C'est en petit comité qu'une partie de notre équipe se retrouve chez moi et ma femme. Ville, Joakim, Marianne, Petter et Jonas sont de la partie. Je dois dire que nous avons eu un mois de juillet maussade et plutôt frais ici. En plus, en Norvège, le mois d'août signifie déjà le début de la fin de l'été. J'avais donc envie de faire une soirée avec de grosses cartouches pour prolonger l'été dans nos têtes.
Mais il s'avère que l'été n'abandonne pas aussi facilement et il s'est installé avec de belles températures autour de 25 degrés. Ma température idéale, loin des canicules du Sud. Finalement, on n'avait peut-être pas besoin d'une soirée grosses cartouches, mais comme c'est prévu depuis un certain temps, on ne va pas modifier les plans
On ne renie toujours pas à notre principe de base : une ou deux bouteilles par convive et dans des chaussettes noires ou en carafe. Sinon, aucun thème particulier même si le jeu du hasard a mis la Bourgogne à l'honneur.
Nous débutons par le champagne de Ville sur des charcuteries diverses :
La robe est jaune paille assez profonde.
Le nez est de bonne intensité avec de l'évolution. On retrouve du citron confit, de la pomme verte et jaune. Une pointe de pêche jaune complète le fruit. Pas mal d'autolyse et d'évolution sur le grillé, brioche et champignon frais. C'est volumineux et ample. On sent une bonne maturité du fruit.
La bouche est assez puissante avec une texture crémeuse. On ressent la bonne maturité du fruit en attaque et puis l'acidité très haute vous tend bien tout cela. La seconde partie vive du vin contraste avec l'attaque vineuse et mûre. La seconde partie est marquée par de beaux amers, un côté craie et une très bonne longueur. Style complètement sec et finale au rasoir. L'aération lui fait du bien et donne plus de chair à la seconde partie.
Excellent -. Un style sans concession et cette différence entre l'attaque et la seconde partie l'empêche d'être grand.
On part sur un Chardonnay avec une très bonne maturité. Je pense au millésime 2002 sur la Côte des Blancs avec les grand crus de Cramant, Avize et Le Mesnil en tête. Pour le producteur, je sèche. Pas trop loin, mais un peu quand même :
Champagne Agrapart - Blanc de Blancs Vénus Extra Brut 2009
Je suis surpris de trouver un millésime chaud comme 2009 vu l'acidité du vin.
Le second champagne est servi par Petter :
Nous sommes sur une couleur doré profonde.
Le nez est intense sur l'évolution avec de la mirabelle, pomme jaune, torréfaction, chocolat, champignon sec. Ce n'est pas super complexe, mais c'est profond et ouvert.
Bouche puissante et vineuse. C'est crémeux avec une bulle fine. Belle matière mûre et une acidité importante qui donne du volume. De l'harmonie. Style sec avec dosage léger. La finale est longue avec une touche boisée fine, touche phénolique et craie et une bonne persistance sur la mirabelle et la torréfaction.
Très bien +.
On est clairement sur un pinot noir et vu la belle maturité du fruit, sur une commune du sud de la Montagne de Reims comme Ambonnay, Bouzy ou en Vallée de la Marne à Ay ou Cumières. Pour le millésime, je pense à 2002. Pour le producteur, aucune idée.
Champagne Gatinois - Millésime 2002 Brut
On passe à table avec un grand Sébaste et son beurre blanc dans les assiettes. Il est rehaussé d'œufs de poisson kvailx.
La couleur est jaune paille assez profonde.
C'est intense et net avec pas mal d'évolution. On retrouve du citron confit, fruits jaunes, beurre, noisette, des épices, tilleul. Il y a du miel et de l'amande grillée aussi. Le fruit est très expressif et il est souligné par le beurre et la noisette. C'est à parfaite maturité et c'est d'une sacrée profondeur.
Bouche assez puissante avec un joli gras soutenue par une acidité importante qui donne de l'énergie et un côté aérien. L'intensité aromatique est très bonne. Elle est dominée par le fruit, le beurre et l'amande grillée. C'est ouvert et parfait à boire maintenant. La finale est longue, fraîche et très nette.
Excellent.
Coche-Dury - Meursault 2002
C'est vraiment bon un blanc de Bourgogne à maturité. Le peu d'expérience que j'ai avec les vins de Coche-Dury n'est que sur des vins jeunes et le côté pop-corn, pétard mouillé ce n'est pas mon truc. Je trouve que l'âge efface ces arômes caricaturaux et offre une palette beaucoup plus intéressante.
Cette fois-ci, la couleur est beaucoup plus pâle et d'une couleur citron.
Nez de bonne intensité avec du citron, beurre, noisette fraîche. Il y a une touche de bois fine sur le bois scié parfaitement bien intégré. Côté floral et tilleul. Il y a des notes de pierre calcaire humide assez prégnante qui donne beaucoup de caractère.
