LPV75: le millésime 2016 par Pascal Mugneret
C’est notre ami Yann qui me tanne depuis plusieurs années pour aller rencontrer ce domaine dont la production le séduit très régulièrement. Mon expérience relativement limitée des vins de Pascal Mugneret m’a fait goûter des vins portés sur la finesse et l’acidité plutôt que sur le fruit ou la matière. L’austérité relative en prime jeunesse ne suscitait pas l’empressement qu’il nous est arrivé d’avoir à la dégustation d’autres flacons de la région. La persévérance de notre militaire de service
finira par nous convaincre. Il faut croire néanmoins que les astres n’étaient pas alignés d’emblée. Notre tentative de rendez-vous en fin d’année dernière échoue puisque nous ne parvenons pas à nous accorder dans le timing de nos échanges. Notre passion pour la Bourgogne nous menant désormais à une seconde visite annuelle - et cela commence à ne plus suffire tant il y a de domaines qui nous conviennent - nous anticiperons l’organisation printanière et parviendrons à décrocher un moment commun.
Un domaine familial proche de ses clients
Nous voilà au début de la saison. Nous sommes vendredi, il est 11h00 et nous arrivons déjà à mi-parcours de notre séjour. Nous nous retrouvons au 7 rue de la Grand’ Velle. Gérard et son épouse sont encore présents au domaine. C’est d’ailleurs la mère de Pascal qui l’informe de notre arrivée.
- Bonjour Monsieur Mugneret.
- Bonjour.
- Nous avons été accueillis par votre mère. C’est une chance d’avoir encore ses parents. J’imagine qu’ils vous viennent régulièrement en aide.
- Ils reçoivent notre clientèle historique. Ils sont ravis de perpétuer les relations qu’ils ont pu tisser avec des clients particuliers. Ces clients Suisse viennent au domaine depuis 20 ans. Ils nous ont apportés presque toute notre clientèle du pays.
- Combien de personnes travaillent?
- Moi, Mathieu le tractoriste, Odile au bureau et à la cave. Et mon père. Nous prenons un saisonnier sur 3 mois. Mon père, s’il ne s’occupe pas, il dépérit
Il s’occupe de diverses réparations.
- Quelle part de clients particuliers possédez-vous?
- 35-40% environ.
- C’est une proportion plutôt importante pour la région. Tant mieux pour nous. Quelle est la superficie du domaine?
- Nous avons 7ha. Un tiers environ d’appellation régionale. Un autre de village, avec 2 appellations dont Vosne Romanée qui est l’assemblage de 10 terroirs sur 16 parcelles pour 1,9ha. Le dernier tiers comprend les 1er crus et le grand cru.
- Je crois savoir que vous travaillez les parcelles du domaine Mugneret Gibourg, notamment les Echezeaux.
- C’est bien le cas. Nous sommes rétribué avec la moitié du Quartier de Nuits. C’est ce que l’on appelle un métayage à mi-fruits. Les 2015 vont être mis en bouteilles. Nous allons goûter 2016. Vous êtes les premiers.
Bourgogne
« La malo est terminée. »
Un vin accessible, assez tendu et acidulé. Une expression assez simple. Le vin fait son office.
AB-
La conservation des fûts et le morcellement du Vosne Romanée village
- Vos fûts sont-ils neufs? Ils le paraissent?
- Non, ils sont justes bien entretenus
. Je les garde avec de l’eau sulfilté. Cela permet de gagner en netteté aromatique. Ils sont étuvés, rincés à froid. Et je mets de la paraffine pour les laver plus facilement.
- Et en terme de bois récents?
- 40% au maximum.
- A quels tonneliers faîtes-vous appel?
- Rousseau et François majoritairement. Seguin Moreau également.
- Quelle est la durée de vos élevages?
- 18 mois. Nous sommes actuellement au tiers du parcours.
- David Croix nous évoquait la nécessité de faire « respirer » un vin lorsque la réduction liée à l’élevage se fait sentir.
