starbuck écrit: Vincent, un labour c'est environ 30 cm avec des variables selon le réglage de la charrue.
Par contre, opposer "les méchants" qui labourent et appauvrissent les sols aux "gentils" qui préservent la richesse des sols en pratiquant le non-labour est assez réducteur.
Nous l'entendons souvent dans la bouche de ceux qui ont simplement lu un article ou vu un reportage orienté sur le sujet.
En culture céréalière biologique, le labour est utile pour maitriser les adventices.
En culture céréalière sans labour ( agriculture de conservation), le glyphosate est nécessaire dans de nombreuses situations.
Autre exemple, dans le cas d'un blé implanté derrière maïs, le risque de maladie est bien plus élevé si les résidus de maïs n'ont pas été enfouis et c'est en labourant qu'on y parvient le mieux.
Perso, j'ai une charrue, un chisel ( outil à dent) et un déchaumeur à disques. N'appartenant à aucune chapelle, j'adapte la conduite en fonction des conditions de l'année.
Pour revenir aux vignes, je n'ai aucune compétence en la matière mais quand je vois la conduite du DRC et des Meursault Perrières de Coche-Dury, de Bouzereau, de Comte Lafon ( pour citer ceux dont j'ai un peu observer les parcelles) , je me dis que vu les vins qu'ils arrivent à sortir, ils ne doivent pas faire trop d'erreurs sur le terrain.
Merci, Sylvain, pour le partage de ces informations.
Effectivement, j'avais en tête hier soir le "massacre" vu dans un reportage sur Claude et Lydie Bourguignon. Je me doute bien, comme l'a souligné Agitateur, qu'il existe une voie médiane entre les travaux publics et le sarclage.
Evidemment, je n'ai aucune connaissance en matière agronomique. Rien. Rien du tout. Je n'ai d'avis sur les cultures que ce qui m'est fourni par un prisme très auto-centré : ne pousse dans mon jardin que ce qui veut bien y pousser, sans l'aide d'engrais ni de pesticides.
La vision que j'ai partagée hier soir est probablement trop romantique. Trop idéale ; voire idéaliste.
Mais cela ne m'empêche pas d'avoir des idées. Mon pied de vigne n'a jamais vu l'ombre d'un traitement. Il s'épanouit sur un sol extrêmement maigre, à l'ombre d'une haie de thuyas, au milieu d'un champ d'iris et de graminées qui, n'en doutons pas, lui font subir une forte concurrence.
Il n'a jamais vu le passage d'une binette. D'une poignée d'engrais. D'une pulvérisation de bouillie bordelaise. Pas de cavaillonnage et de décavaillonnage. Depuis plus de 20 ans, il se développe, prend de la place et, si je l'avais laissé faire, aurait colonisé les cages du FC Rouen, pourtant situées à 1 km du Clos. Il n'a jamais vu la trace de mildiou et laisse l'oïdium à la monnaie-du-pape toute proche. Comment expliquer ce bien-être pour le moins... envahissant ?
Cette année, je m'attends à une récolte record. Comme d'habitude, rien ne sera mûr. On s'en fout, ça plaît aux Anglais
. Nul doute que je pourrais arriver à un résultat plus qualitatif si je m'en donnais les moyens mais, à vrai dire, je laisse cela aux spécialistes. Il faut savoir rester à sa place.
Tout ça pour dire que mon Muscat, laissé à son sort dans un environnement défavorable, s'épanouit avec grâce.
Abordons le sujet des grandes cultures vivrières.
Ma vision est celle de quelqu'un qui n'a pas de problème pour se nourrir puisque d'autres, par leur labeur, me permettent de cultiver mon embonpoint. Je ne sais pas si je dois leur en être reconnaissant, mais j'avoue qu'il est plus facile d'avoir des idées sur la façon dont les choses devraient être faites lorsqu'on a le ventre plein plutôt que lorsqu'on crie famine. En tout cas, les idées seraient probablement radicalement différentes.
Cela me rappelle le sujet d'un oral passé il y a désormais 20 ans :
- "
Devons nous manger... comme le bétail".
