Missionné à Bruxelles chez ma fille pour garde de petits-enfants, je me suis dit que je pourrais m’octroyer une pause récréative…
Quelques messages envoyés par MP à des LPViens sympathiques, et me voilà invité chez Jean-Luc Javaux.
Quelques-uns n’ont pu se libérer, comme Olivier Mottard ou Fred1200 et encore d’autres, mais je suis plutôt bien entouré : nous nous retrouvons avec Jean-Luc (la sagesse et la gentillesse incarnées), Pierre (peterka, un puits de science et pourtant la modestie même), Philippe et Eric (champions du monde de dégustation lors de la première édition organisée par la RVF en 2013) et Laurent (ysildur, le petit jeune, mais double champion de France en titre et vice-champion du monde…). Il y a de quoi être intimidé !
Certains ont même pris leur journée en congés pour bien profiter de ce jeudi midi… après-midi… et presque début de soirée…
Jean-Luc habite à
un jet de pierre portée de canon de Waterloo et je sais donc gré à tous de ne pas avoir évoqué de façon appuyée un évènement douloureux qui s’y est produit !
Tous les vins ont été servis à l’aveugle, sauf pour leur apporteur et parfois Jean-Luc qui a ainsi pu organiser quelques paires fort judicieuses.
On débute avec trois Champagne non ou faiblement dosés, pour accompagner de superbes sablés au parmesan et au piment d’Espelette (dosé, lui, juste comme il faut
) et des gougères de compétition (croquantes à l’extérieur et fondantes à l’intérieur), les deux faits maison !
Champagne Laherte – Les Vignes d’Autrefois – Extra-Brut – 2011
La robe est de couleur paille.
Le nez très intense s’oriente d’abord vers les agrumes, surtout le citron, teintés d’une fugace note grillée, avant que les fruits blancs ne s’imposent.
La bouche se révèle élégante et équilibrée mais sa caractéristique la plus marquante est sans doute sa grande énergie, presque traçante, certainement plus due au millésime qu’au cépage. Une certaine densité, la bonne sapidité et la bulle caressante constituent un bel ensemble qui se termine bien sec, avec persistance.
Très Bien +(+)
Bravo à Eric qui trouve le meunier ; les autres étions tous partis sur le chardonnay.
Domaine de Bichery – Champagne – La source – Brut nature
La robe dorée montre quelques reflets légèrement rosés.
Le nez expressif et fin affiche un fruité avenant, mêlant fruits blancs et fruits rouges, avec une touche de fruits secs et une autre d’épices. Quel beau nez !
Dotée d’une bonne charpente et d’une belle finesse, la bouche manque cependant d’un peu de peps pour lui apporter précision et droiture. C’est dans une deuxième phase que l’acidité se manifeste pour étirer la finale, aidée par de fins amers.
Très Bien + avec une promesse de bel avenir
Champagne Vincent Couche – Chardonnay de Montgueux – Brut nature
La base est du 2013 et le dégorgement date de 2019.
La robe est claire, avec des reflets gris-verts.
Bien intense, le nez associe avec élégance des agrumes tels que citron et cédrat à des fruits blancs et des tonalités crayeuses.
La bouche adopte un profil droit avec beaucoup de concentration et d’impact. Bien goûteuse, elle est parée d’une bulle harmonieuse et se laisse fort apprécier jusque dans sa longue finale vibrante, rehaussée par une élégante amertume.
Ce Champagne reprend les qualités de chacun des deux autres et emporte donc les suffrages.
Excellent
On poursuit avec deux chardonnay de Belgique !
Bonne idée et bravo pour la découverte !
Vignoble du Château de Bousval – Jardins de Wallonie – Tout cru – Chardonnay – 2020
La robe de couleur paille possède quelques reflets verts de jeunesse.
Le nez bien ouvert, surtout après aération dans le verre, se montre très avenant et fin en offrant des fruits blancs purs, de belle définition.
La bouche est dans la continuité, délicate et sans artifices, ajoutant une minéralité pierreuse à la palette aromatique fruitée du nez. La finale est évanescente mais de bonne allonge.
Très Bien +
Le chardonnay ne faisait pas trop de doute mais tout le monde a cru déguster un Chablis premier cru !
Domaine de la Falize – Namurois – Chardonnay – 2018
La robe arbore un or clair.
Très intense, le nez est marqué par l’élevage sans doute un peu ambitieux, avec des arômes d’amande et surtout de clou de girofle.
Ces notes d’élevage passent mieux en bouche en essayant de s’intégrer dans une matière charnue, habillée de gras et d’un beau volume, sans réussir à se fondre complétement. Le clou de girofle ressort en effet dans la finale de longueur honnête.
