Jamais deux sans trois visites chez Droin !
Et donc, après les millésimes 2018 et 2019, c’est le millésime 2020 qui va être analysé sous toutes ses
coutures cuvées.
Pour cet exercice, ô combien difficile mais tout autant jouissif, je suis accompagné de mon conducteur favori, Didier et d’un modérateur dont je tairai le nom car certaines de mes photos vont le mettre en difficulté…
Nous avons d’abord récupéré quelques cartons et les avons bien calés dans les coffres de Didier et de Cédric (ah mince, j’ai lâché le morceau !
) : ce n’est pas (tout) pour eux, mes amis sont partageurs !
Puis nous nous dirigeons avec Benoît Droin vers le caveau de dégustation où les références aux travaux de la vigne sont nombreuses.
Nous commençons par prendre quelques informations sur le millésime 2021, notamment les pertes en volume dues au gel d’avril : elles vont de 80 % sur le petit chablis (zones en plaine plus sensibles au gel et moins prioritaires pour les actions de protection) à 30 % sur les grands crus, avec une moyenne de 60 %.
Bien entendu les vins de 2021 seront très différents, après trois années exceptionnellement chaudes. L’acide lactique est en général autour de 6 g/l contre 2 à 2,5 g/l les trois dernières années. Mais la maturité est bonne et au final le millésime devrait beaucoup ressembler à 2007.
Du coup, on pourrait se dire que Benoît va diminuer le pourcentage de fûts dans les différents crus, mais il ne va quasiment rien changer car « je veux garder leur typicité, et si le rapport élevage / caractéristiques du millésime peut influer sur le ressenti en jeunesse, tout se gomme avec le temps ».
Une question technique va apparaître à un moment de la dégustation, mais autant donner la réponse tout de suite : les bouchons sont tous des Diam, les bouchons Diam 5 étant bien suffisants (garantis 5 ans, l’expérience montre qu’ils durent bien plus longtemps), et des Diam 10 étant utilisés par sécurité pour certains premiers crus et les grands crus.
Et on attaque !
Petit Chablis – 2020
Nez intense sur la croûte de fromage, qui aura nettement évolué quand on y reviendra en fin de dégustation, sur la pêche et la châtaigne !
Bouche plus fruitée que le nez, avec quelques accents marins.
C’est la première fois que je trouve que le petit Chablis ressemble à un Chablis …
Bien ++
Chablis – 2020
Nez bien ouvert et fumé, bouche alliant tension et gourmandise, plus qu’en 2019 pour cette dernière caractéristique.
Très Bien
Chablis Premier Cru – Vosgros – 2020
C’est toujours la minéralité qui domine avec ce cru que j’affectionne, mais elle laisse plus de place que d’habitude à un côté friand inattendu.
Très Bien (+)
Chablis Premier Cru – Côte de Léchet – 2020
C’est la première fois que je goûte ce cru, toujours élevé 100 % en cuve, comme les trois cuvées précédentes.
Fruité très élégant au nez, charnu et très rond en bouche.
Très Bien (+)
Chablis Premier Cru – Vaillons – 2020
Elevage 25 % en fûts (comme pour tous les crus qui suivront, il s’agit de fûts de différents âges et l’élevage en fûts dur de 7 à 10 mois).
Une matière dense et très mûre, donnant une impression de fruits exotiques au nez comme en bouche, mais alliée à une belle minéralité.
Je ne l’ai jamais goûté aussi bien !
Très Bien +(+)
Chablis Premier Cru – Montmains – 2020
Elevage 40 % en fûts.
Des fruits secs, principalement la noisette au nez, une bouche rendue confortable par son léger gras et son volume. Le caractère chablisien se rappelle à nous dans la finale enlevée.
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Mont de Milieu – 2020
Elevage 25 % en fûts.
Abricot et notes florales au nez comme en bouche, celle-ci étant bien extravertie.
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Fourchaume (Vaupulent) – 2020
Elevage 50 % en fûts.Le pourcentage de fûts est important car, plus que d’autres premiers crus, il vise le long terme.
