Quand l’ami Claude a choisi ce thème, il n’a pas fait les choses à moitié !
Il a retenu quatre bons millésimes, jeunes et à point, et uniquement de bons producteurs, tous différents.
Pour chaque millésime, nous avons eu droit à un Morgon et un Moulin à Vent. Il est important de noter que la dégustation s'est déroulée étiquettes découvertes et que cela a pu influencer certains de mes jugements.
Mais pour commencer, comme le plus souvent à Amphores, un vin mystère, à l'aveugle bien entendu :
Domaine Jean-Etienne Chermette – Vin de France – Viognier – En Fay – 2022
Le vin mystère est souvent sans rapport avec le thème de la dégustation, mais l’ami Claude a réussi à nous dénicher ce Viognier provenant de vignes situées dans le Beaujolais et on se rapproche donc un peu du thème !
Jean-Etienne est le fils de Pierre-Marie ; il travaille au domaine avec ses parents et développe en même temps son propre domaine.
La robe se présente sous un or clair brillant.
Le nez très généreux, presque puissant, est axé sur une gamme fleurie, avec de la violette, complétée par des fruits très mûrs qui tirent sur l’exotique.
Moins extravertie, la bouche possède un charnu moyen, une belle acidité et une finale salivante d’allonge très satisfaisante, pour un profil d’ensemble bien droit.
Bien ++ pour ce Viognier de bonne facture qui peut être une alternative aux bons Viognier d’Ardèche.
Domaine Louis Claude Desvignes – Morgon – Côte du Py – 2022
La robe est très sombre mais tellement marquée par le cépage et sa jeunesse que les teintes violettes gagnent sur le cœur du disque.
Bien intense, le nez propose des fruits noirs tels que la mûre, mais aussi des notes florales. Viennent également des senteurs minérales se rapprochant de la pierre.
La bouche impressionne par sa densité, plus par le grain serré de la matière que par la quantité de tanins, ceux-ci étant gras. La fraîcheur est suffisante et la longue finale empreinte de quelques amers.
Ce vin, d'une belle présence racée, donne cependant l’impression de ne pas pouvoir donner tout ce qu’il possède et demande à se détendre pour cela.
Très Bien mais à attendre au moins cinq ans pour un équilibre encore meilleur. Je suis très confiant pour un avenir grand ouvert devant lui.
Domaine Mee Godard – Moulin à Vent – Au Michelon – 2022
La robe est bien sombre et jeune.
Le nez se montre très généreux, offrant des fruits noirs bien mûrs, en particulier de la cerise noire. J’ai aussi une sensation minérale, plus crayeuse ou terreuse cette fois-ci.
La bouche présente une belle dualité concentration – finesse, avec une aromatique au fruité un peu moins prononcé qu’au nez. Les tanins très fins et une grande tension lui procurent une persistance de haut vol.
Très Bien + et je suis scotché par le niveau de ce vin aussi jeune alors que les vins de Mee Godard sont plutôt à attendre. Mais il sera sans doute encore meilleur dans quelques années.
Domaine des Terres Dorées – Morgon – Côte du Py Javernières – 2020
La robe sombre est encore assez jeune.
L’intensité du nez est aidée par une légère acidité volatile et les fruits sont plutôt rouges, plus que les vins précédents.
L’attaque est souple puis une grosse acidité et des tanins carrés emportent tout. La matière semble insuffisante pour supporter ces deux caractéristiques exacerbées et les tanins assèchent un peu la finale.
Bien + grâce au nez. A attendre, mais sans gros espoir.
Domaine Pierre-Marie Chermette – Moulin à Vent – La Rochelle – 2020
Une bouteille sur les trois était bouchonnée.
La robe est bien sombre et montre encore quelques reflets violets sur la frange.
Très intense, le nez exhale des petits fruits noirs et de la prune, noire elle aussi, ainsi qu’un trait de vert. J’ai également une sensation de boisé à l’aération alors que l’élevage est réalisé en foudres de chêne anciens de 40 à 70 hectolitres…
La bouche combine un gros volume et une bonne densité, sur une aromatique que je qualifierais d’avenante mais facile. Je mettais ce deuxième qualificatif sur le compte d’un élevage en fûts mais ce doit provenir de la macération semi carbonique. Un toucher velouté et une bonne vivacité complètent ce joli tableau.
