=x-large%LPV75 à la rencontre du Domaine François Carillon
Ma découverte du domaine François Carillon remonte à un très ludique déjeuner au Fat Duck il y a quelques années. Le Puligny-Montrachet Village 2010 avait parfaitement accompagné le repas. Il a compté parmi ces vins qui ont commencé à me faire apprécier les blancs de Bourgogne moins tendus. Je voulais donc y emmener mes comparses de dégustation.
Nous arrivons à l’heure super-pingouinesque, càd en retard, et nous en excusons publiquement au cas où les gens du domaine nous liraient ici. Le bâtiment à l’adresse usuelle est en travaux. Nous voyons des ouvriers s’affairer autour des échafaudages et machines de chantier. Et l’ampleur de la refonte n’est pas minimale. Nous contournons l’endroit par une rue adjacente et arrivons dans une cour. Nous sommes reçus par Thomas Pascal, responsable de la vinification. François est en déplacement à l’étranger et n’a pu être présent pour nous accueillir. La visite n’en sera pas moins qualitative. Thomas nous propose de faire un tour dans les vignes. J’avais formulé cette demande avec la prise de rendez-vous. Compte tenu de notre venue tardive, nous décidons d’en faire l’impasse. Ce sera pour la prochaine fois.
=x-large%Un domaine en pleine croissance
Issu de la séparation du Domaine Louis Carillon, celui de François a débuté avec 6ha pour aboutir à 14ha en 2015. Le métayage d'un domaine voisin a été repris progressivement depuis 4 millésimes et 2 parcelles sur Puligny et Chassagne sont en passe d'être acquises à l’aide d’investisseurs. Parallèlement, les Clos Saint-Jean, précédemment en Chassagne rouge, ont été replanté en blanc.
90% de la production est exportée, seul 10% est distribué sur notre territoire. Et ce ratio demeure depuis de nombreuses années. Thomas nous explique que François aimerait pouvoir augmenter la proportion nationale mais que la consommation y est très faible.
En raison de l’expansion du domaine, il leur est devenu nécessaire d’adapter et d’étendre les bâtiments de la propriété. Ils souhaitent les rendre plus fonctionnels tout en tenant compte des contraintes géologique du village. Il est impossible de creuser le sous-sol à Puligny sans toucher un des nappes d’eau se trouvant à faible profondeur. Pas de cave enterrée donc. Les volumes limités de ces derniers millésimes ont eu l’avantage de ne pas produire beaucoup de stocks et de libérer de la place. C’était donc le moment idéal pour entreprendre ces travaux. Leur fin est envisagée pour le printemps.
Pour compléter la production, une partie des raisins provient du négoce aux travers de contrats annuels. Le domaine procède à la vendange des vignes en question. Ils permettent notamment de produire les Réferts dédiés à l’exportation, Jacques ayant repris la partie issue du domaine paternel. Il n’y a pas de cru séparé pour le reste. Ils sont assemblés sur les mêmes appellations que ceux issus du domaine. Thomas regrette au passage l’augmentation du prix d’achat.
=x-large%Des vins avec moins de sulfites?
Thomas a fait ses preuves au sein de domaines chablisiens. Il était ensuite prestataire externe au domaine avant d’être recruté par François avec le défi de « produire des vins de garde en baissant la teneur en SO2 ». Il faut dire que jusqu’en 2005 (sic !), les cas de pré-oxydation se produisaient et la quantité du souffre a dû croître. Une seule solution : augmenter la proportion de CO2. Elle a presque été multipliée par 2. « Je joue avec la limite ». C’est étrange, je ne l’avais pas franchement perçu jusqu’à présent alors que je suis en général sensible au perlant. Maintenant que je le sais, je vais certainement y prêter plus attention, même inconsciemment.
Le rendement habituel tourne aux alentours de 30-40 hl sur l’ensemble des terres. La lutte est raisonné par observation, i.e. les doses varieront selon le besoin constaté sur chaque zone. Après pressurage, le vin est refroidi pour fixer les arômes primaires. Thomas ne procède pas au débourbage au clair avant de le mettre en fût. Il ne souhaite pas habituer le vin à l’air et ne sulfite qu’après la fermentation malo lactique. Se tend alors le fil rouge de l’ensemble de ses tâches : garder le CO2 naturel tout le long du processus pour aboutir au niveau souhaité en bouteille. « Le CO2 conservé tient plus longtemps que celui ajouté ».
Le vin est levuré neutre en pièce pour avoir une fermentation constante au démarrage. Il faut dire que la construction récente des caves n’a certainement pu permettre la prolifération d’une vie microscopique. Thomas et François laissent ensuite le reste de la malo se dérouler seule. La malo se produit en général au printemps pour le rouge. Les caves sont maintenues à température de 20°C depuis les vendanges. Elles sont rafraîchies après cette fermentation.
L’élevage a lieu pendant 11 à 12 mois en fût puis en masse dans les cuves. Thomas nous explique qu’ils ont recours à 5-6 tonneliers pour avoir plus de complexité, faire ressortir un terroir et ne pas avoir une unique signature dans le vin. La répartition entre les fabricants est d’ailleurs plutôt bien distribuée puisque le plus représenté ne constitue que 23-25% du parc total.