Bouche moyennement puissante avec une grosse tension. C'est effilé avec un très léger gras. La matière est dense et s'étire avec tant d'acidité. Beaucoup de jeunesse et une aromatique intense similaire au nez. Boisé fin très bien intégré. Finale salivante avec de beaux amers et très bonne persistance.
Excellent et très gros potentiel.
Nous sommes sur du Chardonnay et partons pour la Côte de Beaune, on n'est pas sur Meursault vu la finesse et on propose Puligny. Non, le cru voisin nous dit Joakim. On est sur Chassagne en 1er Cru alors. Le millésime est frais avec une bonne maturité quand même. Je pars pour 2014 vu la jeunesse du vin. Perdu !
Pierre-Yves Colin Morey - Chassagne Montrachet 1er Cru Les Baudines 2007
Le dernier blanc pour l'entrée possède une robe paille/or de profondeur moyenne.
Le nez est intense, net et précis avec du citron, beurre, noisette. Touche d'amande grillée, il y a de belles notes de fleurs blanches, zeste d'agrumes, fumé. Jolie profondeur et c'est la précision au laser que j'aime le plus.
Bouche moyennement puissante, fraîche et dynamique. C'est crémeux et non gras avec une matière en dentelle mais concentrée qui donne du volume. Un vin ouvert qui se livre parfaitement. Il y a presque de la gourmandise. Harmonieux et seconde partie avec des amers délicats et une très bonne longueur.
Excellent et délicieux à boire maintenant.
Une fois de plus c'est du Chardonnay et de la Côte de Beaune. On part tous sur Puligny encore, mais difficile ensuite. Sans doute un premier cru et la finesse et les notes florales m'amènent sur un cru assez haut sur la colline. On est sur un beau millésime avec un bel équilibre entre maturité et fraîcheur. Petter propose 2010. Il a raison ! Par contre pour la vigne en haut de coteau, c'est à revoir.
Domaine Leflaive - Puligny Montrachet 1er Cru Les Pucelles 2010
On passe au rouge sur les cailles au lard et aux poires servies avec des haricots verts à la tomate et de la polenta.
Le premier est celui de Jonas.
Robe claire rubis.
Nez de bonne intensité avec une volatile marquée et une pointe oxydative. C'est un peu borderline, mais c'est ok pour moi. Certains trouvent que c'est trop. Derrière, il y a un joli panier de petits fruits rouges acidulés avec la groseille et la griotte. Belles notes florales, touche d'épices et terre fraîche.
Bouche peu puissante, fraîche et dotée d'une belle tension. L'acidité est le maître-mot du vin, mais avec une belle gourmandise. Peu tannique avec un grain de tanin fin, soyeux. Volatile marquée, mais je trouve qu'elle ne prend pas le dessus. Longueur très bonne.
Très bien, mais il faut accepter la déviance du vin.
On est sur du pinot et il est bourguignon. Je vois bien un joli premier cru de la Côte de Nuits et avec le peu de tanins, je pars sur Chambolle sur un millésime frais comme 2013, car je trouve que c'est encore jeune. Et non !
Domaine Hudelot-Noëllat - Vosne Romanée 1er Cru Les Beaumonts 2009
Un vin que je n'aurais jamais placé sur ce millésime solaire tant il était acidulé.
Encore un vin à la robe claire et rubis. Cette fois-ci, c'est Joakim qui nous le sert.
Nez de bonne intensité qui est un peu lacté au service, mais cela disparaît à l'aération. Il y a de jolis fruits rouges sur la cerise, framboise, touche acidulée sur la groseille. Fines notes florales et balsamiques et un trait de pousse de ronce. C'est très pur et transparent avec en même temps de la profondeur. Un boisé fin et délicat souligne le fruit.
Bouche moyennement puissante avec un très beau toucher. Un vin ferme avec beaucoup de tanins, mais le grain est soyeux et d'une rare finesse. Aucune agressivité et avec tout ce fruit, c'est un régal. La longueur est excellente, fraîche avec une aromatique, très nette.
Excellent +.
C'est encore un pinot noir et on pense à un cru qui donne des vins tanniques. Certains nomment Gevrey, d'autres Nuits Saint Georges et je pars sur Pommard. Non, nous dit Joakim. Après réflexions, on part sur la colline de Corton. Pour le millésime, Jonas propose 2010. Et c'est confirmé !
Domaine De Montille - Corton Clos du Roi Grand Cru 2010
Le vin suivant et servi par Petter.
Changement de programme avec une robe tuilé et profonde.
Le nez est beaucoup plus évolué avec des fruits secs, cerise, côté sucré/acidulé, tabac, thé noir, épices. Cela sent bon le soleil avec une bonne profondeur. Par contre ce n'est pas super nuancé, mais cela reste joli.
Bouche puissante, assez massive avec une structure tannique marquée. Là, il y a du tanin. C'est aussi porté sur une grosse acidité. Le fruit ressort et évite au vin la sècheresse. La longueur est très bonne. Le vin sature vers la fin quand même.
Très bien -.
