Nous voici une nouvelle fois autour du tonneau de ma cave, avec les dix jeunes plus ou moins abonnés au week-end œnophile à Bourges.
Jeunes, enfin, pour la moitié d’entre eux qui ont juste en-dessous de 40 ans, l’autre moitié venant de passer ce cap dans l’année écoulée.
La règle n’a pas changé : tout est dégusté à l’aveugle et il leur faut trouver de façon collégiale au moins la moitié des cépages majoritaires s’ils veulent revenir l’an prochain…
C'est parti avec les blancs. Pour une fois, pas de Champagne avec galettes de pomme de terre...
Domaine François Cotat – Sancerre – Les Monts Damnés – 2009
La bouteille a été ouverte pendant une dizaine d’heures et carafée juste avant service.
La robe arbore un or clair et brillant.
Très expressif, le nez offre des fruits jaunes, des notes d’ananas, ainsi que des touches marines et de mousseron.
La bouche se montre large, très aromatique et dotée d’une bonne richesse, avec même certainement quelques sucres résiduels. Elle est soutenue avec bonheur par une superbe acidité qui lui permet d’aller très loin tout en restant sapide. Une fine salinité en finale signe le grand terroir.
Excellent
L’accord est gagnant (4 / 5) avec un cake aux poireaux, lait de coco et graines de tournesol car celui-ci assagit la puissance et la sucrosité du vin, lui conférant ainsi encore plus d’équilibre.
Les jeunes annoncent pinot gris, ce qui était loin d’être idiot pour ce profil de vin, mais n’ont pas écouté la petite voix de Vincent qui avait évoqué un grand Sauvignon sur un millésime riche.
Score : 0 / 1
Domaine des Ardoisières – Vin des Allobroges – Quartz – 2012
Il s’agit d’un monocépage altesse.
La bouteille a été ouverte pendant deux petites heures et carafée pendant une demi-heure.
La robe se présente sous un or clair.
Le nez brille par sa complexité et son élégance, alliant herbes aromatiques, miel et une touche de pierre à fusil.
Un léger gras tapisse le palais mais c’est surtout l’énorme volume en bouche qui frappe le dégustateur. L’aromatique est assez luxuriante et contrebalancée par une grande tension. Le vin déroule ensuite une longueur impressionnante, toute en finesse, gourmandise et salivation.
Très Bien ++ / Excellent
Le vin s’est montré à son aise (3,5 / 5) avec le même cake aux poireaux, lait de coco et graines de tournesol.
Bon, c’était difficile, et les jeunes ont proposé chenin.
Score : 0 / 2
Domaine du Collier – Saumur blanc – La Charpentrie – 2007
L’or de la robe est ambré, ce qui interpelle.
Le nez très intense virevolte entre miel, coing et pomme cuite : il est clairement sur des arômes tertiaires sans que l’on puisse parler d’oxydation trop avancée. A ce niveau, cela n’est d’après moi pas dérangeant car l’aromatique est plus diversifiée et non masquée par cette caractéristique.
La bouche est d’une puissance rare, extravertie et luxuriante, et dotée en même temps d’une énergie stimulante. Le caractère oxydatif se confirme, jusque dans la finale persistante, ce qui empêche de pleinement profiter du vin.
Très Bien + en valeur intrinsèque, mais a été bien meilleur quand je vois les commentaires de Papé (novembre 2020) et Oliv (décembre 2015) : tous les deux insistent sur le profil XXL et l’énorme acidité mais il n’y avait alors aucune trace d’oxydation.
Merci Pascal (Papé) !
Une trilogie de la mer redonne un fruité plus pur au vin et constitue donc un formidable complice (4 / 5).
Le chenin est bien trouvé, ce qui amène le score à 1 / 3.
Domaine Olivier Leflaive – Corton Charlemagne – 2005
La bouteille a été ouverte pendant deux bonnes heures et carafée pendant une grosse demi-heure.
L’or de la robe est ambré mais peu soutenu.
Bien ouvert, le nez développe des arômes classiques de noisette, de brioche et de mirabelle, avec en plus une touche oxydative.
Un beau gras enveloppe bien la bouche, la matière mûre a parfaitement absorbé l’élevage tout en maintenant ce côté finement oxydatif qui peut plaire … ou pas. La finale plus tendue est rafraichie également pas ses notes de menthe anisée.
