Session d'hiver et variée : une horizontale de Châteauneufs 1990 !
Nous sommes de retour d'une magnifique journée ensoleillée dans le vignoble et de visites au Clos des Cailloux et au
Domaine Pierre André
.
Le parisien que je suis découvrait pour la première fois la région de Châteauneuf et ses différents sols, bien plus diversifiés que les seuls galets roulés implantés dans l'imaginaire collectif, et ses vieux pieds de grenache, sorte de mains énormes faisant irruption du sol comme pour capter l'azur.
Avoir l'opportunité de profiter du savoir discret et pointu de mes régionaux de l'étape était une occasion à ne pas manquer !
Al', en bon pédagogue expert, avait prévu l'interro fourchette afin de capitaliser ces moments d'éducation.
Il allait s'agir de passer de la théorie à la pratique en nous confrontant à une superbe horizontale sur le beau millésime 1990.
En bon cancre de radiateur niveau vins sudistes, j'avais pris du renfort en plaçant pas trop loin de moi une tête d'ampoule méridionale, le premier d'la classe des degrés, notre Agnan du grenache, je veux bien entendu parler de mon ami Enzo !
Vous constaterez rapidement qu'il me reste du boulot pour rattraper notre Étoile du Sud ! ()
Encore une fois, je me dois de saluer, au delà de la magnifique générosité de nos hôtes, la qualité des accords mets et vins qui nous furent proposés.
La mise en valeur de grandes bouteilles ne peut se dissocier de plats à même de porter leurs qualités.
Savoir ne pas trop en faire, limiter les goûts et les textures à leur plus stricte qualité et simplicité est un art que nos amis maitrisent avec beaucoup de talent !
Plusieurs générations sont réunies autour de la table dans une joyeuse ambiance dont l'amitié constitue le liant !
Avant de vous infliger mes inexpérimentées impressions de fillettes et celles bien plus PACAphilement correctes de notre Enzo, un petit mot sur le protocole mis en place sur cette dégustation.
L'intégralité des Châteauneufs a été bue en semi-aveugle, nous connaitrons donc les vins mais pas l'ordre dans laquelle ils nous seront proposés.
Les bouteilles avaient été masquées, mélangées par une main innocente puis notées et servies en carafe.
Donc place au jugement de chacun...
En piste ! Ramassage des copies dans 4 heures !
Vieux ceps de Grenache chez Pierre André
Canapés au crabe, boudins blanc, abricots sec
Domaine Georges Vernay, Condrieu, Coteau de Vernon, 2008
Oliv
La robe est claire, assez peu teintée.
Le nez est fin, floral avec des notes de guimauve un peu entêtantes.
La bouche attaque sur une acidité très tranchante qu'une matière de demi corps peine à équilibrer.
Alors que le nez pouvait aiguiller vers le cépage (bravo Nico), la bouche tendue m'en éloigne irrésistiblement...
Si j'apprécie la tension dans le vin, je lui reproche toutefois un manque de concentration qui crée un certain déséquilibre.
L'aromatique finement savonneuse et la chaleur en finale me gênent également.
Toujours pas convaincu par un Condrieu... Y arriverais-je un jour ?
Peut être
sur un des beaux 2010 goûtés il y a peu au domaine
?
Laurent
Nez beurré, floral, d’abricot et pâtissier à l’aération.
La bouche possède un joli gras et une acidité assez élevée, c’est frais, salivant, mais c’est en finale que ça se gâte avec une amertume élevée, le vin tombant un peu trop. Ça reste très buvable mais surement pas à la hauteur de étiquette et vraiment surprenant pour l’appellation en raison de l’acidité. Effet millésime surement.
Bien +.
Bois de Boursan, Châteauneuf du Pape, 2008
Oliv
La robe est très claire.
Le nez est floral, résolument solaire, sur la pêche et des notes de bonbon acidulé. Je ressens aussi des vapeurs d'alcools.
La bouche est jolie, assez grasse mais pas replète, avec un beau volume.
Une belle acidité soutient bien le vin, lui évitant tout effet de mollesse.
La finale est en revanche très courte.
Un joli vin !
Laurent
Nez avec un peu d’acétate amylique et de réduction.
L’aération apportera une côté métallique, de poire au sirop, de prune à l’eau de vie dans un ensemble pas très net.
La bouche est propre, de bon équilibre, assez grasse, de belle ampleur et assez puissante. Longueur finale correcte soutenue par une acidité présente. Dommage pour le nez.
Bien +.
