DOMAINE DE LA CRAS
Domaine de La Cras
Marc Soyard
21370 Plombières-lès-Dijon
Côte d’Or
Portable : +33 (0)6 71 68 07 63
Mail : domainedelacras@marcsoyard. fr
Coordonnées GPS : Latitude : 47.339644 - Longitude : 4.972158
domainedelacras.marc...
Horaires des visites :
Visites sur rendez-vous du lundi au dimanche (fermé les jours fériés et pendant les vendanges).
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Le domaine de la Cras, le Far West dijonnais
On arrive ici comme au bout du monde. A croire qu'on a pris l'avion pour les paysages étendus, sauvages, presque sans traces humaines, à l'abri de l'accaparement, du bruit et de la fureur. On se croirait sur les grandes plaines américaines, en Arizona. Quelques réminiscences de Joe Dassin pointent à mon oreille... « L'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir... »
Mais très vite, c'est l'association avec le film Into The Wild de Sean Penn qui s'impose, les romans de Jack London, l'aventure, l'errance, Stone et Charden, sans Charden, parce qu'il est trop bronzé et que l'Aventura, c'est la vie qu'il mène avec elle, et que là, y a rien que du sauvage.
Pour le temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, Eric Charden, c'était lui.
Etonnant de retrouver un tel paysage à quelques kilomètres à vol d'oiseau de Dijon ! Je songe encore à cette phrase phare du film
Into The wild « faire de la raison le principe de toute chose, c'est détruire toute possibilité de vie. » Rationalité à outrance, optimisation des moyens, protocole, cette phrase nous dit, bien sûr, également quelque chose du monde du vin, en faisant du vin une question technique, scientifique, sous prétexte que le terroir est une notion équivoque, voire réductible à du marketing, donc encore à une question technique. Vin d'appellation contre vin d'auteur ? L'alternative est-elle si simple ? Oui, elle l'est manifestement, à en croire le débat récent entre Michel Bettane et le domaine De Moor sur cette question. Dans les vins d'appellation, on sait ce qu'on boit et on boit ce qu'on sait. Les vins d'auteur proposent autre chose, parfois à l'antipode de la dynamique des appellations. Pire ou mieux, ils peuvent l'interroger, la remettre en cause, la dynamiser ou la dynamiter.
J'ai déjà remarqué qu'en Bourgogne les vignerons qui me parlaient le plus de terroir étaient ceux qui utilisaient le plus de technique, à commencer par la celle du sulfitage : méchage de fût, « protection du vin » par le soufre, l'oxydation des vins blancs fin des années 9O a engendré une politique de protection du vin, où « le vin prend ce qu'il veut ». Ici s'est imposé un principe rationnel et uniforme dont on peut discuter des conséquences. Il faut limiter les risques, l'aventura est d'un autre temps, la sécurité pour tous est la mamelle légitime du progrès. L'égalité devient l'uniformité. La technique dicte le vin et n'est plus moyen, mais fin en soi. On peut faire du grand vin partout parce que la terre n'est nulle part. On l'invoque pour vendre plus cher, mais sans la faire parler.
La modernité (j'entends par ce terme la démarche qui cherche à résoudre définitivement tout problème par la technique) n'aime pas la nature parce qu'elle ne peut la réduire en algorithme mathématique, alors elle préfère l'évacuer. Conséquence non négligeable, l'uniformité permet de noter un vin. Une note, ça rassure le consommateur, c'est un gage de qualité. Entre 88 et 92 sur 100 quand c'est une appellation village, entre 92 et 94 quand c'est un premier cru, au dessus de 94 quand c'est un « grand » cru. Les notes sur 100, c'est comme le tube de l'été, sauf qu'on n'a ni le tube, ni l'été. Les notes sur 20, c'est comme le verre plein, sauf qu'on a le vain sans le vin.
« Chacun son métier » me disait un vigneron starisé, quand je lui faisais remarquer le mécanisme systématique des dégustateurs professionnels, dégustateur tellement bons que c'est eux qui ont raison parce que la raison est principe. La raison a-t-elle toujours raison ?
Face à cette démarche générale s'élabore une contre-culture du vin qui prend le risque de remettre en cause le rapport de la technique au vin. Parfois le résultat est magnifique, époustouflant. Mais on prend le risque de présenter un vin imparfait, voire raté, un vin au goût de pomme, le vin Beethoven (prononcez bite au vent pour les tenants du bio) : « pomme ! pomme ! pomme ! pomme ! » pour les blancs, un vin dominé par le gaz et l'écurie pour les rouges.
