Je connais ce domaine pour avoir grandement apprécié les cotes de nuits VV 16 et 17 (le 16 était vraiment impressionnant), et j'ai glissé l'idée d'aller visiter ce domaine (ainsi que le domaine André Moingeon) à mon frère de passage dans la région... évidemment je n'ai pas résisté à l'envie de l'accompagner, RDV donc ce samedi matin pour une très belle dégustation, et au delà une très belle rencontre aussi avec Arnaud Chopin.
Nous débutons par un bon quart d'heure d'introduction sur le domaine (6 ème génération, initialement beaucoup de vignes sur l'appellation Cote de Nuits, et de belles parcelles arrivées progressivement dont les dernières en date sont un Vosne, un Vougeot 1er cru et un Clos Vougeot, premier millésime 2019 pour celui-ci, pour les autres je ne me souviens plus si c'est 19 ou ce sera 2020). Afin de maintenir un domaine à taille adaptée à ses principes, Arnaud Chopin va donc en "compensation" réduire à proportion ses parcelles de Cotes de Nuits village pour arriver aux alentours de 6-7 ha. Pas mal de pertes sur 2018 avec 2 épisodes de grêle dont le fameux lors de la finale de la coupe du monde et 2019 sera très réduit également à cause de la sécheresse.
Durant la dégustation il nous expliquera aussi travailler depuis quelques années avec une très forte proportion de vendange entière, des extractions douces et accorde beaucoup d'importance au travail à la vigne (petits rendements max 40 hl, bio depuis cette année). Il a également constaté que ses vins bénéficient beaucoup de quelques mois en cuve après l'élevage en fût, et depuis 2015 a donc prolongé l'élevage sur 18 mois, ce qui lui permet par exemple sur le Côte de Nuits Blanc de ne pas filtrer, et il trouve que les vins sont plus équilibrés. Il nous explique également qu'il ne protège que très peu ses vins en soufre, préférant (et là je rentre dans une retranscription technique dont il est possible que je n'ai pas tout compris, les spécialistes me corrigeront) exposer ses jus à l'oxydation avant la fermentation alcoolique (qui se clarifient ensuite après celle-ci) ce qui semble renforcer la tenue des vins dans le temps et aussi leur résistance à l'oxydation une fois ouverts. La mise en bouteille se fait selon le calendrier lunaire. Enfin, concernant la politique commerciale, il souhaite garder une clientèle de particuliers, et "contingente" les bouteilles les plus demandées (murgers, damodes, chambolle) y compris pour ses importateurs afin que chacun puisse en acquérir (cela nous permettra par exemple, n'étant jamais venus au domaine, de repartir avec 3 murgers
) Cette attitude est en phase avec le personnage, disert, avenant et sans langue de bois !
La dégustation des 2018 va confirmer toutes ces promesses :
Côte de Nuits Village blanc « Les Monts de Boncourt » : le seul chardonnay de la gamme 2018 que nous ayons gouté, se présentait avec une robe claire, un nez élégant mais discret, en bouche ce vin est très agréable, avec une entrée en bouche souple et flatteuse mais surtout une très belle finale saline / crayeuse, comme on peut la trouver sur les rouges de la Côte de Nuits notamment. Très belle entrée en matière.
Bien +
Côte de Nuits Village « Vieilles Vignes » : robe sombre, nez sur les fruits noirs, le poivre, la bouche est un peu tannique mais présente également un joli fruit. Il me rappelle celui gouté chez Duband en primeur en novembre, avec ces tanins un peu marqués qui avaient caractérisé l’ensemble de la gamme des Nuits sur ce millésime. Moins de « velours » que les 2016, mais avec la réserve d’un vin très jeune, avec du potentiel. Arnaud Chopin nous recommande de les attendre 2-3 ans et me dit qu’on devrait boire les 2016 maintenant, et pas il y a 2 ans comme je l’avais fait…oups, mais c’était tellement bon ! et si on doit boire les cotes de nuits a 3 ans on boit quoi en attendant ?! On blague mais il nous précise beaucoup apprécier le retour sur ses vins qu’il a de ses clients. Un vigneron brillant et modeste !
Bien +
Nuits Saint Georges « Bas de Combe » : cette parcelle est située dans la partie nord du village, la partie « vosnienne ». Je lui raconte qu’au salon « Nuits au Grand Jour » début mars mon acolyte Vésale et moi-même avions été surpris de la grande différence, interdomaine, entre les nuits nordistes et sudistes, les nordistes coté vosne ayant un coté fruits rouges, floral et épices, les sudistes plus typés prune /mirabelle. Il acquiesce et la dégustation de ses crus confirmera cette impression. Donc ce « Bas de Combe » est une merveille, floral, fruits rouges, la bouche est très soyeuse, un régal. Il nous précise en souriant que même si cela se goute très bien maintenant, il faut au moins les attendre 3-4 ans pour que leur potentiel s’exprime pleinement, ce sera la running joke de la dégustation ou il nous « retiendra » préventivement de faire des infanticides sur ses vins, pas comme j’ai fait sur les CDN 2016
…
Excellent !
Nuits Vieilles Vignes : assemblage de 2 parcelles côté sud, un vin plus puissant, avec une très belle ampleur sur des fruits plus « confits » et a nouveau la questche, la mirabelle, nuits sud quoi ! la finale est assez tannique (mais pas asséchants). A Chopin nous précise que c’est justement cette structure tannique qui va assurer un potentiel de garde important, et que ce type de vin accompagnera très bien un gibier par exemple.
Très bien même si c’est moins mon style de que le Bas de Combe
Chambolle : un nez délicat sur les fruits noirs, une bouche avec peut être une pointe de volatile, typée chambolle, finale un peu courte par contre.
Bien +
Nuits Saint Georges premier cru les Murgers : parcelle située au nord de Nuits, coup de cœur énorme sur ce vin qui a tout ! Un nez suprêmement élégant (vosnien !) sur la framboise, la pivoine, les épices, la bouche est très ample, soyeuse et le vin possède une persistance énorme. Je serais curieux de le faire déguster à l’aveugle au milieu de grands crus vosniens type Echezeaux.
Excellent +++
On termine sur 2 millésimes différents :
Nuits Saint Georges premier cru les Damodes 2014 : un vin moins démonstratif que les précédents, élégant, effilé, avec une trame acide assez marquée et une pointe de sucrosité (pas de chaptalisation me précise A Chopin mais la maturité des raisins).
Bien
Clos Vougeot 2019 sur fût (issu d’un fut neuf) : nez envoutant sur les fruits noirs, un élévage présent mais discret (note grillée et très légèrement vanillée), la bouche est très fruitée, ample.
Prometteur !
Vous l’aurez compris, un gros coup de cœur pour ce domaine et ce vigneron qui a pris son temps pour nous faire une très belle dégustation, nous exposer sa vision du vin et de ce qu’il veut développer, mais aussi plein d’anecdotes et d’aparté ! Nous partons enchantés avec quelques cartons sous les bras pour déjeuner à « La Cabane » à Chassagne avant notre visite au domaine Moingeon.