Line-up de poids Lutèce : Toasts et Rhône
Il est midi. Soudain, la petite Camille, qui attaque gentiment sa purée sur sa chaise haute, ne peut que constater, les yeux écarquillés, l'invasion de sa salle à manger par des commensaux interlopes. Des mâles (d'où le titre), pas tous rasés de près, mais tout heureux d'ouvrir des boîtes de pâté et de se taper sur le ventre.
Moi j'arrive bon dernier, ayant été pris dans les bouchons. il va me falloir encore 30 minutes une fois attablé pour refréner une étrange envie de klaxonner et de changer de file.
Une fois calmé on peut se concentrer.
La dégustation, elle, se faisait sur un sujet libre, mais en 5h chrono.
L'ordre des bouteilles (toutes servies à l'aveugle par leur apporteur respectif), est déterminé au fur et à mesure, à la criée (celui qui parle le plus fort place sa bouteille). Il n'y a pas de Grand Ordonnanceur.
A ce niveau là c'est plutôt un succès parce que finalement il n'y a pas plus de couac qu'en faisant des efforts.
Vin 1.
Nez sur la reine claude et la pierre chaude.
La bouche est délicate, la bulle est fine, beaucoup de fraîcheur. Très agréable.
Il s'agit de
Foreau, Vouvray Brut 2012
Vin 2.
Nez sur le petit beurre, citron, miel, cire, avec de la pomme verte
La bouche est effilée et sèche.
Il a besoin d'air pour gagner en confort.
Il s'agit d'un
Vincent Renoir, Champagne Extra brut 2009
Vin 3.
Nez d'esprit printannier entre la pomme verte et la pomme blette, avec un peu de volatile.
La bouche est crayeuse, légère, finement aigre.
On reste dans un ensemble plutôt réussi, délicat et aérien.
Il s'agit de
L'octavin, Vin de France Pamina (Lot 15)
Vin 4.
Joli nez avec un léger pétrole, paraissant évolué (miel), citron, pomme.
La bouche est très peu acide, avec une matière ample, fondue voire onctueuse. On a un léger miel, et une très fine amertume qui rattrape l'équilibre par la manche.
Un vin clairement sur la largeur et le gras, surprenamment évolué et pataud une fois l'étiquette découverte.
Il s'agit de
Domaine Ostertag, Alsace Riesling Grand cru Muenchberg 2014
A ce stade le problème c'est que tous ces vins ne sont pas des vins de pâtés. Par contre le saumon fumé maison, délicat et bien gras, fournit un support parfait pour apprécier les blancs.
Vin 5.
Robe très pale
Nez assez élevé, fumée, amande, poire, pomme.
La bouche est fraiche, friande, mais évolue vers une texture légèrement séchante (peut être due à l'élevage ?)
La finale est joli et bien dessinée.
C'est très bon et le vin nous balade totalement à l'aveugle, personne ne s'approche de la bonne origine.
Il s'agit de
Roc des Anges, Côtes catalanes Imalaya 2019
Vin 6.
Nez sur les fleurs d'eau, chèvrefeuille, sève de pin, une suggestion de crème brulée.
La bouche est gourmande, énergique et puissante, sur une aromatique pâtissière de crème au citron.
La finale est légèrement séchante et boisée, mais longue, longue, sur ces notes d'amandes.
Très très joli, il y a du niveau. L'accord sur les ris de veau BBQ sera amha le meilleur parmi les blancs.
Il s'agit du
Domaine Maratray-Dubreuil, Corton-Charlemagne 2011
Interlude de préparation du barbecue, qui nous donnera l'occasion de porter quelques toasts et de ramasser les miettes d'un zalto, emporté par une petite bourrasque de vent.
Vin 7. (mon apport)
Robe d'une belle couleur grenadine à paillettes argentées, très légèrement trouble
Nez simple et frais sur la grenadine, la cerise, une touche de pamplemousse.
La bouche est ronde, avec une fine astringence. Acidité modérée. L'équilibre reste sur la fraicheur.
Finale plutôt courte.
Le vin démontrera qu'il est plutôt gourmand et facile (à picher).
Il s'agit de
mon Coteaux du RER B, cuvée unique 2020 *
* Pour les curieux: c'est un rosé de macération très longue, assemblage de 90% pinot noir, 5% xinomavro et 5% chasselas, alcool entre 12° et 13°, égrappé amoureusement, élevé dans la cuisine et embouteillé à l'arrache. Bouchage synthétique cette année, bien meilleur que le vieux stock de bouchons liège poussiéreux achetés 1€ les 100 à la brocante il y a 5 ans.
Vin 8.
Nez de fruits rouges, cassis, de cuir, orangette, infime note de sous bois. C'est tout en finesse.
La bouche est pleine, fluide, juteuse, finement tannique, précise.
La finale offre persiste assez longuement sur des tanins croquants.
Très bien !
Il s'agit de
La Sorga, vin de France Esprit Attila ? (14)
Service des ris de veau au barbecue, c'est vraiment une tuerie. Le vin a risqué un instant de passer au second plan, mais heureusement la bouteille suivante, un blanc d'un certain âge, a su nous éviter cet écueil et recentrer les débats.
Vin 9.
