Les 2016 de Jean-François Germain sont-ils une réussite?
C’est un Jean-François Germain très souriant qui nous accueille. La dégustation suivant le repas du midi est souvent la plus difficile. Elle n’est pas le moment où les papilles sont les plus réceptives. Elle est plutôt celui où nos efforts sont concentrés à éviter que notre paupière supérieure rejoigne sa voisine du dessous pendant ce Ô combien éreintant processus d’assimilation des calories.
- Vous ne prenez pas un peu de repos?
- Si, à partir de ce soir.
- Nous sommes votre dernière dégustation donc?
- C’est bien cela
Des volumes enfin acceptables en 2017
- 2017 est un soulagement pour beaucoup de vos confrères. J’imagine que c’est le cas aussi pour vous.
- Nous commençons à vendanger le 30/08/2017 avec Poruzots. Nous atteignons 55-60hl. Le retour à la normale se constate surtout en rouge en terme de quantité. Nous n’avions pas atteint un tel niveau depuis 1999.
- Avez-vous du chaptaliser?
- Non, les rouges font 13° naturel.
- La crainte de la grêle a incité Monsieur Jobard à vendanger assez vite.
- Les vendanges ont duré un mois pour nous . Nous avons commencé avec une grosse équipe sur 5 jours et nous avons terminé en famille.
Meursault village
SP (moi): Un vin en douceur, sur la rondeur d’un sucre d’orge édulcoré. Une toute petite acidité, des épices. L’ensemble ne versant dans aucun excés est plutôt élégant. La vivacité se fait plus présente à l’aération.
AB+/B-
OG: Nez fruité un poil fermentaire. Belle tension, pas de grosse matière. Un joli vin assez simple en l’état
Podyak: Nez expressif sur les fleurs blanches et quelques agrumes. Attaque plutôt en douceur, qui s'étire ensuite grâce à des petites notes acidulées. Assez souple, pas hyper concentré. Quelques épices pointent enfin sur le devant de bouche. B+
- Nous apercevons une nouvelle porte dans votre cave.
- En effet, elle permet de couper la cave en 2 parties. Une pour la fermentation des blancs, l’autre pour réunir 2016 et les 2017 rouge. La partie plus froide permet le limiter l’acétique notamment.
Meursault Chevalières
« Le vin n’a pas encore été soutiré. Il repose encore sur ses lies. En terme de soufre, nous sommes à moins de 3mg. »
SP: Du citron vert, de la matière. C’est long, équilibré et fin. Un vin parfaitement sec et net
B+
OG: Nez riche de fruits exotiques, de noisette et fruits secs. La bouche présente une pointe de gas et une acidité haute, de jolis amers agrémentent une longue finale. Un gros saut qualitatif par rapport au “Villages”.
P: Nez mêlant fruits blancs, quelques notes de fruits secs et d'épices. Puis notes minérales. La bouche tranche, avec une belle vivacité, et une acidité qui étire la bouche. Un peu plus de matière sèche, plus de densité que le précédent. De nouveau, plutôt large en attaque puis longiligne en bouche. Très agréable ! TB+
- En 2016, nous perdons 50% sur les villages, -75% sur le Bourgogne.
- Avec une maturité plus faible, avez-vous chaptalisé?
- Oui, un peu.
Meursault Limozin
SP: De l’acidité. Un vin plus expressif. Du fruit et de la matière également. 2016 n’est définitivement pas un millésime maigre.
B+
OG: Nez plus floral, bouche toute en tension qui apporte une belle allonge, net et tranchant !
P: Nez assez net sur le citron, avec une pointe briochée. Puis à l'aération des touches crayeuses, minérales. Super équilibre en bouche tension/vivacité/matière. Celui qui paraît le plus vif en bouche, tout en longueur, sur un filin. Top !! TB+/Exc-
Levures et fermentation
- Nous avons constaté chez certains de vos confrères l’an passé que les sucres pouvaient mettre du temps à se finir alors que la malo était terminée. Nous pensions, à tort, qu’une malo se faisait après la fin de fermentation des sucres.