Vincent Dauvissat, Chablis Grand Cru, Les Clos, 2003
Oliv
Le nez est splendide, complexe, sur une réduction très fine qui s'exprime sur des notes de léger grillé qui enrobe un ensemble floral.
L'aération révèlera des arômes plus miellés et classiquement chablisien.
L'attaque en bouche est incroyable de gras, la perception est limite huileuse. Le vin ne semble pas manquer d'équilibre, j'ai l'impression que la matière masque en l'état un équilibre que le vieillissement pourrait bien voir réapparaitre.
Aromatiquement, le vin est assez peu expressif, sur sa concentration de texture.
La finale est en revanche très longue même si elle manque de précision.
Je parie sur une grande bouteille d'avenir !
Laurent
Nez au départ de boite de sardine, de grillé que l’aération dans le verre fera rapidement et totalement disparaître, signe d’une réduction fugace. Ce sont ensuite de jolies notes de fruits jaunes, une touche vanillée puis des notes pralinées qui vont s’exprimer de façon intense.
La bouche est ultra grasse, presque huileuse, sans aucune sensation alcooleuse ni lourdeur. C’est d’un gros volume, très large avec une longue finale anisée. Un joli vin de table à attendre encore un moment car encore un peu monobloc en comparaison de Vaillon ou Forest du même millésime.
Très Bien.
Laurent commence son festival.
Deux coups de nez et un coup de langue et il nous sort:
"Chablis d'un millésime chaud."
"Dauvissat 2003 ?"
"Les Clos ?"
Mince, il attaque fort l'animal !
Les calamars sont délicieusement fondants et répondent très bien à l'équilibre du Châteauneuf !
Foie gras mi cuit, chutney aux épices
Château Montredon, Châteauneuf-du-Pape, 1990
Oliv
La robe est légèrement tuilée, sur une concentration modérée.
Le nez est somptueux, sur des notes tertiaires d'une grande complexité, sur la feuille morte, le cèdre, les épices douces, une pointe fumée.
La bouche est remarquable, juteuse et vivifiante, sur un équilibre délicieusement plein et frais.
L'aromatique est ébouriffante, en droite ligne de celle du nez. La qualité du toucher de bouche et des tanins est littéralement délectable.
Le vin est d'une absolue buvabilité et longueur, sur une très grande fraicheur.
La très grande classe ! J'adooooooore !
Laurent
Nez typique de Châteauneuf évolué et très complexe sur les bois exotique, de bois de santal, d’épices orientales, de figue, de feuilles mortes, de poivre, de viande grillée, de menthe poivrée. Grand nez.
La bouche est fondue, glycérinée, d’une grande finesse et toujours d’un gros volume. C’est chaleureux mais d'un grand équilibre sudiste, salivant avec une longue finale. La classe.
Excellent.
BAAAAAAAM !
J'ai le nez dans le verre, bien concentré à siroter ce bijou qu'un énorme bruit résonne dans la pièce !
Mon espérance de vie vient de se réduire de quelques secondes...
Oh mince, y'en a un qui est tombé de sa chaise ? Quelqu'un a pété un verre ? :
Ah non, c'est juste notre Lolo qui vient de taper du poing sur la table en hululant un désormais mythique...
Aaaaaaaah, putain que c'est bon ! Vive le Sud !
(
)
On va avoir du mal à le tenir !
Domaine Les Goubert, Gigondas, cuvée Florence
Oliv
La robe est concentrée et légèrement trouble.
Le nez est puissant et manque de finesse, sur des notes de caramel au lait, d'eucalyptus et de champignon frais.
La bouche est massive, lourde avec un côté strict. La matière est large mais n'est pas bien équilibrée par une acidité importante.
Les tanins sur la finale sont assez asséchants.
Le vin manque d'évidence, il semble un peu excessif, forcé.
Peu de plaisir sur cette bouteille trop massive pour mon palais.
Laurent
Nez élevé, de noix de coco, une pointe de noix, fumé, puis sur les épices à l’aération.
La bouche est grasse, riche avec un peu de sucrosité, plus jeune que le vin précédent et d’un bel équilibre. La finale est de longueur correcte sur la prune. Dommage que le nez soit un peu trop élevé, pas mal.
Bien ++.
Grosse tatane pour l'Oliv sur le premier vin, un vrai bijou d'équilibre et de complexité.
L'accord avec le délicieux foie gras se déroule sans anicroches, le chutney jouant un rôle de passerelle absolument remarquable !
Al' était inquiet, il ne fallait pas ! ()
Poêlée de pieds de mouton
Château de Beaucastel 1990
Oliv
La robe est belle, sur une très légère évolution.
