Après une longue pause liée à l’actualité sanitaire, nous nous retrouvons enfin pour une séance de dégustation initialement prévue en mars. Nous sommes 15, prêts à affronter un programme alléchant : une horizontale 2009 de premiers crus et grands crus de la maison Bouchard.
Ces bouteilles ont été achetées à leur sortie auprès de la maison Bouchard et ont été parfaitement conservées depuis.
Pour commencer, voici quelques chiffres sur la Maison Bouchard:
• 130 ha de vignes (83 en PN, 47 en chardonnay)
• 450 parcelles réparties sur 48 km
• 600 000 cols/an en moyenne.
• 102 cuvées différentes (15 grands crus, 49 premiers crus, 25 appellations village, 13 appellations régionales)
La maison dispose aussi d’une magnifique cave de vieillissement dans les caves du château de Beaune :
La dégustation va porter sur le millésime 2009, qui n’a pas été si facile qu’on pourrait le penser en Côte d’Or :
• Hiver long, froid et neigeux
• Départ très rapide du débourrement dès la première quinzaine d’avril.
• Alternances de pluies, orages et soleil jusqu'au 15 aout => mildiou, pourriture grise et oïdium.
• Après le 15 aout, beau temps jusqu’aux vendanges.
• Début des vendanges autour du 10 septembre. Raisins cueillis mûrs dans un parfait état sanitaire (sauf en Côte de Beaune où quelques pinots noirs connurent le botrytis => tri à la vigne ou à la table de tri).
Au programme, 3 blancs et 9 rouges.
Pour ces derniers, nous prenons l’option de déguster du nord au sud, en faisant partiellement fi de l’ordre qualitatif théorique, pour essayer de voir l’influence du terroir (toutes les vinifications étant assez proches).
Cela nous donne une belle balade à travers les climats de la Côte de Beaune et de la Côte de Nuits :
Nous commençons par les blancs.
Rappel sur mes notations :
0 = raté 1 = médiocre 2 = correct 3 = bon 4 = très bon 5 = excellent
avec des demi points, des + et des – qui permettent d’affiner le jugement et de classer les vins entre eux.
Meursault Premier Cru Perrières 2009, Maison Bouchard
Le sol pierreux sur lequel s'accroche ici la vigne a inspiré le nom de ce climat: "Perrières". Vendanges manuelles.
Sol : calcaire marneux.
Exposition: d'Est / Sud-Est à Sud-Est
Vinification : pressurage en deux phases : évacuation des premiers jus, puis pressurage par cycle de deux heures.
Elevage : 10 à 12 mois en fûts de chêne de France, avec 15% de fûts neufs.
La robe est jaune grisâtre à reflets verts.
Le nez est ouvert, subtilement grillé, fondu, avec notamment de l’acacia, de la verveine et une pointe de fumé.
L’attaque est souple et fraiche. La bouche est ample, avec un deuxième temps bien gras. L’ensemble est tenu par une belle tension. On retrouve l’acacia et la verveine, accompagnés de citron et de coing.
La finale est saline et tramée par une fine amertume, et est associée à une belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, fin, gras, finement amer.
Note : 4+/5
Meursault Premier Cru Genevrières 2009, Maison Bouchard
Autrefois, les vignes de ce Meursault devaient être entourées de genévriers, dont le nom du climat garde la mémoire.
Vendanges manuelles.
Sol : Argilo-calcaire graveleux avec de traces de fer .
Exposition : Est / Sud-Est
Vinification : pressurage en deux phases : évacuation des premiers jus, puis pressurage par cycle de deux heures.
Elevage : 9 à 10 mois en fûts de chêne de France, avec jusqu'à 15% de fûts neufs selon le millésime, puis 3 à 4 mois en cuves inox.
La robe est jaune grisâtre à reflets verts.
Le nez est assez discret et fondu, sur un léger fumé, un léger grillé, de l’acacia et un peu de menthol.
L’attaque est souple et ronde. La bouche est souple et assez ronde, linéaire, avec une belle tension. La retro offre des notes de citron un peu confit, de caillou, de fumé avec toujours cette petite note mentholée.
La finale est longue et aromatique.
Conclusion : c’est très bon, moins gras et plus linéaire que le Perrières.