- C’est dans les livres ça
Sur 2016, les sucres sont finis. Nous avons plutôt un sujet de malo. Charmes est reparti en cuve car la malo ne voulait pas se faire. Vous ne pourrez d’ailleurs pas le goûter. Pour les blancs, il est fréquent que la fermentation et la malo se fassent simultanément.
- Sur la fermentation, on évoque les levures indigènes. Quelles sont celles à la vigne et celles dans une cave?
- Pour avoir des levures provenant de la vigne, il est nécessaire d’avoir de l’azote dans le moût. Une carence en azote et la population sera faible. Ca arrive. L’essentiel n’est pas sur la plante. Il est plutôt en cave, il suffit de voir l’humidité des murs et la moisissure.
Chassagne Montrachet 1er cru Morgeot
SP: Du fenouil, du citron, une amertume en finale. La bouche est assez claire dans les goûts qu’elle restitue.
B
OG: Nez propre de citrus, floral, avec une pointe de pâte d’amandes. La bouche est minérale et très agréable, en finesse. La finale est sapide et crayeuse. Vin avec un large panel qui le rend très intéressant.
P: Nez mixant notes fruitées et végétales. Moins de touches craies/minérales que les précédents. Pointe d'alcool. La bouche semble également plus large, avec un côté "pâtissier", pâte d'amande un peu plus marqué. Paraît également avoir un tout petit moins de volume. Quelques épices sur le devant de la bouche. Reste malgré tout assez frais, avec quelques petits amers qui relèvent la finale. B+
- Vous avez évitez le gel cette année. N’avez-vous pas eu d’autres pressions ou insectes? des drosophiles par exemple?
- Non, pas beaucoup.
- Et le mildiou? Le printemps 2016 fut terrible.
- En 2017, nous avons une poussée le 1er Août. Nous en avions partout.
Meursault 1er cru Poruzots
SP: Une attaque assez vive. Au risque de me répéter, il y a également de la matière ici. Les nuances tactiles dans les temps du vin donnent du relief à l'ensemble. Tantôt crayeux sur les papilles, sec en haut de palais et finement rond dans les joues. Le citron vert et son zeste apportent à la finale sa tension et une légère amertume en résonance à la matière
TB+
OG: Les arômes sont peu expressifs mais on trouve des notes de brioche, de citron jaune. En bouche c’est une belle manière qui s’exprime d’emblée, ronde. Jolie allonge apportant amers, mâche et tranchant en finale.
P: Nez plus discret, plus comprimé avec quelques touches crayeuses. La bouche est plutôt mûre et gourmande, avec plus de matière ressentie que dans le Chassagne. Petite pointe chaleureuse en finale avec cependant d'agréables petits amers qui la prolongent. De la structure mais un a peu moins longiligne que le Limozin. Plutôt à attendre, a priori. TB+
- Nous avons abordé avec d’autres vignerons la question de la maîtrise des rendements et de la vendange en vert. 2017 semble avoir finalement été assez généreux.
- Non, personne ne cherche ça en ce moment, surtout lorsque 2016 a vidé les caves. Et nous sommes naturellement aux rendements autorisés. On ne recherche donc pas à limiter les rendements.
Les vignes anciennes
Meursault 1er cru Perrières
SP: Une attaque douce, moins aiguisée. C'est dense, puissant avec une finale épicée et iodée.
TB+/Exc-
OG: Très beaux arômes citronnés, floraux, de crème pâtissière avec ce côté caramélisé de la crème brûlée juste préparée. En bouche c’est très en place, entre une puissance prononcée soutenir par une acidité parfaitement ajustée. Une allonge sapide, gourmande, avec de beaux amers et caillouteuse. Raah lovely … Un vin complet !
P: Nez se dévoilant peu à peu, mêlant citrus, minérales mais aussi un je-ne-sais-quoi de fruits rouges acidulés type groseille à maquereaux. Grosse tension en bouche avec beaucoup de matière et de volume. Salivant, et pointe saline, micro amers en finale avec de légères notes pâtissières et de pâte d'amande en retro. Excellent ! Exc/Exc+
- Pensez-vous faire évoluer votre viticulture et votre façon de vinifier dans un avenir proche?