Le nez est beau, indéniablement sudiste par son côté épicé, sur des notes de fraise, de cannelle et une pointe chaleureuse.
La bouche est d'une grande suavité, sur une qualité de tanins remarquable.
Je ressens un joli fruit et toujours des épices, aucune pointe liégeuse avant que le casse pied du bout de la table ne me mette un doute.
En revanche, je suis un peu perturbé par la charge alcoolique sur la finale.
Mon palais de fillette commence son festival...
Très beau vin !
Laurent
Nez de bois exotique, d’épices douces avec une touche de réduction, puis sur la confiture de figue. Joli nez.
La bouche possède un beau volume, chaleureux, évolué, un peu trop, glycériné aux tannins très enrobés avec une note terreuse. Une bouteille évoluée, agréable mais pas au niveau des deux précédentes bues.
Bien ++/ Très Bien.
Henri Bonneau, Réserve des Célestins
Oliv
La robe est assez peu extraite mais encore très jeune.
Le nez est animal, sur des notes de fourrure, avec une pointe mentholée.
La bouche est jeune, bien équilibrée, construite autour d'une acidité élevée qui étire le vin.
Le vin est concentré mais me semble manquer de complexité en l'état.
La finale est encore un peu serrée.
Bon vin mais je ne vibre pas.
Laurent
Nez animal, de musc, de cuir.
La bouche est suave et d’une grande douceur tactile, très gourmande et salivante avec une longue finale acidulée.
bon, dommage que le nez soit si monolithique.
Très Bien +.
Les deux vins se lovent dans la texture fondante et croquante des pieds de mouton qui mettent parfaitement en valeur leur aromatique épicée.
Les tanins du Bonneau ont toutefois tendance à prendre le dessus !
On enchaine !
Civet de sanglier & tagliatelles
Château Rayas 1990
Oliv
La robe est peu extraite, sur un rosé tirant vers le tuilé.
Le nez est complexe, sur les épices douces, le jus de viande, le coulis de fraise mais je ressens également beaucoup d'alcool.
La bouche est juteuse, d'une suavité énorme, presque douce. Les arômes sont jeunes, sur la figue fraiche et les tanins gras et bien intégrés.
En revanche, je suis fortement déstabilisé par un alcool que je trouve marquant.
Très bon vin mais ouiiiiiiin, pourquoi ne suis-je pas accroché au lustre ?
Robe légère, suavité, fraise au sucre... je suis pourtant sûr que ce vin est le Rayas.
En mon fort intérieur, j'ai l'impression de passer un peu à côté d'un mythe...
Laurent
1- Nez complexe de noix, d’épices orientales, de bois exotique, avec beaucoup de profondeur qui évolue sur les fraises aux épices, la prune, le coing, les agrumes, un côté fumé, la confiture de cerise. Grand nez.
La bouche est riche, gourmande, d’une jeunesse insolente (je lui aurais donné 10 ans), d’un gros volume, chaleureuse et dense. Grande longueur finale pour ce vin immense dont la bouche ne présente pas encore d’arômes tertiaires et qui est à la hauteur de sa réputation et fait honneur à l’appellation. Fond de verre sur la cerise et la fraise.
Excellent +.
Oliv et les vins du Sud, c'est pas gagné !
Alors que Laurent nous assène un second et retentissant BAM
qui fait trembler la table et que tous les copains couinent de plaisir, moi, je suis en train de m'engueuler avec mon satané palais de fillette qui fait son fâcheux ! T'ain, tu vas pas me lâcher maintenant !?!
Dans mon esprit LPVien, apparait l'image menaçante d'un tonneau de goudron et d'un sac de plumes.....
Vais-je tortiller du fion et rectifier mon CR pour éviter les ennuis ou tenter d'assumer les handicaps d'un palais de fillette légendaire ?
Allez, assumons... ()[/center]
Domaine du Caillou 1990
Oliv
La robe est assez évoluée, avec une légère turbidité.
Le nez est complexe, marqué par des notes animales, quelque chose qui m'évoque l'ovomaltine.
Je ressens encore quelques vapeurs d'alcool...
La bouche est très belle, suave et douce, bien sous-tendue par une nette acidité.
La vin a de la largeur mais je lui trouve un équilibre qui me satisfait plus que sur son prédécesseur, peut être grâce à des tanins plus saillants qui apportent à mon goût de l'énergie en bouche.
La finale est longue, sur des goûts sanguins plutôt virils.
Très beau vin !
Laurent
2- Nez animal, d’épices avec une touche végétale de vendange entière mais quelque peu monolithique.
