[size=x-large]Un samedi soir au Domaine Bruno Lorenzon[/size]
Hourah! enfin un moment pour LPV. Voici un CR resté dans mon cahier depuis près de 4 mois. Il est temps de le retranscrire ici car il serait plus que dommage de ne pas saluer le travail et les vins de Brunon Lorenzon. Rarement notre groupe avait poussé la distance si loin vers le Sud lors de nos séjours bourguignons. Une pièce 13 de bon aloi sur une pièce de gibier avait su nous convaincre d'élargir notre rayon kilométrique. Bruno Lorenzon nous reçoit chez lui exceptionnellement un samedi en fin de journée. Il tenait à participer à une compétition sportive dans la journée malgré sa clavicule fissurée. Ah oui, parce qu'il faut le voir, il est taillé en V à la serpe. Le bénéfice de ses années à jouer au rugby et de sa pratique du cyclisme.
"Prévoyez 2 heures minimum, je tiens à ce que les choses soient bien faites.J’espère que vous n’avez rien prévu ensuite.» Euh si en fait

Le ton est donné, notre vigneron est un adepte du travail fait avec grand sérieux.
Nous traversons quelques pièces pour arriver dans la cuverie.
[size=x-large]Redonner à Mercurey ses lettres de noblesse[/size]
- Mercurey, c'est plus de 700 ha dont 350 qualitatifs.
En nous montrant l'immense carte au dos de la porte de sa cuverie, notre hôte poursuit
- C'est un amphithéâtre. Avec une rive droite historique et une rive gauche que les villages voisins se sont appropriés dans les années 60. Il faut se rappeler que Rully appartenait au vieux Mercurey." et de décrire les climats et les sols "(...) Il y a principalement des vignes post phylo, des sols caillouteux. Aux endroits où la terre est plus plate, nous trouvions des céréales et des chevaux. Tout a été planté. Sur le plateau, il n'y avait pas un brin de vignes. Ca devrait d'ailleurs plutôt s'appeler la Haute Côte de Mercurey. On peut déceler selon moi 3 niveaux d'appellation. Les villages satellites sont malheureusement venus chercher des terres pour anoblir leur vins. Ca a eu l'effet inverse. La notoriété a certes augmentée mais la loi de l'offre et la demande a dilué le tout. Il a fallu étendre la production pour répondre au besoin. La reconnaissance/le prestige d'une appellation est très liée à l'homme sur place.
- Je me rappelle que le premier bourgogne que j'ai bu c'était un Mercurey de Faiveley.
- Justement, la Framboisière de Faiveley est la référence dans l'esprit des gens. C'est un vin tout à fait correct et je respecte le travail important qu'ils font. Mais les terroirs de Mercurey ont beaucoup plus à montrer."
[size=x-large]Un domaine précurseur dans les vignes ?[/size]
Avant de reprendre le domaine en 1997, Bruno Lorenzon a arpenté le monde grâce à son métier de consultant, "Flying wine maker". Aujourd'hui, il travaille des premiers crus pour 80% de sa surface. 6ha de Mercurey et 2ha de Montagny. Le domaine a abandonné le recours au désherbant depuis 35 ans. "Il faut bien 20 ans pour la terre pardonne." Son père a réintroduit la haute densité.
- Nous étions à 10 000 pieds à l'hectare avant. Nous en avons 40 000 désormais.
- Arrivez-vous à faire passer des machines entre les rangs?
- Dans un sens oui. Dans l'autre non.
NDLR: je n'ai pas noté l'éventuel recours aux chevaux, seulement leur impact sur les sols Le cheval reste l'une des premières agressions mécaniques. Dans une mesure plus extrême, il y a les hélicos en Australie.
- Pouvez-vous nous évoquer votre vinification?
- En 1999, je décide de ne plus avoir d'intrant dans les chais: ne jamais ajouter de sucre, ne jamais acidifier. Par conséquent, il est primordial d'avoir de la bonne came dans les vignes. Et ce n'est pas une mince affaire. Nous sommes en communauté sur un village et donc dans l'obligation de partager des terres. Ce ne fut pas facile sur 2011 par exemple: 11,9 degrés. Pour faire une analogie au sport, le millésime est un marathonien. Il tiendra et se révèlera sur la durée.