On part tous sur Nebbiolo et sur Barolo. Seul Jonas propose un Sangiovese de Brunello et il a raison. Pour le millésime, on ne doit pas être loin de 20 ans.
Fonterenza - Brunello di Montalcino 2004
Le dernier rouge propose une couleur rubis/brun avec une bonne profondeur.
Le nez est superbe avec de l'évolution sur le champignon, humus, il y a aussi du fruit sec, de la tapenade, pointe de poivre et d'épices. Mais surtout un superbe fruit sur la cerise, mûre sur un côté sucré/acidulé superbe. Un vin sérieux qui possède beaucoup de classe.
Bouche assez puissante avec une structure à la fois tannique et acide assez importante. Il y a un côté austère dans ce vin malgré le fait qu'il soit ouvert et à point. Superbe touché de bouche avec du soyeux et des tanins qui glissent sous le palais. Matière concentrée et d'un équilibre superbe entre finesse et puissance. Longueur géniale, nette et fraîche.
Grand vin.
Domaine Jean-Louis Chave - Hermitage Rouge 2000
On passe au fromage et Marianne nous sert son premier vin :
La couleur est jaune paille, myoennement profonde.
Bonne intensité, net avec un fruit mûr sur la pomme jaune, ananas, pêche jaune, touche d'abricot frais. On retrouve aussi de la cire d'abeille, miel, fenouil, épices. C'est d'une bonne complexité et de profondeur moyenne. Il manque néanmoins un peu d'éclat.
Bouche puissante et riche avec du gras, mais surtout une acidité relativement faible et la structure se fait plus sur une touche phénolique marquée et les amers. L'équilibre est là. L'intensité est bonne et il y a une bonne concentration car one ne sent pas l'alcool. Par contre, il manque quand même de peps et d'éclat. La longueur est très bonne.
Bien +, mais assez vite oublié.
On est dans le sud et je trouve le nez marqué par la Marsanne avec les fruits jaunes, la cire d'abeille. La puissance et la richesse m'amènent sur la vallée du Rhône septentrionale. Je pars sur l'Hermitage. Pour le millésime, une dizaine d'années.
M. Chapoutier - Ermitage blanc Jubilée 200 ans 2008
Marianne nous sert un autre vin:
Couleur dorée moyennement profonde.
Nez intense avec un beau dessin précis sur le citron confit, abricot frais, coing, pointe de miel, pâte de coing, note de confiture de rhubarbe, côté eau de roche aussi. C'est superbe et très appétant.
La bouche est fraîche et dynamique avec un peu de sucre qui équilibre très bien l'acidité forte du vin. Cela donne une gourmandise que je trouve géniale. L'acidité est arrondie, mais cela n'enlève pas au vin son côté aérien. Très bonne intensité aromatique avec la rhubarbe plus importante qu'au nez. Finale qui claque et finit complètement sèche avec une belle touche saline.
Excellent. Cela paraît encore jeune et avec plein de potentiel d'évolution même si c'est vraiment bon en ce moment.
Le coing, abricot, l'acidité haute et le léger sucre me font partir rapidement sur le Chenin Blanc avec Montlouis et Vouvray en tête, car nous sommes sur un profil fin et frais. Je pense au millésime 2010. Joakim pense du coup à Huet. Bravo !
Domaine Huet - Vouvray Demi-Sec Le Mont 2007
Le dernier vin sur la tarte aux abricots et servi par Ville:
Couleur orangée plutôt profonde.
Nez intense et net. C'est une explosion de fruits confits sur l'abricot sec, la marmelade d'orange amère, pâte de coing, pointe de botrytis sur le grillé, massepain. Il y a des épices douces comme la cannelle et la cardamome. De fines notes de zeste d'orange, pointe de mandarine. Le botrytis est peu marqué et il souligne un fruit d'une superbe qualité.
Bouche assez puissante avec beaucoup de sucre, cela tapisse le palais, mais c'est rincé très rapidement par une acidité dantesque à faire pâlir un Riesling de Moselle allemande. Du coup, on se retrouve sur un équilibre que j'adore, c'est presque aérien et pourtant, il y a du poids vu le sucre et une superbe concentration. C'est intense en bouche et cela reste très longuement en finale. Cette dernière est fraîche, nette et dotée d'un joli côté salin qui contrebalance un peu l'acidité.
Excellent +.
C'est clairement un équilibre à la Tokaj et nous sommes sur 5 ou 6 puttonyos. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Le producteur, aucune idée et Ville nous dit qu'il n'est pas connu en Norvège. Jonas, qui connaît bien la cave de Ville, propose le bon vin :
Dobogó - Tokaji Aszú 6 Puttonyos 2006
La soirée se termine tard et le métro et les bus sont fermés, les amis partent tranquillement vers leurs pénates en essayant d'attraper un taxi. De mon côté, je finis la vaisselle avec les vins encore dans les papilles et la tête.
Et une fois de plus, je ne peux que conclure : ouvrir des supers quilles avec des supers amis autour d'un bon gueuleton, le tout en toute simplicité et en se marrant bien, je crois que c'est mon nirvana !