J'avais fait une brillante démonstration en citant TRICATEL, dans
L'aile ou la cuisse. Elle m'avait valu l'hilarité du jury et mon concours. Jury qui, au cours de la discussion, avait néanmoins tempéré mes positions pro agriculture biologique en me disant que le débat sur les OGM était un problème de riches. Que si l'on trouvait le moyen de faire pousser du sorgho ou du maïs sans eau en Afrique, les populations locales seraient heureuses d'avoir à manger. Cette phrase raisonne en moi comme au premier jour. Fin de la parenthèse.
La culture des céréales, telle qu'elle est pratiquée, me permet d'acheter des pâtes à bon prix et du pain très cher pour financer les palaces des boulangers
. Mais elle me fout les j'tons à un point que tu n'imagines pas.
Viens faire un tour dans le pays de Caux. Viens voir ces blonds champs de blés aussi vivants que les dunes du Sahara. Pas un oiseau. Pas âme qui vive. Un océan de grains clonés, une mer céréalière qui sera vite remplacée par des cultures d'hiver, elles-mêmes mises à mort par le déversement de centaines de litres de round-up sur des centaines d'hectares devenus la caisse de résonance des vents d'hiver. Et le réceptacle des précipitations.
Des terres lisses comme la peau de mes roustons, transformées en mares dès que les pluies sont un peu fortes et un peu longues. Avec, pour pénitence, l'impossibilité de boire l'eau distribuée par le réseau public. La voilà, la réalité de l'agriculture céréalière en Seine-Maritime. Pas une hirondelle, pas un insecte. rien. Une terre du vide, du néant qui, pourtant, permettra de nous nourrir l'année suivante. Le voilà le paradoxe.
Honnêtement, Sylvain, je ne fais pas le mariole. Pour tout t'avouer, j'ai même écrasé quelques larmes en revenant de ma parenthèse enchantée à Fécamp.
Tu me répondras - et je serai d'accord avec toi - que la Seine-Maritime n'est pas la France et que, chez toi ou ailleurs, il est encore normal de voir des hirondelles voleter agilement entre tes bêtes. Qu'elles nichent au coin de ta fenêtre ou dans ton étable. Je l'entends ! Mais permets-mois aussi de te dire que, chez nous, la réalité est effrayante. Nous vivons dans un monde mort où la seule animation consiste à voir, au loin, un John DEERE énorme, creusant des sillons dans une terre splendide mais... vide.
Et puisque tu parles des adventices qui entrent en concurrence avec les céréales, j'aimerais tant revoir, avant ma mort, des bleuets et des coquelicots au milieu des champs de blé. Juste une fois. Avec ça et la coupe Webb-Ellis brandie par le capitaine du XV de France, je partirai tranquille.
Maintenant, puisque nous parlons de vigne, de vin, je comprends qu'il n'y ait pas de solution miracle.
Je comprends que la vigne est un végétal revêche qui a besoin d'être canalisé, dompté, soumis. Dans des proportions plus ou moins grandes puisque Lalou BIZE-LEROY ou Jean-Michel COMME ont développé des manières culturales moins expéditives que le traditionnel rognage mis en oeuvre un peu partout. Et qui donnent aussi des résultats. Tout comme celles de Patrick ESSA donnent des résultats. Et plutôt bons à en juger par les comptes rendus plutôt positifs dont ses vins font l'objet.
En tant qu'amoureux du vivant, tiraillé entre le besoin de bien boire et la nécessité d'envisager le monde d'après, je donnerai toujours la primauté à un vigneron qui travaille ses vignes proprement plutôt qu'à celui qui laisse faire les molécules plus que de raison.
J'aime voir les photos du Clos Velicane, d'Irouléguy ou de Jurançon. J'aime voir la terre griffée par un cheval à Sancerre ou en Bourgogne. J'aime voir de l'herbe, des cultures de fèves dans les vignes de Bolgheri. J'aime voir des vignes travaillées juste ce qu'il faut. Des vignes vivantes. Elles me parlent plus que les autres.
C'est peut-être romantique, c'est peut-être hors de propos, mais c'est ma façon d'envisager la viticulture. Laisse-moi au moins ce plaisir.