Domaine Simon Bize & Fils, Passage au domaine
Après la première étape matinale, qui nous avait fait visiter le
domaine Joblot
, nous voilà, mon acolyte Cédric et moi, sur les routes septentrionales de la Côte de Beaune, et plus précisément, en direction de Savigny Lès Beaune. En effet, lors de la préparation de notre périple, nous cherchions un domaine méconnu de notre part, afin de satisfaire à notre curiosité. Or, pour des raisons professionnelles, j'ai eu l'occasion de croiser Guillaume Bott, vinificateur au domaine depuis 16 ans
(avant un précédent passage au domaine Sauzet, à Puligny Montrachet), en début d'année. Je me suis donc permis de prendre contact avec lui, et il a gentiment accepté de nous recevoir pour une visite des installations et une dégustation, en début d'après-midi, collant ainsi parfaitement à notre emploi du temps.
Le domaine Simon Bize est un domaine historique de l'appellation Savigny Lès Beaune, puisque l'origine remonte à 1880, avec une première mise en bouteille en 1950, puis un essor avec aggrandissement du domaine
(caves et vignes) et construction d'une cuverie en 1972 par l'intermédiaire de Patrick Bize. Ce dernier décède accidentellement en 2013, la continuité du domaine est assurée par son épouse Chisa, et sa soeur Marielle.
Ce domaine est d'ailleurs d'assez grande taille pour la région, avec 23 ha de vignes, parfois très vieilles, essentiellement plantées sur Savigny Lès Beaune, avec en complément quelques vignes sur Aloxe Corton, et des vignes en métayage sur les Grands Crus Corton Charlemagne et Latricières Chambertin, seul pied en Côte de Nuits.
Curieusement, malgré sa taille et la distinction des guides
(2** RVF) et revues, il est assez peu commenté sur le forum. Personnellement, je n'avais jamais croisé de près ou de loin les vins, dont 70% partent à l'export, avec un circuit préférentiel vers les USA, mais également l'asie. L'encépagement est d'environ 2/3 de Pinot Noir, et environ 1/3 de Chardonnay, avec à la marge quelques plants de Pinot Beurot en complément. L'esprit du domaine est de procéder dans sa quasi intégralité à l'élaboration de vins à base de vendange entière, quelque soit le millésime, avec l'objectif sous entendu de faire des vins de (grande) garde. La vinification se passe en foudres, avec 2 pigeages par jour, puis passage en cuves inox. L'élevage se poursuit en fûts usagés essentiellement
(très peu de fûts neufs, quelle que soit la couleur), dont le renouvellement en très faible d'une année sur l'autre
(environ 20%). Enfin, avant la mise en bouteille , tout est ré-homogénéisé en cuve inox quelques temps, avec toujours cet esprit de pureté et d'absence de maquillage des vins en ligne de mire.
Savigny Lès Beaune a été durement touché par la grêle et le gel sur les millésimes 2012-2013 et 2016, dans un registre comparable à Pommard et Volnay. Heureusement, les deux derniers millésimes ont été productifs, avec des volumes conséquents sur 2017 et encore plus 2018, avec quelques autorisations de dépassement de rendements possibles sur ce dernier millésime. Guillaume Bott nous disait que celà faisait très longtemps qu'il n'avait pas vu la cave aussi pleine, avec des rangs de fûts gerbés. Les vendanges, en 2018, auront débuté le 26 août, pour durer 3 semaines, ce qui était de son aveu, un peu long, et qui aura provoqué des différences de maturités entre les raisins rentrés au début et ceux rentré en fin de vendanges, car il gagnaient pratiquement 0,2% d'alcool potentiel par jour...A suivre donc, quand aux futurs équilibres des vins issus de ce millésime.
Concernant la dégustation, contrairement à la plupart des domaines visités, nous ne goûterons pas de vins issus du dernier millésime, mais des vins qui commencent à évoluer ou qui entrent en phase de maturité
.
Nous aurons droit à 3 vins rouges et 2 vins blancs.
Savigny Lès Beaune 1er Cru, Aux Vergelesses, 2014:
1,9 ha orienté Sud-Sud Est, planté en 1939, 1949 et 1954. Marnes sableuses et calcaires sur un coteau pentu. Vendange entière 100%. La robe est sombre pour un pinot. On a un nez épicé, poivré, sur le marc de raisin. La bouche est épicée, dans un style un peu stricte/aristocratique. On retrouve de fins agrumes et un côté jus de viande, qui soulignent un profil assez svelte, conclue par une longueur satisfaisante. Un vin très droit, plutôt racé, à la structure élancée, sans fioritures.