Bien ++ / Très Bien et certainement mieux pour les amateurs d’élevage luxueux.
Le vin sera-t-il plus abouti et harmonieux dans quelques années ? La question est posée, et je ne chercherai pas à être devin pour apporter une réponse.
On continue avec un grand vin de Loire pour accompagner une superbe entrée.
Domaine François Cotat – Sancerre – Les Monts Damnés – 2008
L’or clair de la robe brille de tous ses feux.
Le nez s’exprime avec une puissance certaine. Le premier nez est assez désagréable, sur le vieux pneu, puis l’aromatique se transforme en pétrole et évolue enfin vers la croûte de fromage, la craie, les fruits jaunes qui tirent vers l’exotisme.
Ample et généreuse, enveloppée d’un voile de gras nappant, la bouche est bien construite, avec beaucoup d’aplomb, une juste acidité et un ressenti bien gourmand. La finale de grande persistance révèle des arômes plus citronnés.
Excellent (+)
Cette bouteille confirme, s’il en était besoin, par rapport à mon expérience récente de la même cuvée sur les millésimes 2014, 2015 et 2016, qu’il faut être patient avec les vins de François Cotat.
Laurent m’a remis dans le droit chemin en me soufflant que je dois bien connaître la région alors que je m’égarais initialement sur le riesling, mais j’apporterai ma pierre à l’édifice en trouvant le vigneron alors que lui pensait plutôt à Dagueneau.
Saumon fumé maison sur gaufre de pommes de terre, crème citronnée et aneth
Ce plat est un régal et réalise ce que j’apprécie beaucoup : un ensemble harmonieux de textures entre le croustillant de la gaufre, le gras du saumon et le peps de la crème citronnée. De plus il permet au vin d’acquérir un peu plus de tension pour notre plus grand bonheur (4 + / 5).
Le hasard a fait que le vin suivant, bu tout seul en raison d’un taux de sucres résiduels important détecté à l'ouverture en début de matinée, est également de François Cotat.
Domaine François Cotat – Sancerre – La Grande Côte – 2010
La robe est différente, parée d’un or bien plus soutenu.
Très intense et riche, le nez développe un panorama varié d’arômes, allant des fruits exotiques au massepain et aux accents tourbés, de notes miellées à d’autres anisées.
La bouche est à l’avenant, opulente par son aromatique et aussi en partie par ses sucres résiduels très nets, plus que dans la bouteille bue précédemment il y a quelques années. Il y a un déficit d’acidité qui n’a pas d’impact négatif sur la bonne tenue de la finale sapide, mais plus sur l’équilibre global que la plupart des dégustateurs attendaient.
Très Bien ++ pour ce vin particulier et de forte personnalité, qu’il convient de connaître avant de le servir à table, et qu’Eric a adoré.
Puis deux blancs à titre de transition avant les rouges, dont la première de Pierre qui avait une bouteille de blanc entamée chez lui depuis deux jours.
Domaine Rollin Père et Fils – Pernand-Vergelesses – Les Cloux – 2019
L’or de la robe est bien brillant.
Le nez est doté d’une bonne intensité en exhalant des arômes très grillés, allant même jusqu’au pétard, qui ressortent par rapport à une base bien ancrée de fruits blancs.
La bouche se déroule doucement et finement, le boisé étant moins en avant et des accents gourmands plus présents, et bien aidée par une belle vivacité. Le profil en entonnoir renversé étonne, car elle finit très large avec l’élevage qui ressort.
Très Bien (+) pour ce vin à attendre, bien entendu.
Clos Rougeard – Saumur – Brézé – 2008
La robe vraiment très ambrée inquiète.
L’aromatique très intense du nez ne rassure pas : décadente, sur le caramel, le miel et les épices d’un souk.
La bouche confirme, malheureusement : décharnée et très acide.
ED, alors que le beau bouchon est à peine imbibé.
On attaque les rouges, bus seuls ou pour accompagner un formidable plat de viande.
Domaine des Roches Neuves – Saumur Champigny – La Marginale – 2006
La robe est assez claire et tuilée sur la frange.
Le nez exhale des arômes prononcés de petits fruits rouges bien avenants, mâtinés d’un soupçon plus végétal de poivron mûr.
La bouche bien charnue possède même une certaine mâche habillée de tanins mûrs mais le grain donne quand même une sensation de finesse. Elle nous gratifie d’une finale pure, lisible, élancée, d’une grande fraîcheur, et qui fait preuve d’une excellente digestibilité.