- Je suis trop vieux pour faire des changements, nous répond Jean-François dans un grand sourire. La vinif, aucun changement dans ses principes. Avec le changement de matériel peut-être. Le plus grand défi aujourd'hui, c'est de sauvegarder le matériel végétal. Nous n'avons plus que 4-5 vignes antérieures à 1970. Nous travaillons à une sélection massale dans ce sens. Certaines parties de Limozin ont 80 ans et elles produisent jusqu'à 50hl. Nous avons mené une analyse de virologie sur Chevalières il y a peu. Les pieds sont en excellent état. Pas de virose à 50 ans alors que leur environnement comporte des nématodes, vecteurs de virus.
Meursault 1er cru Charmes 2015
"Il est ouvert depuis hier."
SP: Une légère réduction. C'est suave et cristallin dans son entame pour mieux exprimer sa puissance aux travers du clou de girofle. Le vin est bien moins large et moins confit que celui goûté en fût l'an passé. La fin de l'élevage et la bouteille paraissent avoir contribué à étirer le tout en longueur alors que le climat n’est pas le plus étroit. Je regarde camarade Nol tout aussi surpris que je le suis.
TB+
OG: Nez qui me semble un poil réduit. Bouche explosive, tension, large en attaque puis s’arrondit, finale épicée assez longue. Pas de regret pour ceux qui en ont pris !
P: Nez sur un léger réduit/grillé avec des touches de silex frotté, mais aussi des notes citronnées. C'est vif, acidulé, friand en bouche avec de la matière et une belle tension. Seules quelques légères épices qui chauffent un tout petit peu en fin de bouche (sur le devant) pourraient nous faire songer à ce millésime. C'est excellent et paraît bien plus tendu que l'an dernier sur fûts. Exc- !
2016 rouge
Jean-François a cette chance de pouvoir faire les 2 couleurs. Et sur la brève période depuis laquelle nous suivons ses vins carmins, je dois avouer qu'ils ont commencé à infléchir mon opinion générale qui dit qu'un rouge de la Côte Beaunoise est plutôt rêche et moins aimable qu'à Nuits (demandez à mes camarades
).
Bourgogne
SP: De la ronce, de la violette dans l'immédiat. C'est léger, contenu, un peu amer et le bonbon violacé revient en finale. Seule la consistance plus fine trahit son appellation. Vendiou que c'est bon.
B-
OG: Un poil réduit, puis sirop de grenades, ronces. Bouche croquante, puis un poil amère en finale.
P: Nez floral (rose, pivoine) et pointe végétale (ronce). Glisse en attaque, assez frais puis accroche un peu en milieu de bouche. L'acidité est assez haute. Assez léger. Très légères touches végétales/petits amers en finale. À mon goût, mieux que 14, un peu moins "évident" que 15. B
Chassagne Montrachet
SP: Un nez bien plus réservé et peu bavard. La bouche est à l'opposé: pleine de gourmandise. De la fraise, de la groseille, de la mûre.
B
OG: Marqué par une amertume qui m’a semblé un peu trop présente à mon goût, j’ai trouvé ce vin assez rustique et trop peu aimable en l’état.
P: Nez plus réservé, "sérieux", plus "sombre" avec notamment quelques fruits noirs (mûre). Accroche aussi un peu plus en bouche. Fait un peu plus "rustique" en l'état, plus austère. Retro florale. Quelques petits amers / touches végétales en fin de bouche. B-
Meursault Clos des Mouches
SP: Quelle soie en bouche! C'est long, aérien et presque évanescent. Une pointe amère ponctue la finale.
TB-
OG: Nez profond de cerise et cerise griotte. La bouche possède un caractère alliant acidité et amers. Potentiel qui demande à se fondre.
P: Un peu de volatile au nez avec une petite pointe cuir, puis fruits rouges. Jolie bouche avec une acidité enrobée, un peu plus de matière mais des tannins assez souples. Le nez est un peu difficile mais la bouche et la structure jolies. B+
Si tous mes camarades semblent particulièrement apprécier cette cuvée, ces petites notes animales sont encore un peu trop en devant pour que je puisse apprécier pleinement.
Nous apercevons la relève du domaine.
- Vos enfants souhaitent-ils prendre la suite?