Note : 4-/5
Avant de passe au grand cru, qui je l’espère mettra tout le monde d’accord, je sonde l’assistance pour connaitre la préférence de chacun sur ces 2 Meursault 1er cru. Le Perrières l’emporte sur le Genevrières par 9 voix contre 6.
Corton Charlemagne Grand Cru 2009, Maison Bouchard
Une belle légende entoure cette appellation : très prisé par Charlemagne, le Corton était à cette époque un vin exclusivement rouge. Ce n'est qu'à la fin de la vie de l'empereur que les parcelles orientées au sud sont plantées en chardonnay, pour produire un vin blanc qui ne tache pas sa barbe fleurie. Ce climat a une particularité rare : il peut être planté en pinot noir comme en chardonnay.
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire à dominante calcaire
Exposition: Est.
Vinification : pressurage en deux phases : évacuation des premiers jus, puis pressurage par cycle de deux heures.
Elevage : 12 à 13 mois en fûts de chêne de France, avec jusqu’à 15% de fûts neufs selon millésime.
La robe est jaune brillante à reflets verts.
Le nez est ouvert, les fleurs blanches (acacia, aubépine et un peu de chèvrefeuille), du citron et une touche de pierre à fusil.
L’attaque est souple et fraiche. La bouche est ample et délicate, elle se développe caressante et soyeuse, un peu lactée. L’équilibre est royal, avec une fraicheur qui s’adapte parfaitement à la finesse de ce vin. C’est ciselé. La retro est très proche du bouquet, avec quelques notes lactées et un peu de noisette en plus.
La finale saline est interminable.
Conclusion : excellent, la classe !
Note : 5/5
Ce grand cru a effectivement mis tout le monde d’accord quant à savoir quel était le meilleur blanc.
Nous passons aux rouges, en attaquant par le sud, en Côte de Beaune, pour remonter vers le nord et les grands crus mythiques de la Côte de Nuits.
Volnay Premier Cru Caillerets 2009, Maison Bouchard
Vendanges manuelles.
Sol : Fine couche argilo-calcaire sur un plateau rocheux fissuré .
Exposition: Sud-Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 15 à 20 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 30% à 40% de fûts neufs.
La robe est pourpre à reflets bruns.
Le nez est ouvert et complexe, sur un léger jus de viande, le cuir, les épices douce, la cerise mûre, le tabac et un peu d’humus.
L’attaque est souple et fraiche. En bouche, c’est un vin frais et délicat, tout en finesse, avec une fraicheur adéquate. C’est en plus gourmand avec des arômes de cerise, cerise à l’eau de vie, fruits un peu confiturés, léger jus de viande et fleurs séchées. C’est un peu solaire.
La finale est de belle longueur.
Conclusion : c’est très bon à excellent, élégant et diablement gourmand.
Note : 4,5/5
Pommard Premier Cru Rugiens 2009, Maison Bouchard
Vins issu du climat Les Rugiens Hauts.
Vendanges manuelles.
Sol :calcaire avec dépôts ferrugineux.
Exposition: Est / Sud-Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 15 à 20 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 30% à 40% de fûts neufs.
La robe est pourpre à reflets bruns.
Le nez est ouvert, sur les fleurs séchées, la cerise, le cuir et les épices.
L’attaque est ample et fraiche. En bouche, c’est puissant, avec des tanins fondus et une belle fraicheur. La retro est sur la cerise, le poivre, le cuir, les épices et les fleurs séchées.
La finale fraiche et aromatique est de associée à une très belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, ample et frais, à point. Puissant, en contraste avec le Volnay.
Note : 4+/5
Beaune 1er cru Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 2009, Maison Bouchard
La dénomination "Vigne de l'Enfant Jésus" se réfère à une anecdote historique. On raconte que Marguerite du Saint- Sacrement, carmélite fondatrice des Domestiques de la famille du Saint Enfant Jésus, aurait prédit la naissance du roi de France Louis XIV alors que sa mère Anne d'Autriche était stérile. A la naissance du futur Roi Soleil, ce vignoble d'exception appartenant aux Carmélites prit le nom de "Vigne de l'Enfant Jésus".
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire très graveleux, presque sableux.
