Présentation et dégustation des vins du Domaine d’Ardhuy
Vincent Bottreau, régisseur et œnologue du domaine d’Ardhuy, à Corgoloin, depuis fin 2016 avait plusieurs fois décliné notre proposition de venir présenter son domaine dans un club où je sévis régulièrement. En effet il souhaitait, par honnêteté intellectuelle, nous proposer des vins dont il avait lui-même dirigé l’élaboration.
Les conditions étaient réalisées en ce début novembre et c’est une assistance très nombreuse qui a pu bénéficier de sa présentation, des nombreuses précisions apportées suite à des questions et bien entendu de la superbe dégustation qu’il avait concoctée.
Le domaine comprend 38,5 ha, situés principalement en Côte de Beaune mais également en Côte de Nuits, avec une forte proportion de grands crus (6,5 ha) et de premiers crus (14 ha).
Les vins étaient tous certifiés AB et Demeter depuis 2012. Mais en arrivant au domaine, Vincent Bottreau constate que la vigne et le sol, fatigués par des rendements importants et des pratiques viticoles stressantes avant les années 2010, avaient été insuffisamment préparés pour passer aussi rapidement à un mode de viticulture exigeant. De plus, les moyens humains et en matériel étaient insuffisants pour poursuivre dans cette voie,
Dans un double objectif de respect des cahiers des charges et de qualité. Il a donc courageusement décidé, en accord avec les propriétaires, d’abandonner les deux certifications en 2017. Mais étant convaincu des bienfaits de l’agriculture biologique et de la biodynamie pragmatique, il a aussi obtenu plus de moyens pour aller dans cette voie.
Il pense ainsi pouvoir relancer en 2023 une démarche de certification, AB d’abord puis Demeter, pour une partie du vignoble, en augmentant peu à peu la proportion du vignoble certifiée. Voilà un homme pragmatique et raisonnable !
Le lecteur LPVien un peu réfractaire aux élevages luxueux pourra s’étonner de l’importance du bois neuf utilisé pour l’élevage de certaines cuvées, pourtant issues d’appellations pas parmi les plus prestigieuses. Mais pour Vincent, un pourcentage annoncé seul n’a pas d’intérêt. Ainsi, parmi d’autres paramètres qui influent sur le résultat, il utilise des fûts de chênes venant souvent du Caucase et réalisés avec des chauffes douces et longues, à faible température. Le but visé est avant tout l’oxygénation du vin et non un maquillage par les arômes boisés. D’ailleurs il nous a interrogés deux ou trois fois sur notre estimation de ce pourcentage et nous étions toujours très nettement en-dessous de la réalité.
Pour l’anecdote, lorsque je lui ai demandé le pourcentage de fûts neufs pour une cuvée en particulier, Vincent m’a répondu, en bon cinéphile et avec humour : 37,2 % !
Un autre sujet abordé a été celui des bouchons. De son point de vue, ce sont les bouchons Diam qui sont les meilleurs car ils évitent tout problème de TCA et l’homogénéité de l’oxydation ménagée, d’une bouteille à l’autre, est remarquable. Ainsi 50 % de ses cols utiliseront ces bouchons à partir du millésime 2018 mais il pourra difficilement aller au-delà car une partie de sa clientèle ne l’accepterait pas, par esprit de conservatisme.
Enfin, concernant la vendange entière pour les rouges, Vincent pense que cela devient presque une mode. En ce qui le concerne, pas de dogme : il l’utilise plus ou moins selon les caractéristiques de la cuvée et lorsqu’il l’utilise partiellement, il la positionne en bas de cuve.
Trêve de bla-bla, passons à la dégustation !
Savigny-les-Beaune blanc – Clos des Godeaux – 2018
Fermentation malolactique effectuée en fûts et élevage de 10 mois 100 % en fûts neufs pendant 10 mois.
Le nez très intense allie des arômes et fruités de poire à des arômes d’élevage racé de brioche et légèrement grillés.
La bouche ronde est habillée d’une fine pellicule de gras. Dotée d’une belle vivacité et d’une longueur honnête, sa sapidité fait moins ressortir le boisé qu’au nez.
Bien ++
Ladoix blanc Premier cru – Le Rognet – 2018
Il s’agit d’une cuvée en monopole.
L’élevage a été réalisé en fûts, dont 35 % de bois neuf.
Le nez est très intense, presque puissant. La vanille et un beau grillé prennent encore le pas sur les fruits blancs et une note mentholée du plus bel effet.
La belle matière en bouche s’appuie sur une charpente solide et étoffée, le boisé est présent mais pas outrancier, le gras apporte beaucoup de confort, la persistance est superbe, aidée par une finale fraîche et étirée.
Un beau vin qu’il faut attendre encore quelques années.
Très Bien
Corton-Charlemagne – 2017
Rendement assez faible de 35 hl/ha.
Curieusement le nez est moins démonstratif que ceux des deux précédents, mais il développe une grande élégance et déjà une certaine complexité. C’est d’abord un festival fruité, complété par de la brioche beurrée, mais on y décèle également une touche exotique et une autre plus fraîche et bienvenue, de type mentholé.