- Effectivement. Et il y a plusieurs degrés de réduction allant du mercaptan, l’ail, le chou jusqu’au pétard que l’on dit plus noble.
Vosne Romanée
Frais, haut, avec de l’acidité. Une trame très nette. Un soupçon d’élégance, du réglisse, des fruits. C’est très joli. La pointe acidulée étire l’ensemble.
Bien +
- 25% de vendanges entières. Toutes les malos sont faites depuis Janvier 2017. Un tiers des parcelles se trouve au Nord, avec notamment Chalendins, plutôt trapu. Un tiers au centre, incluant Pré de la Folie ou Colombière. Le tiers au Sud est plus fin, grâce aux Réas.
- Cela fait beaucoup de terroirs et vignes disséminées. N’avez-vous pas été tenté de produire des cuvées différentes?
- Non, je trouve que l’assemblage de la diversité représente bien l’appellation de Vosne. Et le morcellement rend difficile la séparation des lieux-dits. Nous avons retravaillé les parcelles. Et celles précédemment en retrait sont « revenues ». Elles sont plus expressives.
La reprise du domaine
Vosne Romanée 1er cru les Suchots
Des tanins bien fins, soyeux. Une légère épaisseur. C’est concentré et la rafle dans son expression florale ressort dans le tiers final.
TB
- Quelles proportions de vendanges entières avez-vous?
- Cela varie, rien est figé. Cela change de millésime en millésime. Sur les Suchots, nous sommes à 50% sur 2016.
- Comme plusieurs de vos confrères, il me semble que vous n’aviez pas repris le domaine dès le départ.
- J’ai repris l’exploitation en 2005. J’étais ingénieur de production avant. Je n’étais pas forcément motivé à revenir. Mon père était à 5 années de sa retraite. J’ai essayé. Je suis allé passer un minimum de diplôme, à 30 ans. Je suis resté depuis.
2016, un millésime contrasté
Chambolle Musigny 1er cru Charmes
- Chambolle a été touché de plein fouet par le gel en 2016. Etait-ce le cas sur vos parcelles?
- Oui, à 80%. Mais nous parvenons à faire du 30 hl - contre 40 les autres années.
- Les dégâts finaux ont plutôt été limités. Et les rendements hauts. Peut-être avez-vous de jeunes clones?
- De la sélection massale essentiellement. Il faut d’ailleurs réussir à en trouver au moment des remplaçants. Et un peu de clones.
C’est haut, gourmand, d’une texture agréable, lissée. Déjà bien accessible et suffisamment consistant pour durer. Prémice de « Waouh effect inside ».
TB+/Exc-
Je regarde mes camarades. On se regarde. Je les regarde. On se regarde. On acquiesce de satisfaction
Savigny-les-Beaune 1er cru les Gravains
- La parcelle a été fortement touchée. Nous ne faisons que 9hl.
- Ah oui, tout de même.
A quel moment avez-vous vendangé?
- Pas tard, le 24 Septembre. J’avais fait des prélèvements avant ici. Il y avait beaucoup d’acide malique. 6 jours après, les degrés avaient augmenté de 0,2° mais l’acide malique était identique, bloqué. Impossible d’avoir une maturité optimale. Et lorsque les fruits n’avaient pas brûlé, ils étaient verts et manquaient de maturité. Une partie avait commencé à pourrir.
J’étais pris à écouter. J’en ai oublié de prendre des notes sur le vin :p. Si l’un de mes camarades passe par ici, je prends ses appréciations.
Echezeaux Grand Cru
- Quel rendement faîtes-vous sur Echezeaux?
- 25hl. Ce n’est pas si mal alors que les vignes ont souffert.
- Lequel de vos travaux a pu sauver ici les volumes?
- La taille à mon avis. Elle est en Guyot Poussard depuis quelques temps.
50% de VE. De la ronce, des tanins un peu accrocheur. C’est puissant. Il y a de la matière épicée. Le volume emplit la bouche. Et le vin est persistant. A conserver sereinement.
TB+
Pascal nous propose alors de passer à quelques vins déjà en bouteilles.
