[size=x-large]LPV75 rend visite à Nicolas GROFFIER[/size]
Nous sommes Vendredi, la journée se termine mais une belle rencontre va commencer. Les derniers d'entre-nous arrivent dans la cour du domaine. Nicolas GROFFIER discute avec les premiers arrivés depuis quelques minutes. Il nous invite alors à descendre dans la cave pour déguster 2014. Nous arrivons dans une superbe cave voûtée avec une hauteur sous plafond bien supérieure à celle observée usuellement. Pas de lumière artificielle, l'éclairage ambiant sera assuré par des bougies
Note de ma moitié: Ca ne va pas faciliter la prise de clichés .
Les vins ont été tirés et mis dans des bouteilles pour l'occasion.
[size=x-large]Le domaine[/size]
"Il s'étend sur 8ha. Nous avons presque 1 ha de sur chaque appellation. Tenez, nous allons commencer par le Passetoutgrain. Il est ajusté en gaz. Il n'y aura plus d'opération d'ici sa mise, en Décembre."
Le domaine exporte à 75%. Ce qui se trouve dans la moyenne basse des producteurs croisés.
Passetoutgrain
1/3 de Gamay, le reste en Pinot Noir.
Beaucoup de fruits, un beau volume et une légère mâche. Je boirais volontiers un tel vin tous les jours.
AB
- Le Domaine se trouve à Morey mais vous ne possédez aucune appellation du village. Comment cela se fait-il? (Oui je sais, je commence bien la série de question
Ce sera ma seule fulgurance
)
- Au moment de la redivision, mon grand-père n'a pas pris de Morey-Saint-Denis. Mais dans les faits, vous en avez dans le Passetoutgrain
Ceci explique certainement le niveau qualitatif du vin
[size=x-large]L'élevage au domaine[/size]
"Nous faisons une rotation de 50% sur les 1er crus et les Grands Crus à l'exception de Clos de Bèze pour lequel nous avons 100% de fûts neufs."
"Tout est déjà en cuve. Tout a été soutiré après avoir passé 12 mois en futs. Nous soutirons le matin et réentonnons l'après-midi. Il ne faut pas que le bois sèche."
"Sur 2015, nous allons ajuster la futaille à des tonneaux d'un vin et demi."
[size=x-large]Les millésimes[/size]
" En 2013, les vendanges nous ont donné de la matière pour une garde d'une vingtaine d'années au minimum. 2013 est magnifique. Un millésime assez traditionnel avec une récolte assez tardive. Je me suis dit "Je veux que le millésime aboutisse à quelque chose de beau ». Je peux partir après ce millésime."
C'était d'ailleurs une message récurrent lors de notre séjour. Vignerons et autres professionnels du secteur, après avoir regoûté 2013 en bouteille ont largement rehaussé leur impression sur le millésime et son devenir potentiel.
"2014 est tout le contraire de 2013. Nous avons vendangé le 15 Septembre. Nous avons laissé le raisin le plus longtemps possible sur pied. 2014 a un côté 2012. Il est tombé beaucoup de pluie et le beau temps a accompagné le mois de Septembre. J'ai voulu 2014 linéaire, appréciable dès le début. Nous avons décidé de faire la malo plus tard qu'à l'accoutumée. Il était bon à la sortie. L'extraction s'est faite sur 7-8 pigeages. Les eaux ont marqué le vin (sur la matière). " Il y a néanmoins beaucoup de fruits ce qui fait ensuite dire à Nicolas: "Je dis que le soleil a donné les vins en 2014 alors que c'est le terroir qui a donné les vins en 2013."
Et un petit mot sur 2015: "J'ai voulu vendanger vite. Tout s'est fait en 2 jours de temps. Le raisin peut mettre du temps à mûrir mais lorsque le niveau souhaité s'approche, cela peut vite bascule. (…) Certains vignerons sont droits comme des i, fiers de 2015. Moi, je dis qu’il faudra voir. 2005 reste fermé par exemple. On ne sait pas s’il s’ouvrira un jour. »
Gevrey-Chambertin les Seuvrées
1/3 de fûts neufs. "La rotation se fait sur 3 ans".Là encore, nous avons le droit à du fruit. Les tanins accrochent légèrement. C'est très accessible. La rafle est peu perceptible. L'acidité rend le tout très digeste.
