Direction Gevrey domaine Sylvie Esmonin, quelque peu dépitée suite à un passage orageux et grêle relativement important 2 jours auparavant. 70mm d’eau en 2 x 30 minutes sur 2 jours, Gevrey semble avoir été la seule commune aussi touchée (Brochon épargnée, le bas de la cote de nuit également). Comme nous le faisait remarquer Sylvie les premiers orages tracent généralement les sillons des futurs à venir sur l’année, vu la typologie de la parcelle un gros travail de remontage des sols devra être effectué, la grêle a bien touché les feuilles mais les fleurs semblent avoir été protégées, pénétration d’eau par capillarité dans la cave bref, Sylvie a connu des jours plus faciles et cléments.
Allez, direction la cave pour une dégustation sur fûts des 2020, dont les malos sont en cours. Sylvie nous explique avoir une cave relativement fraîche, l’avantage c’est que les malos sont lentes, désavantage c’est qu’en période de dégustation là ou d’autres ont terminé leur malos Sylvie elle doit se fendre d’une pointe de réduc.
Nous gouterons la quasi-totalité des cuvées,
Bourgogne, Gevrey, Gevrey VV jusqu’au mythique
Clos St Jacques. Malos ou pas en cours, je trouve que ça goutte pas mal (si on fait abstraction du millésime dont je suis pas un grand fan), y’a du jus. J’aime ce côté charnel dans les vins de Sylvie, mais surtout la patte de la vigneronne qui préfère faire des vins différents / de garde que coller aux standards habituels. Les vins de Sylvie transpirent sa personnalité, la sincérité, le travail, l’opiniâtreté. Nous terminerons la dégustation en bouteilles, ou Sylvie aura la gentillesse et générosité d’ouvrir 4 bouteilles sur des millésimes plus anciens (2015/6 majoritairement, dont un clos saint jacques) pour nous laisser en disposer pour notre soirée à venir (au cas ou il en aurait manqué on sait jamais…).
Nous évoquerons avec Sylvie les difficultés rencontrées, la transmission (sujet d’ailleurs assez récurent en ce moment en Bourgogne, ou majorité des « enfants » doivent s’endetter copieusement pour racheter les terres de leurs parents), une discussion simple, honnête, profonde, à couteaux tirés. Cette rencontre avec Sylvie m’a touché, une vigneronne au grand cœur, qui passe et a passé le plus clair de son temps à la vigne j’imagine au détriment d’autres chemins de vie.
Il est quelle heure là ? Oula ! Mais il est temps d’y aller. Nous avons convié Jérôme Castagnier ainsi que le duo de choc Bra et Flo au gîte, sans savoir que nous nous apprêtons à passer une soirée mémorable en tous points.
Petit temps pour un run quand même qu’est ce que vous en pensez ? On chausse les shoes, et on profite de la route des grands crus au départ de Morey jusqu’à Gevrey, au détour de parcelles mythiques ;
Première pour moi, ce run du soir en bordure de cette magnifique bourgogne accueillante et chaleureuse est une dégustation à elle seule. Pas le temps de prendre une douche, je croise Jérôme qui ne restera pas car avec ses enfants ce soir là, nous restent nos deux compères de choc(s) rencontrés la veille Bra et Flo ainsi que Luc le cousin de Pins, trois personnes rencontrées depuis 24h mais avec qui le courant passe tellement bien qu’on a l’impression de se connaître depuis des années.
Pattés en croute en tous genres, Tournedos de bœuf au grill (jamais un tournedos n’aura été aussi tendre en supermarché, tu me diras à 40€ le kilo il pouvait l’être), potatoes au four, chaussettes disposées, c’est calé. On attaque la dégustation en Zaltos Bourgognes / Unis sur un
Cristal Roederer 2012. Toujours un bon moment passé sur Cristal, c’est vineux, notes briochées, en pleine fougue, mais terriblement frais et long en bouche. La finesse de la bulle n’a d’égal que cette « vinosité » si caractéristique de cette cuvée (en témoigne des bouteilles de 20 ans qui n’ont plus de bulles mais restent excellentes à la dégustation).