Parfois encore, on caresse l'odeur de l'urée et de l’ammoniac, l'odeur de vacances des aires d'autoroute comme l'attestait un merveilleux post de l'ami Vougeot sur une inoubliable Coulée de Serrant 2001.
A l'extrême règnent, ici, des principes qui semblent relever de la magie, noire ou blanche, de l'irrationalisme à outrance, une volonté d’obscurcir contre le fait de réduire. Superstition contre technique...
On entend parfois, à juste titre, ce credo : on peut faire du grand vin partout parce que c'est l'homme qui transforme la terre en terroir. Jadis, on avait dit à Henri Jayer que le Cros Parentoux était une terre impossible pour faire de grands vins.
Il faut donc en revenir à ce qu'il y a dans le verre...de vin. La critique de la technique ne doit pas devenir une technique, un faire sans savoir, une méthode inexplicite. Elle serait alors enfermement et non ouverture à... Moyen et non fin en soi.
Marc Soyard me semble incarner ce juste milieu qui n'est pas le consensus mou du prêt-à-penser, ni du faire sans savoir. Il a repris le domaine de la Cras dans cet univers sauvage. Je n'y vois nul hasard, étant donné sa formation. Formé sans être formaté aux principes de vinification et de vendange du domaine Bizot (voir mon déjà vieux post sur les vendanges au domaine Bizot), Marc veut prendre des risques. Certains diront qu'il est plus facile de prendre des risques quand les appellations ne sont pas ronflantes. Possible, mais dans ce cas, les appellations ne sont plus dynamiques, mais empêchent la vie même des vins au bénéfice de la toute-puissance de la raison, de la maîtrise. Chaque dégustateur met à l’épreuve cette dichotomie dans le monde du vin et y répond en fonction de son goût.
Je voudrais proposer aux lecteurs une expérience : une dégustation à l'aveugle organisée par un tiers où il ne voit jamais les étiquettes, où il se concentre sur ce qu'est le vin et non sur ce qu'il représente, où il se concentre sur sa rencontre et non sur ses connaissances. Hervé Bizeul avait tenté cela et l'avait relaté quelque part, me semble-t-il. Je crois que c'est une expérience de sens pour savoir ce qu'on boit, pour ne plus mettre en mots sans prendre le risque de faire face au vin en tant que tel.
J'ose une comparaison : ce débat me rappelle celui de l'art abstrait devant le figuratif, celui du rendu émotif contre l'académisme littéraire, celui du langage oral contre la chosification de l'écrit... Le mieux est encore de donner la parole au vigneron.
[size=medium]Interview[/size]
Marc Soyard :
J'ai travaillé au domaine Bizot pendant 6 ans avant de reprendre l'exploitation du domaine de la Cras. Le domaine est constitué d'un peu plus de huit hectares plantés en chardonnay (3 hectares) et en pinot noir (5 hectares). Le domaine est constitué de deux blancs et deux rouges. Je dispose aussi de mes vignes personnelles qui me permettent de présenter une cuvée appelée « Hermaïon »sur une parcelle, planté dans les années 50, située sur la commune de Ladoix mais qui n'est pas classée comme telle. En grec, Hermaïon signifie quelque chose de bien que l'on trouve sur son chemin. J'ai également une parcelle de Haute-Côte-de-Nuits.
Amadeus : Peux-tu nous expliquer ce que signifie le nom du domaine ainsi que ce que tu veux mettre en place pour valoriser le domaine et faire connaître le Coteau Dijonnais ?
M.S :
Il y a plusieurs significations liées à ce terme. Soit ce terme renvoie au terme bourguignon de corbeau. Il y a une autre acception qui renvoie au caillou, à la craie. Moi, je vois le vin comme quelque chose de naturel, de vivant, de non-figé, de sorte que je travaille d'une manière non interventionniste avec une vinification sans sulfite. Mais je ne m'enferme pas sur des principes, j'aime tester comme te le prouvera la dégustation sur fût.
Amadeus : Ce choix n'est pas spécialement évident en Bourgogne, où il y a une tradition du sulfitage massif, surtout après les problèmes des vins oxydés, fin des années 90, où l'on n'a pas réellement trouvé une cause précise, où les causes semblaient multi-factorielles (batonnage, problème de bouchons, etc.), comment expliques-tu ton choix ?