Bien
"Le PH est bas, à 3,3." Nous décrouvrirons plus loin dans la dégustation et la discussion toute la place prise par cette dimension dans les vins du domaine.
Chambolle-Musigny 1er cru les Haut-Doix
Des vignes de 35 ans, au coeur de Chambolle.
20% de bois neuf, 20% de VE "(...)pour apporter de la fraîcheur sans trop en mettre. Nous n'en mettons habituellement pas."
Nicolas définit le vin comme "d'accessibilité courante".
C'est soyeux, d'une très belle longueur et toujours avec cette trame acidulée.
TB-
- Quel usage du SO2 faîtes-vous?
- Nous l'utilisons à des niveaux pour que nous soyons bien avec, propre. Nous le mesurons et le calculons régulièrement. Nous y recourons à la vendange pour protéger les baies mais aussi au moment de la fermentation à froid. Elle dure 15 jours, à 10°C. Il faut protéger les fruits.
Chambolle-Musigny 1er cru les Sentiers
50% de fûts neufs, 80% de VE. Les terres, exposées au Nord, sont beaucoup plus argileuses. Elles se trouvent en dessous des Bonnes-Mares.
Un peu austère en attaque, les fruits sont portés verticalement sur la bouche. Le vin possède des touches floral et un début rose séchée, de la ronce. Il apparaît plus aérien dans son second temps alors que son sol et son attaque ne laissaient pas le présager. Et la groseille, dans sa tension, vient réhausser la fin.
TB-
[size=x-large]L’arrivée de Nicolas au domaine et ses choix à la vigne[/size]
- Je suis arrivé en 2004, avec les vendanges. C'était presque une chance pour moi. Pas grand monde a fait bon
. C'était plus simple. D'ailleurs plusieurs années en arrière, les gens acceptaient qu'un vin soit occasionnellement en deçà. Ce n'est plus le cas désormais et c'est normal compte tenu des prix pratiqués.
- Cela ne met-il pas trop la pression?
- Dans 10 ans, je le prendrai plus simplement, nous répond Nicolas avec un sourire.
- Quel est le rendement du domaine? Nous comprenons bien qu'il varie avec les millésimes. Mais pour avoir un ordre d'idée...
- Aux alentours de 25-35hl. L'essentiel du tri est fait dans les vignes. Il faut que ce soit propre dès le départ. Sur la table les rejets ne sont pas importants. On prend la vendage entière et hop dans les cuves. La rafle permet un tannisage naturel. Il donne des tannins réactifs, un peu grossier. Ils sont les premiers à se faire dégommer. Ils apportent ainsi une protection supplémentaire et par la même occasion du potassium."
Nous commençons à comprendre que nombre des choix pris par notre vigneron permettent de gagner un, voire deux temps d'avance. Et plus les minutes s'écoulent plus nous semblons voir sa ligne directrice se préciser.
"- Quelle est votre proportion de remplaçant?
- Nous coplantons. Pas d'arrachage, pour replanter avec quoi? On nous vend des plants pas trop vigoureux supposés faire du 45hl, je peux vous dire que ça ne les fait pas du Clos de Bèze. Ils ne sont pas adaptés. Il me faut au contraire des vignes productives. Et avant qu'un sous vous arrive sur le compte, il se sera passé 15 ans. Autant dire que ce doit être un acte réfléchi."
Bonnes-Mares Grand Cru
50% de fûts neufs, 80% de VE. Il est traité de manière identique aux Sentiers.
D'une belle vivacité, le panier déborde de marats des bois, de groseilles et de jeunes cerises. En terme d'évolution tactile, il part d'une base circulaire en bas de bouche pour pointer vers le palais. D'un remarquable effet. Gourmand, présent et persistant.
Excellent
"Bonnes-Mares est intemporel. On vante les terroirs et les millésimes mais ici, le terroir surpasse les millésimes. Un Bonnes-Mares se reconnaît chaque année. J'hésite même à supprimer la mention du millésime. C'est tentant.
"
[size=x-large]Un style Groffier?[/size]
- Qu'avez-vous changé depuis votre arrivée?
- Je raisonne pour faire un vin qui sera bu en bouteille. Je déteste goûter sur fûts. Nous avons inversé le cheminement intellectuel en 2010, pour partir de la fin. Nous avons également remis la tension au coeur du vin. Nous avons ainsi tout changé. Et nous sommes revenus aux vins qui se faisaient traditionnellement dans les années 90 avec les techniques d’aujourd'hui. Elles permettent plus de douceur. Il faut en effet peu de choses en fin de vinification pour qu’un vin se durcisse. Il faut travailler bien et propre. Il n'y a pas de secret.
