Pour se remettre des agapes de fin d'année…
Tous les vins sont servis à l’aveugle et par triplette ou paire sur les plats puis sont dévoilés avant de passer à la séquence suivante. A l'apéritif, en revanche les trois champagne seront servis séparément, toujours à l'aveugle pour les convives mais pas pour moi, évidemment.
Mises en bouche
J.L. Vergnon Champagne Expression Extra Brut 2009
100% chardonnay grand cru (Mesnil sur Oger et Avize). Dégorgement 11/2015. Dosage 3 gr
Joli nez assez dégagé et plutôt complexe sur la pomme mûre, le citron confit, la figue séchée, le biscuit, les fruits secs (noisette fraîche) et des notes florales. En arrière plan, une touche oxydative légèrement marquée.
En bouche, le bulle est élégante et on trouve beaucoup de finesse et une certaine noblesse. L’ensemble présente une amplitude mesurée mais ne manque pourtant pas de présence. Très bel équilibre global avec une petite rondeur avenante et un fruit bien mûr. Longueur correcte et fin de bouche bien fraîche.
Laherte Champagne Les Empreintes Extra Brut 2010
50% pinot noir (vigne de 1983, terre riche d’argile et silex) ; 50% chardonnay et chardonnay muscaté (vigne de 1957, argile fin et craie). Vinification en barriques avec élevage de 6 mois sur lies. Pas de malos. Dégorgement 10/2014. Dosage 3,5 gr
Très beau bouquet assez retenu mais plein de finesse et de pureté. C’est distingué et complexe avec des senteurs évoluant entre les fleurs blanches, la poire, quelques agrumes mûrs, les fruits rouges (framboise) et les herbes aromatiques fraîches.
Très belle attaque nette avec une bouche qui suit juteuse et finement effervescente. Le vin fait preuve d’une grande présence avec du fond, de la profondeur et un équilibre magistral. C’est concentré et élégant avec une grosse fraîcheur malgré une légère pointe oxydative en rétro. Fin de bouche énergique et traçante sur le citron vert et la craie. Grande persistance sur les agrumes épicés.
Grand champagne.
André Clouet Champagne Un jour de 1911 Extra Brut
100% pinot noir issu de diverses parcelles sur Bouzy (10 au total). Malos effectuées. Vieillissement de 10 ans sur lattes. Dosage 1%. Base 50 % 2009 plus solera de 3 années antérieures. Dégorgement 21/10/2019.
Robe plus dorée que les deux précédents.
Bouquet expressif et profond sur les fruits rouges, l’abricot et la pomme bien mûre. Notes de miel et de menthe où surnagent quelques effluves discrètes de craie et de fumé mêlées d’herbes aromatiques sèches. Le tout donne une impression de maturité sans lourdeur.
On retrouve ces caractéristiques en bouche. Après une attaque ronde à la bulle légère, on se trouve en face d’un champagne structuré et profond avec une ampleur impressionnante. Compromis magistral entre puissance et finesse même si la matière impressionnante finit par prendre un peu le dessus sur l’élégance. Fin de bouche mûre et saline extrêmement persistante. Grand champagne impressionnant qui n’a sans doute pas la subtile élégance aristocratique de Laherte mais propose d’autres atouts tout aussi intéressants.
Les chardonnays se marient mieux avec la verrine de saumon, pomme et pamplemousse rose tandis que « un jour de 1991 » s’accorde parfaitement à la pata negra.
Pour la suite, les vins sont ouverts, légèrement épaulés et rebouchés, la veille du repas puis rouverts une à deux heures avant celui-ci. N'ayant pas pris de notes lors du repas, les commentaires datent du lendemain sur le restant des bouteilles.
Antipasti : vitello tonato all’antica maniera
Benoît Dorsaz Petite Arvine de Fully « Les Perches » 2015
Loess sur gneiss et débris morainiques. Exposition sud. Macération à froid de quelques heures puis fermentation et élevage en cuve inox.