- Mon fils est au lycée viticole.
- Il va apprendre pour mieux désapprendre?
- Il est important qu'il apprenne à faire du vin sans risque. Il pourra décider en conséquence ensuite. Et il apprendra toute sa vie ensuite.
Beaune 1er cru les Bressandes
SP: Du croquant à revendre, de la confiture de fraise. Une légère âpreté vient équilibrer la composition. Dans un style différent
TB-
OG: Nez en retrait, puis fruits rouges murs. Beau vin à l’acidité haute, avec une matière présente sans agressivité, ronde. Finale saline qui demande d’en reprendre.
P: Nez assez discret sur les fruits noirs, un peu plus mûrs que les précédents, mais aussi quelques petites épices. En bouche, un peu plus de maturité ressentie aussi, avec une belle matière, présente plus sous forme de mâche que de tannins saillants. Jolie bouche. Fait un peu plus "côte de nuits" que les précédents. J'aime bien. TB-
Moi qui pensais que 2015 faisait la qualité des rouges par ici. Il faut croire que 2016 ne les laissera pas de côté... ou alors c'est peut-être parce que le vigneron y est pour quelque chose...
Et parce que Jean-François apprécie toujours partager des vins plus anciens…
Vin mystère 1
SP: Ca champignone. Il y a des touches mellifères. Le vin possède déjà quelques années
B+
OG: Nez évolué, encaustique (me rappelle des Chablis de Dauvissat entre 2 âges, c’est à dire vers 10 ans). Bouche ronde, enrobante, riche.
P: Nez de quelques années avec des épices douces, un début de notes oxydatives, pointe de pralin et encaustique mais aussi de jolies notes briochées. La noisette revient en bouche, avec une matière toujours présente, une belle vivacité, et quelques petits amers en finale. Des épices également. Le nez pouvait faire craindre le pire, mais la bouche reste bien en place et le vin a somme toute bien passé ses annéesTB-/TB
Au jeu de la devinette, je ne vous donnerai pas mes pronostics tant ils étaient éloignés
Meursault Chevalières 2005
Vin mystère 2
SP: Des effluves de sous-bois (le fameux). De l'acidité, de la fraîcheur, un côté salin. Et le miel commence à se manifester
TB
OG: Fruits et fruits secs. Bouche tendue et iodée. Très beau vin. Il s’agit de Perrières 08, découvert en deux lampées par notre Christophe national !
P: Le nez est beaucoup plus jeune, avec ses notes briochées et de citron un peu confit. Des notes exotiques bien présentes aussi. Ça me plaît bien. Du peps en bouche avec de l'acidité, des notes iodées et de nouveau un peu de citrus en finale. De la matière, soutenue par une belle acidité et une finale un peu saline. De mieux en mieux avec l'aération… Exc- !
Meursault 1er cru Perrières 2008
OG: La visite de l’an dernier avec la dégustation des 2015 m’avait laissé l’impression de vins agréables mais qui manquaient un poil d’acidité pour imposer leur caractère. Deux leçons à tirer de cette dernière dégustation. Primo, les 2016 se présentent très bien, avec des profils aromatiques et des structures complets et notamment sans lourdeur aucune. Et deuzio, le Charmes 2015 en bouteilles nous a entièrement rassurés sur ce millésime, ce qui nous conduit forcément une nouvelle fois à relativiser : toutes instructives que soient les qualités d’un vin dégusté sur fûts, il ne s’agit que d’une photographie d’un processus en pleine mutation, et la vérité ne se retrouvera que plus tard, parfois bien plus tard, dans la bouteille.
SP: C'est un Jean-François Germain en grande forme et tout en sourire que nous avons eu. N'imposant jamais son avis, il était grandement à l'écoute des nôtres.Sans l'ombre d'un doute, une grande réussite sur 2016. Une consoeur à Meursault nous partageait son admiration pour les vins de Jean-François « Le meilleur à Meursault, c’est lui. Ses travaux dans les vignes, la régularité de ses vins. Après quelques années, ils sont somptueux. ». Nous ne pouvons pas la contredire.
NDLR: Je remercie au passage mes 2 camarades pour leurs précieuses notes qui font la richesse du forum ici.