(acide).
Fécamp.
Petite cité paisible, nichée dans une large valeuse.
Cité laborieuse, ville industrieuse, joli port de pêche, et porte ouverte vers le monde.
Fécamp.
Tu as dominé les mers, mais tout le monde t’a oubliée. Qui, de nos jours connaît ton glorieux passé ?
Fécamp.
Aujourd’hui ne viennent à toi que des touristes en mal de mer, confortablement installés sur les terrasses grignotant tes quais lourdement pavés.
Fécamp. La France te doit tant. Pour nourrir un peuple, tes hommes partirent vers les mers inconnues. Certains n’en revinrent jamais. Coulés par les Icebergs d’Island ou éperonnés par les transatlantiques qui gagnaient New-York en croisant par Terre-Neuve.
Fécamp. Tes sublimes goélettes étaient autant de plumes posées sur les mers en furie. Au terme de marées dantesques, les plus chanceux de tes Terre-neuvas flambèrent leur compte dans les estaminets du quai Bérigny ; trop heureux d’en avoir réchappé.
Fécamp.
Ne subsiste désormais, dans tes ruelles muettes, que la fierté d’avoir pratiqué le Grand métier. Tes saurisseries éteintes, tes chalutiers à quai, contemplent hébétés un monde qui ne t’appartient plus.
Il faut aller à Fécamp. Ne serait-ce que pour revoir des amis qui nous sont chers.
Et, surtout, partager avec eux quelques jolies bouteilles.
Vendredi soir :
Pour accompagner un gigot de sept heures, magnifiquement fondant et subtilement épicé, j’ai opté pour le
Faugères Tradition 2018 d’André BALLICCIONI.
Faugères très classique, très agréable, facile et honnête. Ce vin s’est aimablement comporté sur la viande et a joué son rôle tranquillement, sans apporter plus qu’il n’avait à donner. Un Faugères de copains, pas forcément complexe, mais assumant parfaitement son rôle de passeur et de gai compagnon du gigot. Très bien.
Domaine André BALLICCIONI - Faugères Orchis 2015 :
Un vin superbe, bien plus complexe et délicat que le simple Faugères
Tradition 2018. On sent un travail de sélection des raisins plus poussé, plus ambitieux. Le nez distille des notes de fruits noirs compotés et de garrigue. De thym et de romarin. En bouche, le vin évoque une parenté avec Châteauneuf du Pape. Un vin large, long, puissant mais subtil. L’équation BALLICCIONI, en quelque sorte. Très, très bon. A boire.
Quand la suavité d'un Faugères rencontre la douceur d'un soir de bord de mer...
Domaine des Bernardins – Muscat de Beaumes de Venise - 2013
Magnifique couleur or rose. Nez renversant, floral à souhait, évoquant l’iris, le muguet, la ravenelle, la rose… Que sais-je encore ? Quelle classe !
Bouche confondante de naturel. Impression d’évidence, de facilité. C’est fruité, fin, délicat, aimablement sucré et, surtout, merveilleusement floral. Comme l’impression d’être une petite souris dans le laboratoire de GUERLAIN.
Ce vin est renversant. Quel bonheur de l’avoir oublié en cave et de lui avoir laissé du temps ! Gros coup de coeur.
Sublime Domaine des Bernardins 2013 ! Vin de grande classe.
Samedi midi :
Pauvre, très pauvre
champagne blanc de blancs MOUTARD, dégorgé en 2019.
Pour fêter mes 49 ans, j’ai malheureusement dérapé.
Je voulais un Champagne et j’ai cédé à la facilité. En entrant dans les caves Bérigny, j’aurais dû endosser le costume-du-LPVien-qui-ne-s’en-laisse-pas-compter. J’aurais dû…
Il fallait marquer le coup et, comme un pigeon que je suis (pourquoi avoir délaissé les crémants ?
), j’ai opté pour du Champ’ bling-bling –
OUAIS ! 49 ans ! Youpi ! - alors que j’aurais pu avoir la main plus heureuse.
Faiblement beurré, pas très complexe, pas très vineux… Le type-même du BSA anodin qui te fait regretter son prix. Seul qualité : il m’a été vendu frais par l’aimable vendeur masqué qui devait être trop content de s’en débarrasser à vil prix. En résumé : faible.