On revient à plus de classicisme chablisien, avec une aromatique complexe, de croûte de fromage, d’embruns marins et de fumé, sur une belle base fruitée.
La bouche puissante montre une belle salinité jusqu’à une finale impactante.
Très Bien +(+)
Chablis Premier Cru – Vaulorent – 2020
Elevage 25 à 30 % en fûts.
J’ai trouvé pour la première fois un nez de fruits jaunes teintés d’exotisme dans ce cru mais aussi des touches fumées, plus classiques pour le terroir très pierreux.
La bouche, elle, est conforme à mon souvenir, très droite et minérale, tout en faisant preuve d’une grande concentration.
Très Bien ++
Chablis Premier Cru – Montée de Tonnerre – 2020
Elevage 25 à 30 % en fûts.
Nez très intense et élégant, bouche riche et sphérique, finale de grande allonge, plus vive et affinée, empreinte d’une belle salinité.
Très Bien ++ / Excellent
Avant d’attaquer les grands crus, une analyse de la scène est nécessaire pour bien s’imprégner de l’atmosphère…
Dans un premier temps, Benoît, toujours aussi didactique et clair, nous donne plein d’informations et toute l’assemblée boit ses paroles… toute ?
Et dans un deuxième temps il passe à la pratique en remplissant nos verres, mais certains sont plus rapides que d’autres…
Chablis Grand Cru – Vaudésir – 2020
Elevage 40 % en fûts.
Nez parfumé, avenant et chaleureux.
Bouche élégante au boisé encore sensible sans ostentation.
Un très beau Puligny, mais qui reviendra à ses origines avec le temps !
Très Bien ++
Chablis Grand Cru – Valmur – 2020
Elevage 40 % en fûts.
Un nez intense et subtil à la fois, aux délicieux arômes de poire teintés de notes de coquille d’huitre.
La puissance en bouche fait l’effet d’un coup de poing, la force minérale la propulse loin et très longtemps dans un univers marin et radieux en même temps
Excellent (+)
Chablis Grand Cru – Grenouille – 2020
Elevage 50 % en fûts.
Encore une élégance suprême au nez, qui mêle fruit et salinité avec une touche de vanille.
La bouche se révèle généreuse et sphérique, d’un caractère Beaunois, mais des grands vins de la Côte de Beaune, avec une finale plus effilée et vive.
Très Bien ++ / Excellent
Chablis Grand Cru – Hommage à Louis – 2020
Le nez puissant affiche un raffinement extrême et une aromatique complexe et fusionnelle (fusion entre les arômes et fusion entre l’expression du vin et le ressenti du dégustateur
).
La bouche est dans la continuité : une quintessence de fruit et de minéralité, avec une sensation d’accomplissement, une persistance magnifique et une salivation formidable.
Excellent +
Mais c’est là qu’intervient l’inspecteur Nonel Pévien :
- C’est quoi cet « Hommage à Louis » ? C’est-y pas un grand cru, ça ?
- Si monsieur, c’est un assemblage de trois parcelles que j’ai la chance de posséder, qui sont situées dans des zones bien différentes, mais toutes les trois sur l’appellation Grand Cru Les Clos.
- Et pourquoi que vous ne l’appelez pas Les Clos, hein ?
- Parce qu’un fonctionnaire a décidé qu’une des parcelles ne faisait pas partie du grand cru Les Clos, comme cela a toujours été le cas depuis plus de cent ans. Il pense qu’elle est rattachée au grand cru Valmur…
- Oh là là … Montrez-moi ça !
- Vous voyez cette carte du vignoble de Chablis ? Les grands crus sont en rouge orangé.
- Mais c’est trop petit ! Zavez pas une loupe ?
- Pas besoin, voici une carte des grands crus.
- Ben oui, Valmur est à côté des Clos ! Mais elle est où vot’parcelle, nom di diou ?
- Vous voyez mieux là ?
- Oui, avec vot’loupe ça va mieux. Mais si on trace une ligne ben doite au niveau de la séparation entre les deux parcelles de Valmur et des Clos du gars Robin, vous l’avez dans le baba !