La bouche est dans la même veine, d’un style plus sur la finesse que la puissance. La matière est tout de même bien présente, avec un élevage au service du vin, et se manifeste par un toucher caressant jusqu’à une finale dynamique et d’une magnifique allonge.
Très Bien +(+) pour ce vin à qui on peut promettre un grand avenir.
Ladoix rouge – Clos des Chagnots – 2017
Il s’agit d’une cuvée en monopole pour ce lieu-dit, qui comprend 15 % de vendange entière.
La robe est moyennement sombre et montre des reflets bien violacés sur le bord du disque.
Waouh ! Le nez explose sur les fruits rouges, plutôt une cerise assez acidulée, avec des notes complexifiantes de ronce et de fumé.
La bouche possède une belle carrure avec notamment des petits tanins structurants et une matière fruitée taillée par un relief suffisamment acide.
Bien +(+) mais à attendre un peu, sereinement
Savigny-les-Beaune rouge Premier cru – Aux clous – 2017
Il s’agit de la plus grosse parcelle du domaine (6,5 ha) et ce 2017 a bénéficié de 35 % de vendange entière.
La robe est moyennement sombre et jeune.
Le nez très intense exhale un fruité moins prégnant, sur des fruits plus noirs, mais aussi des arômes fumés et d’un végétal noble car il apporte indéniablement un plus.
La bouche adopte un profil droit et long, d’une sapidité plus fruitée qu’au nez. Le toucher est très fin, avec des tanins civilisés.
Bien ++ / Très Bien
Côtes-de-Nuits Villages rouge – Clos des Langres – 2017
Il s’agit d’une cuvée en monopole pour ce lieu-dit. Ce 2017 a été vinifié pour moitié en vendange entière et pour moitié également en fûts neufs. Comme l’a fait remarquer un dégustateur farceur, cela fait donc 100 % !
La robe est un copier-coller des deux précédentes.
Bien ouvert, le nez affiche un fruité pur et franc sur la cerise et la framboise. En cherchant bien on y décèle une touche vanillée mais pas de trace de rafle.
La générosité et la rondeur de la bouche très sapide sont contrebalancées par une grande fraîcheur. Les tanins bien souples et la belle persistance ponctuée par une finale acidulée sont les autres atouts de ce vin à la fois gourmand et de caractère.
Très Bien
J’ai été bluffé par le fait que ni la moitié de vendange entière ni la moitié de fûts neufs ne se ressentent pour le moins du monde. La preuve que Vincent connaît déjà bien ses terroirs et sait que ce « petit » Côtes-de-Nuits mérite un traitement de haut niveau.
Corton Les Renardes – 2017
Cette cuvée a été vinifiée à 100 % en vendange entière et à 35 % en fûts neufs.
La robe est légèrement moins soutenue (effet vendange entière) mais marque surtout un début d’évolution par ses reflets légèrement tuilés.
D’une belle intensité, le nez hédoniste et pur livre des arômes de cerise de Montmorency, teintés de notes vanillées.
La bouche est pleine et joufflue pour un pinot noir, dotée d’une matière bien mûre et d’une grande ampleur. Une superbe acidité s’y mêle parfaitement et lui procure allonge et énergie jusqu’à une finale savoureuse.
Un régal dès à présent mais quelques années devraient lui apporter plus de complexité.
Très Bien ++ / Excellent
Corton Le Clos du Roi – 2017
Cette cuvée issue d’un terroir plus solaire a bénéficié d’une macération longue avec 50 % de vendange entière et 60 % de fûts neufs pour l’élevage.
La robe est plutôt sombre et encore bien jeune.
Le nez paraît un peu comprimé. Il n’est pas du tout fermé mais on sent qu’il demande à exprimer plus. L’assortiment de fruits noirs avec cerise burlat, mûre voire cassis est assez complexe, le tout couronné d’une touche vanillée.
L’attaque en bouche impacte fortement le palais par sa puissance et ses saveurs boisées, puis c’est l’acidité qui prend le dessus avant une finale goûteuse et plus apaisée.
Il y a tout ce qu’il faut dans ce vin, mais pas en même temps. Plusieurs années de garde lui permettront de bien fondre tous les éléments entre eux et je ne serais pas surpris qu’il aille plus loin que Les Renardes.
Très Bien + en l’état
Corton Renardes – 2011
La robe moyennement sombre affiche des reflets bien tuilés sur la frange.
Très intense et complexe, le nez développe tour à tour des arômes de cuir, de fruité secondaire sur la compote de cerise et de framboise, de sous-bois et de rose fanée.
A l’aération dans le verre c’est un fruité plus franc et jeune qui revient au premier plan.
La bouche est harmonieuse, avec une grande matière d’une densité inattendue pour le millésime, une superbe vivacité, des tanins fins et patinés, une énorme allonge et une finale qui s’affirme par sa sapidité.
Excellent
Voilà qui termine en apothéose cette formidable dégustation. Vincent Bottreau nous a ainsi permis de percevoir ce que peut devenir un grand rouge du domaine à son apogée mais les vins qu’il a élaborés sur les millésimes 2017 et 2018 et proposés dans un ordre judicieux sont plus que prometteurs !
Un grand merci à lui pour tout cela mais aussi pour sa disponibilité et son franc-parler !
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Jean-Loup