Votre humble serviteur a allègrement franchi son cinquante cinquième anniversaire.
Lors de notre traditionnel "tour de table" pour désigner les thèmes de la saison 2018-2019, j'avais annoncé que je me réservais cette soirée pour fêter, dignement je l'espère, mes 55 balais.
Au programme, un choix forcément éclectique de quelques quilles remontées de la cave avec pour seul but ... se faire plaisir.
Vu que je connaissais l'ensemble des vins et que cette dégustation était à l'aveugle pour mes petits camarades, je remercie infiniment Bart d'avoir joué le jeu et de m'avoir transmis ses notes.
Je les compléterais de quelques commentaires.
Les vins seront servis par paire, à l'aveugle donc pour mes camarades.
Pour débuter la série et se faire la bouche, je propose une bulle.
Champagne Roses de Jeanne - Les Ursules
Blanc de Noirs Pinot Noir, dégorgé en avril 2015, millésime 2011.
Bart : comme apéritif, Olivier nous sert des bulles.
Au nez, il y a des fines notes de pâtisserie.
La bouche est très belle, marquée par des touches noisettées et un fruité très mûr.
Cette richesse de fruits est balancée par une finale bien salivante qui donne du punch au vin.
Je suis étonné de découvrir qu’il s’agit d’un vin non-dosé.
Très bon champagne qu’Olivier nous avait déjà fait découvrir il y a quelques années lors d’un dîner de LPV-Belgique. 16/20
Aux commentaires de Bart, j'ajouterais que j'ai été agréablement surpris par la maturité du vin qui n'obère en rien une fraîcheur assez exceptionnelle.
Grande longueur pour un Champagne qui se révèle corsé et gourmand.
Côte à côte, je propose deux expressions du vignoble Chablisien.
Mes amis ont vite deviné où l'on se situait.
Ils sont très forts tout de même !
1. Domaine Vincent Dauvissat - Chablis 1er Cru "La Forest" 2007
Bart : robe jaune assez soutenue.
Le nez, réduit, présente des arômes d’étable et de croûte de fromage.
Ce dernier arôme nous mettra d’ailleurs tout de suite sur la piste du vigneron.
La bouche est marquée par une forte acidité dans une finale citrique, presque tannique.
Elle est dominée par les fruits blancs, mais on y retrouve aussi le même goût de fromage, perçu au nez.
Le vin présente une belle complexité, un beau gras, et une belle longueur.
Il présente néanmoins des notes beaucoup plus évoluées que le vin n° 2, issu de la même appellation et du même millésime. 17/20
2. Domaine François Raveneau - Chablis 1er Crus Montée de Tonnerre 2007
Bart : Robe jaune soutenu.
Le nez est d’une grande finesse.
L’attaque en bouche est assez douce et délicate.
La bouche est très précise et pure et d’une très grande longueur.
Un excellent vin, d’un raffinement extrême.
J’ai adoré. 18,5/20
Je suis tout à fait d'accord avec les commentaires de Bart qui reprennent d'ailleurs le sentiment général lors de la dégustation.
Une force
tannique et tranchante dans le vin de Dauvissat alors que le vin de Raveneau présente ce profil idéal d'un subtil mariage entre densité, maturité, fraîcheur et élégance.
Un superbe vin que je place sans hésitation au-dessus du vin de Dauvissat.
Néanmoins, deux superbes expressions de Chablis.
Et si l'on descendait quelques kilomètres plus au Sud ?
Allez, c'est parti !
3. Domaine Marc Sorrel - Hermitage Les Rocoules 2007
Bart : robe jaune dorée.
Nez marqué par des arômes de noix et des notes tourbées assez puissantes.
La bouche est fort imposante et puissante, tout en largueur et très grasse.
Une touche d’amertume me fait penser à la Marsanne.
Au final un très beau vin, mais plus massif, surtout par rapport au vin n° 4. 17,5/20
4. Château Rayas - Châteauneuf-du-Pape 2004 (blanc)
Bart : robe plus claire.
Séduisant nez résolument sudiste, avec ses arômes de fenouil et d’anis.
La bouche est gourmande.
L’alcool du vin est parfaitement contrebalancé par une belle fraicheur et une très fine amertume en fin de bouche.
Un vin insolent de jeunesse qui offre un intense plaisir. 19/20
Dans cette paire de vins issue du "grand" Rhône, j'ai été tout simplement époustouflé par le Rayas blanc.
Même en connaissant l'origine du vin, on ne peut être que conquis par cet équilibre entre corpulence et fraîcheur avec cette intégration parfaite de l'alcool.
L'Hermitage de Marc Sorrel ne déméritait pas, loin s'en faut, mais ses arômes d'évolution et son côté "massif" l'ont un peu desservi face à cet exceptionnel Rayas.
On reprend l'ascenseur et on remonte plus au Nord.
5. Clos Rougeard - Saumur "Brézé" 2001
Bart : nez d’une complexité extraordinaire, avec une touche fumée très séduisante.
Magnifique bouche, principalement sur les fruits blancs, fraîche et grasse à la fois.