- Peut-être, mais le terroir ne fait pas bon ménage avec la géométrie. J’ai pour moi l’histoire et l’orientation. Il y a un changement de pente très net entre la vraie séparation entre les deux grands crus, telle qu’indiquée sur cette carte ; et c’est pour cette raison que nos anciens ont positionné les rangs à quasiment 90 ° entre ceux des Clos et ceux de Valmur.
- Zêtes sûr ?
- Regardez cette photo aérienne : c’est très clair !
- Ah ben oui ! Zavez raison, il devrait aller un peu sul’terrain vot’fonctionnaire ! Tiens, du coup, je reprendrais bien un p’tit coup de votre « Hommage à Louis » …
Euh, il est ben bon, votre « Les Clos » !
Une fois l’inspecteur parti en zigzagant, Benoît peut à nouveau se consacrer à nous et nous proposer quelques vieux millésimes.
Chablis Premier Cru – Vosgros – 2008
La bouteille est ouverte depuis trois ou quatre jours.
Le nez très intense affiche tous les marqueurs chablisiens, craie, croûte de fromage, senteurs marines, mais s’y rajoutent des arômes tertiaires finement truffés du plus bel effet.
La bouche a atteint son plateau d’apogée, avec la même aromatique complexe et affichant un profil bien en ligne, à la tension vertébrale superbe. Bien entendu ce plateau va se prolonger de nombreuses années !
Très Bien ++ / Excellent
Chablis Premier Cru – Vaillons – 2011
La bouteille vient d’être ouverte et le nez montre d’abord de la réduction, qui va s’estomper peu à peu. Intense et varié, il associe des fruits blancs, des champignons et de la pierre mouillée.
L’équilibre en bouche est remarquable, avec de la rondeur et de la fraîcheur, ainsi que de beaux accents salins dans la longue finale.
Très Bien ++
Chablis – 2010
Le nez d’une très belle intensité nous emporte littéralement au bord de la mer, mais pour accompagner les huîtres, un petit filet de citron s’invite à la table.
En bouche c’est le citron qui prend le dessus, accentuant encore la tension énorme du vin, qui lui donne définitivement un profil vertical, avec une finale plus pierreuse qui propose une autre facette de la minéralité. C’est ce que j’aime !
Excellent
Benoît nous dit que 2010 est un grand millésime : les raisins étaient très mûrs et avaient des peaux très fines. Mais il sera long à se faire : le Chablis est ainsi superbe dès à présent mais les premiers et grands crus sont impérativement à attendre !
Petit Chablis – 2007
On est sur un millésime très précoce mais moins mûr, bien entendu.
Le nez étonne par son côté lactique et ses notes de zan, sur une base de fruits blancs. Puis apparaissent des touches marines et de pétrole. C’est donc complexe mais l’ensemble est trop marqué par ces notes lactiques pour vraiment me plaire.
La bouche est dominée par une acidité traçante, plus que par une tension minérale. Elle s’atténue au réchauffement, ce qui l’amène dans un registre plus aimable.
Ce vin est donc à attendre d’après Benoît !
Bien +(+)
En conclusion j’ai été marqué par le fait que les cuvées conservent leurs caractéristiques d’année en année avec, bien entendu et fort heureusement, des influences du millésime.
N’ayant pu faire des dégustations de vins jeunes sur l’ensemble de la gamme uniquement sur les trois derniers millésimes qui ont en commun d’être « chaleureux », je dirais que 2020 est dans l’ensemble un peu plus gourmand que 2019 et un peu plus équilibré que 2018 (qui n’en manquait pourtant pas malgré le caractère extraordinaire du millésime).
Avec peut-être une exception pour le petit Chablis que j’ai trouvé plus « Chablis » que d’habitude.
Un énorme bravo à Benoît Droin pour cette formidable dégustation des 2020 (tout est très bon !) et cette remontée dans le temps sur la fin. Et merci à lui de partager sa passion et ses connaissances pointues !
Merci également à mes deux acolytes de m’avoir pris sous leurs ailes.
Vivement l’an prochain pour goûter aux 2021, avec certainement une tendance différente, mais c’est tant mieux car vive la diversité !
Jean-Loup