On enchaîne sur les blancs. Pour l’anecdote, je souhaitais absolument gouter un
Montrachet. J’avais « misé » sur une bouteille de
1996 du domaine Jacques Prieur aux enchères il y a deux ans dont niveau comme bouchon et « aspect couleur » étaient honorables. Ceci étant dit, aux enchères, 25 ans de garde, à tout moment c’est du Chardonnien. Convenu donc avec la tablée, j’ouvre cette bouteille « non aveugle » dans le doute qu’elle soit fumée, et ai réservé une autre bouteille dans le doute.
Malheureusement (ou heureusement c’est selon), ce Montrachet s’avèrera être stratosphérique. A l’ouverture un joli plop nous cueille, la robe d’une jaune / vert fluo semble laisser présager du bon, voir du très bon, le nez malgré cette petite pointe de foie gras (je trouve) caractéristique de bouteilles « âgées » laisse transparaître une excellente conservation. Pour beaucoup si ce n’est tous, c’est une première sur ce climat, le moment est déjà saisissant. Bra me confie en avoir des frissons quand après sa première gorgée, il comprend comme nous tous que ces arômes évolués sont magnifiques, que l’attaque reste vive, que la matière est en place, enrobante, tapissante, la tension toujours perceptible et offrant une longueur plus qu’honorable pour un vin qui a passé 25 ans de sa vie en bouteille. Grand vin.
Le moment est incroyable, hors du temps. Les minutes passent, un ange aussi, le crachoir s’éloigne. Les hostilités d’une dégustation hors normes sont lancées.
La transition du Montrachet n’était pas chose aisée. Que nenni, le
Chablis Grand Cru Les Clos cuvée l’authentique 2015 du domaine Pinson assurera une parfaite jonction de dégustation. Pour beaucoup impossible de situer ce vin à Chablis, tant il sonne plus Beaunien que Chablisien. L’aromatique est en place, pas ou peu de salinité, un côté extrêmement gourmand, des amers bien intégrés, une matière en place et une superbe persistance aromatique avec cette rétro caramel (ou hydromel, voir beurre salé pour certains), je suis un grand fan de cette cuvée / ce domaine. Pour mémo CR ici ;
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Transition surprenante, avec
Latour de Curon Le Clos 2017 de Bénédicte et Stéphane Tissot. Cette bouteille aura donné du fil à retordre aux dégustateurs
qui se vautreront tous royalement avertis. J’étais pour ma part sur un vin type Clos St Hune, sur la piste de l’ami Pins qui trouvait un côté terpénique après avoir passé un bon moment sur Puligny / Meursault (un peu typé Vincent Dancer). Faut reconnaître qu’à l’aveugle le baromètre de l’humilité se remet naturellement à sa jauge de base, laissant une chance pleine et entière à tous concurrents, qu’elle que soit la valeur pécuniaire de la bouteille. Ce vin nous aura mis à tous une grosse claque, de l’aromatique à la tension en bouche pour conclure par une finale extrêmement longue, sapide et fraîche quasi perlante / nature typée Jura (forcément à étiquette découverte ça va mieux). C’est simplement excellent.
Diplomate d’empire, Comte Abbatucci 2017. A l’aveugle tout le monde se dirige très vite vers le sud. Italie, Espagne, Corse, c’est Corse ! Pas le plus objectif sur ce type de vins, extrêmement bien fait au demeurant mais qui appelle un met au risque d’être trop « pataud » dégusté pour lui-même. Une belle rencontre tout de même.
Domaine de Montcalmes 2009, dégustation utile. Utile dans le sens où celle-ci nous a démontré à quel point nous sommes tous
cons bêtes de déguster nos Montcalmès en jeunesse. Le fruit est conservé, la syrah à un superbe plateau de maturité, épices, matière, tout se fond sur des notes onctueuses mais fraîches sur un millésime pas nécessairement facile en Languedoc. Magnifique.
Château Rayas 2007, Flo et moi partons sur Richebourg immédiatement, c’est dire la finesse du nez, de la bouche, la puissance contenu et le toucher de ce purulent étron. Je ne trouve aucune trace alcooleuse, pas l’un des convives ne cite Rayas tant ce 2007 est finesse, délicatesse, au nez comme en bouche. Longueur exceptionnelle, nul doute c’est un grand vin sur son apogée (ouverture h-24).