- J'aime justement beaucoup le fil acidulé qui soutient vos vins,
- Ah l'acidité, c'est la colonne vertébrale d'un vin. Il faut accepter de désacidifier pour que le vin se réacidifie 2 fois plus vite. Pour obtenir de l'acidité, nous décalons la malo le plus possible. Le niveau de potassium baisse. Et le niveau de PH se met à baisser également. Nous avons compris cela en 2005.»
La réflexion est une telle évidence lorsqu'on la dit. Elle a probablement nécessité beaucoup d'efforts et de travaux pour y parvenir.
Chambolle-Musigny 1er cru les Amoureuses
50% de fûts neufs, 50% de VE.
Première rencontre avec ce cru. Le nez exhale un panier de fruits rouges plus serrés, un peu d'olive. Il est un peu carré dans son premier mouvement tout en excitant les papilles. Le second est une onde tellurique qui vous attrape par surprise. Il y a de l'énergie, une dynamique expressive soulignée par cette fameuse ligne porteuse acidulée. A convertir n'importe quel amateur au Pinot Noir. Moins appétant que son prédécesseur mais plus complexe.
Excellent
Et quand je pensais que nous avions atteint un sommet, je n'avais pas encore aperçu le suivant…
Chambertin Grand Cru Clos de Bèze
100% fûts neufs, 100% VE.
"Clos-de Bèze, ce sont de tout petits raisins, de la taille de grains de cassis. Nous y avons une taille longue pour parvenir à un bon rendement, autour de 30hl ici. Nous devrons cependant revenir à une taille plus traditionnelle pour mettre à manger aux pieds. Nous n'avons ici que 30cm de terre. Avec l'âge, il faut les nourrir."
Nous posons à peine notre nez sur le verre. Waouh. C'est fin, maîtrisé. Comme si l'on avait infusé les fruits rouges des producteurs les plus qualitatifs du territoire. L'élevage est très doux, léger. La concentration du jus est superbe. Je comprends ici plus encore toute la nécessité d'un fruit bien mûr. C'est plein, long et ample à la fois. Energique et suave. Un bolide livré dans du taffetas. Une note de rose vient parachever le tout. L'intégration de la vendange entière est exemplaire. Elle est totalement imperceptible. Mon camarade Paul me dit "D'autres producteurs devraient prendre exemple sur ce travail de la VE." :p
Incrachable.
Grand vin en devenir
Un professionnel croisé plus tard lors du séjour nous dira : "Le grand-père de Nicolas avait judicieusement acquis les Amoureuses en échange d'une parcelle de blanc. Quelle brillante idée! (...) Il se dit également qu'il n'est jamais loin lorsqu'il s'agit de travailler la parcelle de Clos de Bèze."
« Vous voulez boire autre chose? »
Chambolle-Musigny 1er cru les Amoureuses 2013
Le port est altier. Le vin a de la tenue. C'est mûr et acidulé.
Excellent "Où dînez-vous ce soir? Voulez-vous ramener la bouteille?"
Goûté plus tard l'acidité est un peu plus marquée. Le nectar demeure remarquable.
- Avez-vous toujours voulu faire ce métier?
- J'ai arrêté mes études tôt. Mais j'ai la chance de travailler avec mes parents. Après On ne peut pas tout faire. Je préfère prendre un spécialiste sur une tâche que je ne saurais pas exceller.
- Souhaiteriez-vous agrandir le domaine?
- Non, je ne cherche pas plus d'hectares. Cela convient très bien ainsi.
- Que buvez-vous?
- De la Loire, j'aime beaucoup Clos Rougeard. Et en Bordelais, Château Margaux. Je respecte beaucoup leur travail.
Ainsi s’achève notre moment au domaine. C’était la première fois que j'en goûtais la production. Le "Waouh effect" fut bien là. Les quelques flacons précédemment acquis dorment tranquillement dans la cave
Un IMMENSE MERCI à Nicolas, pour son temps, sa très bonne humeur, ses fines facéties, sa générosité, ses nombreuses explications et ses magnifiques vins. Le talent n'attend définitivement pas les années.