Catherine et les garçons, Méditerranée au sommet avec un Royal Kebir Frédéric Lung 1945 d’anthologie.
Et pourtant, ce soir là, il ne restait pas grand monde de notre petit groupe vu la pluie d’indisponibilités et de défections tardives : Olivier, Catherine, nous deux rejoints par David, Marie Annick et Jean Jacques. Et c’est bien dommage pour les absents, car outre le vin culte de François Audouze (maintenant on sait pourquoi), la soirée a vraiment été d’un niveau assez remarquable, tant au niveau des vins que des accords.
Blancs
1 Grèce. Moschofilero 2013. Domaine Skouras.
bulots à l’aïoli, petite salade de fenouil au citron
Le nez est fleuri à souhait jusqu’à laisser deviner le socle minéral où le chèvrefeuille et la rose s’épanouissent.
La bouche parcourue d’un fin perlant, frisotte légèrement avant de révéler son caractère acidulé, épanoui. Le jeu des amers pleins, la fine acidité qui les tend, toujours sur fonds de trame minérale prégnante, dégagent beaucoup de fraicheur. Sur la longue finale, la rose s’acoquine avec appétence au fruit de la passion.
Ce coté croquant, gouteux, franchement délicieux confirme qu’en 2018, les vins issus de ce cépage se goutent super bien. Durant mes séjours en Grèce ces derniers mois, je me suis souvent régalé du Moschofilero du domaine Tselepos.
2 Espagne Priorat. Nelin 2009. Clos Mogador.
brochette de gambas au kaki
Rien qu’à sa robe étonnante pour un blanc, que l’on situerait entre un vin orange et un liquoreux qui aurait fauté avec un rosé, ce vin parait pour le moins singulier.
Le nez incroyablement complexe, comme s’il explosait de toutes parts tout en restant concentré, presque recueilli, délivre à foison ses effluves de noix grillée, d’abricot sec, de coing, de raisin sec. Une caresse parfumée, ample, généreuse, dont le caractère oxydatif n’est que l’apparence d’une structure et d’un équilibre superlatif.
En bouche, la texture concentrée, profonde, généreuse, la rendrait presque grasse si la structure qui lui donne son assise, n’était pas animée d’un mouvement dynamique, vibrant, qui lui donne des aises et du volume. La finale s’ouvre et s’allonge en un long tunnel de parfums exaltants qui tournent et virevoltent sans fin autour de leur grain concentré. Je comprends que l’on puisse être déconcerté par ce vin « nourrissant » qui appelle l’accord gastronomique (poulet de Bresse à la crème). Moi, j’ai beaucoup aimé et en suis devenu lyrique en imaginant que face à un tel vin, ce n’est plus l’acide et l’amer qui se répondent en s’épaulant comme une architecture se dresse, c’est une légende qui s’écrit en bouche.
3 Languedoc Prieuré St Jean de Bébian 2002.
copeaux de foies gras aux girolles.
Le beau nez d’agrumes, ample, élégant, exprimant une jeunesse étonnante, a totalement digéré son boisé à la palette anisée. Très classieux !
La bouche équilibrée par sa fine acidité fait rouler sous la langue son beau jus plein, ses amers ronds tendus à souhait, sa longue finale à l’allure de houle un peu miellée. Son flot de saveurs rémanentes dessine comme un arc en ciel au fond de la gorge. Comme ce vin a bien vieilli !
4 Collioure rosé La Goudie 2016. Domaine de la Rectorie.
tartelette à la tomate et à l’olive noire inspirée de Senderens.
Le nez friand, épicé, fin et structuré dégage un charme fou ; il déploie des arômes de fraise, de grenade, d’amande amère, recouverts d’un voile un peu mentholé. Plus il s’aère, plus il prend une ampleur réjouissante peu commune sur un rosé.
La bouche révèle que cette ampleur se développe sur un amer plein, épicé, gouteux, qui exprime des saveurs délicates que nombre d’entre nous, par analogie, rapprochaient d’un encens fin qui les réunirait toutes. La finale est couronnée d’un parfum de fraise des bois résolument craquant. Je n’étais pas le seul à penser que c’est l’un, voire le plus beau rosé gouté à ce jour. La vue de l’étiquette affichant 15°rend d’autant plus émouvantes sa fraicheur et sa gourmandise. Mais pourquoi n’en ai-je acheté qu’une seule bouteille quand je suis passé au domaine ?
Rouges
5 Bandol. Moulin des Costes. Charriage 1998. Domaines Bunan.
rouget barbet grillé, sauce au foie de rouget et tapenade d’olives noires.
Nous avions gouté ce vin, il y’a 6 ans, et pour ma part, mes impressions restent les mêmes : « Au nez, de la puissance, du volume, un beau grain où le fruit noir, le cuir, l' olive noire, la réglisse, le chocolat assez prononcé, convolent gaiement, avec un début de notes tertiaires (humus) largement moins prononcées que sur le Pradeaux précédent, tant le vin au boisé totalement fondu, est tendu, pénétré de fraicheur, si jeune encore.