M.S :
Par rapport à l'oxydation des blancs, il est clair que, pour moi, les vignerons ont trouvé une solution technique dans le fait de sulfiter davantage et de penser un sulfitage essentiellement en terme de protection. Pour moi, c'est repousser le bébé à dix ans ! Comme les raisins sont le plus souvent vendangés en sous maturité, c'est une bombe à retardement, l'oxydation viendra beaucoup plus tard. Je pense qu'on en reparlera. Pour moi, on sulfite trop tôt, en moûts, de sorte qu'on fragilise le vin, c'est un beau paradoxe.
Amadeus : Quel vin veux-tu faire ? Que veux-tu proposer à ceux qui viennent au domaine ?
M.S :
Mon ambition est de faire un grand vin sur un terroir méconnu et non valorisé par la dynamique des appellations. Tout est à faire ! Le projet est passionnant ! Le domaine appartient au Grand Dijon qui souhaite recouvrer leur passé viticole inhérent aux Ducs de Bourgogne.
Amadeus : la plupart de tes vins sont encore en fûts, à l'exception de ton rosé, quand vas-tu pouvoir proposer tes vins en bouteilles ?
M.S :
Les cuvées d'entrée de gamme seront disponibles à l'automne, les autres cuvées au printemps 2016.
Amadeus : le domaine de la Cras est très retiré. On se croirait au bout du monde. Il y a un côte far-west. Comment vis-tu ce retranchement ? Est-ce un choix, une volonté conscient ou quelque chose que tu subis ?
M.S :
On est à dix minutes du centre-ville de Dijon et, en même temps, on est complètement isolé. Le fait de ne pas avoir de voisins quand tu veux travailler en bio constitue un atout indéniable.
Amadeus : Si tu avais à résumer ton rapport au vin en une phrase, que dirais-tu ?
M.S :
Pour le domaine, ce serait respecter son terroir, les gens qui m'entourent et travaillent avec moi. La meilleure manière de les respecter, c'est de produire des cuvées hautement qualitatives.
[size=large]La dégustation sur fûts et en bouteilles[/size]
Marc teste plusieurs méthodes de vinification, nous goûtons les vins comme tels :
- Rosé 2014 (bouteilles), 100% pinot noir : pressurage direct, vinification sans soufre. Nez floral. La bouche déploie des fruits à chairs blanches avec un côté bonbon, légèrement réglissé, très sapide avec une légère amertume.
Les Blancs
1ère cuvée avec quatre types d'élevage :
Bourgogne 2014 : nez foin, beurre, avec un côté lardé. Bouche tendue sur le lard et le foin. Prometteur.
Idem sur fût neuf : nez sur le citron avec une bouche sur le citron vert et des notes d'élevage.
Idem sur fut d'acacia : nez un peu plus fermé. Bouche très fumée, lardée.
2ème cuvée : nez beurre et brioché avec un côté citronné. La bouche est un peu serrée avec un vrai fond et une longueur étonnante. Vraiment prometteur.
Les Rouges (testés avec des méthodes différentes de vinification)
1er vin :
Raisins éraflés et legèrement sulfités : nez noyau de cerise. Bouche du même acabit avec une netteté patente et une mâche évidente.
Grappes entières, sulfitage minimal : nez sur le gaz. Bouche gazeuse sur les fruits rouges à noyau. En gestation.
Assemblage final : nez sur le gaz. Bouche sur le gaz et le noyau de cerise. Idem.
Sélection massale : nez cerise griotte. Bouche saline avec une pointe de caramel.
2ème vin :
Sans soufre ajouté : nez cerise avec une pointe de lard. La bouche est sur le même acabit avec un beau volume.
Vignes Personnelles :
Cuvée Hermaïon 2014: nez kirché. Bouche magnifique sur les fruits rouges avec un côté fumé sur la ronce. Vraiment prometteur.
Haute-Côte-de-Nuits : Nez et bouche sur le végétal. A revoir.
Cuvée Hermaïon 2013 (en bouteilles) : nez rose, rafle, fruits rouges. Bouche en dentelles avec un fond mentholé. Déjà très sapide.
Aide pour les photos: Gildas Planchon - Go LPV Haute-Normandie.