Exposition: Est / Sud-Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, cuvaison de 15 à 18 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 30% à 50% de fûts neufs.
La robe est pourpre-orangé.
Le nez est ouvert, sur les fleurs séchées, la cerise, l’orange amère et les épices, avec un peu de volatile.
L’attaque est ample et fraiche. En bouche, après l’attaque, il y a une belle relance fraiche et droite, avec des tanins fins mais bien présents. Les fleurs séchées, le cuir, un peu d’humus et des épices remplissent cette belle structure. Les fleurs séchées prennent le pas dans la très longue finale, qui présente une petite amertume
Conclusion : c’est très bon, dans un style droit et frais, avec une aromatique évoluée.
Note : 4/5
Savigny Les Beaune 1er cru Les Lavières 2009, Maison Bouchard
Le nom de Climat au sous-sol rocheux provient de l'abondance de grandes pierres plates que l'on appelait "laves" dans la région. Ces dalles naturelles étaient utilisées par les Mérovingiens pour leurs sépultures.
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire.
Exposition: Sud
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 15 à 18 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 25% à 35% de fûts neufs.
La robe est pourpre.
Le nez est ouvert, sur le café, la cerise mûre, la rose fanée et les épices douces.
L’attaque est souple et fraiche. La bouche est souple et ronde, bien équilibrée, suave. En retro on retrouve exactement le bouquet. C’est très agréable. Une petite amertume vient gâcher un peu le plaisir en finale. Longueur moyenne.
Conclusion : c’est bon à très bon. En structure et en aromes, ça tient la route face aux vins précédents plus prestigieux.
Note : 3,5/5
A ce stade, avant de faire un bond qualitatif théorique (mais un bond tarifaire pratique), je demande à l’assistance de donner son vin préféré sur les 4 premiers rouges. Les résultats montrent que tous ces vins étaient de grande qualité et que dégustateur à ses propres goûts :
Le Corton Grand Cru 2009, Maison Bouchard
Unique Grand Cru rouge de la Côte de Beaune, Corton est également le seul Grand Cru de Côte d'Or à se diviser en sous-climats. " Le Corton " désigne la parcelle historique ayant donné son nom à l'appellation Corton.
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire caillouteux .
Exposition: Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 18 à 21 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 40% à 50% de fûts neufs.
La robe est pourpre-brun.
Le nez est ouvert et complexe : on y trouve de la rose fraiche, de la rose fanée, un léger fumé, du cuir, ce la cerise et un fond de vanille et de noisette.
L’attaque est souple et fraiche. Ma première pensée est « ouahou ». Ensuite, je me reconcentre pour analyser pourquoi. C’est frais, presque acidulé, très élégant. Les tanins sont fins. Les arômes composent un assemblage fondu, que je trouve superbe : rose fraiche et fanée à la fois, cerise, framboise, léger cuir, noisette.
La finale est très expressive et parait interminable.
Conclusion : excellent, superbe, grand vin. Coup de coeur
. Le vin de l’année pour moi.
Note : 5/5
On quitte la côte de Beaune pour passer en Côte de Nuits.
Nuits St Georges 1er cru Les Cailles 2009, Maison Bouchard
Vendanges manuelles.
Sol : calcaire oolithique.
Exposition: Est / Sud-Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 15 à 20 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 40% à 50% de fûts neufs.
La robe est pourpre à reflets bruns.
Le nez est assez discret : on y décèle un des fruits noirs un peu compotés, du cuir, de la cerise et des épices.
L’attaque est ample et ronde. Ce côté ample et rond perdure ensuite, presque suave, mais avec une belle fraicheur. Combiné à l’aromatique complexe, cela donne un ensemble gourmand : cerise mûre, cuir, fruits noirs un peu compotés, épices douces.
Finale douce, de très belle longueur.
Conclusion : très bon à excellent, gourmand.
Note : 4,5/5
On continue à remonter géographiquement et on attaque les crus mythiques.
Clos Vougeot Grand Cru 2009, Maison Bouchard
En 1110, les moines cisterciens reçurent en donation des terres du village de Vougeot, qu'ils transformeront très vite en parcelles de vignes et garderont jusqu'à la Révolution. Aujourd'hui, environ 80 propriétaires se partagent ce clos prestigieux de 50 hectares.