Bien ++ / Très Bien
Domaine Daniel Bouland – Morgon – Bellevue Cailloux – 2019
La robe assez sombre se teinte de reflets tuilés sur les bords du disque.
Très ouvert, le nez se patine d’un fruité franc et pur, plutôt rouge, avec une touche fugace empyreumatique.
La bouche déliée a clairement choisi le camp de l’élégance et de la fraîcheur, prenant une silhouette longiligne. Le déroulé serein s’articule juste autour de tanins poudreux et de qualité, s’étirant en finesse.
Très Bien (+)
Domaine Thibault Liger-Belair – Moulin à Vent – Champ de Cour – 2019
La robe n’est pas très sombre et montre de nets signes d’évolution.
Bien généreux en intensité mais aussi avec un côté chaleureux, le nez évoque un taux d’alcool élevé. Sur le plan aromatique, ce sont les fruits compotés qui dominent, avec une volatile qui vient brouiller les pistes par rapport à la sensation d’alcool.
La bouche est malheureusement marquée par une piqûre acétique dominante. La finale dérange par son astringence mais surtout ses saveurs désagréables.
ED pour moi, en tout cas je ne noterai pas, mais d’autres ont apprécié. Je précise que les trois bouteilles avaient été préalablement "assemblées", après vérification de l'absence de TCA. Mais je n'avais effectué cette vérification qu'au nez...
Domaine Dominique Piron – Morgon – Aux Pierres – 2016
La robe assez sombre est parée de nets reflets tuilés.
Le nez très ouvert et bien riche offre des arômes de fruits noirs mûrs et même des notes chocolatées, ainsi que des épices, pour former une palette très séductrice.
En bouche, beaucoup de curseurs sont poussés à fond : alcool, acidité, tanins. La matière répond présente pour les absorber mais sans réussir à les fondre, ce qui donne un ensemble un peu dissocié (quel oxymore !
). La finale plus apaisée permet de terminer sur une bonne impression.
Bien ++ mais je suis sûr qu’à table ce vin gagnerait énormément en cohérence et en plaisir.
Château des Jacques – Moulin à Vent – Clos de Rochegrès – 2016
Une bouteille sur les trois était bouchonnée.
La robe montre un beau dégradé de profondeur et de couleur. Du liseré extérieur vers le centre du disque, elle passe de claire à bien sombre et de tuilé à grenat.
Le nez très généreux exhale un grillé prégnant mais racé car fin et ne maquillant pas une base de fruits noirs irréprochables. Il peut provenir de l’élevage ou du sol granitique. La bouche expansive est bâtie sur une matière de belle tenue, avec une texture au grain fin et serré. L’aromatique est charmeuse mais, à mon goût, un peu trop marquée par l’élevage (fûts neufs, d’un et de deux vins) qui masque le fruit. Elle est dynamisée par une acidité réjouissante.
Très Bien mais ce vin peut diviser selon l’appétence du dégustateur au boisé. Pour ma part je l’apprécie de moins en moins, mais ne suis pas un ayatollah de l’anti-bois et ma note est donc assez bonne car ce vin a bien des qualités. Là encore, c’est un vin de gastronomie.
Au final, cette dégustation s’est révélée très intéressante, même si je n’ai pu dégager des tendances propres à chaque appellation : cela peut être dû aux autres paramètres, notamment la vinification, au petit échantillon, ou au manque de discernement du dégustateur…
Il y a eu des hauts et des bas, comme le plus souvent dans les dégustations, et j’attendais les hauts plutôt dans les vins à point, donc sur le millésime 2016. Mais mes notes montrent que des vins plus jeunes peuvent s’apprécier pleinement, même s’ils pourront se complexifier avec le temps. Donc, pas de conclusion hâtive non plus à ce sujet sur un petit échantillon !
Merci à l’ami Claude et à bientôt pour une éclectique à Amphores.
Jean-Loup