Toujours dans l’optique de conserver au mieux le vin, le domaine choisit avec attention ses bouchonniers. Le liège doit être dense. Il étudie aussi le recours aux bouchons en verre.
« - Et les diams ?
- Non, ils ne permettent que 38 mois de garde. »
=x-large%Le millésime 2014 et son impact sur les prix
Pour Thomas 2014 est semblable à 2010 tant en quantité qu’en qualité. Et au regard des investissements en cours, il ne nous a pas effleuré l’esprit que les prix pourraient être révisés à la baisse.
=x-large%Et le millésime 2013 dans tout ça ?
Nous rejoignons la salle des cuves où nous serons servis au robinet pour les premières appellations puis rapidement la pipette géante pour les suivantes. Les cuves ont un couvercle mobile qui permet de varier et d’abaisser leur plafond. Le soutirage du millésime 2013 a commencé en Août 2014. 2013 a été un millésime comparativement plus simple à travailler que 2011 où certains endroits ont été tellement touché qu’il a été compliqué de produire certains crus. Le premier a donc été conforme aux attentes en terme de charge de travail.
Bourgogne Aligoté
Un nez sur la noisette fraîche. Le vin n’est pas collé. Il est vif, frais et possède une petite complexité sur le citron jaune et son écorce. Certaines vignes de l’appellation ont plus de 70 ans. Il y a eu un peu de millerandage sur le millésime. Et le vin a passé 11 mois en fût. Un bon vin de soif.
Moyen+ / AB-
Bourgogne Chardonnay
10% de fûts neufs. Un peu de réduction au nez. Il y a un supplément de profondeur et de présence. Il est agréable et termine sur la pointe de la langue.
AB-
Puligny-Montrachet
Assemblage de 8 lieux-dits, le vin est légèrement perlant. Il n’en demeure pas moins étrangement précis, citronné avec de la tension et un peu de gras. Le bruit que j’ai jusqu’à présent systématiquement perçu sur les vins perlants était absent. Il n’y a que les cxxx qui ne changent pas d’avis. Peut-être est-ce le CO2 conservé qui se fond mieux à l’ensemble.
Bien-
Puligny-Montrachet Les Champs Gains
La matière est présente et également perlante. Le CO2 apporte une fraîcheur en fin de bouche. Thomas estime que le niveau est encore bien supérieur à la cible. La fraîcheur est aussi obtenue par l’élevage en masse.
Bien
Le domaine s’efforce d’effectuer le plus grand nombre de tâches sur place c’est ainsi que les contrôles suivants sont réalisés in situ : CO2, SO2, chromato, éthanol, acide acétique/acide lactique et tartrique. L’embouteillage est également local grâce à une chaîne moderne.
Thomas disparaît quelques instants pour mieux revenir avec 2 flacons.
Puligny-Montrachet 2012
Il y a de la texture. C’est iodé, salin et salivant. Il y a de la tension, des micro-bulles. C’est long et la toute fin se fait miel. Le niveau de CO2 initial se maintient.
Bien
Puligny-Montrachet Les Champs Gains 2012
Grêlé à 90%, parvenir à mettre ce vin en bouteille aura été le challenge le plus important depuis la création du domaine. Beaucoup de travail a été abattu pour éviter les champignons. Le débourbage a été serré et une pièce éliminée car défectueuse. Le résultat est remarquable. Le nez est floral et sur la peau d’abricot. Il possède une complexité évidente. Une combinaison de noix fraîche, de poire, de coing, de reine claude. L’ensemble est frais et très fluide.
Bien +
Nous terminons par un rouge le
Saint Aubin 1er cru les Pitangerets 2013
Après quelques essais non concluant pour en faire un vin de garde. Il a été décidé de le rendre plus immédiat. L’extraction des matières a été amoindrie et les mailles du filtrage rendues plus lâches. Le nez est très fruité, un peu métallique. La bouche est gourmande et croquante. La proportion de CO2 a également été réduite.
2013 en blanc est plus fin et léger que 2012 et 2010. Il ressemble à un millésime froid, un peu austère. Ce n’est pas non plus pour me déplaire sur les vins un soupçon large du village. Notre petit groupe est un peu partagé. Le changement de catégorie de production et la projection inconsciente que cela renvoie rompt nécessairement avec l’imagerie collective attendue d’artisanat. Ce que j’ai pu déguster m’a pourtant plu.
Nous remercions Thomas pour sa grande disponibilité et ses nombreuses explications. J’ai tâché de les retranscrire pour le mieux. Il a tenu à ce qu’aucune question ne soit laissée sans réponse. Et il nous a même demandé si nous souhaitons goûter autre chose. Nous aurions bien voulu mais notre RDV suivant nous aura pressé et c’est à regret que nous devions partir, non sans avoir pris quelques 2012 et posé des réservations sur 2013 (si, si c’est encore possible dans la région).
Edit input du domaine.