Bouquet intense et mûr d’abord sur les fruits blancs (poire, coing) et jaunes (pêche, abricot), la pomme et le melon ; ensuite sur les agrumes (mandarine, citron confit) avec une note de pierre chaude et de silex qui s’installe de plus en plus.
Ronde et plutôt grasse à l’attaque, la bouche se concentre ensuite sur un fruit de belle fraîcheur et propose un équilibre parfait entre ampleur et jus. La fin de bouche de bonne persistance voit revenir des notes de silex et de cire qui s’associent à de beaux amers salins. Belle bouteille à point qui propose du fruit et de la consistance même si le vin n’est pas concentré à cœur ni le plus fin qui soit. Son ampleur et son fruit le rendent particulièrement délicieux.
Elio Ottin Petite Arvine du Val d’Aoste «Nuances » 2016
Sables et débris morainiques. Exposition sud à 700 m d’altitude. Vigne de 1988. Rendement inférieur à 40 hl. Vinification et élevage en tonneaux de 500 l pendant 12 mois.
Premier nez plus retenu, discrètement épicé (cardamome, pistache), avec une trace d’élevage subtile (coco, vanille, noisette grillée) puis fruits jaunes (abricot, mangue) et agrumes confits citron jaune, pamplemousse rose. Touche de fruits secs et de fumée. Elégant et assez complexe.
Attaque en bouche nette et droite. C’est structuré et concentré sans « tape à l’œil » et presque sévère au départ pour se libérer à l’aération et proposer un équilibre superbe sur des composants architecturaux diamétralement opposés à Dorsaz. Retour des notes boisées en fin de bouche avec du caramel salé en rétro. Très belle longueur sur l’abricot sec et la pomme au four et un côté salin discret. Belle bouteille encore un peu dans sa gangue et qui apparaît presque « janséniste » face à la presqu’exubérance du valaisan par comparaison.
Accord parfait de ces deux vins avec le plat. En revanche, le suivant ne trouvera pas sa place. En fait, il était plutôt destiné au plat suivant espérant qu’il « truffe » un peu mais ce ne fut pas le cas…
Domaine de la Grange Tiphaine Montlouis « Clé de Sol » 2012
100% chenin. Vigne de 75 ans. Argile à silex sur calcaire. Exposition sud. Fermentation et élevage en barriques.
Nez assez évolué mais peu expressif sur la pomme au four et la cire d’abeille puis sur l’orange de Séville et la gelée de coing. On perçoit également des senteurs de bouquet garni (surtout laurier) et de menthe.
La bouche fait se succéder une attaque presque acidulée et une suite qui a tendance à s’installer et donner du confort par son gras. L’ensemble est compact et concentré mais manque un peu de délié et de finesse. Fin de bouche presque tannique et longueur correcte sans plus. Malgré une aromatique intéressante, le vin n’arrive pas à décoller et à vraiment séduire.
Primo piatto : bar de ligne, sauce au vin blanc, truffe et céleri rave en croûte de noisette
Domaine Bouzereau-Gruère Meursault Charmes 2016
50% charmes dessous et 50 charmes dessus. Rendement 45 hl/ha. Elevage en barrique pendant 12 mois (30 % bois neuf)
Nez discret, élégant, net et précis sur les fleurs blanches et les herbes aromatiques (marjolaine, laurier, romarin) puis senteurs d’agrumes et de pomme golden. Le boisé reste imperceptible. A l’aération, on a davantage de notes miellées et de pierre à fusil et la composante minérale prend de l’ampleur.
La bouche est nette, de grande classe avec un équilibre magistral. C’est élancé et tonique avec une celle concentration. Sans être de grande ampleur, tout en est en place dans une sorte de perfection froide. Belle mais pas exceptionnelle longueur. Vin architectural, un peu austère en l’état, avec un grand potentiel de développement. Très beau mais bien trop jeune.
Weingut Kollwentz Chardonnay Gloria 2010 (Neusiedlersee Hügelland – Autriche)
Limons très calcaires au pied des Leithagebirge. Altitude 300 à 325 m. Exposition SE. Vignes plantées en 1997 et 2003. Rendements inférieurs à 30 hl/ ha. Elevage en barriques françaises pendant 18 mois.