Robe dorée
Nez de curcuma, miel, noisette, pomme boskoop
Bouche avec une matière dense et grasse, surprenamment pas tout à fait patinée bien que clairement âgée.
Fine amertume, belle ampleur sans dureté.
Joli et bel performance de longévité !
Il s'agit de
Maison Delas, Saint-Joseph Sainte-Epine 1999
On passe (vraiment) aux rouges, sur une côte de boeuf grillée.
Vin 10.
Robe sombre, profonde,
Notes de cassis, cacao, touche florale, touche réglissée
La bouche est juteuse et fraiche, énergique ; soyeuse mais impactante.
Délicieux et évident !
Il s'agit du
Domaine des Pierres Sèches (Sylvain Gauthier), Saint-Joseph 2018
Vin 11. (mon apport)
Robe rubis sombre presque noire, jambes grasses et colorantes
Notes mentholées, cassis, prunelle, l'ensemble est plutôt discret.
La bouche est tannique, fraiche, costaude et rugueuse.
Elevage presque imperceptible. C'est spontané et énergique. C'est le copain qui parle trop fort et te bouscule un peu.
Pas de consensus pour ce vin.
Il s'agit du
Domaine de Beyssac, Côtes du Marmandais L'essentiel 2015
Vin 12.
Nez sur le cacao, poivre, prune noire, viande maturée.
La bouche est veloutée et délicieusement tendre, chocolatée, c'est de la dentelle, c'est presque régressif. Acidité moyenne.
Une petite bombe.
Il s'agit de la
Bastide Saint Dominique, Châteauneuf du Pape Secret de Pignan 2011
Vin 13.
Robe profonde, grenat légèrement brique.
Nez lumineux, floral et nuancé.
La bouche est énergique, les tanins hyper fins, la structure tout en hauteur.
Excellente finale, très longue, finement texturée.
Universel et redoutable d'équilibre.
Il s'agit de
Vega Sicilia, Ribera del Duero Valbuena 2006
Vin 14.
Robe grenat très claire, diaphane, légèrement tuilée.
Le nez est très fin, sur les sous bois, la prune un peu confite, les champignons de Paris frais, feuilles mortes. Le côté fruité va s'étoffer à l'aération, avec des notes de pot-pourri.
La bouche est tonique, portée par une acidité vive et qu'on pourrait presque qualifier de désaltérante tant le vin est digeste. On est sur l'aromatique de feuilles mortes. Puis belle reprise en côte avec du couple, les tanins millimétrés propulsent l'ensemble.
On dirait bien qu'on est sur un vieux pinot, mais d'où ? En tout cas c'est très vivant.
Le vin est très joli, enchanteur et haut perché. Il a réussi à tenir dans la séquence ce qui est remarquable.
Re-re-
Il s'agit de
Louis Jadot, Beaune Premier cru Bressandes 1995
Vin 15.
Robe d'or pâle
Le nez est discret, sur la noix, le curry, encaustique.
La bouche est sèche, sérieuse, avec de la noix et du miel. C'est ample mais avec un fond austère.
Pas trop de plaisir pour moi.
Il s'agit du
Domaine de Bellivière, Jasnière Les Rosiers 2000
Vin 16.
Nez exotique avec notamment de l'ananas. Quelque chose m'emmène dans le Layon (bon la bouteille fait certes alsacienne malgré la chaussette).
La bouche offre une liqueur tendre, équilibrée, avec de la vivacité. Je ne sais pas pourquoi mais je suis de plus en plus dans le Layon (il exagère de changer de bouteille pour nous égarer).
Finale réconfortante, joliment persistante. C'est très bon.
C'était un
Josmeyer, Alsace Grand cru Brand Pinot Gris L'exception 2009
Bien joué, moi qui suis passé au domaine il n'y a pas longtemps, je me fais vanner.
Vin 17. (mon apport)
Robe sombre, grenat tuilé, terne.
Nez mat sur le chocolat, la prunelle, le cassis et la terre humide.
La bouche est légèrement caramélisée, l'équilibre bien moelleux manque d'un poil d'acidité, c'est large et puissant. Il y a une suggestion aromatique de quinquina qui s'associe à une fine amertume.
Finale longue et agréable.
C'est bien bon mais ça manque de magie.
Il s'agit d'un
Quinta do Vesuvio, Porto vintage 1996
NB : le bouchon était couleux et plus qu'à moitié imbibé.
Vin 18.
Robe dorée pâle.
Très joli nez pointu sur l'orange confite et la crème brulée.
en bouche ce n'est pas imposant, équilibre où la richesse évolue en trio avec l'amertume et l'acidité.
Très digeste et parfait pour clore la session !
Il s'agit de
Tornyos Borhaz, Tokaji Aszu 4 Puttonyos 1995
Et voilà ! C'était une série plutôt sérieuse, excellente sélection pointue.
La fin de la série de rouge, notamment, était de très très haut niveau. Et puis quelques originalités pour notre groupe, avec des susucres portugais et hongrois, pays dont on ne fréquente pas assez la production.
Nous repartons nous réfugier dans le couvre-feux et démarrer le 3e confinement avec de beaux souvenirs.
Merci pour l’accueil et pour l'excellent moment !