Un CR un peu long parce que le vin le mérite et a raconté beaucoup de choses que je ne saurais pas résumer
Je n'ai pas l'habitude de faire des CR, mais ma (charmante) vendeuse voulait connaître mon avis, alors j'ai tout noté et je vous en fait profiter.
Château Sigalas Rabaud 1976
Sauternes
Premier Cru Classé
Marquise de Lambert de Granges, Bommes, Gironde.
(Montpellier Caves Gambetta, 90€, toujours disponible au magasin)
Rappel :
Sigalas Rabaud : Propriété de 14 hectares, dont les vignes sont joliment assises sur une croupe sablo-graveleuse, plantées à raison de 85 % en Sémillon.
1976 : Millésime de la Canicule. Cependant pas tellement solaire en fin de compte en gironde à cause des fortes pluies d’août. Des vins souvent équilibrés mais dilués. Pour les Sauternes en revanche l’arrière saisons semble avoir été favorable à de grandes réussites.
CR (de novice) le 14 décembre 2006 :
Ce vin n’est pas un modèle d’équilibre. Ce n’est pas un défaut : en effet on ne demande pas à un vin de correspondre à une perfection aux critères préétablis par Monsieur Parker, mais d’avoir une vrai personnalité et de grands choses à raconter. Ce Sigalas Rabaud 1976 a une sacrée personnalité et de belles histoires pour nous bercer.
Sa colonne vertébrale est surprenante, très (trop ?) verticale, tannique mais sans étendue. Selon les plats avec lesquels on dégustera ce vin, la colonne vertébrale nous apparaîtra sous des identités toujours renouvelées : L’orange confite très amère admirable sur fond très doux et liquoreux ; ou une amertume boisée parfois très jeune, ou encore une pâte de coing amère et forte.
Première dégustation, 10 minutes après ouverture :
Robe : Dorée, légèrement rougeoyante (volcanique ?)
Premier nez (dominances par ordre chronologique): a) Pollen b) Boisé c) Vin cuit d) Safran.
Après agitation : a) Figue spectaculaire et intense b) Banane suave persistante et enivrante.
En bouche : a) Un boisé mystique et austère (sans rapport avec du chêne) b) Une amertume tannique surprenante et très agréable.
Longueur en bouche : a) Sucre fondant b) Fruits confit vieux avec une acidité « bonbon » qui s’écoule avec sensualité.
Pour le moment il ne m’enthousiasme pas.
# Sur un délicieux Foie Gras :
Le Sigalas Rabaud révèle successivement des saveurs de a) vin cuit épicé b) Mûre sucrée et fondante c) orange confite spectaculaire sur la longueur qui va petit à petit occulter le reste au fur et à mesure que le vin s’aère. d) des touches discrètes de cerise confite.
Sa personnalité se réveille. Contrairement à un Sauternes jeune, il ne met pas en valeur le foie gras par sa fougue ; mais on découvre la puissance de ses nombreux arômes, nous sommes maintenant très enthousiastes. Par contre ce foie gras que pourtant j’adore habituellement passe relativement inaperçu à côté du vin.
# Sur un excellent bleu (d’auvergne je crois) :
En réponse au bleu, le vin révèle a) son fruité, b) de discrètes saveurs de paille, c) du raisin d) de discrètes sensations fumées. L’expérience est nettement plus intéressante qu’avec le foie gras, toute sa complexité aromatique devenant plus perceptible. Je ne perçois plus désormais sa structure comme associée à l’orange confite mais comme un boisé amer (iris?), original, que j’apprécie avec émotion.
Une heure plus tard, le vin est servi un peu plus froid.
Robe : inchangée.
Premier nez : Arômes plus fruités que précédemment, avec une touche de cidre nouveau.
Après agitation : Calvas.
En bouche : Calvas confirmé.
# Sur une tarte à la rhubarbe :
L’amertume boisée domine toujours, qui met en valeur la tarte sucrée. Si le plat est mieux mis en valeur, le vin l’est un peu moins qu’avec le Bleu.
Le lendemain :
Robe : Inchangée.
Premier nez : Moins (presque plus) d’intensité de pollen que la veille. Plus de raisin sec et de chaleur.
Après agitation : Moins de figue et banane, plus de brioche.
En bouche : Adoucie mais similaire à la veille, avec en plus un peu de noisette ou de peau de cacahuète.
Longueur en bouche : Enthousiasmante, plus mesurée qu’hier, mais plus subtile avec des touches de tabac qui accompagnent une orange confite beaucoup moins pressante.
# Sur un roquefort (Gabriel Coulet) :
Des fruits secs se manifestent, mais moins de vivacité qu’hier.
La bouteille est finie, dommage car aujourd’hui il aurait sans doute été remarquable avec du chocolat.
Conclusion :
Un vin remarquable. La structure n’est pas un modèle d’équilibre, mais un défilé ininterrompu de saveurs regroupées autour d’un caractère fort en fait une très bonne expérience.
Je ferai encore vieillir quelques bouteilles pour moi. Rien ne dit qu’il s’équilibrera plus, j’en doute fortement, mais j’aime les vins qui racontent leur histoire avec le calme qui caractérise la vieillesse. Pour la plupart des amateurs cela ne représenterait pas un intérêt de risquer une garde de 10 ans de plus, pour moi, si.