Très Bien +(+)
Sur mes six bouteilles, je n’en ai pas eu une parfaite, les premières étant trop marquées par l’élevage et cette dernière ayant enfin intégré son bois mais dévoilant un peu d’oxydation.
La même trilogie de la mer lui va bien également (3, 5 / 5).
Le chardonnay ayant été trouvé, le score s’équilibre : 2 / 4.
Un interlude avec un Champagne rosé.
Drappier – Champagne – Grande Sendrée – 2005
Assemblage de 55 % de pinot noir et 45 % de chardonnay.
La bouteille a été servie juste après ouverture et carafage.
La robe est teintée d’un rosé brique.
Très intense, complexe et envoutant, le nez embaume les épices, et même le pain d’épices, ainsi que les fruits secs.
La bouche se révèle en puissance tout en étant plus austère qu’au nez car le fruité est en retrait. La fine bulle l’égaye un peu mais on retiendra son caractère racé et profond, d’autant que la finale tendue s’affirme avec beaucoup de rémanence.
Très Bien ++
L’accord est magique (4 + / 5) avec un tataki de saumon aux graines torréfiées : couleurs, saveurs et textures se marient parfaitement !
Les jeunes jouent la sécurité avec le pinot noir, et gagnent donc un point supplémentaire pour un score de 3 / 5.
On passe aux rouges !
Domaine Michel Noëllat et Fils – Vosne-Romanée 1er cru Les Beaux Monts – 2009
La bouteille a été ouverte pendant trois heures et carafée pendant une bonne demi-heure.
La robe bien claire est sertie de reflets tuilés.
Le nez raffiné fait la part belle aux petits fruits rouges, mâtinés d’une superbe floralité et d’une touche de ronce.
La bouche lui rend la pareille, d’une grande finesse et bien dessinée, d’un style droit sans manquer de charnu au fruité pur. La finale étirée est dans la lignée, toute en élégance.
Très Bien ++ / Excellent
La terrine de lièvre est un peu trop puissante pour s’accorder de façon convaincante avec le vin (3 / 5).
Difficile de ne pas annoncer pinot noir, à l’unanimité.
Score : 4 / 6.
Après ces quatre bonnes réponses successives, les jeunes respirent !
Mais c’est sans compter avec mon esprit pervers…
Domaine Michel Magnien – Morey-Saint-Denis 1er cru Chaffots – 2009
La bouteille a été ouverte pendant presque quatre heures et carafée pendant une demi-heure.
La robe est moyennement sombre et ne dévoile pas encore de traces de réelle évolution.
Bien ouvert, le nez offre des effluves de cerise bien noire, voire de la mûre, relevées par des épices qui s’invitent à la fête.
La bouche est dense, au grain serré, et en même temps bien équilibrée par une belle acidité qui la propulse loin.
Très Bien ++
Une terrine forestière aux girolles le met encore plus en valeur en l’affinant (3,5 + / 5).
Ce vin tellement différent du précédent les a fait partir vers le sud et les jeunes ont annoncé grenache…Score : 4 / 7
Château des Tours – Côtes-du-Rhône – 2014
La bouteille a été ouverte pendant quatre bonnes heures et carafée pendant une petite demi-heure.
La robe très claire dévoile un début d’évolution par ses reflets finement tuilés.
Le nez extraverti et entêtant affiche des arômes typiquement reynaldiens comme la fraise écrasée et les épices, mais pas l’écorce d’orange, ainsi que d’autres inattendus comme le miel, très prégnant.
La bouche assez capiteuse s’exprime avec fougue en développant sa grande matière fruitée, et ce sont plutôt les épices qui prennent le dessus dans la finale bien persistante et plus vive.
On sent que ce vin veut s’imposer à nous mais nous sommes bien contents de nous laisser faire !
Très Bien ++ / Excellent
Une brochette d’agneau au poivre de Sichuan atténue fortement la sensation d’alcool et le poivre fait un bel écho aux épices du vin (4 / 5).
Cette fois-ci les jeunes ont fait confiance à leur capitaine qui a reconnu le style Reynaud, alors qu’ils étaient perdus, n’ayant jamais bu de tels vins à base de grenache.