Bourgogne 2015
- Elevé 14 mois puis 1 mois en masse. 35% de VE. Nous faisons approximativement 42hl.
- Vous traitez le Bourgogne de manière proche des autres appellations finalement. Un élevage long et de la rafle.
- Oui, il n’y a pas de raison. Et le millésime s’y prêtait bien. J’apporte la même attention à l’ensemble de mes vins, Passetoutgrain inclus. D’ailleurs, je regrette que les particuliers délaissent un peu ce cépage. Il convient aux « pros », moins aux particuliers. Ce n’est pas un vin de déclassement pourtant.
De la matière, une pointe verte, de l’acidité, de l’astringence.
Moyen+/AB-
Vosne Romanée 1er cru les Brûlées 2014
- Le plus cérébral de nos vins. Il perd ce côté hautain au vieillissement. Il est l’inverse des Suchots alors qu’ils ne sont distants que de 150 mètres.
Une trame acide, tendue. De la groseille, du pamplemousse et de la framboise.
TB-
- Je trouve souvent cette acidité haute qui tient l’ensemble dans vos vins.
- J’aime bien l’acidité. Elle peut être prégnante en jeunesse mais elle peut s’assouplir avec le temps. Et il faut différencier les acidités avec maturité des acidités liées à la sous-maturité, avec un côté herbacé au nez.
- Comment situez-vous 2014?
- 2014 est généreux, nous répond notre vigneron. 2015 est plus calculateur. Il faudra que cela se confirme. Un peu comme 1990 et 2005.
- Depuis 2010, les quantités sont moindres. Quelques uns de vos terroirs semblent pourtant s’en sortir pas si mal.
- Le pinot est un faux fragile. S’il est droit, il n’y a pas de raison qu’il soit fragile. Par exemple, Bouchard ouvre 1 fois par an quelques bouteilles centenaires. Il n’y a pas que de bonnes choses mais elles tiennent. Ce n’est pas une histoire de gros bras. L’équilibre est une question de personnes.
Les travaux dans les vignes
Nous continuons avec
Nuits-Saint-Georges 1er cru les Boudots 2014
Un vin plus soutenu. Il est suave. Il se fait acidulé en devant de bouche avec des fondements plus terriens et un léger confit.
TB
- C’est un terroir solaire. Nous avons 35% de VE.
- Etes-vous bio ou bio-D?
- Nous ne sommes rien du tout
. En 2016, nous faisons 3 traitements de synthèse alors que nous n’en avions pas fait depuis 7 ans. Le mildiou a attaqué 20% de ce qui restait. Et je trouve qu’il y a trop de business autour des certifications.
- Conduisez-vous quelques tests peut-être?
- Oui la décoction de prêles. Je vise à ramener la sphère des champignons au sol. En terme de modalités, nous faisons le traitement en 3 fois avant la lune de Pâques. Je rogne aussi à la main pour ne pas tasser les sols.
- Recourez-vous au cheval?
- En prestation si la surface est faible; le mien sinon. Il y a tout de même des zones tassées au tracteur puisqu’il est nécessaire de labourer. Je me concentre sur les rangs enherbés, 1 sur 2. Nous avons aussi des attaques de chenille. Nous les incinérons et nous épandons les cendres. Sur 2-3 ans, nous avons observé une baisse de la population. 1 génération par an. Nous en faisons un comptage régulier. 2011 fut le premier millésime où nous avons fait des préparations Bio-D. La vigne a été chahutée. Les 2 premières années furent les plus dures.
- Merci Monsieur Mugneret pour cette dégustation et votre temps.
Pascal nous avait prévenu au préalable « Juste pour information, je ne pourrai à priori vous proposer aucun vin à la ventes puisqu’au moment de votre visite l’ensemble de la production aura déjà été allouée. » Et c’est bien dommage ! Notre connaissance de la production s’est accrue et Pascal Mugneret produit de belles choses. L’acidité est certes présente mais le fond, les nuances sont bien présentes. C’est peut-être là la chose, ce sont des vins méritent patience, l’inverse de la génération now. Une belle découverte donc.