B-TB
Aloxe Corton, Le Suchot, 2012:
Clos monopole du domaine d'1 ha planté en 1985 sur un sol caillouteux et argileux, en contrebas de la colline, situé face au Château de Corton. Vendange entière 100%. La robe est également sombre. On a un fond fumé, épicé, sur la ronce. La bouche est finement tannique, avec une impression un peu renfrognée, sur une tactilité pierreuse ou de gravier. L'ensemble est frais, digeste malgré une densité assez conséquente pour ce niveau de cru, mais avec un fruit un peu mat. L'ensemble fait très jeune, peut être un peu fermé aromatiquement. A attendre sagement.
B
Savigny Lès Beaune 1er Cru, Les Fourneaux, 2008:
Vignes d'1 ha situées sous les Vergelesses, à mi-coteau, exposé plein Est, sur un sol caillouteux en haut et plus profondes et riches en bas de coteau. Vendange entière 100%. On a une robe qui commence à se tuiler. On a plus de floralité au nez, avec un savant mélange d'encens, de rose fanée, de pot pourri, complété par des notes d'écorces d'orange, et un très léger côté fourrure signant une belle évolution. La bouche est acidulée, sur la groseille et l'orange sanguine, sans gros volume. Les tanins sont complètement fondus. Il présente une jolie longueur. L'ensemble est plaisant, assez cristallin et digeste. Il semble être à maturité. C'est un tour de force d'obtenir un vin de la sorte sur ce millésime, sans tomber dans la verdeur et des tanins verts et/ou rigides en n'égrappant pas.
TB
Bourgogne, Les Champlains, 2014:
Parcelle en coteau de 4 ha, en haut de plateau au dessus de Savigny Lès Beaune, replantée directement sur la roche mère par Patrick Bize en 1986 sur un sol très caillouteux, exposé à l'Est. 5% de Pinot Beurot se trouvent au milieu des chardonnays. La robe est d'un très bel or. On a un joli nez beurré, sur le tilleul et une pointe d'orange/mandarine. la bouche est très belle, riche et ronde, avec une réelle complexité de fruit (fruits jaunes, poire, léger exotisme) magnifié par d'élégantes notes d'élevage, perceptibles mais non ostentatoires, sur la vanille/cannelle, la brioche et le beurre frais. Une fraîcheur digeste, sur la chlorophylle, la menthe et un soupçon poivré viennent compléter le tout. La finale est saline quoiqu'un peu courte. C'est un vin généreux, porté par une belle acidité, avec un joli volume. Il boxe clairement dans une catégorie au-dessus, et je ne suis pas certain qu'à l'aveugle je n'aurais ps évoqué Meursault.
TB-E. J'en ai regoûté une sur 72 heures ce week end, avec des conclusions identiques, et sans que celui-ci ne bouge à l'air. Pour 13 euros, c'est une affaire.
Savigny Lès Beaune, 2014:
Assemblage de parcelles de chardonnay, plantées en 1996 et couvrant 2 ha. On a un nez plus réduit que le bourgogne. La bouche est toutefois plus fraîche et mentholée, avec un surplus de tension et d'épices poivrées. La finale est un peu chaleureuse, sur la pierre à fusil. Il est assez long et frais, sans gros volume mais un style plus tonique et musclé.
B
C'est ainsi que s'achève cette très intéressante visite, d'un domaine que nous découvrions au passage. Il en ressort, sur les échantillons goûtés, que les vins rouges ont un vrai caractère, dans un style plutôt masculin, tannique, épicé et qu'il faut d'une part impérativement attendre, et d'autre part, à marier à table. En effet, le parti pris de la vendange entière et les structures peut être un peu rigides font qu'ils sont relativement difficiles à appréhender en dégustation analytique pure. Concernant les blancs, sur les deux échantillons goûtés, on est face à des vins de gastronomie, qui reprennent bien les codes des grands blancs bourguignons vinifiés quelques kilomètres plus au sud de Beaune. Dans tous les cas, j'adresse un très grand merci à Guillaume Bott pour sa simplicité, son accueil et ces explications claires. Il est donc l'heure de prendre la route des Grands Crus, et de rejoindre Marsannay, ou se trouve un domaine que j'aime visiter et qu'il me tarde de faire découvrir à l'ami Cédric...