Un vin parfaitement sec et mûr, d’une complexité et d’une longueur incroyables et d’une fraîcheur étonnante. Sans aucun doute, le plus grand vin blanc de Loire qu’il m’a été donné de pouvoir déguster.
Merci, Olivier (mais ça, c’est valable pour tous les vins de cette soirée inoubliable). 20/20
6. Domaine Leflaive - Chevalier-Montrachet Grand Cru 2002
Bart : nez un peu réduit et marqué par des notes brûlées.
Bouche d’une fraîcheur éclatante, d’une grande complexité, d’un fruité pur mis en valeur par un élevage de haut niveau.
Au final, un vin qui me bouleverse véritablement par son raffinement presque décadent.
Très grand vin. 20/20
Voilà deux vins dont j'attendais énormément après leur mûrissement en cave.
J'avais hâte de les partager avec des amis et ce fût l'occasion rêvée de leur proposer.
Je suis globalement d'accord avec Bart.
Deux immenses vins qui alliaient équilibre, complexité et élégance.
Faut-il nécessairement donner sa préférence à l'un des deux ?
Et bien je me risque à le faire.
Bien que Bart ait coté les deux vins de manière égale, j'avoue que je donnerais ma préférence au Clos Rougeard pour son supplément de finesse et d'équilibre.
Au-delà de ce "chipotage", nous avons bien entendu dans nos verres deux vins immenses.
La série des blancs s'achève de belle manière, place à présent aux rouges.
Dans cette première série, j'avais envie de confronter deux vins issus du Cabernet Franc et du Merlot.
7. Clos Rougeard - Saumur Champigny "Les Poyeux" 2002
Bart : une robe qui évoque le pinot noir.
Le nez est d’une grande finesse et présente un magnifique fruit et des notes terreuses que j’associe à la Loire. Aucune trace de poivron par contre…
La bouche est d’une redoutable séduction, avec ses tannins gourmands et fins, et d’une grande persistance.
La rétro-olfaction est sur des cerises finement épicées.
Un très beau vin d’un esprit bourguignon. (sauf que peu de vins rouges de Bourgogne sont aussi bons )
18,5/20
8. Château La Conseillante - Pomerol 2001
Bart : robe fort foncée, assez brillante.
Nez assez poussiéreux avec une touche de vernis.
A l’aération, des notes séduisantes de truffe se libèrent.
Tannins présents mais civilisés.
Le vin est parfaitement équilibré et présente une très belle longueur.
A cause de la structure du vin, on penche plutôt pour la rive gauche et le cabernet sauvignon.
Raté (cette fois-ci). 17,5/20
Si ce n'était pas la première dégustation du Château La Conseillante 2001, c'était en revanche une première pour le Poyeux 2002 venant de ma cave.
Et quelle belle surprise ! Bart a parfaitement résumé le grand vin que nous avons dégusté : un équilibre "bourguignon" tant dans son fruit que dans sa structure. Superbe !
Quant au Pomerol, j'ai davantage apprécié ses arômes que sa texture plus "brute" et des tanins pas aussi parfaits que ceux du Saumur Champigny.
Je pense que le Clos Rougeard atteint sereinement son plateau de maturité et pour très longtemps.
On patientera davantage pour La Conseillante en espérant que le vin atteigne la perfection de son compagnon de dégustation d'un soir ...
On prend la direction du Sud avec comme point commun entre les deux vins le cépage parfaitement identique mais qui a mûri à quelques kilomètres de distance.
Si le premier est né sur sa terre de prédilection, le second est né sur un terroir plutôt réputé pour le Grenache.
9. Domaine Jamet - Côte-Rôtie Côte Brune 1999
Bart : robe foncée avec belle évolution.
Nez envoutant ( lardé, fumé, sanguin ) que je pense reconnaître.
Magnifique bouche gourmande, poivrée mais d’une grande fraîcheur, avec des touches de lardé.
Le vin est d’une énergie incroyable et d’une longueur extrême.
Un vin complexe d’une sensualité folle.
Pour moi, on touche au sommet. 20/20
10. Château de Fonsalette - Côtes du Rhône Syrah 2000
Bart : robe foncée relativement jeune.
Le nez évoque le fruit noir et le fumé, ce qui nous amène à situer le vin dans le Rhône nord.
Le vin possède une structure plus puissante et massive que le vin précédent, ce qui nous fait penser à Hermitage.
Le vin semble plus riche en alcool et plus mûr et il est davantage sur la réserve que le précédent.
Mais déjà énormément de plaisir.
Sans aucun doute encore un énorme potentiel de garde.
La surprise est grande autour de la table quand nous découvrons l’étiquette du vin.
18,5/20 (sans doute 19/20, ou plus, dans 5 ans).
Bon, je l'avoue, le choix de cette paire était uniquement guidé par le cépage.
En effet, je voulais testé la fameuse et rare cuvée Syrah du Château de Fonsalette.
Et bien, je ne le regrette absolument pas.
On ne peut nier la grandeur de la Côte-Rôtie Côte Brune de Jamet.
Tout est grandissime dans ce vin : l'équilibre d'école, les merveilleux arômes d'une Syrah à parfaite maturité et cette folle élégance. Chapeau bas !
