L’ami François a 75 ans mais chut, ne le dites pas, car il ne tient pas à ce que cela se sache...
Et pour que cela ne se sache pas, il fait tout pour en paraitre dix de moins et il y arrive ! Il faut dire que les sorties en vélo (il a fait encore l’Ardéchoise cet été !) le maintiennent en grande forme !
Pour la traditionnelle rencontre de fin août – début septembre, il nous a donc concocté une dégustation éclectique comme il sait le faire, de haut niveau comme il sait le faire également, et cette fois-ci d’un cran encore au-dessus…
On commence comme l’an dernier avec un vin servi en verre noir.
Vignoble du rêveur – Alsace – Singulier – 2020
Il s’agit d’un assemblage de riesling et pinot gris, avec macération de dix jours.
Le nez intense présente de l’acidité volatile, voire une piqûre acétique. On perçoit derrière des fruits blancs et du miel.
La bouche est axée sur une acidité vertébrale, et s’habille d’une matière charpentée, avec même de la mâche qui donne une sensation tannique, surtout dans la finale qui est en plus dotée d’une grande salivation.
Bien + mais pas vraiment mon truc.
Au petit jeu de l’aveugle intégral, on recherche d'abord la couleur et les résultats sont impressionnants : 5 annoncent un blanc, 2 un rouge, 2 un rosé et 1 un orange...
C’est ma chère et tendre qui est la seule à trouver et pourtant tous les indices étaient là : une acidité rarement rencontrée dans un rouge et une sensation tannique, c’est un vin orange ! Mais j’ai trop raisonné en me disant que François n’avait pas récidivé le coup de l’an dernier et j’ai donc annoncé rosé sans conviction…
Bon, on démarre doucement en niveau en moulinant sur le petit plateau mais on va passer très vite sur le grand…
Clos Venturi – Vin de France – Chiesa Nera – 2014
L’assemblage comporte 40 % de vermentino, 40 % de genovese et 20 % de bianco gentile.
La robe (cette fois-ci on peut l’admirer !) se présente sous un or clair.
D’une belle intensité, le nez se montre étincelant et riche, avec de la pêche, de la poire, des fruits exotiques et de l’anis. Il se complexifie de plus en plus à l’aération, révélant des notes de menthe, de terpènes et de maquis (pour cette dernière, c’est étiquette découverte…
).
La bouche est large, d’un gros volume, nappée d’un voile de gras. La richesse aromatique semblable à celle du nez donne une impression de sucrosité et l’acidité est calibrée à un niveau juste suffisant pour atteindre un équilibre satisfaisant. L’allonge est d’abord séveuse puis plus en finesse.
Très Bien +(+)
Domaine Gauby – Côtes catalanes – Coume Gineste – 2017
La robe est de couleur paille.
Le nez très expressif exhale les senteurs d’un panier d’herbes aromatiques et de fruits blancs variés.
La bouche est dotée d’un bel équilibre, aussi large que longue, avec un léger gras, une très belle sapidité et une vivacité sous-jacente. Elle s’affirme magnifiquement dans une finale persistante, pétrie d’élégance, aromatique et dotée de fins amers.
Très Bien ++
Domaine de la Vougeraie – Vougeot blanc – Clos du Prieuré – 2016
La fiche annonce 4 % de pinot gris et 1 % de pinot blanc ????!!!!
La robe très brillante hésite entre paille et or.
Bien intense, le nez oriente tout de suite vers un grand Bourgogne, offrant de beaux et fins arômes d’élevage : brioche beurrée, crème pâtissière, touche vanillée, un soupçon de grillé et une base de fruits blancs bien mûrs, dont la poire principalement.
Ample et dotée d’un gras enveloppant, la bouche fait preuve d’une harmonie remarquable entre une matière irréprochable, un élevage parfaitement intégré et une acidité au cordeau. La finale très persistante, toute en subtilité et d’une aromatique délicieuse nous ravit et nous invite à nous resservir !
Excellent
Un vin tout jeune mais déjà grand, et une belle première pour moi sur cette cuvée rare.
Domaine E. Guigal – Ermitage – Ex Voto – 2005
Cette cuvée très haut de gamme combine 90 % de marsanne et 10 % de roussanne, et a été élevée durant 30 mois en fûts neufs…
La robe est très ambrée mais pas dense, presque claire.
Le nez intense joue dans un registre tertiaire, luxuriant et patiné à la fois, alliant du fenouil, du miel, du bois précieux, de la mirabelle et de l’amande.