Bouquet intense et complexe, floral (rose, œillet) sans être pommadé ou écoeurant. Abricot, poire mûre. Pointe d’encaustique (cire). Beaucoup d’épices douces (cardamome, menthe, badiane) et d’agrumes (surtout mandarine, citron). Elégant et séduisant.
Après une attaque toute en douceur, la bouche se montre concentrée et juteuse tout en restant déliée. Tout est nuancé avec de nombreux rebonds entre structure et retro aromatique. Ce n’est ni extrêmement compact ni particulièrement ample mais la présence, l’équilibre et le fruité sont exceptionnels. Grande longueur fraîche avec des amers épicés subtils.
Grand chardonnay dans la force de l’âge.
Domaine Marc Colin Chassagne Montrachet Caillerets 1988
Bouquet discret qui ne fait pas vraiment son âge sur les agrumes mûrs, les fruits secs et le miel d’acacia avec une pointe de champignon frais et d’orange amère puis également des nuances plus végétales de foin et d’écorce de chêne.
La bouche est nette et pleine. Davantage qu’au nez, l’évolution se marque par une certaine patine avec de l’encaustique et des feuilles mortes en rétro. L’équilibre est maintenu avec concentration, fraîcheur et toujours un bel éclat. Quelques amers en fin de bouche ne gâchent pas la belle impression générale. Finale subtile sur le caramel amer mais sans persistance fantastique même si la longueur est plus que correcte. Beau vin pas fané du tout même s’il a sans doute perdu en énergie pure au fil du temps.
Avec le poisson, c’est le Kollwentz Gloria qui donne le meilleur répondant direct par adjonction aromatique alors que le meursault propose davantage de subtilité. Le chassagne ne joue pas et tourne le dos au plat.
Carne : brasato al barolo, gratin de pommes de terre au romarin, carottes
Cantina Rizzi Barbaresco Pajoré 2014
Bouteille ouverte par erreur (c’est le Boito Riserva 2007 qui était prévu).
Marnes argilo-calcaire. Exposition sud, altitude 230 à 300 m. Vignes de 1960, 1965 et 2008. Rendement 40 hl/ha. Fermentations en cuve inox puis élevage de 12 mois en foudres suivi par 8 mois en cuve ciment.
Nez d’intensité et complexité mesurées sur les fruits rouges macérés (framboise, groseille, airelle), le végétal épicé et le cuir. La bouche est structurée et pleine avec une concentration appréciable mais en demi-corps. Tanins fins présents mais sans assécher. L’ensemble demeure austère et assez vif sans être vert. Cela manque clairement de fondu, de charme et de longueur. Aucun plaisir en l’état et à revoir dans 5 ans.
Az.Agr. Ettore Germano Barolo Ceretta 2004
Argilo-calcaire à forte concentration de calcaire actif. Exposition sud et sud-est, altitude 350 à 400m. Vignes de 1949, 1963 et 1995. Fermentation en cuve inox puis élevage de 24 mois en pièces et tonneaux de diverses dimensions (y compris barriques mais pas de grands foudres).
Bouquet bien expressif sur la confiture de prune et autres fruits noirs, la réglisse, les fleurs séchées et les épices (macis, baie de genévrier, menthe poivrée). On perçoit également des notes plus balsamiques, cuir et des nuances végétales (eucalyptus). C’est très séducteur et profond sans être particulièrement élégant.
La bouche est plaine, ample et puissante. Les tanins sont veloutés et mûrs mais toujours bien marqués. L’ensemble se montre concentré avec une très belle texture fraîche, franche et bien équilibrée avec du caractère et du volume. Magnifique fin de bouche bien persistante sur les épices et la réglisse.
Très beau vin déjà savoureux actuellement mais qui peut /doit encore vieillir quelques années.
Az.Agr. Luigi Pira Barolo Vigna Rionda 2004
Argilo-calcaire. Exposition SO et Ouest, altitude 330 m. Vigne de 1994. Rendement 35 hl/ha. Elevage partie en barrique et partie en foudres pendant 24 mois.
