J’avais proposé d’organiser cette dégustation pour mon club d’Amphores de Bourges et il m’est apparu évident de m’appuyer sur le caviste qui est le meilleur connaisseur de cette belle région : j’ai nommé Laurent Chénier (Beaujoloire) dont le site et les commentaires sur LPV sont documentés de façon très pointue.
Il m’avait donc fait des propositions et j’en ai tiré une sélection mais sa cave est tellement bien fournie en belles références, y compris de millésimes à point, que nous aurions pu organiser trois séances équivalentes !
Basé à Ineuil, dans le sud du département du Cher, je l’ai naturellement invité à présenter les vins de la dégustation.
Il n’était malheureusement pas disponible et de mon côté un gros rhume m’a fortement handicapé. En fait ce sont les arômes que je n’ai pu détecter facilement et je me suis donc basé sur les avis des participants qui se sont exprimé pour les commentaires repris ci-dessous.
Ce n’était cependant pas au point de rater la seule bouteille bouchonnée sur les 27 (on vérifie à l’avance l’absence de problème puis on « assemble » les trois bouteilles de chaque cuvée dans des carafes), et je pense avoir bien perçu les structures des vins (rondeur, acidité, toucher, tanins, longueur, …).
On commence toujours les dégustations d'Amphores par un vin « mystère », le but étant d’essayer de découvrir à l’aveugle le cépage majoritaire ou unique de la cuvée.
Celle-ci est en général en dehors du thème de la dégustation mais a parfois un lien avec elle. J’avais initialement prévu un Beaujolais blanc, car certains n’en ont jamais dégusté, mais je me suis dit que c’était un peu trop facile…
Domaine Bideau-Giraud (Bid'Gi) – Muscadet de Sèvre et Maine – Grand Mortier Gobin – 2015
La robe est de couleur paille.
Le nez plutôt intense mêle des fruits blancs, sur la poire, à des notes pierreuses, avec une touche citronnée.
La bouche est dans la même veine, combinant un profil minéral, assez droit et long, à une rondeur gourmande, jusqu’à une finale tendue, persistante et saline.
Bien ++
Cela n’a pas raté : la majorité a cru qu’il s’agissait d’un chardonnay et une toute petite minorité a dit que cela n’en était pas, sans pouvoir détecter la provenance.
Bon, c’était quand même du melon de Bourgogne !
La dégustation a été axée sur les quatre grands crus (en tout cas ceux qui d’après moi ont le meilleur potentiel de vieillissement) que sont Fleurie, Côte-de-Brouilly, Morgon et Moulin à Vent, et a exploré différents types de vinification.
Nous allons commencer par quatre vins du millésime 2018 avant de remonter un peu dans le temps.
Domaine Georges Descombes – Régnié – Vieilles vignes – 2018
On commence par un des « maîtres » des Beaujolais natures.
Macération carbonique intégrale, élevage en fûts de deux à dix ans
La robe est très sombre et bien jeune par ses reflets nettement violacés.
Le nez expressif développe des fruits noirs et rouges d’une grande pureté et d’une belle élégance. On est loin d’une aromatique aguicheuse que l’on aurait pu craindre de ce type de vinification.
On retrouve cette pureté en bouche, avec un bon volume, mais le vin semble un peu comprimé, ne pouvant dévoiler toute son ampleur. L’aromatique avenante, la belle acidité et les tanins veloutés sont des atouts, un peu ternis par une finale un peu plus dure, un rien métallique.
Bien ++ / Très Bien et à attendre deux ans, pour que le vin se détende.
Domaine Pierre-Marie Chermette – Fleurie – Les Garants – 2018
Macération semi-carbonique, élevage de 6 mois en foudres de chêne neufs et 10 % en pièces neuves.
La robe est également très sombre et très jeune.
Le nez intense allie de beaux fruits noirs, comme la myrtille, à des notes d’élevage sensibles, comme la vanille et des arômes torréfiés.
La bouche affiche une belle rondeur assez ample et une aromatique flatteuse. Elle est redressée par une vivacité agréable et des tanins titillants. C’est dans la finale relativement courte que l’élevage ressort.
Bien ++ (seulement) pour moi car je n’apprécie plus trop cet élevage dans un Beaujolais, mais c’est encore jeune et cela devrait pouvoir se fondre d’ici quelques années car la matière est là. D’autres dégustateurs ont beaucoup plus apprécié.
Château Thivin – Côte-de-Brouilly – La Chapelle – 2018
Macération semi-carbonique avec environ 20 % d’égrappage, élevage en foudres.
La robe est sombre, peut-être un peu moins que celle des deux premiers vins, mais aux reflets toujours aussi violets.
Le nez très intense exhale un fruité superbe, qui mêle de la cerise et de la mûre.