- En terme d'élevage?
- J'évite à tout prix les 3S: Surmaturité / Surextraction / Surboisé. On ramasse donc lorsque c'est équilibré. Et pour concentrer suffisamment d'énergie pour la plante, nous laissons 4-5 branches par cep. Nous ne pratiquons pas de vendange en vert. C'est bien nourri et aéré dès le début. Et avec les travaux bio, la taille des pieds atteint 1,70 m contre 1,10 m. Si on coupe, l’énergie restante incite à la pousse en largeur. Je fais en revanche enlever les feuilles "adolescentes" sur le côté. Les feuilles "adultes" tombent bien moins malade. Cela occupe 1 personne par hectare.
- Quelle attention particulière apportez-vous à la vendange?
- Nous avons toujours l'objectif d'amener le meilleur fruit possible au chai. Nous récoltons donc avec des caisses de 6 kg pour éviter tout tassement. Cela nous en fait 2 000. Et nous louons deux camions réfrigérés à 3°C. La macération dure 6 semaines. La quantité de sucre passe de 200 g par litre à 2. Nous avons ensuite une phase aqueuse très longue que j'ai mis du temps à mettre au point. Les blancs sont pressés par grappe. Pour minimiser les risques d'oxydation, nous dissolvons l'oxygène par gravité. On remonte en injectant du gaz au fond du fût avec une tige. Nous utilisons un ciel neutre avec de l'azote pour pousser l'oxygène hors du vin. Nous aboutissons à moins de 0,5mg d'O2 par litre lorsque la norme convenue est plutôt de 2 mg.
- Vous évoquiez des travaux bio. Allez-vous jusqu'à la biodynamie?
- Pas du tout. La biodynamie est trop stricte. On ne prend que ce qui nous semble intéressant. Le calendrier lunaire par exemple. La mise se fait par un prestataire, mais à mon rythme. Nous utilisons des bouteilles avec un col haut pour avoir davantage de pression verticale.
Lorsque nous lui demandons son avis sur les derniers millésimes:
"2015 est surmédiatisé. Le 28 Août, nous avions terminé la vendange des blancs. C'est très bon mais ce ne sera pas grand. 2014 est grand."
NDLR: Comme quoi la perception et/ou le climat change d'un domaine à un autre pourtant guère distants de quelques dizaines de kilomètres.
[size=x-large]Et dans les chais…[/size]
- Je cherche à avoir une grande qualité et maturité dans les fruits. Mes vins passent 1 année en cave. Et je fais très attention aux choix des bois. J'en prévois d'ailleurs le stock 3 années à l'avance.
- En terme de bois, à quel tonnelier avez-vous recours?
- J'ai travaillé à la reprise de la tonnellerie de Mercurey, en 1993. J'étais en charge d'implanter l'agence.
- C'est donc vous qui fournissez les fûts de Thibault Liger Belair?
- Ah Thibault, je le connais bien. Je pourrais vous en parler des heures des fûts mais il faudrait convenir d'un autre moment pour cela.
- De quelle manière protégez-vous vos vins?
- On met très légèrement du SO2 aux vendanges et à la mise.
Lorsque nous précisions en introduction chez lui, une généreuse hospitalité. Notre vigneron nous convie dans sa demeure: "Je vous propose que nous passions à la maison. J'aime bien être assis, confortable, pour déguster."
Nous sommes invités à gravir les escaliers de sa demeure. Nous en passons la porte et nous asseyons sur l’immense table à manger jouxtant sa cuisine.
[size=x-large]La dégustation des 2014[/size]
"Je tiens à avoir un beau produit tant dans le vin que dans son contenant. J'utilises des bouchons à S4 (pas certain d'avoir bien noté) à 1€. Et j'ai une super cire marron qui provient du Beaujolais. C'est un peu comme les italiens à vélo. Il faut être beau avant d'être bon." Il faut le comprendre comme une séquence et non une priorité de l'un sur l'autre.
Montagny 1er cru la Truffière
"La parcelle la plus au Sud de la Côte Chalonnaise. Les vignes entraient précédemment dans une coopérative. Elles en ont été sorties et nous avons converti le tout en bio."