Robe étonnamment sombre. Bouquet retenu mais très profond, très réglissé puis exprimant des senteurs de tarte au corin et de fleurs séchées. L’aération le complexifie : fruits rouges mûrs, cerise noire, pointe de tabac et surtout un côté balsamique plus entêtant évoluant en sous-main vers l’eucalyptus, l’encens et le menthol.
La bouche est volumineuse avec des tanins gras et mûrs dont la texture de velours pourrait aussi s’expliquer par l’alcool sous-jacent mais perceptible. C’est ample et concentré dans un style compact et musclé mais frais. L’alcool arrondit les angles et rend le vin plus facile à aborder que le Ceretta. Persistance réglissée appréciable.
Très beau vin qui passe en force mais sans aucune rusticité. Proche d’un grand, statut qu’il mériterait avec un soupçon d’élégance en plus.
Evidemment, accord évident des deux vins avec le plat.
Formaggi : déclinaison de comté (8 mois, 18 mois, 30 mois)
Domaine Jean Macle Château Chalon 2002
Bouquet puissant sur la noix fraîche, les champignons des bois, les fruits secs mais aussi des arômes plus frais de fougère et de fleurs des champs. A l’agitation, les notes plus lourdes de réglisse, de fumée et de lard puis de cumin se mêlent aux premières avec aussi de la pomme au four. Complexe et raffiné malgré l’intensité.
La bouche se montre très concentrée mais aussi de grande finesse malgré un côté tannique évident. L’équilibre est subtil entre nervosité et concentration, énergie et fraîcheur. Fin de bouche délicatement citronnée et persistance saline interminable. Grand vin.
Dolce : parfait au génépi
Cave Des Bouquetins Arvine du Valais 1999
Vignoble situé au-dessus de Sion. Raisins cueillis en plaine maturité et parfois mi-flétris. Elevage en cuve inox.
Bouquet discret mais délicat, profond et complexe, très floral (fleurs blanches, églantier, tilleul) mais aussi plein de fruits mûrs voire confits (abricot, pêche, coing) et d’épices tandoori. Poin§te d’encens, de miel et de réglisse avec un retour du floral insistant.
La bouche est fine et subtile, aucunement pommadée et présent un bel équilibre entre liqueur et acidité. Style sec-tendre tout en délicatesse avec une fin de bouche saline et juteuse. Persistance de longueur moyenne sur l’abricot mûr qui laisse la bouche fraîche.
Très belle bouteille qui vaut par son équilibre magistral à défaut de l’ampleur et de la puissance d’un vrai liquoreux. Parfait équilibre entre les sucres du vin et ceux du dessert.
After
Bouteille ouverte à la volée et sans doute largement sous-évaluée le jour même car fermée à double tour. Commentaires à J+2.
Tom Litwan Thalheim Chalofe Aargau AOC 2011
100% pinot noir. Argilo-calcaire. Vignes plantées en 1969, 1998 et 1999. Macération à froid. Vinification partiellement en vendange entière (max. 20%) et élevage en barriques pendant 12 mois dont 20% neuves.
Premier nez encore bien retenu sur le chocolat au lait et la vanille. Par la suite de belles notes de fraise des bois, de confiture de prune, de menthe et de cuir de Russie finissent par s’imposer. C’est assez entêtant sans être vraiment très complexe. Avec une aération plus prolongée, s’ajouteront des notes florales ainsi que du bois de réglisse et du tabac de Virginie. Grande élégance.
En bouche, la matière est délicatement fruitée. C’est bien mûr avec des tanins parfaitement lissés. Peu de concentration en profondeur mais un joli volume et un très bel équilibre général. Le vin gagne en ampleur au fil de la dégustation. C’est très séduisant et frais malgré une acidité plutôt basse. Retour de l’élevage en fin de bouche avec une persistance légèrement sucrée/épicée de bonne longueur.
Très beau vin stylé et tout en dentelle. Mais son profil risque de diviser les amateurs de pinot bourguignon…
Merci aux participants (qui se reconnaitront) et une pensée pour Marc Wuilloud.
Pierre