Après quasi 2 ans d'absence forcée, nous reprenons les dégustations thématiques à la maison.
L'idée est de mettre en parallèle quelques grands terroirs propices à ce cépage et particulièrement de réunir le Centre Loire français et la Styrie du Sud autrichienne (ou inversément) avec quelques intrus.
Comme mise en bouche, ouverte au débotté
Azienda Vitivinicola Comm.G.B. Burlotto Langhe Sauvignon Viridis 2020 (Piémont –Italie)
Bouquet pimpant et expressif, un peu végétal (fougère) de prime abord puis exprimant des arômes d’agrumes, d’ananas frais, de feuille de cassis et de fleurs blanches odorantes. C’est net, précis et séducteur. La bouche est fruitée, savoureuse et bien juteuse. Fin de bouche fruitée de belle longueur soutenue par quelques amers sympathiques. Joli vin désaltérant, faussement simple, et assez addictif si on ne cherche pas à se prendre la tête.
Pour la suite du thème, mes commentaires sont un résumé d’une dégustation en plusieurs temps, de J-1 (ouverture de la bouteille) à J+1 (voire J+2) pour les fonds de bouteille.
Weingut Wenzel Sauvignon Ungefiltert 2018 (Neusiedlersee – Autriche)
Premier nez vanillé évoluant vite vers les fleurs blanches, le citron, l’ananas frais et des senteurs discrètes de pomme et d’épices. L’aération révèle également un fond plus salin virant par moment à des notes curieusement terpéniques et de poudre à canon. La bouche est pleine, plutôt riche mais déliée avec une matière sapide et mûre. Le vin reste élégant malgré une fin de bouche qui chauffe un peu. Bonne longueur soutenue par des amers délicats et une note plus levurée. Délicieux et peu variétal.
Domaine Fouassier Sancerre Les Chasseignes 2017 (Centre Loire – France)
Le nez peine à s’exprimer. On perçoit quand même des fruits blancs (mirabelle) et des agrumes (pamplemousse) derrière des senteurs plus végétales et légèrement fumées. Le caillou est présent en arrière plan. Quoique ténu, cela reste agréable. La bouche attaque de manière assez incisive pour développer ensuite un fruit juteux et enrobé. Mais l’ensemble donne une impression de flou et la fin de bouche rustique et sans charme met à mal la bonne impression initiale. Peu de persistance sur des amers rudes. Dommage car il y a du vin.
Les deux vins suivants sont servis en parallèle pour marquer la différence de terroir.
Weingut Bernd Stelzl Ried Hirritschberg 2017 (Südsteiermark – Autriche)
Marqué par la réduction et un peu monocorde au départ, le nez s’ouvre finalement sur les fleurs blanches (aubépine), les fruits jaunes et le tabac blond puis les pierres chauffées au soleil et des notes piquantes évoquant presque l’oignon. Tout cela se civilise avec le temps mais on a du caractère plutôt que de la séduction. En bouche c’est compact, puissant, concentré et sévère mais cette construction solide laisse malgré tout vivre un fruit mûr et frais. Fin de bouche persistante, très minérale, sur de beaux amers. Réserves imposantes et belles promesses mais il faudra sans doute un peu de temps.
Weingut Walter Skoff Ried Kranachberg 2017 (Südsteiermark – Autriche)
Nez expressif, au style variétal plus évident, sur les agrumes (pamplemousse, citron confit), le maracuja, le cassis et l’asperge. Des notes florales et iodées lui donnent de la complexité et un charme assez élégant. Légèrement perlante à l’attaque, la bouche développe ensuite une matière juteuse et fraîche. Même s’il manque un poil d’ampleur, l’ensemble se montre à la fois solide et affiné et termine persistant sur de beaux amers et des notes de pamplemousse agréables. Vin très accessible mais faussement facile car il y a du fond.