Score : 5 / 8
Château Haut-Marbuzet – Saint-Estèphe – 2009
Assemblage de 50 % cabernet-sauvignon, 40 % merlot et 10 % cabernet franc.
La bouteille a été ouverte pendant deux heures et demie puis carafée pendant deux grosses heures.
La robe assez nombre a perdu ses reflets de jeunesse sans encore gagner ceux d’évolution.
Le nez se montre expressif et classieux, des arômes balsamiques et de cigare et une touche mentholée venant s’asseoir sur une base de cassis.
La bouche, un rien janséniste car ne faisant pas dans la démonstration, affiche un fruité noir et des sensations boisées qui s’adossent à une matière charnue aux tanins fondus. La finale de bonne tenue et épurée témoigne de la belle origine du vin.
Très Bien ++
La brochette d’agneau au poivre de Sichuan fait un beau bout de chemin avec le vin (3,5 + / 5).
Le cabernet-sauvignon est bien reconnu, ce qui permet d’assurer le retour l’an prochain car le nombre total de vins est de 11.
Score : 6 / 9
On revient à un blanc pour le fromage.
Domaine Jean Macle – Côtes-du-Jura – 2010
Assemblage de 85 % de chardonnay et 15 % de savagnin, élevé sous voile pendant trois ans.
La bouteille a été ouverte pendant deux jours (suivant les conseils de Jean-Paul, même s’il ne s’agit pas d’un jaune) puis carafée juste avant service.
La robe est parée d’un or ambré et orangé.
Le nez séduit par ses arômes généreux de noix, de céleri branche et de curry qui explorent l’univers des vins jaunes.
L’attaque montre un léger gras, l’aromatique est toute aussi superbe qu’au nez, puis une belle vivacité vient l’affiner jusqu’à une finale déliée et longue à souhait.
Très Bien ++ / Excellent
C’est avec le comté de 12 mois que l’accord est le plus réussi (4 / 5), par rapport à ceux de 6 et 20 mois.
Bien entendu le mariage aromatique est parfait dans les trois cas, mais le niveau de puissance du 12 mois égale celui du vin.
Et comme attendu, l’équipe est tombée dans le piège en nommant le savagnin : mais qui n’aurait pas fait la même erreur ?
Score : 6 / 10
On passe aux liquoreux avec le dessert.
Azienda Agricola Possa – Cinqueterre – Sciacchetrà – 2017
Assemblage de 80 % de bosco et de 20 % de rossese blanc.
Bouteille de 37,5 cl.
La bouteille a été ouverte pendant cinq heures et demie puis carafée juste avant service.
La robe ambrée est bien sombre et dense.
Le nez fait preuve d’intensité et de complexité, virevoltant du pain d’épices au coing puis à l’abricot confit.
La bouche est assise sur une grande liqueur et guidée par un sillon acide. C’est très réussi, même si on aurait souhaité plus de liant entre ces deux belles caractéristiques. La finale plus épurée permet de prendre une autre gorgée.
Très Bien + (+)
Ce vin a été bu pour lui seul et c’était sans doute un bon choix en raison de sa forte sucrosité (165 g / l).
Il était hors concours car son cépage était introuvable.
Clos Lapeyre – Jurancon – Vent Balaguèr – 2010
Bouteille de 50 cl.
La bouteille a été ouverte pendant six heures puis carafée juste avant service.
L’or ambré de la robe est assez intense.
Le nez s’ouvre peu à peu mais n’est pas un modèle d’exubérance : fruits confits, touche exotique et caramel se marient bien pour offrir un joli ensemble.
La bouche est bien liquoreuse, au grand fruité et à l’acidité vertébrale qui se fond bien dans la grande matière. L’équilibre obtenu est bien dosé, et la finale tendue et de grande persistance provoque un beau sourire chez le dégustateur.
Très Bien ++ et j’aurais pu aller plus haut avec un nez plus expressif.
Une migaine à l’ananas (ah quel merveilleux dessert !) réussit un bon pont aromatique et estompe la sucrosité du vin (4 / 5).
Le petit manseng est découvert, ce qui donne un résultat final confortable.
Score : 7 / 11
Ils sont forts ces jeunes, et ils reviendront donc l’an prochain !
En conclusion, je noterai la belle homogénéité dans le niveau qualitatif des vins, sans flop ni grand top, ce qui est déjà bien.
Jean-Loup