Très Bien +(+)
Une autre bouteille entamée chez Pierre deux jours auparavant, mais rassurez-vous, il n’a pas uniquement fini ses fonds de bouteille avec nous !
Domaine Guigal – Hermitage – 1990
La robe sombre est bien roussie jusqu’au cœur du disque, ce qui trahit son âge.
D’une belle intensité, le nez associe arômes sudistes, cacao, fruits noirs confiturés et pruneau, avec des arômes tertiaires comme le sous-bois.
La bouche est encore bien en chair et a conservé une belle acidité, ces deux caractéristiques étant appréciables et appréciées, mais les deux paraissent un peu dissociées. Pierre nous dit pourtant que le vin n’a pas bougé depuis deux jours, preuve qu’il se tient très bien. La longue finale sur le sous-bois et le cuir est encore bien assise sur des tanins solides.
Très Bien + mais a dépassé son top niveau à mon goût.
Sans le savoir, nous allons conserver la syrah, mais provenant de contrées plus lointaines…
Cave des Amandiers – Valais – Syrah les Tatzes – 2014
La robe assez sombre est nettement tuilée sur le bord du disque.
Le nez très intense envoûte le dégustateur en déployant des arômes de fruits noirs légèrement confiturés et des notes chocolatées, qui peuvent faire penser à du grenache, mais des touches fines florales, épicées et de graphite me ramènent sur la bonne piste grâce à ces marqueurs de syrah.
La bouche est pleine, enrobée et épanouie ; rien ne dépasse et le toucher soyeux ainsi que l’aromatique en rétro-olfaction aussi charmeuse qu’au nez déclenchent un plaisir certain. Elle ne manque pas d’acidité car elle s’exprime avec de l’éclat, jusque dans la finale de grande longueur et bien sapide.
Excellent (+) pour ce très beau vin et bien content d’avoir enfin pu goûter à un vin de ce domaine !
Tagliata de bœuf : une tuerie !
Vin et plat se sont parfaitement retrouvés avec leurs textures fondantes, les notes sanguines du plat apportant une composante supplémentaire à la gamme aromatique du vin (4 / 5).
The Joy Fantastic Winery – Californie – Santa Rita Hills – Helus Belus – Syrah Franc de pied – 2017
Assez sombre, la robe n’est ni jeune ni évoluée.
Très intense également, le nez est foncièrement différent par son aromatique qui mêle de la framboise fraîche à des accents sanguins bien présents. Seules quelques notes épicées le rapprochent du nez du vin servi en parallèle.
La bouche est portée par une belle acidité qui met en valeur le fruité gourmand et équilibre la sensation de sucrosité. La finale pointue, entravée par aucun tanin revêche, se montre persistante et bien nette.
Très Bien +(+) et difficile à positionner aux USA !
L’accord est tout aussi réussi avec la tagliata de bœuf, le vin s’arrondissant et rebondissant sur l’aromatique sanguine.
On reste à l’étranger mais on revient en Europe !
Giuseppe Rinaldi – Barolo – Tre Tine – 2013
La robe, moyennement sombre, montre des reflets très tuilés, qui tirent même sur l’acajou.
Le nez d’une belle intensité a clairement choisi la gamme tertiaire pour s’exprimer, avec des arômes de fourrure, de cuir noble et de bois précieux. C’est beau, surtout pour qui aime ces arômes patinés par le temps, et pourtant le vin n’a pas encore dix ans !
L’attaque en bouche se fait en douceur avant qu’un manteau de tanins, denses et fins, ne prenne le devant de la scène. L’ensemble fait penser à l’austérité classieuse des grands Pauillac, et c’est en tout cas distingué et racé.
Très Bien ++ et sans doute encore meilleur dans quelques années lorsque les tanins se seront assouplis.
Dalamara Winery – Naoussa – Paliokalias – 2019
La robe moyennement sombre dénote déjà quelques traces d’évolution.
Le nez développe très intensément des senteurs complexes, combinant des arômes balsamiques, des fruits noirs compotés, une pincée de pignon (!) et des notes florales.
Pleine et chaleureuse, la bouche n’est pas pour autant capiteuse et ne tombe en aucun cas dans la lourdeur. Elle est maintenue sur ses rails plus par de petits tanins encore droits que par une acidité affirmée. Elle se conclut par une finale élégante, plus affinée et assez persistante.
Très Bien +
On poursuit avec deux vins rouges en parallèle, pour maintenir le rythme.
Azienda Agricola Fontodi – Chianti Classico – Vigna del Sorbo – 2010
La robe assez sombre est ourlée de reflets bien tuilés.
Bien intense, le nez présente un registre évolué, très animal avec du cuir, sur un fond de fruits compotés.