Ce Rayas 2007 est tellement magnifique que je suggère à la tablée de faire une petite transition sur les vins laissés gracieusement par Sylvie ESMONIN, de manière à ne pas dilapider la dégustation suivante.
Domaine Armand Rousseau, Chambertin Grand Cru 2013. Le saint-graal. J’avais contacté le domaine avant achat de cette bouteille pour m’assurer que 13 puisse se goûter. Réponse favorable, je ne pouvais rêver meilleur moment pour partager cette dernière. A l’ouverture déjà (5 heures à l’avance), j’avais pris 30 pulsations minutes. Le premier nez s’échappant de la bouteille me laissait entrevoir quelque chose de grand, mais j’étais pas loin de l’AVC au moment de servir la tablée dans le doute que la bouteille usurpe son rang. Les échanges de regards fusent au premier nez, comme au deuxième, les sourires se tendent sur les visages après avoir grumé et tous décidés de ne pas cracher ce nectar. Ce vin a tout, l’aromatique (notamment ses épices, ce côté mentholé également), l’attaque, la profondeur, le toucher de bouche, le soyeux des tanins, finesse, pureté, délicatesse, racé et puissance noble, la persistance aromatique, tout est perfection, rien n’est laissé au hasard. Nous sommes en bourgogne, certains évoquent Chambertin, mon sourire en coin et ma béatitude difficiles à cacher, je décide de découvrir l’étiquette. #danse_de_la_joie, grand vin qui n’a en rien usurpé son rang. La bouteille vide sera précieusement remise à Flo et Bra pour immortaliser leur soirée en notre compagnie, une garde partagée de 6 mois l’un / 6 mois l’autre semble avoir été actée entre les deux lurons.
Allez, on se remet de ses belles émotions, et on enchaîne avec un
château Carbonnieux 2009. La bouche est massive et puissante, ça sent le chaud, la puissance et l’austérité. Le nez comme la bouche laissent néanmoins envisager de belles promesses, mais en l’état à moins de carafer longuement, je l’ai personnellement trouvé assez fermé. A revoir dans 5 ans minimum.
On reste sur Bordeaux avec un
Château Margaux 1995. Quelle finesse, quelle précision, le nez, la bouche, la persistance, la profondeur de la matière, ce château margaux 1995 est à son apogée. Pour mémo précédent CR déjà commenté ici ;
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On enchaîne sur les Moelleux avec un magnifique
Vouvray Le Mont Moelleux du domaine Huet 2017. J’adore le domaine Huet, pourquoi ? Ce côté aérien, outre la partie aromatique avec ce côté très litchi, en bouche le toucher est aérien, c’est léger, ça glisse, gouleyant en restant sapide, de la fraîcheur en barres. CR déjà commenté ici sur 09 ;
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Conclusion sur un
Yquem 1998. Pour moi pas le plus grand des Yquem, mais le plus représentatif et « frais » je trouve. Les notes de Safran sont très largement perceptibles, tous les marqueurs du château (mandarine, fruits exotiques…), c’est fin, c’est frais, ça glisse, c’est beau. Il y a des pours et des contres, mais j’ai personnellement rarement été aussi séduit que par ce château, à l’aveugle, ou pas. CR déjà commenté ici ;
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Il doit être 2 heures du matin, Bra nous initiera au sabrage de champagne avec un couteau à beurre, technique ancestrale importée du Japon par des Samouraïs
bourrés aguerris. Ca faisait bien longtemps que j’avais pas ri autant.
A ce sujet de fausses vidéos tournent sur Internet, mettant en exergue le jeune prodige à l’ouvrage. Je tenais à vous dire qu’elles sont toutes fausses, nous avons bien plus rigolé que ça.
Une soirée hors du temps, une rencontre inopinée avec Flo et Bra, c’est aussi ça le vin, magnifier des rencontres, des tranches de vies, cette soirée restera pour moi gravée à jamais. Quelle heure il est ? 2h45, ah oui, dodo, un autre réveil à 07h nous attend le lendemain…
On a super bien temporisé.