C’est l’aspect classieux de la bouche qui frappe en premier, avec une superbe minéralité qui lui procure beaucoup de tension et de l’allonge. La matière de base est bien fruitée et dense, seuls les tanins, pourtant arrondis, paraissant légèrement verts (eucalyptus ?).
Très Bien (+) avec une grande confiance pour son avenir.
Domaine Richard Rottiers – Moulin à Vent – Dernier Souffle – 2018
Macération semi-carbonique, élevage en vieux foudres et en fûts de 3 à 10 vins.
Sombre et toujours très jeune, la robe ressemble beaucoup à celle du Thivin.
D’une belle intensité, le nez s’apprécie surtout pour sa finesse et sa complexité : cerise, arômes floraux, orange sanguine, touche fumée… Il explore des gammes aromatiques très différentes et nous fait voyager !
La bouche est charpentée et séveuse, la belle matière apportant de l’épaisseur mais sans lourdeur grâce à une aromatique fruitée à souhait en rétro-olfaction et à une vivacité avenante. Celle-ci est cependant loin d’être au niveau de celle du Côtes-de-Brouilly, d’autant que les tanins sont soyeux voire moelleux.
Très Bien (+) et peut commencer à se boire grâce à ce bon équilibre.
On change maintenant de registre avec des vins de quelques années.
Clos de Mez – Fleurie – La Dot – 2012
Macération semi-carbonique, élevage un an en fûts, un an en masse et un an en bouteilles avant mise en vente.
La robe assez sombre présente des reflets tuilés sur le bord du disque.Intense et d’une délicate séduction, le nez déploie des arômes de fruits compotés et de pot pourri.
En bouche cela se gâte un peu en raison d’une dissociation entre une acidité marquée et des tanins sensibles et assez végétaux d’une part et une matière, certes encore fruitée, mais déliée et ne parvenant pas à amortir ces deux caractéristiques d’acidité et de tannins, pourtant appréciables dans un vin plus jeune.
La longueur effilée laisse à penser que ce vin a dû être meilleur il y a quatre ou cinq ans.
Bien +
Domaine Paul Janin & Fils – Moulin à Vent – Héritage du Tremblay – 2014
Vinification
bourguignonne, donc classique avec foulage, avec macération semi-carbonique et éraflage moyen de 15 % ; élevage parcellaire en foudres avant assemblage.
La robe encore sombre laisse dévoiler un début d’évolution.
Le nez d’une très belle intensité est axé sur un grand fruit, finement compoté, sur la fraise et la framboise, bien rehaussé par une touche épicée.
La bouche est toute « harmonie », pondérant chaque paramètre à sa juste valeur. Le toucher de velours et la finale persistante et fuselée parachèvent ce beau tableau, d’un grand raffinement.
Très Bien +(+)
Domaine Louis Claude Desvignes – Morgon – Javernières – 2016
Vinification bourguignonne, donc classique avec foulage, avec éraflage très variable selon le millésime ; élevage parcellaire en cuves en béton avant assemblage.
La robe sombre d’une teinte grenat marque quelques reflets tuilés sur la frange.
Des notes de réduction au premier nez laissent vite la place, après un peu d’aération dans le verre, à un fruité bien noir, teinté de notes florales, de type fleurs séchées, et à des accents poivrés.
C’est un équilibre d’école qui caractérise la bouche, entre ampleur, sapidité fruitée, grain soyeux et acidité. Celle-ci n’est pas agressive, juste calibrée pour soutenir l’ensemble.
La finale se poursuit sereinement dans la continuité.
Très Bien + mais ce vin a divisé l’assemblée, avec cependant plus de ravis que de mitigés.
Domaine Jean Foillard - Morgon - Côte du Py – 2015
On boucle la boucle avec un autre domaine « nature ».
Macération carbonique, élevage en fûts de plusieurs vins.
Le vin a été carafé pendant une heure car à l’ouverture il montrait une forte acidité volatile.
La robe est bien sombre, a perdu ses reflets de jeunesse sans encore gagner ceux d’évolution.
Une pointe de volatile est encore là, mais je l’apprécie à ce niveau car elle renforce le beau fruité, sur le kirch et la mûre.
L’attaque est large et dense, puis le profil de la bouche devient plus droit et longiligne, sans manquer de confort fruité, bien au contraire, celui-ci étant bien mis en valeur par une bonne vivacité.
La finale toute en élégance sur le tabac blond tient la route … et le dégustateur jusqu’à la gorgée suivante !
Très Bien (+)
En conclusion, une bien belle soirée dont je n’ai pas pu profiter à fond mais elle a été très appréciée semble-t-il par l’ensemble des participants !
Et c’est bien là l’essentiel.
Jean-Loup