La charpente en bouche est solide, s’appuyant sur des tanins denses et un peu asséchants. La chair de tendance sudiste la rend un peu plus aimable.
Bien ++ / Très Bien
Clos Rougeard – Saumur Champigny – Le Bourg – 2009
Moyennement sombre, la robe laisse apparaitre un début de tuilage.
Le nez propose, avec une belle intensité, un ensemble classieux et raffiné de cassis et de mûre, de notes florales et une touche de poivron mûr du plus bel effet.
La bouche racée et en même temps sensuelle associe puissance et finesse, un toucher de velours et une belle fraîcheur. La formidable persistance sur une acidité aérienne et un fruit croquant vient parachever ce beau tableau.
Excellent et encore, le vin a sans doute pâti des tanins du Chianti bu en parallèle.
Je pense que ce vin devrait aller encore bien plus loin en acquérant plus de complexité.
Avec un superbe plateau de fromages, on revient à deux vins blancs.
Bruno Cormerais – Muscadet Sèvre et Maine – Bruno – 2010
La robe est teintée d’un or clair.
Bien ouvert et frais, le nez se compose de fruits blancs et d’agrumes, de fleurs et de notes marines (mais pour ces dernières c’est peut-être étiquette découverte
).
La bouche est au diapason, bien fraîche mais sans acidité stridente, réussissant en fait un bon compromis entre un profil droit et un profil rond. La finale est salivante, simple mais très agréable, relevée par de beaux amers.
Très Bien (+)
C’était un piège amical de Philippe qui savait que je connais bien le domaine et cette cuvée en particulier mais ma mémoire n’est plus au top… Je suis donc tombé dedans et suis parti sur un savagnin ouillé…
Domaine Jean-Paul et Benoît Droin – Chablis Premier Cru – Montmains – 2014
La robe arbore un or brillant.
Fort intense et élégant, le nez entremêle des arômes typiquement beaunois de fruits blancs et grillés (réduction ou élevage ?) avec d’autres, marqueurs du chablisien, croûte de fromage et coquille d’huitre.
La bouche expansive, en largeur et en longueur, possède une étoffe au léger gras enveloppant. Le tout reste harmonieux et fin, avec la même belle aromatique, jusqu’à la finale fraîche et de bonne allonge.
Très Bien +(+)
Droin, c’est une valeur très sûre !
Jean-Luc n’est pas rassasié et nous sert un dernier rouge…
Domaine Confuron-Cotedidot – Vosne Romanée 1er cru – Les Suchots – 2005
La robe est bien sombre, surtout pour un pinot noir, avec un beau dégradé tuilé sur le disque.
Le nez intense exhale des fruits compotés et des notes plus fraîches de griotte, de ronce et de fleurs.
La bouche a du coffre et paraît capiteuse, avec des tanins encore fermes. Une bonne vivacité et une rétro-olfaction pleine d’allant permettent d’affiner la première impression qui a fait partir trois dégustateurs, dont moi, sur du grenache. Il aurait sans doute fallu le déguster à table pour mieux l’apprécier et je suis passé un peu à côté.
Très Bien (+)
Je suis d’autant plus étonné que le domaine, qui vinifie en vendange entière, est connu pour réaliser des vins plutôt austères… Le millésime suffit-il à expliquer ce décalage ?
Enfin, pour accompagner le dessert, toujours made by JLJ :
Domaine de la Rectorie – Banyuls – Cuvée Pierre Rapidel – 2006
La robe ravit par sa couleur claire bien cuivrée.
Très intense et élégant, le nez offre une aromatique attendue de cacao et de fruits noirs compotés.
La bouche est construite sur un équilibre d’école, bien stable sur ses quatre piliers alcool – sucre – acidité – aromatique. Elle se distingue notamment par sa grande fraîcheur et un côté épuré qui sont très appréciés en fin de repas et de dégustation. La finale bien persistante permet d’apprécier plus longtemps son grand raffinement.
Excellent
Moelleux au chocolat sur crème anglaise : saveurs et légèreté, très bien pour terminer !
L’accord (4 / 5) est d’un grand classicisme mais tellement bon !
Un immense merci à Jean-Luc, un véritable couteau suisse : cuisinier hors pair, déboucheur généreux de belles bouteilles, organisateur avisé, serveur aux petits soins…
Et merci à tous d’avoir si généreusement accueilli le petit français de son fin fond du Berry : les vins étaient très variés et de haut niveau, l’ambiance très conviviale mais en même temps suffisamment studieuse pour apprécier les vins à leur juste valeur et échanger, argumenter, débattre…
A une prochaine peut-être !
Jean-Loup