Il y a des dégustations qui vous marquent et celle d'il y a deux ans en fait partie. Pour notre plus grand plaisir, Tophe nous avait proposé il y a maintenant quelques mois de remettre le couvert et de déboucher une nouvelle fois quelques vieux millésimes du Jura. Franchement, on se voyait mal lui répondre par la négative.
Le groupe LPV Franche Comté était donc invité chez Tophe samedi 23 mars pour midi. Comme à son habitude, il a tenu à s'occuper du solide et évidemment du liquide. Royal !
Un invité surprise cette année en la personne de
Chrisdu74, un LPVien de la première heure qui fait partager nombre de ses dégustations sur le forum et qui collectionne les groupes LPV (et une de plus Chris !
)
Pour ce déjeuner nous étions donc sept. Aucune indication sur le menu, encore moins sur les vins. Tophe avait placé la barre très haut (Lavillenie et ses 6m16 peuvent aller se coucher), je vous laisse juger la qualité des bouteilles de cette année
Vin n°1 : Cave de la Reine Jeanne - Arbois "Grain de Pierre" 1999 (chardonnay)
Nez plutôt bourguignon, élégant et fin sur les fruits jaunes et un beurré prononcé qui s’effacera à peine pour faire ressortir un côté fumé.
La bouche, elle, est très traçante avec une acidité importante (agrumes légers) , tellement que je pars sur un savagnin. Au fur et à mesure le vin se fait plus large, finale très citronnée, je lui trouve une très belle personnalité, et on se ressert (déjà) facilement. C'est
très beau. lorsque la chaussette tombe, je reste bluffé par la tenue de ce vin.
Confirmation que c'est un négoce de qualité (les derniers millésimes m'ont semblé moins attirants - peut-être est-ce dû au départ de Stéphane Tissot qui ne s'occupe plus de la vinif').
Vin n°2 : Camille Loye - Arbois "Cuvée Saint Paul" 1989 (chardonnay oxydatif)
Nez très marqué sur le beurre, la pâte d'amande mais surtout le champignon. Après quelques temps je lui trouve un nez sur la pomme et légèrement métallique.
Beaucoup de gras en bouche dans un premier temps puis une acidité laser prend le dessus qui rempli le palais, quelques légers amers en finale. La nez fait penser à un chardo évolué, mais la fougue de la bouche m'oriente sur un savagnin, avec une telle puissance, c'est pas possible autrement !
Bien +
Vin n°3 : Lucien Aviet - Arbois "Réserve du Caveau" 1979 (chardonnay oxydatif)
Nez sur le tertiaire qui champignonne mais qui est tout de même encore assez réduit. Puis le nez évolue ; sur les agrumes et le bouillon.
La bouche est surprenante, on retrouve les agrumes perçus au nez, superbe équilibre où rien ne dépasse. Touché de bouche "huileux", le vin n'est pas démonstratif mais plutôt sur le finesse avec une finale qui s'impose tout en dentelle, fraîche, toujours sur ces notes d'agrumes. C'est
superbe ! Le vin est magnifié par le plat.
Saumon en feuille de blette, crème de fenouil
Vin n°4 : Marion père et fils - Côtes du Jura 1959
Nez qui sent "le petit vieux qui se néglige" ©Chrisdu74. Le vin est effectivement fatigué, passé du côté obscur de la force avec des odeurs de vieilles chaussettes, de champignons, de cire. Peu avenant.
La bouche est tout aussi fatigué mais les sensations en bouche sont de meilleure facture, toujours sur la cire et le champignon mais avec quand même une pointe d'acidité qui montre que le petit vieux est certes mal en point, mais toujours debout (aidé d'une canne à la rigueur
).
Correct.
On enchaîne sur une triplette de rouges !
Vin n°5 : Domaine Hughes Beguet - Arbois-Pupillin Ploussard "Champ Fort" 2009
Nez timide, réservé et qui le restera tout au long de la dégustation.
En bouche, le vin est un peu dur, les tanins sont accrocheurs et masque un matière qui est pourtant jolie. Du mieux après aération et avec le plat, la fraise des bois ressort, finale épicée, serrée.
Bien.
Vin n°6 : Domaine Hughes Beguet - Arbois-Pupillin Ploussard "Côte de Feule" 2009
Plus de finesse au nez que le précédent, plus lisible également, fruits rouges, groseille.
La bouche est agréable et fraîche, très accessible sur le poivre blanc et possède une finale énergique.
Bien +
Vin n°7 : Maison Pierre Overnoy - Arbois-Pupillin Ploussard 1999
Superbe nez, très ouvert, sur la cerise, les épices douces mais également les fleurs fanées, l'orange sanguine, whaouuu ! C'est vraiment d'une belle complexité et déjà on perçoit une grosse concentration, une certaine densité.
Bouche effectivement dotée d'un grosse concentration de fruits (les mêmes qu'au nez) , avec des tanins souples, polis. Le vin est velouté, complexe dans un style "à la Reynaud" d'un gourmandise folle et d'une classe certaine.
Magnifique ! On se ressent très
(trop)
facilement.