La bouche est riche, d’une grande douceur tactile et d’un gros volume. C’est glycériné et apporte beaucoup de plaisir malgré son passage derrière Rayas avec une longue finale sur les épices et les fruits secs.
Très Bien +.
Bon, ça va encore renâcler du côté du chef (encore un qui subit
une modestivite aigüe
) mais le civet de sanglier rejoint les petits bijoux patrimoniaux dont j'ai régulièrement pu me délecter en ces lieux et dont cette rubrique témoigne.
Le plat et sa sauce diaboliquement délectable s'accorde remarquablement bien avec la virilité du Clos du Cailloux.
Mais je ne vais pas refaire le coup de la casserole tous les soirs, ce serait pécher !
Château La Nerthe, 1990
Oliv
La robe est roussie.
Le nez est peu avenant, sur des notes de fruits cuits qui virent sur le bouillon Kub.
La bouche confirme que ce vin a mal vieilli, présentant des notes de beurre rance et un ensemble assez décharné.
Le seul vin de la série qui m'ait vraiment déplu.
Laurent
Nez métallique, de jus de viande avec une touche vanillée signe d’un élevage encore sensible que des notes de yaourt viennent compléter.
La bouche est lactée sur les yaourts aux fruits vite écœurants. Une bouteille peu agréable.
Moyen.
Maître Al' ramasse les copies !
Bilan personnel de cette exceptionnelle série sur des vins que je connais très mal :
J'ai indéniablement du mal avec la charge alcoolique des Châteauneufs !
Si l'ensemble était d'un très haut niveau, seul la Nerthe ayant véritablement déçu, mes suffrages vont sans conteste possible au Montredon, exceptionnel d'équilibre et de noblesse!
Notre Lolo a la banane accroché aux oreilles, on sent la zénitude du gars totalement en phase avec son élément et qui maitrise son sujet.
Bon, c'est pas tout ça mais reste quelques petites choses sérieuses à affronter : les fromages !
Al', constatant que ses invités ont le rouge aux joues mais encore de la réserve, me propose de venir choisir une dernière bouteille avec lui.
Sachant que le repas de demain midi sera résolument jurassien, nous nous orientons plutôt vers un Bourgogne.
J'ai bien quelques égoïstes envies qui me viennent (()) mais au vu des perturbateurs présents autour de la table, évitons les incidents...
Une bouteille croise mon regard. Quelque chose me dit qu'il y a un coup à jouer...
Comté vieux, Cusiè tabac, Testun al Barolo, Tomme cerronnée, Morbier, Mimolette Vieille, Fourme de Valcivières
Maison Verget, Chablis Grand Cru, Valmur, 1996
Oliv
La robe est évoluée, sur un doré puisant.
Le nez ne peut cacher une oxydation assez nette par ses notes de noix qui enrobent un ensemble mi grillé, mi café froid.
La bouche est à la fois riche de texture et sur une tension assez importante. Malheureusement, l'ensemble est dissocié et termine limite plat.
Un vin fatigué.
Laurent
Nez évolué et tertiaire de morille, de beurre rance, de crème fraiche qui me dirige directement vers le jura.
La bouche est riche et de bel équilibre. C’est assez puissant avec une acidité élevée sur des arômes oxydatifs qui passent très bien avec l’énorme plateau de fromage. La levée de la chaussette est une surprise, impossible d’imaginer un Chablis et heureusement que le vin a été bu avec les fromages. Bien ++.
Il y avait un indéniable coup à jouer sur ce vin : voir si un vin à l'oxydation non voulue pouvait tromper des palais aguerris en brouillant un peu les cartes.
Ce même vin servi au début du repas aurait vraisemblablement été inéluctablement rejeté.
Sur le phénoménal plateau de fromages (message perso aux convives : vous commencez à trop aimer le Cusiè, ça devient embêtant cette affaire !
), le vin a réussi à s'en tirer.
Je pense que l'acidité du millésime a permis une illusion d'oxydatif jurassien qu'on ne pourrait pas véritablement retrouver sur un bourgogne en prémox, souvent plat et affadi par le défaut du vieillissement prématuré.
De la modestie à avoir face aux vins et ses mystères et de la nécessité d'accords préalablement bien pensés, comme notre Alain en est expert !
Omelette norvégienne et H2O
Le repas se termine dans les rires et le bonheur d'être ensemble.
J'ai les poils du nez roussis mais j'ai survécu !
Mais demain, c'est repas Jura avec Poulet au Vin Jaune au menu !
Vais-je me refaire la cerise et Laurent pincer du nez ? Une affaire à suivre... ()
OIiv
Crédit photos:
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