Du fruit à chair blanche, du pep's. La clarté gustative se précise sur la poire, une pointe saline. C'est parfaitement contenu et défini. Quelle persistance! C'est très digeste. A la 2ème gorgée, on goûte déjà plusieurs changements. La reine-claude et la prune font leur apparition. La bouche est très propre.
B+/TB-. Une bien belle pépite. A l'aveugle je serais parti sur Puligny.
Nous partageons en temps réel nos impressions et un de mes camarades son extase

. Bruno Lorenzon nous décrit alors le vin qu'il cherche à produire: "Pour moi, un vin doit avoir une pureté en bouche. L'attaque doit marquer les premiers instants puis l'ensemble doit s'étirer; comme un hameçon. Puissance et longueur. Moins de largeur. L'élevage doit être parfaitement intégré. De la rondeur mais sans gras. Et le vin doit finir sur un accent grave de salinité."
Mercurey 1er cru Champs Martin
"Il existe 13 ha de 1er cru Champs Martin + le Clos Champs Martin. Nous sommes 20 propriétaires, j'ai la chance de posséder 3ha."
Du citrus, du fenouil, de la fleur de tilleul. D'une belle épaisseur avec des épices en son centre. Il y a une acidité modérée.
B
- Combien de temps avez-vous pris pour trouver votre style?
- 15 ans. J'ai eu la chance de pouvoir côtoyer quelques grands. Cela a aidé dans ma réflexion.
- Et comment se répartit la vente de vos bouteilles?
- Nous exportons à 70%; aux Etats-Unis et au Japon notamment. En France, principalement sur la belle restauration.
Mercurey blanc, Pièce 15
- Mon grand-père m'a appris à identifier les plus beaux spots. Exposition au soleil, veine calcaire, etc. Nous n'en produisons que 1 200 bouteilles par an. En 2014, seulement 950. Nous avons un rendement inférieur à 25hl.
- Pourquoi Pièce 15?
- Parce qu'il y a 15 spots précis. Et parce que c'était le numéro que je portais au rugby.
Je retrouve ici des fleurs blanches et des épices. C'est un peu plus crayeux. Le vin possède une juste accroche sur les papilles. C'est long. L'amertume est réglissée. C'est un peu large à mon goût mais le vin demande certainement du temps. Il revient par vagues en fond de bouche. C'est alors plus fin dans ces rappels.
B potentiellement plus.
Cette première série s'achève. Nous passons alors aux rouges.
Mercurey village Chapitre
"C'est une enclave dans les 1er crus. Mes rouges sont vinifiés dans la même philosophie que les blancs."
De la cerise! On a foncièrement envie de plonger dans le verre. C'est un peu accrocheur. "Je garde 1/3 de vendanges entières pour avoir du grip." Les épices sont fines; les tanins fermes.
B
Mercurey 1er cru Champs Martin
Très pinot au nez. En bouche, de la groseille, de la mûre, de la framboise, de la cerise blanche. Les tannins sont tout de même assez accrocheurs. "Il y a 2/3 de vendanges entières." Ma préférence va vers les touchers plus suaves, question de goût.
B- Un vin à patienter probablement.
Mercurey cuvée Carline 1er cru Clos du Champs Martin
"80% de Vendanges entières."
C'est plus riche, plus juteux. Il y a un petit goût fumé, du cacao, du noyau de cerise et des fruits à chair très mûrs, noirs.
B-
Nous sortons. Il fait nuit. Les 2 heures sont passées tels des secondes. Je m’excuse d’ailleurs ici auprès de ma douce qui nous attendait pour dîner à Dijon (oui, oui jetez un oeil au temps de trajet :p)
Un formidable conteur, un impressionnant vigneron pour des vins qui le sont tout autant. Pour ma part, je trouve les blancs vraiment bluffants au regarde de leur présupposé pedigree. Il ne faut pas chercher des vins tranchants, plutôt des vins d’une grande expression dans le fruit. Camarade Antoine pendant le trajet du retour « Je suis fan !!! J’ai adoré toute sa gamme ! Quand est-ce qu’on y retourne? ». Il est vraiment dommage que Mercurey et ses alentours ne soient pas plus proches