La même énergie anime la bouche, avec un fruit délicieux, généreux, porté par l’alcool (14,5°) sans aucune impression de chaleur, tant la fraicheur intense préserve l' harmonie. Un seul petit bémol avec des tannins un peu secs, à mon goût, mais c'est vraiment un vin superbe et une belle expression du mourvèdre ; plus sur le volume, l’énergie et la fraicheur, que sur la finesse et l’élégance, en comparaison du Pradeaux. »
Aujourd’hui le tout plus fondu a un caractère encore plus aimable : nez enchanteur, bouche veloutée gouteuse, le Mourvèdre à son meilleur quand il est épanoui.
6 Languedoc Prieuré de St Jean de Bébian 1998.
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Le nez exprime l’élégance, la finesse, l’harmonie ; tout est à sa juste place : le fruit mur, la réglisse, les notes de garrigue, les épices du bois. L’ambition de ce vin qui, jeune, paraissait très (trop) boisé porte ses fruits. Sur le Bébian 2000 regouté il y’a peu, j’avais ressenti et évoqué déjà que l’élevage était totalement au service de la vision que le couple Lebrun Lecouty avait de leur vin.
La bouche concentrée est veloutée, généreuse mais sans excès. Le coté croquant de ses tannins charnus est le pendant canaille de son coté polissé, résolument élégant. Son jeu de saveurs longues à souhait confirme que 20 ans (21) est un bel âge pour un Bebian de cette époque !
7 Algérie. Royal Kébir- Frédéric Lung 1945.
tagine à l’artichaut et aux petits pois.
Au nez, une douce caresse enveloppante, un grain aromatique profond, merveilleux dont tous les parfums totalement fondus en une seule fragrance, sont rentrés en unité, en totale harmonie. L’image qui vient tout d’abord est brulerie de café, mais c’est tellement plus complexe tant le moka regorge de fruits, d’épices et de mille nuances. Le plus impressionnant, c’est la folle jeunesse qui l’anime, la structure en place, son assise sans défaut.
Les mêmes impressions se prolongent en bouche, aucun ressenti de déclin dans la déclinaison de saveurs gouteuses, sensuelles, jouant un babil enchanteur tant le vin parait jeune. C’est vraiment un monument, une forme d’absolu qui à 74 ans procure un plaisir fou. On ressentait alors exactement ce qu’Audouze et le bloggeur Jacques Berthomeau ont pu dire de ce nectar : « sa majesté démocratique se boit comme un pur plaisir » Totalement incroyable ! Ah Olivier, tu nous gâtes, après un Porto 1834, un Lung 1945 ! j’écris ces mots alors que ce gout persistant, merveilleux flotte encore et encore et encore.
8 Liban Château Musar 1966.
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Les deux vins se goutaient en parallèle et à la question : « lequel est le plus vieux ? » tous les regards se portaient sur ce dernier. Mais à nouveau le Frédéric Lung est presque un extra terrestre !
Le Musar au nez follement sensuel, un peu poudré, a un caractère plus oriental, presque lascif. Si c’était une pâtisserie, çà serait un excellent loukoum. Le vin reste structuré mais on est plus sur un registre de « vieux vin » surtout sur la bouche qui tombe un peu court en comparaison du Lung et a perdu un peu de corps. Mais qui conserve par sa tension, l’écho de sa jeunesse. Un peu à l’instar des « vieux bons Bordeaux », ce n’est pas un vin affaissé, c’est un vin qui s’éteint doucement sur un bien joli couchant de saveurs d’oliban.
9 Espagne. Xeres vintage « vintage sherry-rich oloroso abocado »1997. Bodega Lustau.
sélection de fromages
Le nez dense, profond, enveloppant déploie une palette complexe : fruit noir, datte, figue, touche de banane, écorce d’orange, le tout empreint de réglisse un peu fumée. Le réglage précis du fil acide prégnant, de l’alcool et du fruit détermine un équilibre et une fraicheur remarquables.
La bouche grasse et tendue est comme éclairée, animée par le même équilibre acidité alcool qui stimule les saveurs, leur donne de l’aise et du relief, un vrai dynamisme. Sur la finale, elles dansent un enroulé déroulé de caramel brulé qui nous régale. C’est vraiment un vin magnifique.
10 Sicile. Muscat Passito di Pantelleria. Sangre de Oro 2006. Carole Bouquet.
gâteau au chocolat à l’écorce d’orange.
Quel beau nez, quelle finesse, quelle fraicheur quand sa palette de parfums s’ouvre toutes ailes déployées ! Son coté floral, presque pimpant, égaye son coté fruité, et plus on se rapproche de leur point d’alliance, plus le nez déploie un festival d’arômes (melon, rose, fruits exotiques, citronnelle) tout en dentelles, d’une précision touchante.
Le vin porte bien son nom, c’est du sang que l’on boit. L’analogie se réfère à sa texture pleine, grasse à souhait, voluptueuse, mais lumineuse comme un or liquide, fin, très aromatique, jamais lourd presque aérien. La bouche se croque tout en s’allongeant avec légèreté, un liquoreux merveilleux.
Quelle belle conclusion à cette dégustation !
Voila et comme nous arrivons à Noel avec son lot de cadeaux à faire, j’aimerais vous faire partager ce qui occupe depuis de nombreux mois, mes jours et mes nuits autour de l’œuvre musicale de mon père
André Popp
dont le coffret de 6 cd que j’ai conçu pour Universal, est vraiment une belle anthologie de son oeuvre de compositeur, arrangeur, chef d'orchestre. 7 heures de belle musique à un prix plus que doux.
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Joyeux Noel
Daniel