La bouche très ample et assez grasse donne une impression de sucres résiduels, renforcée par une aromatique sur la datte. La matière très séveuse apporte de l’impact en finale, sur une aromatique évoluée qui m’a moins dérangé que certains.
Très Bien ++, même si le vin a dû dépasser son apogée.
Un très bel accord (4 / 5) avec une cassolette de Saint-Jacques aux champignons, le vin gagnant en élégance.
Bodega Vega Sicilia – Ribera del Duero – Valbuena 5° – 2013
La robe très sombre présente un début d’évolution sur la frange.
Très intense, le nez exhale des arômes torréfiés de chocolat et de café, qui s’entremêlent agréablement à de beaux fruits noirs et à des notes de garrigue. Il va de plus s’affiner à l’aération dans le verre en offrant de belles touches florales. Un nez addictif !
La bouche est corsée et bien équilibrée par une acidité qui va aller crescendo de l’attaque à la finale. Les tanins gras et le toucher très fin apportent de la sensualité. La grande persistance révèle un fruité subtil et acidulé.
Très Bien ++ / Excellent et le rouge de la dégustation à mon goût !
Château Mouton Rothschild – Pauillac – Le Petit Mouton – 2012
La robe est bien sombre et montre quelques reflets tuilés sur le bord du disque.
Le nez dispose d’une bonne intensité et d’une aromatique assez sauvage, avec du maquis et du tabac sur un fond de cassis.
L’austérité classieuse des Pauillac se retrouve en bouche aux plans de l’aromatique, des tanins assez distingués et de la bonne fraîcheur, plus que du profil qui sait s’arrondir. La longueur est intéressante sans plus, la finale bien nette et épicée.
Très Bien + et étonnamment déjà prêt à boire, avec tout de même de réelles capacités d’évolution.
Domaine Henri de Villamont – Clos de Vougeot – 2010
La robe claire fait nettement apparaître une teinte très tuilée qui gagne sur l’ensemble du disque.
Bien intense et classieux, le nez a déjà acquis ces beaux arômes tertiaires des grand Bourgogne, sur la rose fanée et le sous-bois, tout en gardant un beau fruité de cerise en filigrane.
Après une telle robe et un tel nez, on s’attend à une grande bouche, mais l’attente a peut-être été trop forte. La très grande finesse est au rendez-vous mais, associée à une matière tendre et svelte, aux tanins fondus, elle fait encore plus ressortir l’acidité un peu trop prégnante. La finale dispose d’une allonge très honnête mais avec un caractère un peu pointu.
Très Bien + seulement pourrait-on dire mais je pense que l'ensemble de l'assemblée a été plus ravie que moi.
Maison Paul Jaboulet Aîné – Hermitage – La Petite Chapelle – 2009
La robe sombre montre quelques traces d’évolution sans plus.
Le nez intense et très séducteur propose des fruits noirs confiturés, cerise et mûre, une note mentholée et des accents floraux.
Charpentée et d’une belle densité, la bouche possède un grain très serré. Une vivacité bienvenue la tient sur ses rails, ceux-ci s’avérant bien longs. La puissance du vin en première partie de bouche lui a en effet donné suffisamment d’élan pour l’emmener loin, dans une finale plus apaisée.
Très Bien ++, sauf pour un pdf, mais à attendre dans tous les cas pour aller encore plus haut.
Un excellent comté a réussi à tempérer la fougue du vin (3,5 + / 5).
Domaine Marie-Thérèse Chappaz – Valais – Grain noble – Marsanne – 2017
Vin servi en deux demi-bouteilles.
La robe est une merveille : bel or ambré assez clair et bien brillant.
Le nez très intense exhale un grand et beau fruit, mêlant avec bonheur fruits jaunes et fruits exotiques, et se mâtinant de senteurs de rose.
La bouche affiche une belle liqueur, dense et voluptueuse, à l’aromatique envoutante. L’équilibre somptueux est obtenu grâce à une énorme acidité qui relance la bouche en continu. La finale raffinée et d’une très belle allonge parachève le magnifique tableau.
Excellent, maintenant et pour 20 ans sans doute.
Et pour ne rien gâcher, une tarte à l’abricot et à la pistache, très goûteuse et peu sucrée, s’est très bien mariée avec le vin (4 / 5).
Voilà un line-up de toute beauté, qui nous a fait bien voyager et qui nous a tous ravis.
Un énorme merci à toi, François ! Reste encore aussi jeune pour les 25 prochaines années !
Jean-Loup