A l'aveugle, il n'y a pas eu de match, l'Overnoy est
très nettement au-dessus de la mêlée ! Par contre au jeu des petites devinettes, vous auriez vu nos tronches lorsque Tophe nous a annoncé 3 Ploussard !!! A aucun moment l'un de nous n'a pensé à ce cépage. Note à moi-même : à laisser en cave, cela peut-être tellement plus qu'un vin de soif...
Cocotte de saucisses de Morteau aux légumes anciens
On passe aux vins jaunes et Château-Chalon
Les deux vins suivants sont dégustés en parallèle :
Vin n°8 : Domaine Macle - Château-Chalon 1979
Nez d'une finesse impressionnante, sur les agrumes, l'iode. Incroyablement persistant, envoûtant et qui évoque la pureté de certains grands crus bourguignons à maturité.
La bouche est du même acabit, traçante avec un équilibre d'école entre une matière très concentrée (agrumes/citron/salin) et une acidité forte mais qui prolonge le vin dans une finale vive, pure et interminable. Le vin s'est complètement extirpé de son côté oxydatif, pas une trace de noix/croûte de comté, d'une élégance rare.
Magnifique !
Vin n°9 : Château d'Arlay - Côtes du Jura Vin Jaune 1979
On part totalement à l'opposé, et le nez fait très "archétype de vieux jaune", croûte de comté, tourbe et café, c'est moins impressionnant que le précédent mais très beau tout de même car non dénué d'une certaine classe.
Le vin est facile, très lisible, on retrouve les même arômes en bouche mais passé après (du moins, en parallèle) le Macle le dessert peut-être mais l'équilibre est parfait, il y a de la rondeur dans ce vin mais la finale relance le tout avec quelques notes de noix. Cela reste tout de même
très bon.
Suprêmes de volaille poêlés, sauce au vin jaune, potimarron
Millésimes identiques, par contre moi qui n'attache aucune importance à la robe des vins, force est de constater qu'entre le vin jaune et le Château Chalon, la différence est impressionnante :
A gauche, le Macle et à droite, le Chateau d'Arlay.
Tophe nous annonce une autre doublette :
- Quoi ? Ce n'est pas fini ?
- Vous n'êtes pas venus pour faire des gaufres quand même !
Vin n°10 : Marius Perron - Château-Chalon "Vigne aux dames" 1969
Jamais je n'avais rencontré ce type de nez sur un VJ/CC : sur le café, le caramel mais avec une impression de vin de paille ; notes de coing, de miel également. Nez qui n'évoluera pas et qui restera droit dans ses bottes tout au long de la dégustation, impressionnant de densité et de complexité.
La bouche, elle, possède un équilibre incroyable. On passe selon le moment, d'un demi-sec avec ses notes de coing timides/caramel/miellées à un vin plus typé sur une acidité fine mais bien présente et qui sert à relancer le vin vers une longue finale grasse ou se retrouvent pèle-mêle les arômes perçus au nez auxquels s'ajoute les agrumes.
Magnifique, et pour moi l'OVNI (Objet Vinique Non Identifié) de la dégustation...
Vin n°11 : Pierre Peltier - Château-Chalon 1969
Encore un profil totalement différent,au nez je le rapprocherais peut-être plus du Macle car il est marqué par les agrumes intenses et se dégage une sensation de fraîcheur impressionnante.
Sensation qui se confirme en bouche tant le vin fait preuve d'une jeunesse insolente ! Quelle énergie ! Il est moins fin que le Macle, moins complexe que le Marius Perron mais alors, qu'est ce que ça envoie... La bouche est très large et prend tout le palais, s'étire sur une finale interminable et presque asséchante tant l'acidité emporte tout sur son passage, seuls ses notes d'agrumes apaise un peu ce ressenti.
Magnifique, encore une fois.
Deux séries de vins jaunes et Château-Chalon d'anthologie tant chaque vin avait une personnalité propre, et cela en ayant 40 ou 50 ans... Un immense merci à Tophe mais un profond respect également pour nous avoir sélectionné 4 vins de grandes classes !
Comté de 28, 16 et 6 mois.
Vin n°12 : La Maison de Rose - Ecole Buissonnière 2009 (vendanges tardives de savagnin)
Nez très fin, sur les agrumes essentiellement.
Bouche fraîche et élégante, c'est très beau et parfaitement équilibré, la cannelle, le litchi ressortent clairement. Digeste, légèreté et complexité. Un
très beau vin pour terminer.
Que dire après tout cela, si ce n'est un immense
merci à Tophe pour cette sélection incroyable mais également pour l'excellent repas qu'il nous a concocté qui a pu sublimer les vins (mention spécial au saumon en feuille de blette, délicieux !). J'espère juste secrètement qu'un rendez-vous sera pris pour dans deux ans
Et puis une nouvelle fois ; merci à LPV sans quoi rien de tout cela ne serait possible. Boire de belles, magnifiques, grandes bouteilles c'est génial, mais pouvoir les (faire) partager avec une bande comme celle-ci, c'est quand même autre chose !