose (Mo)
Troisièmes Crus Classés, 4 châteaux (-10) :
•
Margaux : Château Rauzan Ségla (RS ; -1 rang)
•
Saint Julien : Château Léoville Poyferré (LP ; -1 rang)
•
Pauillac : Château Lynch Bages (LyB ; +2 rangs)
•
Saint Estèphe : Château Calon Ségur (CS)
Quatrièmes Crus Classés, 22 châteaux (+12)
•
Margaux : Château Brane Cantenac (BC ; -2 rangs), Château Cantenac Brown (CB ; -1 rang), Château Giscours (Gi ; -1 rang), Château d’Issan (Is ; -1 rang), Château Kirwan (Ki ; -1 rang), Château Malescot Saint Exupéry (MSE ; -1 rang), Château Prieuré Lichine (PrL)
•
Saint Julien : Château Branaire Ducru (BD), Château Beychevelle (By), Château Gruaud Larose (GrD ; -2 rangs), Château Lagrange (Lg ; -1 rang), Château Langoa Barton (LgB ; -1 rang), Château Saint Pierre (SP), Château Talbot (Ta)
•
Pauillac : Château d’Armailhac (Ar ; +1 rang), Château Clerc Milon (CM ; +1 rang), Château Duhart Milon (DM), Château Grand Puy Lacoste (GPL ; +1 rang)
•
Saint Estèphe : Château Haut Marbuzet (HM ; nouvel entrant), Château Lafon Rochet (LfR), Château Phélan Ségur (PS ; nouvel entrant)
•
Haut Médoc : Château Sociando Mallet (SM ; nouvel entrant)
Cinquièmes Crus Classés, 18 châteaux :
•
Margaux : Château Boyd Cantenac (ByD ; -2 rangs), Château Dauzac (Da), Château Durfort Vivens (DV ; -3 rangs), Château Ferrière (-2 rangs), Château Lascombes (Lc ; -3 rangs), Château du Tertre (Te)
•
Saint Julien : Château Gloria (Gl ; nouvel entrant)
•
Pauillac : Château Batailley (Ba), Château Haut Batailley (HBy), Château Haut Bages Libéral (HBL)
•
Saint Estèphe : Château Cos Labory (CL), Château Meyney (My ; nouvel entrant), Château les Ormes de Pez (OPz ; nouvel entrant)
•
Haut Médoc : Château Cantemerle (Ct), Château La Lagune (LLg ; -2 rangs), Château La Tour Carnet (LTC ; -1 rang)
•
Moulis en Médoc : Château Chasse Spleen (CSp ; nouvel entrant), Château Poujeaux (Pj ; nouvel entrant)
3.5. Un rapprochement vers le nord et la Gironde
Figure 12: Répartition territoriale des crus avec leur rang hiérarchique, en 1855 (à gauche) et leur rang potentiel en 2017 (à droite)
On remarque que la position des propriétés vis-à-vis de la Gironde joue un rôle certain. En effet, les trois premiers rangs du classement sont occupés exclusivement par des châteaux se situant sur des appellations communales longeant l'estuaire de là Gironde. Par ailleurs, l’épicentre a tendance à être remonté de quelques kilomètres au nord par rapport à 1855, avec des seconds et des troisièmes Crus beaucoup plus centrés sur le secteur Saint Julien/Pauillac. On remarque également que les quatrièmes et cinquièmes crus sont répartis de façon beaucoup plus étagée sur toute la hauteur du médoc, réalisant un maillage global très homogène du territoire. Enfin, les non-classés se retrouvent préférentiellement sur la partie méridionale et continentale du médoc. Ceci s’explique en partie d’un point de vue géologique, le rôle des différentes terrasses composant le sol et le sous-sol du médoc étant clairement démontré et explicité
[11]. Nous nous interrogerons toutefois si une influence climatique depuis 1855 aura pu également permettre cette modification de répartition, en recentrant les meilleurs crus de façon un peu plus septentrionale.
4. Conclusion
Cet exercice révèle bien que le classement historique de 1855 ne reflète plus intégralement la réalité actuelle. En effet, cette approche statistique montre bien que de nombreux domaines pourraient voir leur classement évoluer, à la baisse comme à la hausse, puisque moins de 45% des domaines n’a pas eu son classement de 1855 modifié.
En s’appuyant sur des données chiffrées, basé sur des notes de dégustateurs experts et reconnus mondialement et ainsi départi de tout à priori, c’est de la façon la plus neutre possible que ce néoclassement a pu être construit. Un recentrage des meilleurs Grands Crus Classés près des berges de l'estuaire, un peu plus au nord (mettant un peu plus en lumière le triptyque Saint Julien, Pauillac et Saint Estèphe) conjugué à la moindre hégémonie de l’appellation Margaux (vis-à-vis de 1855), permettent d’obtenir un classement bien plus homogène, avec des niveaux hiérarchiques clairement définis et véritablement indépendants les uns des autres. Ceci permet de rendre une lecture beaucoup plus objective et précise des réels niveaux qualitatifs des différents châteaux.
Toutefois, on comprend bien que des enjeux financiers majeurs pour les différents châteaux classés empêcherait probablement toute remise en cause de ce classement historique, malheureusement au détriment de certains qui mériteraient pourtant grandement de l’intégrer.
En conclusion, cette approche un peu plus rationnelle permet de prendre un peu de recul face aux étiquettes et aux classements actuels, ceux-ci n’étant plus forcément des reflets fiables. Ainsi, ils peuvent parfois induire en erreur, de façon plus ou moins volontaire, certains consommateurs. Par conséquent, une attitude prudente quant à la valeur du classement de 1855 et une bonne connaissance des différents crus et millésimes semble être une bonne posture en vue d’achats, en particulier lors des campagnes primeurs et des périodes de foires aux vins.
Notes et références
[1] : www.wikipedia.fr
- Egouts de Paris
- Electricité
- Téléphone
- Poubelle
- Obélisque de Louxor
- Arc de Triomphe de l’Etoile
- Tour Eiffel
- littérature française du XIXème siècle
- Napoléon III
- Constitution Française de 1852
- Guerre de Crimée
- Exposition Universelle de 1855
- l’intégralité des châteaux cités dans ce document
- l’intégralité des appellations énoncées dans ce document
- Gironde et Garonne
[2] : www.sncf.com
[3] : www.grandspeintres.com
[4] : www.bordeaux-traditi...
[5] : www.journalepicurien...
[6] : www.dico-du-vin.com
[7] : RVF, n°557, Décembre 2011 “Que vaut aujourd’hui le classement de 1855?”
[8] : www.larvf.com
[9] : www.terre-net.fr
[10] : www.wine-searcher.com
[11] : Pierre Le Hong, Eric Bernardin, Crus Classés du Médoc, Editions Sud Ouest, 205 pages
[12] : www.musee-boissons.com