Domaine Jonathan Pabiot Pouilly-Fumé Aubaine 2017 (Centre Loire – France)
Nez mûr et ample sur les fruits exotiques jaunes, la mandarine et le miel. C’est complété par de très légères notes balsamiques frisant l’encaustique et quelques nuances florales. La bouche est ronde, ferme et fruitée, très mûre mais avec une certaine fraîcheur. En revanche l’ensemble manque un peu d’énergie et de définition. Finale de longueur correcte, quoique un peu vulgaire, sur des amers de mangue trop mûre. Où se cache l’aubaine ?
Venica & Venica Collio Sauvignon Ronco Delle Mele 2018 (Frioul – Italie)
Bouquet relativement discret sur la menthe poivrée fraîche, les agrumes et le foin coupé. Cela s’ouvre par la suite y ajoutant des notes plus épicées (cardamome, curry léger) sur un fond subtil de pierre chaude. C’est élégant. La bouche est magnifique, concentrée, élégante, dynamique avec du brillant malgré une structure plutôt limitée en envergure et en muscles. La persistance n’est pas énorme, bien que suffisante, mais il y a de la classe et de la subtilité dans ce cru.
Domaine Vincent Delaporte Sancerre Les Monts Damnés 2017 (Centre Loire – France)
Bouquet ouvert et complexe, aux accents très crayeux d’emblée, avec des senteurs de fruits blancs (mirabelle, pêche) et d’agrumes (pamplemousse rose, orange). La fleur de sureau s’y associe ainsi que de curieuses notes évanescentes de crème pâtissière. C’est séduisant et bien en place. La bouche est ronde, fruitée, ample et assez concentrée. L’équilibre est impeccable et le tout tonique et juteux avec une belle finale persistante sur des amers subtils de pamplemousse et une pointe de grillé. Un vin charmeur mais aussi sérieux dans sa complexité. Très bien.
Vie Di Romans Isonzo Sauvignon Piere 2014 (Frioul – Italie)
Superbe bouquet bien mûr, noble, profond et élégant sur les fruits blancs, les agrumes (citron) et les fleurs odorantes (jasmin). Par-dessus, flottent de belles et discrètes notes de poivre blanc et d’iode avec une touche plus saline en arrière-plan. La bouche est ferme, en demi-corps, concentrée à cœur tout en restant assez déliée. Si le milieu de bouche ne propose pas une énergie folle et campe sur des amers austères de ziste de pamplemousse, en revanche la finale se montre curieusement plus fruitée et tonique avec une belle persistance aux côtés salins affirmés. Excellent et à point.
Weingut Sattlerhof Ried Kranachberg 2012 (Südsteiermark – Autriche)
Bouquet plutôt discret mais de sensation très mûre sur les fruits jaune (abricot, mangue), le miel et les épices douces. Les senteurs florales se révèlent ensuite (jasmin, chèvrefeuille) avec une touche de silex frotté et de foin coupé. Malgré tout aucune lourdeur et c’est même plutôt élégant. La bouche est évoluée, ample et pleine, avec une belle définition. Le fruit est patiné et l’acidité basse rend le vin plus large que vertical tout en maintenant une fraîcheur suffisante pour éviter qu’il ne s’aplatisse. La fin de bouche est épicée (curry vert) avec une touche d’alcool et des amers toniques qui la soutiennent parfaitement avec persistance.
Domaine Jonathan Pabiot Pouilly-Fumé Prédilection 2017 (Centre Loire – France)
Nez mûr et riche, miellé avec des notes citronnées confites, végétales acidulées (fougère, herbe chaude) et pas mal de fruit exotiques (ananas, fruit de la passion). C’est assez expressif dans son côté variétal mûr assumé et finalement agréable sans être addictif. La bouche est dense, ronde et ferme à la fois avec un fruit mûr et concentré. Elle propose un beau dynamisme et même une certaine tension malgré sa richesse et une fin de bouche chaude et presqu’un peu alcooleuse. Très belle longueur sur le marc. Le vin joue la séduction immédiate plus par son opulence un peu racoleuse que par sa finesse. Très bien si on est adepte de ce style ; moins intéressant dans le cas contraire.
