Notre cercle d’amoureux du pinot noir s’est réuni dans mon petit appartement pour sa session inaugurale. L’ambiance était excellente, l’alchimie s’est faite naturellement, et tous les participants ont joué le jeu en sortant de beaux flacons du fond de leurs caves. Et il faut croire que le pinot fortifie l’organisme, car aucun de nous sept n’a manqué à l’appel pour cause de rhume alors que le froid s’installe ! De magnifiques pinots noirs nous ont donc réchauffé en ce soir de décembre, dignement accompagnés par des pâtés croûte, une délicieuse tourte vigneronne et des fromages de caractère.
Après un bon
Chablis 1C « Vaillons » 2020 de JP Droin pour se réveiller les papilles, nous sommes entrés dans le vif du sujet avec un
Pommard 1C « Clos des Poutures » 2017 Monopole d’Armand Heitz. Magnifique bouquet sanguin, ferrugineux, fin et puissant. Bouche "forestière", avec une acidité marquée mais parfaite pour mon goût, j'aime cette aromatique fraîche... Corps léger et élégance globale peu communs à Pommard. Finale pas énorme et un peu trop amère. Pinot aérien et peu concentré, c'est avant tout un vin de nez, d'esthète, pour amateurs de pinots diaphanes.
(Très) bien.
On enchaîne avec un
Nuits-Saint-Georges 1C « Les Damodes » 2014 de La Vougeraie, qui s’est vaillamment défendu sur ce millésime inégal. J’avais commenté ce vin il y a quelques mois sur LPV et me permets de reprendre mon laïus de l’époque. Si Nuits-St-Georges comptait des grands crus, selon moi cette parcelle jouxtant Vosne devrait en faire partie… Quel superbe climat ! Intensité, élégance, charisme… Bouquet appétant aux effluves de sous-bois, potpourri, humus... En bouche il offre une trame serrée, un équilibre d'école, la matière ultrafine glisse sur le palais, délicate mais expressive... Les arômes profonds et succulents de fruits noirs et d'épices douces enchantent. Un pinot à la fois long et large. Tout est bien en place, néanmoins certains lui ont reproché une extraction excessive.
Très bien.
Arrive le tour du pirate de la soirée. J’avais glissé dans la série ce
Brauneberger Klostergarten*** 2014 de Markus Molitor, le « pape » du riesling de la Moselle, pour voir si mes compagnons de table allaient avoir le même coup de cœur que moi il y a un an en goûtant à l’aveugle cette cuvée. Autour de moi j’entends Gevrey, Morey, Chambolle… L’intru teuton plaît en tout cas beaucoup aux amateurs de pinot nuiton ! Nez magnifique, puissant, précis et complexe, sanguin, terreux et ferrugineux. En bouche la palette aromatique fraîche et précise s'exprime autour de fruits noirs, de la poudre de fer, des épices, du végétal noble... Ces arômes ainsi que le caractère terrien, strict mais auguste, me font penser à grand cru de Corton. La matière est aérienne, délicate. Malheureusement la finale s’avère encore légèrement rugueuse, on n’a pas la finesse tanique des tout meilleurs crus bien de chez nous. Mais c’est tout de même
très bien !
On revient en terrain familier avec le
Vosne-Romanée 1C « Les Suchots » 2017 de Berthaut-Gerbet. Le nez paraît encore jeune et peu causant, mais à l’aération des notes élégantes de sous-bois émergent progressivement. En bouche la noblesse du terroir s’exprime : la matière fine et précise ravit le dégustateur avec des notes de cerise noire et de ronce. Les tanins sont déjà fondus, on a une belle pureté de la texture, c’est un Vosne très prometteur, complet et réussi !
Très bien.
On commence à remonter le temps avec un
Gevrey-Chambertin 1C « Les Corbeaux » 2012 de Denis Bachelet. D'une justesse magnifique, le bouquet est simplement superbe, du grand Côte de Nuits ! La bouche révèle un équilibre de haut vol, une immense sapidité et une aromatique riche avec du fruit noir, du sous-bois, du champignon, de la ronce, un fond minéral... Puissant, fin, structuré par une petite acidité qui soutient la fraîcheur, relance le milieu et étire la finale... Très 2012 de caractère, vraiment top ! Toutefois il a la profondeur d'un premier cru, plutôt que d'un GC. Mais ne chipotons pas, c’est absolument
excellent.
Arrive le Grand cru de la soirée : c’est un
Clos de la Roche 2007 du Domaine Castagnier. Tout est en place, fondu, harmonieux, fin, en demi-puissance avec une acidité très juste. La palette aromatique comporte un trait végétal pas déplaisant (associé pour moi à ce millésime 2007 pluvieux) et une sensation de minéralité caractéristique de son terroir.
Très bien / excellent.
Grand il fallait pour finir cette soirée consacrée au pinot noir, et grand ce fut. Ce
Clos-Saint-Jacques 1C 2009 d’Armand Rousseau fait encore tellement jeune ! Le nez est empreint d'une grande noblesse, profond, évolutif... Bouche ample, charnue, parfaitement juste sur ce millésime chaud. Saveurs de ronce et de mûre sauvage, rehaussées de notes minérales (eau de roche, silex) assez incroyables. L’élevage est d'une élégance superlative. La matière est superbe de finesse et de précision, avec un grain de texture signé Rousseau (de la soie en veux-tu en voilà). Charisme digne d'un GC ! Vin très abouti, de méditation -
exceptionnel, et une façon parfaite de clore cette belle soirée.
Merci de m’avoir lu.