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire graveleux.
Exposition: Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 18 à 21 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 45% à 60% de fûts neufs.
La robe est pourpre.
Le nez est ouvert et très affriolant: d’abord très floral, avec de la pivoine et de la rose, puis du poivre, des fruits noirs mûrs, notamment cerise, avec un peu de cuir.
L’attaque est ample et ronde. Cette amplitude et cette rondeur perdurent dans une bouche fondue et fraiche. En retro, on trouve de la framboise, de la cerise un peu cuite, de la pivoine et un peu de cuir..
La finale est expressive, sur des arômes solaires. Très belle longueur.
Conclusion : très bon, un beau vin, solaire.
Note : 4+/5
Chapelle-Chambertin Grand cru 2009, Maison Bouchard
Son appellation remonte à l'an 1155, lorsque les moines de l'abbaye de Bèze construisirent une chapelle sur cette parcelle voisine du célèbre Clos-de-Bèze, joyau de leur domaine..
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire marneux.
Exposition: Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 18 à 21 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 45% à 60% de fûts neufs.
La robe est pourpre à reflets bruns.
Le nez est assez ouvert moins aguichant que son prédécesseur: mélange de fleurs séchées, d’orange amère et de ronce.
L’attaque est ample et fraiche. La bouche présente une belle matière, fraiche, presque acidulée, et élégante. La retro confirme le bouquet : fleurs séchées, ronce, orange amère.
Très belle longueur.
Conclusion : très bon. Très élégant et frais, mais l’aromatique est un brin austère par rapport aux vins dégustés précédemment.
Note : 4-/5
Et pour finir, le seigneur théorique de cette dégustation.
Chambertin Clos-de-Bèze Grand Cru 2009, Maison Bouchard
Le plus prestigieux Grand Cru de la commune de Gevrey-Chambertin est aussi un des plus anciens clos viticoles du vignoble français. C'est en effet au VIIe siècle que les moines de l'abbaye de Bèze créent le fameux Clos, au meilleur emplacement de leur vaste domaine. En l'an 1395, Philippe le Hardi décida d'améliorer encore la qualité des vins et interdit la culture du gamay au profit du pinot noir dans ses terres. Plus tard, le Chambertin Clos-de-Bèze partagera avec le Chambertin la couronne impériale : durant son règne, Napoléon ne voudra pratiquement jamais boire d'autres vins.
Vendanges manuelles.
Sol : argilo-calcaire et roches désagrégées.
Exposition: Est
Vinification : égrappage total ou partiel selon les millésimes; fermentation en petits contenants. Selon le millésime, la cuvaison peut durer de 18 à 21 jours.
Elevage : 12 à 14 mois en fûts de chêne de France, avec 45% à 60% de fûts neufs.
La robe est pourpre à reflets bruns.
Le nez est fermé.
L’attaque est ample et fraiche. En bouche, la matière est souple, légère, très élégante, avec des tanins fins. L’aromatique est fondue, entre les fleurs séchées et la cerise.
Très belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, fondu et très élégant, mais ca manque un peu de caractère, notamment au niveau de l’expression aromatique.
Note : 4+/5
Comme pour les séries précédentes, chacun a désigné son vin préféré :
Victoire écrasante du Corton sur les autres. Seul le Clos de Bèze obtient 1 suffrage pour la Côte de Nuits.
Ce fut une soirée d’exception, comme on aimerait en vivre plus souvent. Tous les vins ont été de haut ou de très haut niveau. Le Corton Charlemagne a été à la hauteur de sa réputation en dominant les blancs. Du côté des rouges, je ne sais pas si on a réussi à sentir le terroir, mais on a bien identifié les vins les plus élégants des vins plus puissants ou plus gourmands. Le Corton, qui conjuguait l’élégance, la gourmandise et la longueur, a subjugué l’assistance. Quand une grande bouteille est dégustée au bon moment, avec des gens qui l’apprécient et apprécient d’en parler
…
Le Chapelle Chambertin et le Clos de Bèze ont été un peu en deçà des attentes placées en eux. Vins moins réussis, ou bus trop tôt ou trop tard, nous ne le saurons jamais.
Pour ancrer le souvenir, la photo de famille :
Merci de m’avoir lu.
Bibi