Domaine Gérard Boulay Sancerre Comtesse 2017 (Centre Loire – France)
Bouquet encore discret mais déjà complexe sur les fruits exotiques (fruit de la passion) et les agrumes (pamplemousse, écorce d’orange). On perçoit également des senteurs de fleur des champs et touche de miel et de fumée. Des notes salines et presque crayeuses s’imposent transversalement et donnent du peps. La bouche est pleine et riche avec du nerf, du jus et une belle énergie interne. L’ensemble est puissant et volumineux mais surtout profond et empreint d’un fruit salivant. Fin de bouche saline très persistante avec des amers superbes. Vin de grand format. Excellent.
Weingut Stefan Potzinger Ried Sulz Cuvee Joseph 2019 (Südsteiermark – Autriche)
Nez ouvert et expressif sur les fruits blancs (poire, prune blanche) et les épices avec une pointe végétale. Ensuite les agrumes (pamplemousse) s’»imposent davantage avec des florales tirant vers la lavande, un soupçon de sucre candi et des note boisées et rôties presque résinées. La bouche est ronde et grasse, juteuse mais plus horizontale que verticale, avec une sensation de plénitude et de richesse et un équilibre sans reproche. La fin de bouche est un peu chaude mais n’impacte pas trop une finale sexy, longue, fraîche et lisible sur le fruit mûr. Le vin traduit une mise en place impeccable de tous les éléments mais manque peut-être d’un supplément d’âme et d’accroche pour emporter tous les suffrages. A noter que le vin s’affine et se tend à J+2…
Domaine Vacheron Sancerre Les Romains 2016 (Centre Loire – France)
Bouquet net et complexe, profond, sur le végétal aromatique et les fleurs (feuille de cassis, persil, sarriette, tilleul, verveine) ainsi que les fruits acidulés (citron, rhubarbe) le tout asorti de senteurs de pierre froide et humide. C’est d’une élégance remarquable. La bouche propose un fruit acidulé. C’est séveux et cristallin d’une rectitude et d’une densité de haute volée. Il y a du gras mais il arrive à peine compenser le caractère effilé et sévère de l’ensemble. La structure axée sur l’acidité frise le déséquilibre. C’est donc une tension à la limite du supportable en dégustation pure qui domine. Finale très longue avec un dynamisme traçant. A revoir à table pour en profiter davantage.
Weingut Aldinger Sauvignon Ovum 2016 (Württemberg – Allemagne)
Bouquet ouvert très fumé avec des notes de café, de caramel, de chocolat au lait et d’épices (paprika). Les senteurs dominantes de torréfaction masquent un fruit blanc mûr pourtant présent en sous-main. La bouche est dense, crémeuse et bien concentrée avec pas mal de ressort donné par un fruit acidulé. La structure présente un gros volume mais l’ensemble demeure austère et ne parvient pas à surmonter les traces de torréfaction qui surgissent à tout moment. En fin de bouche, le caramel se dispute la primauté avec le végétal. Grande persistance finale, épicée et à nouveau torréfiée laissant place en bout de course à des traces d’artichaut. Décevant en l’état. Si les notes de torréfaction s’estompent et s’harmonisent à l’avenir, on pourrait avoir un très beau vin (certains évoquent d’ailleurs Dagueneau…).
Les deux vins suivants sont également servis en parallèle pour illustrer la différence de style entre les régions.