Pour autant, le Côtes du Rhône du Château de Fonsalette ne s'en laisse pas conter !
Tout mes petits camarades l'ont situé dans l'appellation "concurrente" Hermitage et je dois confesser que, si j'avais dégusté à l'aveugle, j'aurais acquiescé sans coup férir !
Encore deux très beaux vins.
Pour le bouquet final, nous remontons dans cette merveilleuse terre bourguignonne qui (peut
) voir naître de très grands vins.
Ce sera indéniablement le cas.
11. Clos des Lambrays Grand Cru 2001
Bart : robe plus claire, avec signes nettes d’évolution.
Nous sommes en Bourgogne.
Nez d’une classe folle, une vraie explosion d’épices.
La bouche est d’un raffinement inouïe.
C’est diablement bon.
Tout dans le vin est d’une telle évidence, d’une telle harmonie que ça laisse pantois.
Chapeau bas. 20/20
12. Clos de Tart Grand Cru 2001
Bart : mes notes sont très semblables au vin n° 11.
Peut-être que le nez du vin est un peu moins aérien, plus terrien, avec une petite touche animale.
Au niveau de la bouche ( si je peux me permettre ce mot à ce niveau d’excellence ) je dirais que le vin est un peu plus rustique, dans le sens des meilleurs Nuits-St-Georges.
Un très grand bourgogne sur son plateau de maturité. 19/20
Ce "match", j'en rêvais depuis que les vins sont encavés.
18 ans de mûrissement serein, il était grand temps de les confronter.
Que dire pour ne pas paraître banal ?
Deux vins d'un raffinement extrême comme seule la Bourgogne peut nous proposer.
D'un côté, un Clos des Lambrays, mélange de ces arômes moult fois décrits dans la littérature : fruité pur, notes de rose ancienne, épices douces.
Un corps raffiné à l'équilibre abouti. Quelle perfection !
De l'autre côté, Clos de Tart propose un vin d'une maturité peut-être un peu plus élevée avec, comme Bart le décrit, un côté plus terrien et plus puissant.
Si je bois aujourd'hui le Clos des Lambrays, je vais laisser encore mûrir le Clos de Tart quelques années.
Malheureusement, ce match ne pourra plus avoir lieu car le Clos des Lambrays manquera à l'appel.
Deux superbes vins !
Et voila qui achève cette série dont je laisserais à Bart le mot de la fin :
Merci pour ta grande générosité, Olivier. Tu nous as vraiment gâté !
Bon après tout cela, il fallait quand même grignoter quelques fromages.
Pour les accompagner, je propose quatre vins qui ne seront pas dégustés à l'aveugle.
Ils sont servis simultanément afin de permettre à chacun de faire son choix en fonction des fromages.
Domaine Leflaive - Bienvenues Bâtard-Montrachet Grand Cru 2002
La comparaison avec le Chevalier-Montrachet est presqu'inévitable.
Un grand vin avec cette petite note de réduction au nez qui laissera place à un fruité élégant.
Superbe corps avec plus de finesse que le Chevalier-Montrachet mais avec un chouia de corps en moins.
Grande longueur et extrême finesse.
Domaine Gérard Boulay - Sancerre Monts Damnés 2008
Mazette, quel vin !
Aucune note variétale, des accents
pierreux et
minéraux au nez.
Superbe bouche, mêlant tout à la fois, maturité, densité et d'une grande longueur.
Un vin magnifique d'équilibre et de finesse.
Domaine Jean-François Ganevat - Côtes du Jura Les Chalasses Vieilles Vignes 2012
La bouteille n'est pas sans rappeler les deux vins de Leflaive.
Le vin n'a peut-être pas le raffinement extrême des deux Grands Crus mais on devine la
patte d'un grand vinificateur.
C'est superbement équilibré et d'une grande fraîcheur.
La complexité n'est pas encore présente mais je ne doute pas qu'elle se développera avec quelques années de patience.
Domaine Marcel Deiss - Cru d'Alsace Burg 2011 "Le Vignoble Féodal"
Je voulais éviter le piège du liquoreux qui aurait sans doute éteint ses trois compères pour accompagner le plateau de fromage.
J'ai donc porté mon choix sur un vin qui se déguste plutôt
demi-sec.
Le vin est complexe, presqu'exubérant, riche tant au nez qu'en bouche.
Il garde tout de même cette belle fraîcheur grâce à une acidité mûre et vibrante qui vient équilibrer la dégustation.
Un vin loin, très loin de son apogée, qu'il faudra déguster à table mais on a encore de belles années de patience.
Voilà qui clot cette merveilleuse soirée.
Merci à tout le groupe du CRD-LPV Belgique d'avoir été présent ce soir-là.
Ce fût une immense joie de vous proposer ces bouteilles.
Mais je n'ai que 55 ans ... à bon entendeur ...
Mille mercis à Alain, Alfonso, Arnaud, Bart, Benoît, FX et Philippe pour le merveilleux cadeau dont j'espère profiter bientôt !
Des bises à tous.
Olivier