Mais chez Bérigny, il y a des pépites. Notamment un remarquable… Un remarquable… ? Un remarquable quoi ?
Un remarquable
muscadet La Haye Fouassière, Clos de la Houssaie 2014, de Laurence et Gérard VINET. Dernière bouteille du linéaire. Elle n’attendait que moi pour donner sa pleine mesure !
Alors là, les copains… Bravo au travail du caviste !
Même si, entre parenthèse, j’ai constaté que les rosés plus chers et moins bons occupaient plus de place que les jolis melons de bourgogne. Il faudra godiller encore longtemps pour que les bedonnants propriétaires de véhicules teutons repartent avec ce type de vin.
Mais revenons à cette aimable bouteille.
Un très joli nez s’exprimant par des notes minérales, fumées, iodées. Le fruit est présent, mais au 2e plan. C’est plein, dense, complexe et, si le vin était bu à l’aveugle, on pourrait penser à Chablis.
La bouche est volumineuse. Servi sur les huîtres, il récite une partition sans fausse note, interprétant brillamment le jus, soulignant la chair et poussant l’iode jusqu’à son paroxysme. P**AIN ! Quel pied !
C’est tellement facile, lisible, évident, qu’on signerait pour une marée de 6 mois !
Avec les crevettes, les bulots, il s’adapte sans broncher ; mettant en valeur les goûts salins et iodés des coquillages et crustacés. Un vin à rechercher ! 9,90 € prix caviste ; soit 4,45 € par année d'élevage. Super.
Le bonheur, c'est simple en fait...
Pour accompagner les dos de cabillaud saisis à la plancha (huile d’olive, oignon blanc nouveau, épices massala en quantité infinitésimale), j’ai choisi un
Cassis blanc 2019 du domaine du Paternel. 20,90 € prix caviste.
Bon. Ne tortillons pas du derche : gentil mais anodin.
Encore une bouteille à l’étiquette qui en jette, mais qui se révèle somme toute anodine. Et vendue pas mal cher.
Fruit très sauvignon, pas mal variétal. Bouche sympathique, mais sans réelle typicité. Pinard qui coule plus haut qu’il a le goulot. Souvenir d’un vin bien fait, mais sans âme. Jeune et un peu con, en résumé.
On ne peut pas dire que ce soit mauvais ; loin de là. Mais franchement, pour 21 balles, on paie l’appellation.
En parlant d'appellation...
Un vin à boire habillé "Blanc du Nil".
Ne pas oublier les mocassins en nubuck, sous peine d'accord raté.
On paie clairement la côte d’azur et les soirées Eddy Barclay : pantalons et chemises
Blanc du Nil, dentiers éclatants, teints hâlés, french manucure, nibards redressés au silicone, culs serrés dans les robes léopard, Louboutin et mocassins en nubuck…
Cassis : la ville des 2 CV Méhari vendues fort cher à quelques vieux beaux en mal de gloire. Pauvres mâles viagrisés, défilant chemise ouverte et torse velu dans l’espoir, sans cesse renouvelé, d’embarquer les naïades en mal de douche de champagne.
Cassis : Cité frivole où les grosses chaînes en or sont autant d’appâts destinés à ferrer les cagoles. Cassis… La côte d’azur dans sa face - sa farce ! - tragi-comique.
Cassis… Ton vin est une carte postale envoyée à une vieille tante et oubliée dans un tiroir.
Au terme de cette heureuse parenthèse, je m’égare un instant et respire l’air iodé. Face à la mer, contemplant l’infini, je survole les falaises de craie qui entourent le vaillant port.
Je rase la Valmont, ce charmant fleuve qui a dessiné le paysage. Et d’un coup d’aile, me voici au Cap Fagnet, effleurant la chapelle de la Vierge… Virage à 180° pour deviner, au loin les falaises d’Etretat.
Fécamp et ses blanches falaises de calcaire...
Fécamp. Qui a idée de ce que nous te devons ? Qui sait que la morue que tes hommes sont allés pêcher, sur le
Bonnet Flamand ou le
Grand banc, a nourrit le prolétariat français de Carmaux ou de Lens ?
Fécamp… Sur tes quais pavés, sur ta plage de galets, je marche en pensant à ce que tu nous as donné. Ton nom résonne en moi et sera à jamais un appel renouvelé...