Weingut Polz Ried Hochgrassnitzberg 2017 (Südsteiermark – Autriche)
Nez assez réduit au départ qui s’ouvrira lentement sur les fruits blancs (mirabelle), les herbes aromatiques (marjolaine) et la fleur du sureau. Par-dessus on perçoit des notes de pierre chaude et de fumée qui évoluent presque vers un côté lardé. C’est très élégant et on pressent un complexité future qui ne s’exprime pas encore complètement. La bouche associe fraîcheur et concentration à un haut niveau. C’est sérieux mais il y a de l’accroche et de la profondeur dans un équilibre parfait malgré une acidité perçue assez basse. La fin de bouche voit émerger à nouveau quelques notes salines et une grande persistance sur des amers classieux de pamplemousse et un retour végétal épicé. Pas encore complètement abouti aujourd’hui, ce vin a de grandes réserves pour l’avenir tout en étant déjà excellent maintenant.
Domaine Pinard Sancerre Le Petit Chemarin 2017 (Centre Loire – France)
Bouquet d’intensité limitée mais précis sur les fleurs des champs, les fruits de la passion, le zeste de citron, la compote de rhubarbe et les pommes au four. Quelques notes plus végétales et des senteurs de terre et de caillou complètent un panel agréable et assez élégant. La bouche propose un fruit mûr avec une fraîcheur tonique mais sans élan moteur pour vraiment élever le vin. L’ensemble est de belle construction, plutôt musclé tout en restant assez fin malgré tout. Une rétro insistante de compote de pomme imprègne le vin jusqu’à une finale persistante portée également par le citron vert.
Weingut Tement Ried Zieregg 2017 (Südsteiermark – Autriche)
Assez fermé au départ, ce vin donne d’emblée l’impression de renifler une terre caillouteuse en plein soleil puis propose des senteurs variées de fruits (abricot, ananas, groseille à maquereaux, gelée de groseille rouge), de foin coupé et de fleurs (camomille). Ensuite surgissent discrètement fumée et notes iodées. C’est très complexe et démontre du caractère plutôt que de la finesse. On retrouve ce gros caractère en bouche avec des angles et une colonne vertébrale d’acier. C’est puissant, dynamique, frais, compact et vertical. Finale saline et presque tannique avec des amers évoquant la gentiane. Le vin apparaît aujourd’hui bien trop jeune et presque brutal. Grand vin en devenir avec un potentiel immense pour dans 10 ans.
Weingut Gross Ried Nussberg 2008 (Südsteiermark – Autriche)
Bouquet épuré et patiné, très complexe où se mêlent des senteurs d’agrumes, de miel de fleurs, de pierre chaude, de menthe fraîche, de cardamome et de chèvrefeuille. En fond de nez, on perçoit des nuances de végétal beurré et poivré qui font penser à une fondue de poireaux. Tout cela s’exprime avec finesse et élégance. La bouche est fondue, presque délicate mais pleine de personnalité et de profondeur. L’équilibre est d’une précision diabolique et l’ensemble harmonieux et frais. Grande longueur avec de la présence et des amers de belle finesse. L’intensité du vin va croissante du premier nez à la finale. Ce grand vin est dépouillé mais va à l’essentiel.
Avec les fromages
Weingut Gross Sauvignon Ehrenhausen 2017 (Südsteiermark – Autriche)
Bouquet ouvert sur les fruits exotiques, les fleurs blanches, le bourgeon de cassis, les fruits à noyau (abricot, pêche) et des notes discrètes de levure (pain frais). En bouche, le vin est sec, un peu sévère et assez tendu. C’est bien en place, il y a du gras pour enrober une belle acidité fruitée mais on aurait souhaité davantage d’éclat pour porter le vin. Fin de bouche plus minérale de longueur moyenne. C’est un bon compagnon de table, variétal sans excès.
En guise de bilan :
De l'avis de tous les participants, le niveau des vins étaient remarquable et la plupart du temps, leur profil n'aurait pas orienté le dégustateur vers le cépage en pur aveugle.. Faut-il parler de vin de terroir pour autant ou la qualité intrinsèque des crus explique t-elle ce constat : la question reste ouverte. Il faut noter également qu'en semi-aveugle comme c'était le cas, la région d'origine des vins n'a pas toujours été trouvée, loin de là.
Pierre